Nouvelles perspectives en sciences sociales
Volume 14, Number 1, November 2018 Sur le thème : sensibilités, émotions et relations Guest-edited by Benoît Feildel
Table of contents (10 articles)
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Avant-propos : sensibilités, émotions et relations
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L’émoraison : au coeur du dilemme entre théories de l’action et approche relationnelle
Simon Laflamme
pp. 23–41
AbstractFR:
Les théories de l’action s’appuient souvent sur la thèse de la rationalité procédurale ou limitée, thèse qu’elles ont intégrée, pour rejeter tout reproche que l’on adresse à leur modélisation, notamment pour se protéger contre l’objection de ne pas pouvoir prendre en compte les émotions. Or quand on soumet cette thèse à la critique, on s’aperçoit rapidement qu’elle n’est pas en mesure de servir de bouclier, car la modélisation demeure centrée sur la raison et sur ses corollaires : la conscience, l’intention, la stratégie, la liberté et l’intérêt. On découvre, en effet, que les théories de l’action n’ont pas accès à ces caractéristiques fondamentales de l’humanité que sont les dialectiques de la raison et de l’émotion, de la conscience et de l’inconscient, de la liberté et de la détermination.
EN:
Theories of action often refer to the thesis of a procedural or bounded rationality, thesis that they have integrated, to reject any blame put on their modelization, in particular to protect themselves against the objection of not being able to take into consideration human emotions. When we submit to criticism that thesis, we quickly realize that it is not in a position to be used as a shield, for the modelization remain focused on rationality and on its corollaries: consciousness, intention, strategy, freedom and interest. We indeed discover that theories of action do not have access to fundamental characteristics of human being such as dialectics of reason and emotion, of consciousness and unconscious, of freedom and determination.
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La mise en oeuvre d’une conception relationnelle de l’émotion en économie comportementale
Emmanuel Petit
pp. 43–83
AbstractFR:
Dans cet article, nous analysons comment la science économique standard, discipline qui a intégré tardivement le domaine de l’affectivité, se confronte aujourd’hui à ce que les historiens des émotions ont appelé le « tournant émotionnel ». Nous prenons appui sur la théorie des émotions en mettant en avant une conception relationnelle de l’affect. La prise en compte de cette dimension relationnelle peut-elle modifier le cadre rationnel caractéristique de l’analyse économique traditionnelle? A partir des travaux sur la coopération de Frans van Winden (2015) et de ses collègues, nous montrons que le tissage de liens affectifs entre individus transforme le problème du « passager clandestin » posé dans les dilemmes sociaux. Ceci ouvre une discussion fondamentale sur la place de l’émotion dans la construction de l’attitude coopérative dans une dynamique spatiale et temporelle.
EN:
In this article, we study how standard economics, which has gradually introduced emotions and moods in previous years, is now addressing what emotion historians have called the “affective turn”. We rely on emotion theory by putting forward a relational and extensive conception of affect. Does taking into account this relational dimension transform the rational framework characteristic of traditional economic analysis? Considering recent behavioral studies (van Winden, 2015; Bault et al. 2017), we show that the building of affective social ties can be, in certain circumstances, a practical solution to the well-known “free-rider” problem. This leads to a discussion on the specific role of emotion in the building of cooperative attitudes in a spatial and dynamic framework.
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L’amour de l’enfant inconnu. La construction socio-cognitive de l’affection parentale
Ekaterina Pereprosova
pp. 85–115
AbstractFR:
Cet article analyse les mécanismes socio-cognitifs de la genèse des sentiments de parenté à travers les cas de l’adoption plénière nationale et internationale en France. Il s’agit de démontrer que l’affection parentale se construit dans le travail bilatéral des parents qui élaborent et intériorisent leur projet d’adoption ainsi que les institutions qui participent à ces processus par l’imposition des normes et des contraintes. La dimension cognitive de l’affection aux premières étapes de la construction de parenté est explorée à travers le concept de fiches mentales emprunté à la philosophie analytique. L’ambition de cet article est alors d’analyser les façons dont les candidats construisent et s’approprient les fiches mentales des enfants adoptifs ainsi que les manières d’inscrire ces derniers dans leurs lignées familiales.
EN:
The research discussed in this paper presents an analysis of socio-cognitive mechanisms of the genesis of parental affection in the case of international and domestic adoption in France. Our goal is to demonstrate that parental affection results from the interaction between adoptive parents, who construct and interiorise their adoption project, and institutional actors who impose adoption norms and constraints throughout administrative procedures. The cognitive dimension of affection is explored through the concept of mental files borrowed from analytical philosophy. The results of the research present an analysis of the ways adoptive parents construct and interiorise the mental files of adoptees along with the ways they include the latter in the family lineage.
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Raconter sa visite à Auschwitz. Les conditions communicationnelles de l’expression des ressentis
Nathanaël Wadbled
pp. 117–150
AbstractFR:
L’expression des ressentis est un phénomène social et relationnel dans la mesure où elle se fait dans une situation communicationnelle. Il n’est pas possible de parler de ses ressentis intimes avec n’importe qui et dans n’importe quel dispositif relationnel. C’est ce que montre l’enquête réalisée sur l’expérience de visite scolaire du Musée-Mémorial d’Auschwitz-Birkenau. Les élèves n’avaient pas réussi à parler de leurs ressentis intimes à leurs proches, à leurs camarades ou à leurs enseignants. Ils ont avec chacun de ces groupes une impossibilité spécifique à parler de leur intimité. Au contraire, la relation instaurée pendant l’entretien a permis l’expression de cette intimité. Le tournant émotionnel des sciences humaines et sociales ne peut faire l’économie de cette question puisqu’elle engage une réflexion sur la relation qui se noue sur le terrain avec les enquêtés.
EN:
The expression of the feelings is a social and relational phenomenon because it is a communicational situation. It is not possible to talk about one’s intimate feelings with anyone and in any relational device. This is shown by an inquiry conducted on the school visit experience of the Memorial Museum of Auschwitz-Birkenau. The respondents had not been able to talk about their intimate feelings to their family, peers or teachers. They have with each of these groups a specific impossibility to speak of their intimacy. On the contrary, the relationship established during the interview allowed its expression. The emotional turn of the humanities and social sciences must take into account this question since it engages a reflection on the relationship that is built on the ground with the respondents.
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Les émotions dans l’action collective. Les mobilisations contre les parcs éoliens et les bâtiments d’élevages en Bretagne (France)
Ali Romdhani and Véronique Van Tilbeurgh
pp. 151–201
AbstractFR:
Les approches émotionnelles en sciences sociales sont aujourd’hui très diverses, mais intègrent encore peu les émotions pour expliquer les composantes sociales de l’action. Cet article entend interroger la dynamique de l’action collective en intégrant l’aspect émotionnel de la vie sociale dans une perspective relationnelle. Fondée sur les travaux de Pierre Livet (2001) et de Louis Quéré (2012), l’émotion est envisagée comme étant ce qui lie les individus à une situation. Cette relation provoque un « travail émotionnel », c’est-à-dire la révision de nos attentes dans une situation incertaine, que les acteurs opèrent pour s’engager dans l’action. L’objectif de cet article est de montrer la relation entre les caractéristiques des émotions ressenties et les formes des mobilisations collectives. Cet article repose sur l’analyse de conflits d’usages autour de neuf projets d’extension de bâtiments d’élevage et de parcs éoliens. La dynamique du conflit sera restituée dans le temps à travers les différentes situations émotionnelles que traversent les protagonistes.
EN:
Emotional approaches in social sciences are very diverse, but still few integrate emotions to explain the social components of action. This article intends to question the dynamics of collective action by integrating the emotional aspect of social life into a relational perspective. Based on the work of Pierre Livet (2001) and Louis Quéré (2012), emotion is considered to be what binds people to a situation. This relationship is examined in the «emotional work», that is to say the revision of our expectations in an uncertain situation that actors operate to engage in action. The purpose of this article is to show the relationship between the characteristics of emotions felt and the forms of collective mobilizations. This article will be based on the analysis of land-use conflicts around nine extension projects of livestock buildings and wind farms. The dynamics of the conflict will be restored in time across the different emotional situations that the protagonists go through.
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La représentation politique comme lien émotionnel
Christian Le Bart
pp. 203–227
AbstractFR:
L’objectif de cette contribution est de réfléchir au lien démocratique qui unit représentés et représentants du point de vue des émotions. Nous privilégierons une approche historique pour rendre compte du cas français. Selon un premier modèle, les émotions sont strictement encadrées au sommet de l’État. Ce modèle n’a évidemment pas disparu, mais il est concurrencé depuis quelques années par un modèle fondé sur le relâchement partiel, y compris au sommet de l’État, des contraintes de sang-froid. Le politique n’est plus seulement celui qui perçoit les émotions de la foule et qui sait les traduire en actions publiques; il est celui (ou celle) qui les éprouve avec intensité. Il s’émeut comme tout un chacun face aux drames collectifs et il se réjouit lors des liesses collectives; il peut même assumer publiquement des émotions personnelles liées à la carrière politique ou à la vie privée.
EN:
The objective of this contribution is to examine the democratic link which unites represented citizens and elected representatives from an emotion perspective. We shall focus on a historic approach to study the French case. According to a first model, the feelings are strictly supervised at the top of the State. This model did not obviously disappear, but it has been challenged for a few years by a model based on the expression of emotions. The ruler is not only the one who perceives the feelings of the crowd and knows how to translate them into public actions; he is the one who feels them with intensity. He is moved as everyone by collective dramas and he is delighted during the collective joy.
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À quoi oeuvre l’esthétique relationnelle? Une approche transitionnelle du paradigme relationnel en sciences humaines et sociales fondée sur les propositions artistiques de Lygia Clark et Marina Abramović
Anne Volvey
pp. 229–267
AbstractFR:
Nicolas Bourriaud a défini l’esthétique relationnelle de l’art actuel, comme une « esthétique de la proximité » qui opère dans la sphère intersubjective. Sur le fondement des oeuvres des artistes Lygia Clark et Marina Abramović, ce texte complète non seulement le corpus de cet auteur, mais la typologie qu’il a initiée par la « figure » du care, pour la mettre au principe des phénomènes et jugements que cette esthétique décrit. En appui théorique sur la psychanalyse transitionnelle, le texte revient sur l’esthétique relationnelle, mais montre aussi comment elle oeuvre et ce qu’elle fait oeuvrer, mettant en évidence la part non seulement intersubjective, mais haptique (sens et émotion) de la relationnalité ainsi que son horizon narcissique identitaire. Il propose alors une définition paradigmatique de l’esthétique relationnelle, pour la mettre en perspective critique des développements relationnels et esthétiques des sciences humaines et sociales contemporaines, notamment de la géographie, et du tournant spatial.
EN:
Nicolas Bourriaud has provided recent developments in arts with a theory of relational aesthetics, which is not based on forms, but on “proximity” – the arts operating within the sphere of intersubjectivity. This paper, which presents the works of two female artists, Lygia Clark and Marina Abramović, aims at completing not only Bourriaud’s corpus but as well the typology he has initiated with the care, which “figure” the paper places at the principle of the phenomena and judgments Bourriaud’s aesthetics describes. Grounded in the theories of transitional psychoanalysis, the paper further discusses the issue of relational aesthetics, and shows how it works and what this work achieves, objectifying not only its intersubjective characteristic, but the work of hapticity (sense and emotion), and the narcissistic identity that is worked out. Then it proposes a definition of the paradigm of relational aesthetics, in order to critically engage qualitative developments of human and social sciences, and notably of geography, and to reflect the spatial turn.
Comptes-rendus de lecture
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Accessibilité et offre active. Santé et services sociaux en contexte linguistique minoritaire, Marie Drolet, Pier Bouchard et Jacinthe Savard (dir.), Ottawa, Les Presse de l’Université d’Ottawa, coll. Santé et société », 2017, 414 p.
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Las vertientes de la complejidad. Pensamiento sistémico, ciencias de la complejidad, pensamiento complejo, paradigma ecológico y enfoques holistas, Enrique Luengo-González, Guadalajara (México), ITESO, 2018