Abstracts
Résumé
Dans le cadre d’une recherche anthropologique, nous avons étudié au sein de plusieurs établissements médico-sociaux l’écosystème de la relation de communication avec les personnes atteintes du syndrome d’Angelman (SA), particularité génétique générant notamment un retard de développement physique et mental, ainsi qu’une altération profonde de la faculté de langage.
Au travers d’un corpus de vingt-cinq entretiens semi-directifs effectués dans huit établissements médico-sociaux français, ainsi que de quatre journées d’observation participante et partant du point de vue des professionnels de l’accompagnement quotidien, nous avons pu y analyser les enjeux des interactions en lien avec la communication.
Dans ce contexte, l’usage des outils de communication alternative améliorée (CAA) fait partie intégrante d’un co-apprentissage entre professionnel et usager. Ce mode de communication met en place des moyens de substitution quand la communication naturelle n’est pas suffisamment développée pour être opérationnelle. Outre cet aspect substitutif, la communication « améliorée » vient soutenir ou accroître le langage oral lorsqu’il est insuffisant pour établir une relation de communication (Élisabeth Cataix-Nègre, « Polyhandicap, communication et aides à la communication. Communiquer autrement », 2017). Pour exemple, la langue des signes, les expressions du visage et/ou la position du corps font partie de la CAA ainsi que les pictogrammes (images, dessins ou photos exprimant des mots ou des idées).
Cette élaboration respective s’inscrit dans une diachronie et s’appuie sur une intercompréhension, elle-même liée aux initiatives des professionnels qui doivent saisir les spécificités de leur expérience avec chaque personne atteinte du SA. L’accompagnement ne peut se faire sans une mutualisation des savoirs et des expériences des professionnels, prenant en compte la dimension subjective de leurs relations avec les personnes atteintes du SA. Plus spécifiquement, ces relations sont établies au long cours et elles se doivent d’être personnalisées, répétées et ritualisées en fonction des fluctuations des ressources de l’usager. Grâce à leur utilisation appropriée, les outils de CAA facilitent une compréhension mutuelle prenant en compte les singularités de chacun et le contexte relationnel et environnemental des individus dans le cadre d’un projet individualisé.
Ainsi analysé d’un point de vue anthropologique, l’usage de la CAA recouvre non seulement des techniques spécifiques à appliquer mais également une situation intersubjective qui suscite de mieux comprendre les représentations des professionnels à l’égard de ce handicap, les processus d’observation, d’interprétation et d’adaptation à l’autre. Ces différents niveaux d’analyse permettent, en définitive, la mise en exergue d’une posture éthique au centre de l’accompagnement de ces usagers. Ce faisant, on s’interrogera sur le rôle de la communication avec les personnes atteintes du SA : a-t-elle pour but de mieux « décoder » leurs besoins ou correspond-elle, in fine, à la recherche d’une intercompréhension plus générale qui, aussi imparfaite soit-elle, passe par le respect de l’intégrité d’un autre ? Ceci conduit plus largement à repenser la notion d’autonomie, objectif principal de l’accompagnement et du développement de la CAA, au prisme du plaisir et du bien-être, et non plus, exclusivement, sous l’angle des besoins élémentaires des personnes atteintes du SA.
Mots-clés :
- Syndrome d’Angelman,
- communication alternative améliorée,
- éthique relationnelle,
- accompagnement médico-social,
- France
Abstract
As part of anthropological research within several medico-social establishments, the ecosystem of the communication relationship with people with Angelman syndrome (SA) was analyzed, a genetic particularity generating in particular a delay in physical and mental development, as well as a profound impairment of the faculty of oral language.
Through a corpus of twenty-six semi-structured interviews carried out in eight French medico-social establishments, as well as four days of participant observation and starting from the point of view of daily support professionals, we were able to analyze from an anthropological point of view, the challenges of the interaction linked to communication.
In this context, the use of enhanced alternative communication (AAC) tools is an integral part of co-learning between professional and user. “Alternative” communication sets up alternative means when natural communication is not sufficiently developed to be operational. Besides this substitutive aspect, “enhanced” communication supports or augments oral language when it is insufficient to establish a communicative relationship (Élisabeth Cataix-Nègre, « Polyhandicap, communication et aides à la communication. Communiquer autrement », 2017). For example, sign language, facial expressions and/or body position are part of AAC as well as pictograms (images, drawings or photos expressing words or ideas).
This respective development is part of a diachrony and is based on mutual understanding, itself linked to the initiatives of professionals who must grasp the specificities of their experience with each SA. Support cannot be provided without pooling the knowledge and experience of professionals, taking into account the subjective dimension of their relations with a person with SA. More specifically, these relationships are established in the long term and they must be personalized, repeated and ritualized according to the fluctuations of the patient’s resources. Thanks to their appropriate use, AAC tools facilitate mutual understanding taking into account the singularities of each and the relational and environmental context of individuals within the framework of an individualized project.
Analyzed from an anthropological point of view, the use of AAC covers not only specific techniques to be applied but also an intersubjective situation which leads to a better understanding of the representations of professionals with regard to this handicap, the processes of observation, interpretation, and adaptation to the other. These different levels of analysis allow, ultimately, the highlighting of an ethical posture at the center of the care of these users. In doing so, we will question the role of communication with a person with SA: is it intended to better “decode” their needs or does it ultimately correspond to the search for mutual understanding which, however imperfect it may be, requires respect for the integrity of another? This leads more broadly to rethinking the notion of autonomy, the main objective of the support and development of AAC, through the prism of pleasure and well-being, and no longer, exclusively, from the angle of the basic needs of people with SA.
Keywords:
- Angelman Syndrome,
- Alternative Communication Tools,
- Relational Ethical,
- Care,
- France
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Appendices
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