Introduction

Le concept de « rapport à » en didactique du français[Record]

  • Myriam Villeneuve-Lapointe,
  • Christiane Blaser,
  • Martin Lépine and
  • Constance Lavoie

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  • Myriam Villeneuve-Lapointe
    Université de Sherbrooke

  • Christiane Blaser
    Université de Sherbrooke

  • Martin Lépine
    Université de Sherbrooke

  • Constance Lavoie
    Université de Sherbrooke

Dans ce numéro thématique des NCRÉ, nous abordons le «rapport à», concept fécond en didactique du français depuis près de trois décennies. Christine Barré-De Miniac (1992, 2000/2015, 2002), entre autres, a contribué à l’intégration de cette notion en didactique du français à la suite des travaux de Charlot et de ses collègues de l’équipe ESCOL (Charlot et al., 1990, 1993). Le «rapport à» est associé à des travaux dans différents domaines dont la psychologie, la sociologie, l’anthropologie, l’éducation et la didactique. Dans le domaine de la psychologie, le «rapport à» d’un individu correspond à son désir ou non de savoir, d’apprendre (Beillerot et al., 1996; Mosconi et al., 2000). La psychanalyse permet, entre autres, de documenter le «rapport à» d’un sujet qui peut être plus ou moins traumatique selon son vécu. Dans les mêmes années, Charlot (1997) propose, dans une perspective socio-anthropologique circonscrite au contexte éducatif, une association entre le sujet et le savoir puisqu’ils sont indissociables. Le sens d’un savoir est possible uniquement pour un sujet qui, pour sa part, ne peut se soustraire à l’influence sociale. Ainsi, le «rapport à» d’un individu est influencé par le contexte social dans lequel il évolue selon cette perspective. Chevallard (1985) a intégré ce concept au domaine des didactiques en considérant le sujet comme un être social et scolaire. Il utilise la métaphore d’un phare pour l’illustrer: «[L]e paysage c’est le savoir, le phare, l’individu; le faisceau lumineux, le rapport de l’individu au savoir» (p. 10). Plus spécifiquement en didactique du français, c’est à Barré-De Miniac que l’on doit un important travail de conceptualisation de la notion de rapport à l’écriture. Dès les années 1990, Barré-De Miniac (1992, 2000, 2002) l’a transposé dans ce domaine où elle a décrit le rapport à l’écriture de personnes enseignantes ainsi que d’élèves du collège français. Barré-De Miniac (2008) définit le rapport à l’écriture comme étant «l’ensemble des significations construites par le scripteur à propos de l’écriture, de son apprentissage et de ses usages» (2002, p. 29). Elle a opérationnalisé le concept autour de quatre dimensions: 1) l’investissement d’une personne en écriture; 2) ses opinions et ses attitudes relativement à l’écriture; 3) ses conceptions de l’écriture et de son apprentissage; 4) ainsi que ses modes de verbalisation (Barré-De Miniac, 2008). Les travaux de Barré-De Miniac ont montré que le rapport à l’écriture d’un individu influence grandement son goût d’écrire et sa capacité à rédiger des textes de qualité. Ainsi, l’enseignement de savoirs textuels, syntaxiques, grammaticaux et lexicaux n’est pas suffisant pour développer le goût de l’écriture chez les élèves et pour les amener à rédiger des textes de qualité. Un rapport à l’écrit conflictuel ou douloureux, caractérisé par peu d’investissement en écriture, par des opinions négatives sur l’acte d’écrire et par l’utilisation de termes présentant un jugement défavorable de leur compétence, entraîne une dévaluation de l’acte d’écrire (Beaucher et al., 2014). Ainsi, l’élève évite ou limite les situations où il doit écrire, ce qui ne lui permet pas de développer cette compétence. Dans le même ordre d’idées, plusieurs personnes chercheuses (notamment Atwell et Atwell Merkel, 2016; Graves, 2004; Grossman et al., 2000; Lafont-Terranova et al., 2015; Lebrun, 2007; McDonald et al., 2004; Nadon, 2011; Routman, 2010; Turcotte, 2007) soulignent que les pratiques de lecture et d’écriture des enseignantes et enseignants ont une incidence positive sur leurs pratiques professionnelles. Par exemple, des personnes enseignantes qui se sentent compétents comme lecteurs et comme scripteurs transmettraient davantage leur intérêt pour la lecture et l’écriture, et auraient des gestes professionnels soutenant davantage l’enseignement de la lecture et de l’écriture (Blaser, 2007; Fearn et Farnan, 2007; McDonald et al., 2004; Whyte …

Appendices