CréationsGuidé.e.s par les fées

Fée-marraine[Record]

  • Maïté Snauwaert

Je me souviens d’une figurine, qui enchanta mon enfance. Elle s’avançait de profil avec ce doigt en l’air, en légère pronation, et toute sa bienveillance était manifestée dans ce buste avancé, ce geste ébauché qui se tendait vers nous, pour nous rejoindre, venir à notre hauteur d’enfant. Ce haut du corps légèrement penché, ce mouvement de l’être désintéressé, c’était la fée. Comme si elle s’approchait de nous délicatement, à pas feutrés, pour ne pas nous surprendre. À Noël, nous sortions d’année en année les mêmes objets. Parmi ceux-ci, le père Noël que l’une de nous avait fabriqué, à l’école ou à la maternelle, à partir d’un pot de yaourt évasé qu’il avait fallu collecter et laver, au sortir d’un repas. Comme j’aimais puiser ainsi dans l’ordinaire pour le magnifier, laisser les maîtresses nous révéler sa magie sous-jacente. Rouge et blanc, avenant, bonhomme, il avait ce bon visage à barbe qu’on lui prête, large, souriant. Je ne sais pas dire ici le haut degré de réalité que j’accordais à ces figures insignes ; cette confrérie fétiche par laquelle nous enchantions nos vies. Avec mes frère et soeurs, nous aimions cette fête qui chaque année nous permettait d’espérer, de croire dans les miracles, dans les années nouvelles. Dans la magie d’une fée et des quelques figurines qui en formaient le décor volontaire, par nous inventé. Il y avait aussi, qui n’était pas de notre fabrication rudimentaire, que nous chérissions au contraire pour sa délicatesse dorée, cet objet de cuivre dont les angelots tournaient lorsque nous en allumions les bougies. Je pouvais regarder sans fin la grâce involontaire des flammes, mues par elles-mêmes, tournoyantes et fantasques. Cette féérie nous fascinait, pour l’autosuffisance de sa splendeur douce, qui faisait de l’air même une fête. Mais la fée bleue incarnait autre chose : elle n’était pas liée à la seule magie de Noël. Elle n’en aurait pas même été, aux yeux d’autres, une figure : nous l’avions élue telle. D’elle-même elle était une princesse, quelque figurine de Disney – Cendrillon peut-être ? –, avec son diadème et sa robe de bal. Gravement, elle incarnait une promesse : celle d’une nature sans mélange, sans piège et spontanée, intrinsèquement vouée à protéger les jeunes êtres, toute de lumière. Douce et bonne, sans dessous susceptible de se retourner. Il n’était pas clair dans mon esprit d’enfant si cette promesse diffuse était celle d’un monde parallèle et simultané – la fée émissaire d’une figure d’ange, qui me protégeait – ; ou une figure de l’avenir : la femme que j’aspirais un jour à être ; ou encore, la femme que j’aspirais à voir devenir ma mère, changée en constance au bout de toutes mes prières. Une chose sûre est qu’il y avait un pacte entre la fée et moi, dont nous avions seules (ou dont elle avait seule) le secret. L’absolue bienveillance, sans menace de retournement. Outre cette figure cartonnée, cet ange latéral et muet, ma première fée était ma soeur, ma soeur-marraine penchée sur mon cahier. J’ai cinq ans, la lèvre tendue vers le langage, et le crayon : elle m’apprend à écrire mon nom. C’est l’été, nous sommes dans le jardin de notre maison d’avant, notre jardin dans les champs. Pas loin, le chat Minouche est dans son landau, que nous promenons ; oui, c’est difficile à croire mais c’est ainsi que ma mère jusqu’à ce jour le raconte : nous promenons le chat trouvé qu’elle a sauvé en le nourrissant avec un biberon minuscule, nous le promenons dans notre landau de poupée, vêtu de sa layette de poupée, et il se laisse faire. Minouche roux et …

Appendices