Nouvelle Revue Synergies Canada
Number 10, 2017 (Se) Raconter la création
Table of contents (7 articles)
Présentation / Presentation
Articles / Articles
-
De l’écriture « comme un couteau » à l’écriture « dans le vif » : Le vrai lieu d’Annie Ernaux
Mariana Ionescu
pp. 1–7
AbstractFR:
Plusieurs récits d’Annie Ernaux contiennent des réflexions sur son processus de création, mais c’est surtout dans L’écriture comme un couteau (2003) et Le vrai lieu (2014) qu’elle détaille le lien entre lieux, vie et écriture. Ces deux volumes d’entretiens éclairent l’origine de son désir d’écrire, les motivations et les circonstances qui l’ont poussée à dévoiler certaines expériences indicibles, ainsi que les stratégies de création qui lui ont permis de faire de l’écriture son « vrai lieu ». Après les premiers romans, le rejet de la fiction et des conventions romanesques s’impose à cette écrivaine soucieuse de trouver les mots justes, seuls capables de saisir la vérité de son milieu d’origine. Une fois dépassée l’étape de « l’écriture comme un couteau », elle s’appuie essentiellement sur la mémoire personnelle et collective afin de mieux capter l’intersection des histoires et de l’Histoire.
EN:
Several of Annie Ernaux’s works contain reflections on her creative process, but it is in L’écriture comme un couteau (2003) and Le vrai lieu (2014) in particular that she elaborates in detail on the link between places, life, and writing. These two volumes of interviews shed light on the origins of her desire to write, the motivations and the circumstances which pushed her to reveal a number of unspeakable personal experiences, as well as the creative strategies which enabled her to make writing her “true place”. After her first novels, and the subsequent rejection of fiction and of novelistic conventions, it becomes imperative for Ernaux to find the right words, alone able to express the truth of her place of origin. Once past the “writing as a knife” stage, she focuses primarily on individual and collective memory in order to better capture the intersection between stories and History.
-
Esquisse des chemins de la création chez Robert Melançon et Jacques Brault
Élise Lepage
pp. 1–11
AbstractFR:
Cette étude s’intéresse au discours portant sur la création poétique dans les œuvres de Robert Melançon et de Jacques Brault, faisant ressortir certains de leurs points communs et de leurs différences. Chez Robert Melançon, on remarque la prégnance des représentations de l’atelier, ainsi que les valeurs qu’elles véhiculent, telles que le travail, l’approximation qui perdure jusque dans le texte fini et la nécessité impérieuse de l’écriture. Melançon s’attache ainsi à la figure du poète-artisan et son écriture du carpe diem qui cherche à saisir l’éphémère. Chez Jacques Brault, c’est davantage la figure du lecteur qui retient, ainsi que les pratiques de réécritures de textes tenus pour fondamentaux ou de ses propres textes. Cette conception de l’écriture comme une chaîne de textes qui se répondent à travers le temps permet de préciser la métaphore du chemin présente dans plusieurs titres de ses ouvrages.
EN:
This article analyzes the discourse of poetic writing in the works of Robert Melançon and Jacques Brault, highlighting some of their similarities and differences. In Robert Melançon’s books, the representations of the workshop and the idea of the poet as a craftsman are given significant importance. The workshop embodies certain values, such as tedious work, the understanding that a piece of writing is always an approximation and that even a published text should display imperfection, as well as the imperious necessity of writing. The figure of the poet as a craftsman and Melançon’s writing of the carpe diem, that attempts to capture ephemeral moments, are central to his reflection on poetic writing. Jacques Brault however, puts more emphasis on the figure of the reader, and the practice of re-writing other’s essential texts, or his own. The concept of writing as a chain of texts that echo each other over time permits an explanation of the metaphor of the path [le chemin] which is present in several of his book titles.
-
Vivre de sa fiction, vivre dans sa fiction : le processus créateur au défi du numérique
Aimie Shaw
pp. 1–9
AbstractFR:
Cet article traite du rapport entre l’identité numérique d’un auteur et la création de son œuvre. L’auteur et moi (2012) d’Éric Chevillard sert d’étude de cas pour examiner le processus créatif à partir duquel la présence numérique de cet auteur renforce et avance son projet d’écrivain. Il s’agit de remettre en question l’authenticité du réel en analysant les façons dont Chevillard se confond avec ses personnages, qui sont souvent eux-mêmes des écrivains. Cette confluence d’identités devient d’autant plus complexe lorsque le numérique brouille les frontières entre le réel et le virtuel, permettant à Chevillard de se servir de son site-web, de son blog et de ses interviews pour effacer davantage toute distinction entre lui-même et son persona. La présence auctoriale, devenue protéiforme et omniprésente, est disposée à interroger les partis-pris du lecteur et à explorer les enjeux de la littérature contemporaine dans une culture numérique.
EN:
This article reflects on the relationship between an author’s digital identity and the creation of literary works. The Author and Me (2012, transl. 2014) by Eric Chevillard, serves as a case study to examine the creative undertaking by which the digital presence of this author reinforces and advances his literary project. The goal is to challenge the authenticity of the real by analyzing the ways in which Chevillard confuses himself with his characters, who are often writers themselves. This confluence of identities becomes more complex as the digital blurs the boundaries between the real and the virtual, allowing Chevillard to use his website, blog and interviews to further undermine the distinction between himself and his persona. Having become protean and ubiquitous, authorial presence is well-positioned to call into question a reader’s biases and explore the stakes of contemporary literature in digitally-mediated culture.
-
L’artiste universitaire, l’artiste théoricien : vers un paradigme intellectuel et artistique de recherche-création. L’exemple de Wassily Kandinsky, précurseur de la recherche-création
Pierre-Luc Landry
pp. 1–6
AbstractFR:
À partir de l’exemple fourni par les textes théoriques sur l’art visuel publiés par le peintre russe Wassily Kandinsky, je m’intéresse, dans cet article, à la méthodologie transdisciplinaire de la recherche-création ; en dépassant la simple réflexion d’un artiste sur son propre travail, la recherche-création réfute les idées reçues — fausses et inexactes — selon lesquelles la création est une forme de recherche et qu’un créateur en contexte universitaire est, nécessairement, un chercheur. Puisant à même le savoir produit par toutes les formes de création artistique et par les multiples domaines de la recherche que sont les études littéraires, l’histoire de l’art, la philosophie, etc., la recherche-création telle que pratiquée par Wassily Kandinsky, avant la lettre, montre bien que la théorie artistique dépendante d’une pratique créatrice peut, en explorant les langages de l’art et de la réflexion « savante », proposer des manières stimulantes d’être artiste théoricien, à l’université — et ainsi de faire de la recherche-création.
EN:
Starting from Wassily Kansindsky’s theories of visual arts, I discuss, in this paper, the transdisciplinary methodology of research-creation; while exceeding the artist’s naïve reflection upon their own work, research-creation refutes the false and inexact common preconceptions that artistic creation is equivalent to academic research and that a practitioner working at the university is automatically a researcher. Drawing from all creative forms and expressions, and from academic fields such as literature studies, art history, philosophy, etc., research-creation as practised by Wassily Kandinsky—before the concept was actually coined—shows that a theory of art depending on the theorist’s practice of said art can, while exploring art’s and academia’s different languages, suggest stimulating ways of being an artist and a theoretician at the university—hence, practising research-creation.
-
La scène de mentorat – (Se) raconter la création littéraire en plein travail
Johanne Mohs and Marie Caffari
pp. 1–9
AbstractFR:
Dans les formations en écriture créative et dans les maisons d’édition, le travail littéraire des auteur-e-s est souvent accompagné par un-e autre auteur-e ou lecteur/-trice professionnel-le (chargé-e de supervision, mentor, éditeur/trice), intervenant dans le processus d’écriture. L’article analyse les échanges de quatre duos de mentorat ainsi que leur impact sur le processus d’écriture. En référence à la « scène d’écriture », l’article décrit cette pratique littéraire ouverte par la présence d’un-e autre en tant que « scène de mentorat », dans laquelle le texte littéraire s’élabore au cours d’un dialogue continu. La scène de mentorat est aussi envisagée comme un dispositif performatif, dans lequel le texte a la fonction de script du dialogue. Quant à l’interaction entre texte, auteur-e et mentor, elle peut être comprise en tant qu’une chaîne de feedbacks.
EN:
In creative writing courses and in literary publishing situations, authors contribute to the writing of their colleagues, as editors, supervisors or ‘mentors’. Literary works in progress are thus critically discussed and reviewed within an ongoing dialogue. The literary text is at the centre of this setting, in which the writing scene is not reserved to the author alone, but opened by the presence of another and can thus be considered as a ‘mentoring scene’. The article analyses the dialogues of four ‘mentoring duos’, evaluating their impact on the writing processes. It considers this specific writing scene as potentially performative, whereby the text acts as the script of the dialogue and finally considers the specific interaction between text, author, mentor/supervisor as a ‘feedback series’.
-
L’imprévisible à l’oeuvre : les aléas du processus de création
Adina Balint and Kirsty Bell
pp. 1–10
AbstractFR:
Si « la création se nourrit des aléas, des forces non prévues » (Pierre Ouellet), cet article examine le processus créateur d’une poète et d’une artiste canadiennes contemporaines à partir d’événements imprévus qui renouvellent leurs pratiques artistiques. Ainsi, nous analysons l’imprévu d’un prix littéraire comme surprise favorable qui active des thèmes nouveaux dans l’œuvre de la poète métisse de Winnipeg, Katherena Vermette ; et l’expérience de la perte d’une œuvre qui est transformée positivement dans la pratique de l’artiste de la broderie et des textiles du Nouveau-Brunswick, Anna Torma. À travers ces exemples, nous montrons que l’impact de l’imprévu sur les pratiques, les techniques et les imaginaires de Vermette et de Torma affirment à la fois le caractère imprévisible et inachevé de l’acte créateur, et l’ouverture à des réflexions critiques novatrices sur l’invention et l’interprétation des œuvres.
EN:
As Pierre Ouellet proposes, “creation is bolstered by chance, by unexpected forces”. This article examines the creative processes of a contemporary Canadian poet and of a textile artist by considering unanticipated events that renew their artistic practices. We analyze the unpredictable announcement of a literary prize as a favourable surprise that acts as an impetus for new themes in the work of Winnipeg poet Katherena Vermette. We also analyze the way New Brunswick artist Anna Torma transforms the distressing loss of an artwork in a positive way. Through these two examples, we demonstrate that the impact of the unexpected on the practices, the techniques, and the imaginations of Vermette and Torma affirm both the incomplete and unpredictable nature of the creative act itself, and the value of diverse critical approaches in understanding the creation and interpretation of artistic and literary works.