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L’α-foetoprotéine protège le cerveau femelle en développement des effets masculinisants et déféminisants des oestrogènesα-fetoprotein protects the developing female mouse brain from masculinization and defeminization by estrogens[Record]

  • Julie Bakker

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  • Julie Bakker
    Centre de Neurobiologie Cellulaireet Moléculaire,
    Groupe de Recherches en Neuroendocrinologie du Comportement,
    Université de Liège,
    Avenue de l'Hôpital 1,
    B-4000 Sart Tilman,
    Liège, Belgique.
    jbakker@ulg.ac.be

Sur le plan de la sexualisation, le cerveau et le comportement sont initialement indifférenciés. Puis il existe une période critique du développement embryonnaire durant laquelle, sous l’action des hormones sexuelles, le cerveau s’engage de façon irréversible dans une voie de différenciation de type mâle ou femelle. Selon la théorie « classique », établie durant les années 1960-1970, la testostérone sécrétée par les testicules foetaux induirait une masculinisation (c’est-à-dire une augmentation des caractéristiques typiquement mâles) et une déféminisation (diminution des caractéristiques typiquement femelles) du cerveau et par conséquent du comportement sexuel chez le mâle [1]. Il faut remarquer que chez les rongeurs, les effets masculinisants et déféminisants de la testostérone sont produits principalement par son métabolite, l’oestradiol, synthétisé au niveau cérébral (Figure 1A). Contrairement à ce qui est observé chez le mâle, la différenciation du cerveau chez la femelle serait indépendante de toute sécrétion hormonale. Chez les mammifères, la différenciation sexuelle du cerveau conduirait donc spontanément au cerveau femelle : en l’absence de testostérone, les caractéristiques neurobiologiques et comportementales femelles se développeraient « par défaut ». Cette théorie est principalement fondée sur le fait que, après administration de testostérone in utero, des cobayes femelles montrent un comportement reproducteur typiquement mâle [1]. Selon cette théorie, le cerveau foetal femelle serait protégé des effets masculinisants et déféminisants des oestrogènes qui sont produits par le placenta grâce à l’α-foetoprotéine (AFP) qui est présente en grande concentration dans la circulation des embryons de mammifères (Figure 1B). Cette protéine est capable de fixer les oestrogènes et les empêcherait donc d’atteindre le cerveau [2]. Certains chercheurs contestent toutefois cette théorie « classique » et soutiennent que le cerveau femelle ne se développe pas « par défaut » mais nécessite un apport contrôlé d’oestrogènes en faibles quantités, dans des régions cérébrales précises [3]. Il a en effet été démontré que des femelles ovariectomisées le jour de leur naissance montrent moins de comportements femelles à l’âge adulte [4], suggérant que les oestrogènes jouent un rôle positif dans la différenciation du cerveau femelle. Dans le cadre de cette hypothèse, il a été proposé que l’AFP servirait à transporter des quantités contrôlées d’oestrogènes dans des régions cibles du cerveau (Figure 1C). L’AFP peut en effet être mise en évidence dans certains groupes de neurones, bien qu’une synthèse locale de cette protéine n’ait jamais pu être identifiée (pour revue, voir [4]). Jusqu’à présent, ces deux hypothèses opposées concernant la fonction de l’AFP n’avaient pu être testées de façon très spécifique en raison de l’absence d’un modèle animal adéquat et des difficultés liées à la mesure de la concentration cérébrale en oestradiol. En collaboration avec l’équipe du Pr C. Szpirer (Université Libre de Bruxelles, Belgique), qui a construit un modèle de souris dépourvu du gène Afp [5], nous avons récemment élucidé le rôle de cette protéine et des oestrogènes dans le développement du cerveau femelle chez la souris. Les souris invalidées pour le gène de l’Afp (AFP-KO) sont viables, mais les femelles sont stériles en raison d’une anovulation permanente. Une expérience de transfert réciproque d’ovaires a démontré que les ovaires des souris AFP-KO sont parfaitement fonctionnels (une souris sauvage portant les ovaires d’une souris AFP-KO est fertile, tandis que la réciproque n’était pas vraie). Le problème d’anovulation se situe donc au niveau de l’axe hypothalamo-hypophysaire [5, 6]. En revanche, comme on pourrait s’y attendre sur la base du rôle joué par l’AFP chez les femelles, les mâles AFP-KO sont normaux. En effet, chez le mâle, les oestrogènes nécessaires à la différenciation du cerveau, sont produits localement, par conversion de la testostérone. Celle-ci n’est pas fixée par l’AFP et …

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