L’auteure de l’ouvrage Les transitions identitaires dans les parcours d’éducation, Marie-Hélène Jacques, est une chercheuse qui travaille et publie depuis le milieu des années 1990 sur les parcours de jeunes ou d’adultes fréquentant des établissements d’enseignement, du secondaire à l’université, en France. Elle s’intéresse à leurs représentations d’avenir, à leur orientation, aux projets qui les animent, aux obstacles qu’ils rencontrent et aux résultats qu’ils obtiennent. L’ouvrage recensé postule que la fréquentation de dispositifs d’éducation formelle s’inscrit souvent dans une transition identitaire chez les personnes qui s’y engagent. L’auteure revisite des données empiriques de travaux menés au cours de sa carrière, puisant ses nombreux appuis empiriques dans trois familles de matériaux. Il s’agit de: 1) son enquête de doctorat (2001) sur les représentations d’avenir de lycéens; 2) trois enquêtes sur des parcours d’adultes en reprise d’études: la première auprès de personnes candidates à la VAE universitaire, la deuxième auprès de personnes qui n’ont pas le diplôme terminal du secondaire et qui entrent à l’université par un programme de mise à niveau, la troisième auprès de personnes formées dans un domaine autre que celui de l’enseignement, et qui y ont travaillé quelques années, et qui reviennent aux études pour pouvoir enseigner dans une école; 3) deux enquêtes et une expérimentation pédagogique relevant de l’entrée dans la vie professionnelle: la première auprès de jeunes apprentis inscrits dans un programme de formation professionnelle, la deuxième auprès de personnes étudiantes de 2e cycle devant faire un stage professionnalisant et la troisième auprès de jeunes en situation de handicap en stage professionnel. Pour étudier la transition identitaire, définie comme «un processus de remaniement de matériaux identitaires objectifs et subjectifs primitifs, sous l’effet d’une série d’épreuves» (p. 15), une approche sociologique est privilégiée, faisant se côtoyer des auteurs divers et fondant sa thèse principale sur la lecture de Bourdieu sur l’habitus (ex.: 1972). Le coeur du propos s’appuie aussi sur des notions et des méthodes de l’étude sociologique des parcours de vie (ex.: Bidart, 2006; Grosseti, 2006). Le tout est enrichi de nombreux emprunts à d’autres disciplines et écoles telles la psychologie du développement (ex.: Erickson, 1966/1976; Piaget, 1964; Van Gennep, 1909/1981), la philosophie (ex.: Ricoeur, 1990), les sciences de l’orientation (ex.: Guichard, 1993) et la clinique de l’activité (Clot et Lhuilier, 2010). Pour tisser son fil argumentatif, l’auteure inscrit ses travaux empiriques dans une perspective interactionniste, cherchant à articuler la subjectivité des personnes rencontrées aux conditions objectives des dispositifs qu’elles fréquentent. Elle reprend à son compte le constat fait par plusieurs de la «déstandardisation accrue» (p. 13) des parcours de vie dans la société française. L’auteure précise que son corpus empirique est surtout constitué d’entretiens approfondis de nature biographique et parfois d’écrits rétrospectifs, s’intéressant à «ce qui se joue à l’entrée, pendant et à la sortie de ces dispositifs d’éducation» (p. 31). La «narration de soi» (p. 17) y est centrale. Pour soutenir le postulat d’un processus commun de transition identitaire au contact d’un programme d’un établissement d’enseignement, l’auteure attire l’attention sur trois caractéristiques communes aux segments étudiés des parcours d’éducation, peu importe le public. Ces segments comportent : L’ouvrage comprend une introduction générale de plus de 20 pages, deux chapitres se déclinant en plusieurs sections et une conclusion générale. Dans le premier chapitre, l’auteure étoffe sa conception de la transition, commençant par déconstruire celle qui confond transition et palier scolaire et qui prévaut dans le système éducatif français. Cette conception est jugée «archaïque» (p. 37) par l’auteure. Plutôt, elle suggère que les différents paliers scolaires participent à un processus transitionnel plus large vécu par les personnes. S’appuyant notamment sur des travaux de …
Appendices
Bibliographie
- Arendt, H. (1994). Condition de l’homme moderne. Calmann-Lévy. (Ouvrage original publié en 1961)
- Becker, H., Geer, B., Hughes, E. et Strauss, A. (1961). Boys in White. New Brunswick Transaction Publishers.
- Bidart, C. (2006). Crises, décisions et temporalités: autour des bifurcations biographiques. Cahiers internationaux de sociologie, 120, 29-57. https://doi.org/10.3917/cis.120.0029
- Bourdieu, P. (1972). Esquisse d’une théorie de la pratique. Droz.
- Clot, Y. et Lhuilier, D. (2010). Agir en clinique du travail. Érès. https://www.cairn.info/agir-en-clinique-du-travail--9782749211725.htm
- Erickson, E. (1976). Enfance et société. Delachaux et Niestlé. (Ouvrage original publié en 1966)
- Grossetti, M. (2006). L’imprévisibilité dans les parcours sociaux. Cahiers internationaux de sociologie, 120, 5-28. https://doi.org/10.3917/cis.120.0005
- Guichard, J. (1993). L’école et les représentations d’avenir des adolescents. Presses universitaires de France.
- Jacques, M.-H. (2001). Représentations d’avenir et intentions post-baccalauréat des lycéens de classes terminales. Une analyse sociologique: le cas de la Corrèze [thèse de doctorat inédite]. Sorbonne Université.
- Lahire, B. (1998). L’homme pluriel. Les ressorts de l’action. Armand Colin.
- Longo, M. E., Bourdon, S., Charbonneau, J., Kornig, C. et Mora, V. (2013). Normes sociales et imprévisibilités biographiques. Une comparaison France, Québec et Argentine. Agora - Débats jeunesses, 65, 93-108. https://doi.org/10.3917/agora.065.0093
- Piaget, J. (1964). Six études de psychologie. Gonthier.
- Ricoeur, P. (1990). Soi-même comme un autre. Seuil.
- Van Gennep, A. (1981). Rites de passage. Picard. (Ouvrage original publié en 1909)