Débat

Adoption internationale L’exode des berceaux ?[Record]

  • Nérée St-Amand

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  • Nérée St-Amand
    École de service social, Université d’Ottawa

Dans notre communauté globale aux liens de plus en plus serrés, l’adoption internationale et interculturelle constitue un phénomène en grande croissance, tant sur le plan du nombre que de sa popularité. En Amérique du Nord, six personnes sur 10 sont intimement liées à une expérience d’adoption alors qu’entre 2 et 4 % des couples adoptent un ou plusieurs enfants (Carp, 2002). Le Québec compte un des ratios d’adoptions internationales/population les plus grands au monde : environ 1000 adoptions internationales par année (Ouellette et Belleau, 1999 : 1-2). En Occident, entre 1980 et 2004, le nombre d’adoptions à l’international s’est multiplié par quatre (Selman, 2006).) À première vue, l’adoption semble régler plusieurs problèmes, tant pour les enfants sans attaches « biologiques », pour les mères incapables de garder leur enfant ou pour les couples qui désirent adopter. Or, deux façons de voir cette situation s’affrontent : une perspective fonctionnaliste, basée sur une analyse du capital social qui considère l’adoption comme étant une solution à des problèmes de couple et à des enfants sans attaches, et une perspective critique, qui fait ressortir les enjeux sociaux sous-jacents à ces soi-disant gestes de générosité (Selman, 2006); cette dernière perspective, davantage développée en Europe, place l’intérêt de l’enfant au coeur de ses analyses. Au cours de nos trente années d’intervention sociale, nous avons été témoin d’exemples où l’adoption constituait une expérience positive, souhaitée de la part de toutes les personnes concernées. Plusieurs mères ayant dû abandonner leurs enfants et pour qui l’avortement ne constituait pas une option sont reconnaissantes envers celles et ceux qui ont pris la relève à un moment où elles étaient incapables d’en prendre soin. De nombreux enfants, fiers d’avoir été adoptés, sont remplis de gratitude envers les parents qui leur ont ouvert les bras et le coeur. Par contre, une telle conception de l’adoption internationale risque de passer sous silence des inégalités et des injustices de la part de nombreux acteurs de nos sociétés occidentales. Une analyse structurelle du phénomène soulève des problèmes d’inégalités et d’injustice sociale et des contradictions idéologiques. L’objectif de cet article est d’interroger ces pratiques et de présenter des façons autres de s’occuper d’enfants nés dans des contextes de précarité. Nous commencerons par résumer quelques problèmes et contradictions inhérents à l’adoption internationale et interculturelle avant de proposer des approches qui remettent en question des pratiques peu contestées, du moins en Occident, cette partie du monde qui reçoit les enfants et qui bénéficie du malheur des autres. Au cours des années 1960, les naissances diminuent presque partout en Occident, en raison d’une plus grande disponibilité des contraceptifs oraux en particulier. Par ailleurs, il devient plus acceptable qu’une mère puisse élever seule un enfant. Qui plus est, les institutions, civiles et religieuses, ont moins d’emprise sur les populations d’Amérique du Nord et d’Europe occidentale. Cet ensemble de conjonctures fait en sorte que moins d’enfants sont confiés à l’adoption, un peu partout dans le monde industrialisé. De plus, depuis les années 1980, des problèmes de stérilité plus marqués s’ajoutent à ces facteurs. Les cliniques de fertilité et les services d’adoption tentent alors de répondre aux demandes croissantes. Chez les populations d’autres ethnies, classes et couleurs, ces phénomènes ne s’observent pas de la même façon, bien au contraire. Les familles défavorisées continuent de procréer et de s’occuper de leurs enfants tant bien que mal, dans des contextes de misère, de pauvreté extrême, de diverses formes de précarité et de violence et devant un manque criant de ressources (Hwang et Stewart, 2004). Plusieurs enfants en provenance de milieux ou de pays où règnent la misère et l’instabilité politique sont « offerts » …

Appendices