Les rythmes circadiens du comportement et de la physiologie des mammifères sont synchronisés par des signaux de lumière reçus par la rétine et communiqués aux noyaux supra-chiasmatiques. Cette horloge centrale synchronise à son tour des horloges esclaves dans la plupart des cellules de notre corps. Sans lumière, l’horloge circadienne dirige des processus comme le sommeil selon sa période intrinsèque, qui varie entre des individus [1]. Dans des conditions normales de jour et de nuit, l’horloge est réajustée deux fois chaque jour, matin et soir, afin de rester synchronisée avec la photopériode de l’environnement (qui est exactement de 24 heures). En revanche, si la longueur de la période intrinsèque de l’horloge diffère considérablement de celle de la photopériode, la phase active d’un individu est en avance ou retarde pendant la journée. La période intrinsèque étant déterminée par des facteurs génétiques, certains syndromes de décalage chronique de sommeil peuvent avoir des causes héréditaires liées aux polymorphismes des gènes de l’horloge [2]. Plus généralement, on estime que des individus ayant une période circadienne plus longue sont ceux dont l’activité se prolonge plus tardivement, et que les individus matinaux ont une période circadienne plus courte [3]. Malgré la diversité des phases du comportement chez l’homme, la caractérisation des gènes de l’horloge et leur influence sur le comportement restent difficiles à établir en raison de la quasi-impossibilité d’analyser de nombreux sujets pendant suffisamment longtemps (10-30 jours) dans des conditions de laboratoire constantes. Mais, par chance, il existe aussi une horloge autonome cellulaire dans les fibroblastes de la peau (et dans la plupart des autres cellules du corps). Ces horloges fonctionnent selon un mécanisme similaire ou identique à celle du SNC. Par conséquent, chez la souris, les différences génétiques ne s’expriment pas seulement dans le SNC, mais aussi dans les horloges périphériques [4]. Dans une étude récente [5], à partir de biopsies de peau prélevées chez 20 sujets, nous avons mis au point une méthode d’analyse des rythmes circadiens à partir des fibroblastes issus de ces biopsies. Nous avons utilisé un lentivirus contenant un promoteur circadien - celui du gène Bmal1 de l’horloge - qui dirige l’expression de la protéine luciférase, responsable de l’émission de lumière chez la luciole. Quand les fibroblastes provenant de ces biopsies sont infectés par ce lentivirus, ils émettent alors des photons selon un rythme circadien dépendant de la période intrinsèque de leurs horloges (Figure 1). Le nombre de photons, qui peut être mesuré par des tubes photomultiplicateurs à haute sensibilité, suit l’expression circadienne du gène Bmal1. Il a d’abord été vérifié que la période des fibroblastes est propre à l’individu et ne dépend, ni du nombre de particules virales utilisées dans l’infection, ni de l’endroit anatomique de la biopsie cutanée, ni du moment où la biopsie a été prélevée. La précision de notre méthode a été estimée à moins d’une demi-heure près pour les cellules d’un même individu. Ensuite, les rythmes circadiens des fibroblastes dans deux à quatre biopsies de chacun des 20 individus ont été mesurés (Figure 2A). La période moyenne que nous avons trouvée, 24,5 heures, est très similaire à celle constatée par d’autres groupes à partir d’observations du comportement de sujets, soit 24,2-24,5 heures. Néanmoins, la variabilité entre individus – avec une déviation standard de 1,5 heures et une variance maximale de 4 heures – est bien plus importante que celle enregistrée à partir du comportement, qui montrait une déviation standard de seulement 20 minutes [6, 7]. Pour tenter de comprendre l’origine de cette variabilité, nous avons examiné notre système chez des souris génétiquement modifiées dont les périodes diffèrent considérablement de celles des souris de …
Appendices
Références
- 1. Schibler U, Sassone-Corsi P. A web of circadian pacemakers. Cell 2002 ; 111 : 919-22.
- 2. Toh KL, Jones CR, He Y, et al. An hPer2 phosphorylation site mutation in familial advanced sleep-phase syndrome. Science 2001 ; 291 : 1040-3.
- 3. Duffy JF, Rimmer DW, Czeisler CA. Association of intrinsic circadian period with morningness-eveningness, usual wake time, and circadian phase. Behav Neurosci 2001 ; 115 : 895-9.
- 4. Yagita K, Tamanini F, van der Horst GT, et al. Molecular mechanisms of the biological clock in cultured fibroblasts. Science 2001 ; 292 : 278-81.
- 5. Brown SA, Fleury-Olela F, Nagoshi E, et al. The period length of fibroblast circadian gene expression varies widely among human individuals. PloS Biol2005 ; 3 : e338.
- 6. Czeisler CA, Duffy JF, Shanahan TL, et al. Stability, precision, and near-24-hour period of the human circadian pacemaker. Science 1999 ; 284 : 2177-81.
- 7. Carskadon MA, Labyak SE, Acebo C, et al. Intrinsic circadian period of adolescent humans measured in conditions of forced desynchrony. Neurosci Lett 1999 ; 260 : 129-32.
- 8. Pando MP, Morse D, Cermakian N, et al. Phenotypic rescue of a peripheral clock genetic defect via SCN hierarchical dominance. Cell 2002 ; 110 : 107-17.
- 9. Shimomura K, Low-Zeddies SS, King DP. Genome-wide epistatic interaction analysis reveals complex genetic determinants of circadian behavior in mice. Genome Res 2001 ; 11 : 959-80.
- 10. Balsalobre A, Brown SA, Marcacci L, et al. Resetting of circadian time in peripheral tissues by glucocorticoid signaling. Science 2000 ; 289 : 2344-7.