
Ottawa Law Review
Revue de droit d’Ottawa
Volume 55, Number 1, 2023–2024
Table of contents (6 articles)
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Allocution du juge McKinnon : Intronisation à la Société honorifique de common law
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Speech of Justice McKinnon: Induction Into the Common Law Honour Society
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Mixing Oil and Water? Redrawing the Limits of Contract Freedom After the Criminalization of Usury
Catherine Le Guerrier
pp. 11–48
AbstractEN:
Theorists who debate whether private law should remain truly private rarely consider the possibility of a disruptive collision between private law and regulation that would force the former to engage with public policy concerns. This article shows an example of such a collision, which was caused by Parliament’s choice to criminalize the act of agreeing to receive interest at more than 60% per year. Rather than voiding the contracts of sophisticated parties that ran afoul of the prohibition, Canadian common law courts adapted the doctrine of illegality and rules on severance rapidly to allow them to be upheld in part: first, the courts severed the obligation to pay any interest on the loan; next, they used blue-pencil severance to reduce the amount of interest owed; and lastly, they created a new remedy, “notional severance,” to craft a new contract for the parties, effectively making contract law directive rather than facilitative. In the end, notional severance was interpreted restrictively as only allowing lenders to recoup interest at exactly 60% per year. This paper argues that these collective doctrinal changes were haphazard, and compares them to the ways in which the Québec civil law courts responded to the new criminal provision. It also suggests that theories which stress the resemblance and proximity of private law with regulation are best suited to understand this line of jurisprudence, through which judges made the contract law directive to assert a competing vision of freedom of contract, rather than deferring to Parliament’s view.
FR:
Les théoriciens et théoriciennes qui débatent de la possibilité de donner au droit privé un caractère plus « public » tiennent rarement compte du fait qu’une collision entre le droit privé et la règlementation pourrait forcer le droit privé à se prononcer sur des questions de politique publique. Cet article présente un exemple d’une telle collision, provoquée par la criminalisation par le Parlement canadien de l’acte de percevoir des intérêts à un taux supérieur à 60 % par an. Plutôt que d’annuler les contrats des parties averties qui allaient à l’encontre de cette interdiction, les tribunaux canadiens de common law ont rapidement adapté la doctrine de l’illégalité et les règles sur la divisibilité pour les maintenir en partie : tout d’abord, les tribunaux ont supprimé l’obligation de payer tout intérêt sur le prêt ; ensuite, ils ont utilisé la divisibilité au moyen du « trait au crayon bleu » pour réduire le montant des intérêts dus ; et enfin, ils ont créé un nouveau recours, celui de la « divisibilité fictive », pour proposer un nouveau contrat pour les parties, donnant ainsi au droit des contrats un rôle directeur plutôt que facilitateur. En fin de compte, il fut décidé que la « divisibilité fictive » permet seulement d’imposer un taux d’intérêt d’exactement 60 % par an. Cet article soutient que ces changements relatifs à la doctrine étaient incohérents et les compare à la façon dont les tribunaux de droit civil du Québec ont réagi à la nouvelle disposition du Code criminel. Il suggère également que les théories qui mettent l’accent sur la ressemblance et la proximité entre le droit privé et la réglementation sont les mieux placées pour comprendre cette jurisprudence, par laquelle les juges ont mis de l’avant une autre vision de la liberté contractuelle, plutôt que de se référer à celle du Parlement.
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Eliminating Guilt by Association: Reviewing the Limits of Ezokola in Canadian Refugee Law Complicity Decision‑Making (2013–2020)
Aneta Bajic, Chun He and Andrew Koltun
pp. 49–103
AbstractEN:
A recurring question in Canadian and international refugee law has been when to exclude individuals from refugee protection based on their connection to international crimes. Article 1F(a) of the 1951 Refugee Convention excludes from protection those who have committed a crime against peace, a war crime, or a crime against humanity as defined under international law. The central concept is that of “complicity”: what level of involvement or connection with such crimes makes a person morally culpable, such that they should be excluded from refugee protection?
In 2013, the Supreme Court of Canada in Ezokola created a new test for complicity to break free from past patterns of excluding claimants based on guilt by association. The Court determined that exclusion from refugee protection is warranted only where the individual made a voluntary, knowing, and significant contribution to the crimes or criminal purposes of the group in question.
This paper evaluates the degree to which Canadian refugee law has made a definitive break with findings that amount to guilt by association for the purposes of Article 1F(a) of the 1951 Refugee Convention in the ten years since the Ezokola decision.
Our analysis suggests that, while the Ezokola decision had a positive impact, aspects of Ezokola’s analytical framework are unclear and inconsistently applied. Ultimately, further guidance is required if we are to fully realize Ezokola’s objective of eliminating exclusion findings that amount to guilt by association.
FR:
Une question récurrente en matière de droit canadien et international des réfugiés est de savoir quand exclure des individus de la protection des réfugiés en raison de liens avec des crimes internationaux. La section 1F(a) de la Convention de 1951, relative au statut des réfugiés, exclut de la protection les personnes qui ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, comme défini par le droit international. Le concept principal est celui de la « complicité » : quel est le degré d’implication ou de liens avec de tels crimes qui tiendraient une personne moralement coupable, de sorte qu’elle soit exclue de la protection des réfugiés ?
En 2013, dans l’affaire Ezokola, la Cour suprême du Canada a créé un nouveau critère de complicité afin de briser le cycle de tendances qui excluent des demandeurs d’asile sur la base de la culpabilité par association. La Cour a déterminé que l’exclusion de la protection des réfugiés n’est justifiée que lorsque l’individu a contribué volontairement, consciemment, et considérablement aux crimes ou aux objectifs criminels du groupe en question.
Cet article évalue dans quelle mesure le droit canadien des réfugiés a effectivement pu rejeter les conclusions fondées sur la culpabilité par association dans le cadre de l’article 1F(a) de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, au cours des dix ans depuis la décision Ezokola.
Notre analyse suggère que, bien que la décision Ezokola ait eu un impact positif, certains aspects du cadre analytique de la décision Ezokola ne sont pas toujours clairs ou bien appliqués. Finalement, davantage de direction sera nécessaire pour atteindre l’objectif de la décision Ezokola d’éliminer les décisions d’exclusion fondées sur la culpabilité par association.
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Considérations sur l’équité en matière de pertes et préjudices
Nathalie J. Chalifour
pp. 105–149
AbstractFR:
Les changements climatiques constituent une crise mondiale existentielle qui ont de vastes dimensions équitables et des répercussions en matière de justice climatique. Affronter le problème stupéfiant des pertes et préjudices — l’héritage des dommages laissés dans le sillage d’efforts insuffisants d’atténuation et d’adaptation — soulève des questions cruciales en matière d’équité et de justice. Cet article aborde la question des pertes et préjudices sous l’angle de l’équité et examine le cadre de gouvernance mondiale qui est en développement pour faire face aux pertes et préjudices. Il expose certaines des façons dont les changements climatiques auront des répercussions disproportionnées sur les populations du monde qui — en raison d’un ou de plusieurs facteurs d’identification et de constructions sociales tels que l’âge, la race, le sexe, la géographie ou le statut socio-économique — sont déjà confrontées à la discrimination et à l’inégalité systémiques. Il révèle également les défis de situer la responsabilité et l’obligation de rendre des comptes pour des préjudices survenant d’un problème d’action collective causé par des acteurs dont les profils d’émission sont radicalement différents et dynamiques. Appliquer une lentille de justice climatique et d’équité à la question des pertes et préjudices souligne l’importance d’une réponse normative aux changements climatiques qui privilégie la protection des droits de la personne, des droits des peuples autochtones, de la justice environnementale, de l’équité intergénérationnelle et de la protection des fondements écologiques dont dépend toute vie.
EN:
Climate change is an existential global crisis that has extensive equitable dimensions and climate justice implications. Confronting the staggering problem of the loss and damage — the legacy of harms left in the wake of insufficient mitigation and adaptation efforts — raises critical fairness and justice questions. This article explores the issue of loss and damage through an equitable lens and explores the emerging global governance framework for addressing loss and damage. It unpacks some of the ways in which climate change will cause disproportionate impacts for people in the world who — by virtue of one or more intersecting identify factors and social constructs such as age, race, gender, geography or socio-economic status — already face systemic discrimination and inequality. It also reveals the challenges of locating responsibility and accountability for the harms of a collective action problem caused by actors with radically different and dynamic emission profiles. Applying a climate justice and equity lens to the issue of loss and damage underscores the importance of ensuring a normative response to climate change that prioritizes safeguarding human rights, Indigenous rights, environmental justice, intergenerational equity, and protection of the ecological foundations upon which all life depends.
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Mediator Liability 23 Years Later: The “Three C’s” of Case Law, Codes, & Custom
Jennifer L. Schulz
pp. 151–186
AbstractEN:
In 2001, the Ottawa Law Review published my review of Canadian and American cases that considered and rejected negligence liability for mediator malpractice. Now, 23 years later, I have reviewed the case law from Canada, the United States, England, Australia, New Zealand, and South Africa and found that courts are still not holding mediators liable, even where their conduct is negligent. The case law states that mediators have a duty to act impartially, without conflicts of interest, without bias, and in a manner that allows parties’ rights to self-determination. However, there are no decisions that definitively outline a duty of care for mediators. Instead, courts occasionally revoke agreements reached in mediations where the mediator behaved poorly. I advocate for standards of care to be created so that in the future, mediators whose practice is substandard can be found negligent. My argument is that by combining the “three C’s,” case law (case law), mediator codes of conduct (codes), and the tort law principle of custom (custom), a future common law court will be able to articulate legal standards of care for mediators.
FR:
En 2001, la Revue de droit d’Ottawa a publié mon examen des décisions au Canada et aux États-Unis au cours desquelles la possibilité de la responsabilité pour négligence en cas de faute professionnelle du médiateur ou de la médiatrice [ci-après « médiateur »] a été examinée et rejetée. Aujourd’hui, 23 ans plus tard, j’ai fait l’analyse de la jurisprudence au Canada, aux États-Unis, en Angleterre, en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Afrique du Sud, et j’ai constaté que les tribunaux ne tiennent toujours pas les médiateurs responsables, même dans les cas où leur comportement était négligent. La jurisprudence indique que les médiateurs ont le devoir d’agir impartialement, sans conflits d’intérêts, sans parti pris et de manière à respecter le droit à l’autodétermination des parties. Cependant, il n’y a aucune décision stipulant clairement une obligation de diligence pour les médiateurs. En revanche, les tribunaux révoquent parfois des accords conclus dans le cadre de médiations où le médiateur s’est mal comporté. Je plaide pour la création de normes en ce qui concerne la diligence afin qu’à l›avenir, les médiateurs dont les pratiques ne sont pas conformes aux normes puissent être jugés comme négligents. Mon argument est qu’en combinant les « trois piliers centraux », soit la jurisprudence actuelle, les codes de conduite des médiateurs, et le principe de la coutume en droit de la responsabilité civile délictuelle, un tribunal de common law à l’avenir sera en mesure de définir des normes juridiques de diligence pour les médiateurs.