Abstracts
Résumé
Les Français qui émigrèrent vers les Amériques au xixe siècle furent très largement issus des marges géographiques de la France, le plus fort contingent étant fourni par les groupes basques, béarnais et bigourdans originaires des Pyrénées occidentales. Si des observateurs ont remarqué que des groupes de migrants conservaient, voire revivifiaient leurs traditions culturelles dans les pays d’arrivée, il ne semble pas en avoir été de même pour les Béarnais et les Bigourdans. (Nous laisserons de côté les Basques qui, par leur langue et statut spécifiques, ainsi que par le rôle de l’Église catholique, furent davantage amenés à maintenir, en l’organisant, leur identité.) Si l’on se base principalement sur les lettres de ces émigrés, il apparaît que l’identité béarnaise à la première génération se maintient dans un entre-soi à travers la perpétuation du parler béarnais, de la cuisine locale, de la pratique de certains jeux, et s’exprime et se renforce au travers d’un fort lobbying; en revanche, dès qu’il s’agit de présentation de soi dans la société environnante (par les vêtements notamment), on observe le souci de ne pas se singulariser; par ailleurs, quand les émigrés créent des sociétés d’entraide, c’est sous la bannière française qu’ils le font. On se demandera alors si la perpétuation de leurs traits culturels, plus que l’affirmation d’une identité, ne correspondait pas surtout à la nécessité de renforcement d’un groupe, tremplin et gage de l’intégration souhaitée. Cette hypothèse sera replacée dans la nature et l’époque de l’émigration pyrénéenne.
Download the article in PDF to read it.
Download
Appendices
Note biographique
Après une dizaine d’années passées en compagnie des châtaigniers pour en cueillir une thèse publiée en 1984 à Toulouse, intitulée Le pain de bois – Ethnohistoire de la châtaigne et du châtaignier, puis dix autres à honorer différents contrats de recherche (médecines populaires, femmes rurales, jardins potagers), Ariane Bruneton a eu en 1992 un coup de coeur pour des spécimens de lettres d’émigrants béarnais partis aux Amériques et a mis en oeuvre une collecte de tels témoignages. Un contrat avec la Mission du patrimoine ethnologique du ministère de la Culture (France) lui a permis de monter alors une équipe pluridisciplinaire à Pau pour une collecte plus systématique de ces documents. Ethnologue rattachée à l’Université de Pau et des pays de l’Adour, elle anime, depuis 1999, l’Association pour une Maison de la Mémoire de l’Émigration (AMMÉ) qui s’est constituée autour de ces préoccupations.
Notes
-
[1]
Jean-Pierre Pichette, « Le principe du limaçon, une métaphore de la résistance des marges », programme et résumé des communications, p. 10.
-
[2]
Travail effectué au sein de l’Association pour la maison de la mémoire de l’émigration (Ammé), 56 rue Émile-Guichenné, 64000 Pau (France) : emigr@wanadoo.fr.
-
[3]
Amaury Mars, Les Pyrénées et la Californie, San Francisco, J. Tauzy et co., 1898; Georges Lanson [dir.], Guide des Français en Californie : 1916–1917, 1917; Jehanne Biétry-Salinger [dir.], « Notre centenaire », Le guide franco-californien du centenaire, San Francisco, 1949, comme témoignages contemporains de la période étudiée; et comme travaux de chercheurs : Olivier Lafaye, Les Béarnais en Californie, TER Bordeaux iii, 1978; Annick Foucrier, Le rêve californien – Migrants français sur la côte Pacifique (xviiie- xxe siècles), 1999; Annick Foucrier, « Migrations et cultures : les Béarnais en Californie », Revue de Pau et du Béarn, n˚ 28, 2001, p. 307–324.
-
[4]
On peut considérer l’histoire de l’émigration basque et béarnaise comme « en miettes » suite à l’incendie de la Préfecture en 1908, qui détruisit l’ensemble des liasses de talons de passeports pour le xixe siècle. La reconstitution de cette histoire par la saisie de données concrètes est patiemment en cours par le dépouillement de séries archivistiques de toutes natures, effectuée par des bénévoles.
-
[5]
1856 : consécration de l’église française Notre-Dame-des-Victoires; 1858 : début de la ruée vers l’or de la rivière Frazer en Colombie-Britannique.
-
[6]
Olivier Lafaye, op. cit., p. 72.
-
[7]
Dans tous les extraits de lettres, nous conservons l’orthographe d’origine.
-
[8]
1 500 lettres environ repérées à ce jour émanant de 180 fonds différents, s’étalant entre le début du xixe siècle et 1940, avec un pic entre 1880 et 1910, provenant d’Amérique du Sud, du Nord et Centrale. Sur ce total, 200 environ proviennent d’Amérique du Nord.
-
[9]
Ariane Bruneton-Governatori et Bernard Moreux, « Un modèle épistolaire populaire – Les lettres d’émigrés béarnais », dans Par écrit : ethnologie des écritures quotidiennes, sous la dir. de Daniel Fabre, Paris, Éd. de la Maison des Sciences de l’homme, 1997, p. 79–103.
-
[10]
Ariane Bruneton-Governatori et Jeanne Soust, « Pourquoi écrire? Question posée à un corpus de lettres d’émigrés béarnais aux Amériques (1850–1950) », dans Correspondre jadis et naguère – Actes du 120e Congrès du CTHS – Aix-en-Provence, 1995, Aubenas, Éd. Comité des Travaux historiques et scientifiques, 1997, p. 467–480.
-
[11]
Michel Papy, « Lettres d’émigrés et typologie de l’émigration – Le cas des Béarnais aux Amériques (1850–1920) », dans Correspondre jadis et naguère, op.cit., p. 453–466; Michel Papy, « Les Lettres ordinaires – Terrain d’histoire », Alinéa, sciences sociales et humaines, Université de Grenoble, n˚ 10, juin 1999, p. 125–151.
-
[12]
Bernard Moreux, sociolinguiste, et moi-même avons déjà quelque peu traité les thèmes de l’acculturation et de l’identité : « Émigration aux Amériques et identité, d’après des correspondances d’émigrés béarnais du xixe siècle », dans Des identités en mutation, de l’Ancien au Nouveau Monde, sous la direction de Danielle Forget et France Martineau, Ottawa, Éditions David, coll. « Voix savantes », 2002, p. 171–189.
-
[13]
Du 8 juin 1897.
-
[14]
Alain J.-B. Lalanne, Du Béarn à New York : Raymond Orteig (1870–1939) – Histoire d’un mécène de l’aviation, Pau, Marrimpouey, éd., 2007, p. 162.
-
[15]
Ariane Bruneton, « Californie-Béarn : des émigrés écrivent au pays (1860–1916) », Pau, Ammé, ICN Orthez, 2007, p. 46.
-
[16]
Olivier Lafaye, op. cit., p. 114.
-
[17]
Correspondance Casamayou-Mayerau en cours d’édition avec France Martineau et Yves Frenette.
-
[18]
L’emphase est de nous, de même que dans toutes les autres citations, sauf mention contraire.
-
[19]
Telle que sa publicité proposée dans le Guide des Français en Californie le présente.
-
[20]
Confirmation orale d’Hernan Otero travaillant sur l’associationnisme français en Argentine (1850–1950).
-
[21]
Annick Foucrier, « Migrations et cultures : les Béarnais en Californie », op. cit., 2001.
-
[22]
Renaud Carrier, « La représentation d’un espace politique et culturel : le Béarn dans le discours des députés des Basses-Pyrénées (1870–1939) », dans Les variantes du discours régionaliste en Béarn, sous la direction de J.P. Barraqué et Christian Thibon, Universitaria Gascogne, ICN Orthez, 2004, p. 151–168.
-
[23]
Cité par Amaury Mars, op. cit., 1898, p. 270–271.
-
[24]
Bergerot fait ici allusion aux attaques des Aveyronnais qui dénonçaient les buts non avoués de cette association.
-
[25]
Amaury Mars, op. cit., p. 274.
-
[26]
Ce discours fut publié intégralement dans La République des Pyrénées du 27 octobre 1993.
-
[27]
Olivier Lafaye, loc. cit.
-
[28]
Renaud Carrier, loc. cit.
-
[29]
Renaud Carrier, op. cit., p. 159.
-
[30]
En 2002, il y avait deux candidats béarnais à la présidence de la République, François Bayrou (UDF) et Jean Saint Josse pour le Mouvement Pêche Chasse Nature et Tradition.