Depuis la découverte de l'implication du gène codant pour la connexine 32 (Cx32) dans la forme liée au chromosome X de la maladie de Charcot Marie-Tooth, il y a 10 ans de cela, la liste des gènes codant pour des connexines impliquées dans diverses maladies héréditaires n'a cessé de grandir. Cependant, les mécanismes physiopathologiques en jeu ne sont que partiellement connus [1]. Les obstacles dans ce domaine tiennent à la nature même des canaux formés par l'assemblage des connexines ((→) m/s 2001, n° 2, p. 244), les jonctions intercellulaires de type gap. Ces canaux permettent l'échange passif, entre deux cellules adjacentes, d'ions et de petites molécules (d'une taille inférieure a 1 kDa, cette taille pouvant varier selon l'identité de la connexine). Une jonction gap est formée par l'association de deux hémicanaux, les connexons, portés chacun par la membrane plasmique de deux cellules adjacentes. Chaque connexon résulte de l'assemblage non covalent de six connexines, identiques ou non. Ces canaux se regroupent dans la membrane pour former des plaques jonctionnelles [2]. Chez les vertébrés, plus de 20 gènes codent pour les connexines. Chacun d'entre eux a un profil d'expression propre. Les connexines possèdent quant à elles un code de compatibilité leur permettant de s'associer de façon sélective avec d'autres membres, ce qui confère au canal (homomérique ou hétéromérique) une spécificité de taille d'ouverture et une sélectivité ionique. Ainsi, l'expression de plusieurs connexines dans un même tissu permet la formation de plusieurs types de canaux, dont les propriétés sont différentes [2, 3]. Il faut également souligner le caractère extrêmement dynamique de ces canaux, dont le renouvellement dans la membrane est rapide avec, selon les tissus, des demi-vies de l'ordre de 1 à 4 heures. Bien que la majorité des mutations pathologiques des gènes codant pour les connexines entraîne une perte de fonction, c'est-à-dire une perte de couplage intercellulaire, on ne sait pas précisément ce que les cellules échangent au travers des jonctions gap : ions, métabolites, messagers secondaires ? La découverte de mutations non associées à une perte de fonctionnalité a fortement renforcé la piste des seconds messagers : dans un article récent, M. Beltramello et al. [4] incriminent ainsi l'inositol triphosphate, Ins(1,4,5)P3, dans l'une des maladies héréditaires humaines les plus fréquentes, la surdité autosomique récessive DFNB1, due à un défaut en connexine 26 (Cx26). Il existe un grand nombre de gènes impliqués dans des formes héréditaires de surdité ((→) m/s 2004, n° 3, p. 311). Malgré cette hétérogénéité génétique, des mutations dans le gène codant pour la Cx26 sont responsables de plus de la moitié des cas de surdité, et ce dans la plupart des populations étudiées [5]. Deux autres gènes, codant pour Cx30 et Cx31, sont également impliqués dans des formes de surdité neurosensorielle plus rares (Tableau I). Si les connexines Cx26 et Cx30 sont colocalisées dans la cochlée – organe de l'audition – [6], la composition précise des jonctions gap dans cet organe n'est pas précisément connue (canaux homotypiques de Cx30 ou Cx26, connexons mixtes composés des deux connexines ?). Les plaques jonctionnelles formées par ces deux molécules, particulièrement larges, définissent deux réseaux cellulaires indépendants : un réseau épithélial, qui comprend les cellules de support des cellules sensorielles et leurs cellules adjacentes, et un réseau conjonctif, composé des fibrocytes et des couches cellulaires intermédiaire et basale de la strie vasculaire (Figure 1). Cette répartition suggère que les jonctions gap joueraient un rôle clé dans l'homéostasie ionique, en participant notamment à l'évacuation rapide des ions potassiques lors de la transduction auditive. Dans la cochlée, la surface des cellules de l'organe de Corti …
Appendices
Références
- 1. Gerido DA, White TW. Connexin disorders of the ear, skin, and lens. Biochim Biophys Acta 2004 ; 1662 : 159-70.
- 2. Bruzzone R, White TW, Paul, DL. Connections with connexins : the molecular basis of direct intercellular signaling. Eur J Biochem 1996 ; 238 : 1-27.
- 3. Harris AL. Emerging issues of connexin channels : biophysics fills the gap. Q Rev Biophys 2001 ; 34 : 325-472.
- 4. Beltramello M, Piazza V, Bukauskas FF, et al. Impaired permeability to Ins(1,4,5)P3 in a mutant connexin underlies recessive hereditary deafness. Nat Cell Biol 2005 ; 7 : 63-9.
- 5. Petit C, Levilliers J, Hardelin JP. Molecular genetics of hearing loss. Annu Rev Genet 2001 ; 35 : 589-646.
- 6. Lautermann J, Ten Cate WJ, Altenhoff P, et al. Expression of the gap-junction connexins 26 and 30 in the rat cochlea. Cell Tissue Res 1998 ; 294 : 415-20.
- 7. Boettger T, Hubner CA, Maier H, et al. Deafness and renal tubular acidosis in mice lacking the K-Cl co-transporter Kcc4. Nature 2002 ; 416 : 874-8.
- 8. Cohen-Salmon M, Ott T, Michel V, et al. Targeted ablation of connexin26 in the inner ear epithelial gap junction network causes hearing impairment and cell death. Curr Biol 2002 ; 12 : 1106-11.
- 9. Valiunas V, Manthey D, Vogel R, et al. Biophysical properties of mouse connexin30 gap junction channels studied in transfected human HeLa cells. J Physiol 1999 ; 519 : 631-44.
- 10. Bevans CG, Kordel M, Rhee SK, Harris AL. Isoform composition of connexin channels determines selectivity among second messengers and uncharged molecules. J Biol Chem 1998 ; 273 : 2808-16.
- 11. Goldberg GS, Lampe PD, Nicholson BJ. Selective transfer of endogenous metabolites through gap junctions composed of different connexins. Nat Cell Biol 1999 ; 1 : 457-9.
- 12. Niessen H, Harz H, Bedner P, et al. Selective permeability of different connexin channels to the second messenger inositol 1,4,5-trisphosphate. J Cell Sci 2000 ; 113 : 1365-72.
- 13. Bruzzone R, Gomès D, Veronesi V, et al. Functional analysis of recessive mutations of human connexin26 associated with nonsyndromic deafness. FEBS Lett 2003 ; 533 : 79-88.
- 14. Gale JE, Piazza V, Ciubotaru CD, Mammano F. A mechanism for sensing noise damage in the inner ear. Curr Biol 2004 ; 14 : 526-9.
- 15. Oh S, Ri Y, Bennett MV, et al. Changes in permeability caused by connexin 32 mutations underlie X-linked Charcot-Marie-Tooth disease. Neuron 1997 ; 19 : 927-38.