Les maladies articulaires telles que l’arthrose sont la conséquence de processus mécaniques et biologiques qui concourent à la rupture de l’homéostasie du cartilage et, à terme, à la dégradation de la fonction articulaire et de ses propriétés biomécaniques (Figure 1). Les arthropathies touchent plus de 900 000 personnes dans le monde chaque année, et ont un coût important que l’on estime à plus de trois billions d’euros. Ces maladies, à la fois chroniques et évolutives, ont une prévalence élevée chez les sujets âgés. Elles altèrent considérablement la qualité de vie et sont une des principales causes de consultation médicale, de consommation médicamenteuse et d’invalidité. Il n’existe pas actuellement de traitement efficace des lésions dégénératives du cartilage. La mise en place de prothèses représente le stade ultime de traitement de l’arthrose et les approches pharmacologiques proposées sont limitées. Un éventail de substances pharmacologiques (anti-inflammatoires, antalgiques) est utilisé pour soulager les symptômes de la maladie (inflammation, douleur), mais ces prescriptions conventionnelles ne permettent pas d’arrêter sa progression. De plus, l’utilisation de ces médicaments expose au risque de manifestations indésirables, voire toxiques, qui limitent leur utilisation chronique. Dans ce contexte, les approches de bio-ingénierie tissulaire ouvrent des perspectives alternatives intéressantes dans le domaine de la réparation du cartilage, tissu incapable de se régénérer spontanément. La perte d’homéostasie du cartilage est provoquée principalement par une production locale de cytokines pro-inflammatoires telles que l’interleukine-1 (IL-1), par les chondrocytes et les synoviocytes qui favorise à la fois la dégradation des constituants matriciels et l’inhibition de leur biosynthèse (Figure 1). Plusieurs approches expérimentales visant à s’opposer aux effets délétères de l’IL-1 et du tumor necrosis factor α, les deux principales cytokines impliquées dans les maladies articulaires, ont été tentées. Ces stratégies, fondées sur l’administration de protéines recombinantes et sur l’expression par transfert de gène dans le chondrocyte ou dans le liquide synovial d’antagonistes ou de récepteurs solubles de cytokines, ont permis de ralentir la progression des lésions chez l’animal [1]. Une autre approche est de développer des stratégies réparatrices des lésions du cartilage. Nous avons choisi de privilégier des approches visant à stimuler la biosynthèse des constituants matriciels. Les phases précoces de l’arthrose sont caractérisées par une perte d’anabolisme des protéoglycanes, principalement l’agrécane, qui se traduit essentiellement par des modifications quantitatives et qualitatives de ses chaînes de glycosaminoglycanes (GAG). Ces perturbations conduisent à la détérioration progressive et finalement irréversible de la matrice cartilagineuse. La biosynthèse des chaînes de GAG revêt une importance biologique considérable en raison de leur rôle dans l’organisation structurale de la matrice des tissus conjonctifs et de leurs propriétés régulatrices liées à leur capacité d’interaction avec les facteurs de croissance et les cytokines [2]. Les voies de biosynthèse des GAG mettent en jeu l’action séquentielle de glycosyltransférases. Elles sont initiées par l’assemblage d’une séquence tétrasaccharidique commune d’ancrage fixée sur un squelette peptidique pour former une amorce glycopeptidique (GlcAβ1,3-Galβ1,3-Galβ1,4-Xylβ-O-sérine), à partir de laquelle s’effectue la polymérisation des deux principaux types de chaînes de GAG (héparine/héparane-sulfates, chondroïtine/dermatane-sulfates) (Figure 2). La formation de cette séquence constituée par l’ajout successif de résidus glucidiques est catalysée par les enzymes suivantes : la O-xylosyltransférase I, la β1,4-galactosyltransférase 7 (GalT-I), la β1,3-galactosyltransférase 6 (GalT-II), et la β1,3-glucuronosyltransférase I (GlcAT-I) [3]. Le transfert d’un résidu αGlcNAc ou βGalNAc sur l’acide glucuronique terminal initie la polymérisation, respectivement, des chaînes d’héparane-sulfates ou de chondroïtine-sulfates. Ces hétéropolysaccharides subissent des modifications par l’action conjointe d’épimérases et de sulfotransférases, ce qui confère à la chaîne des GAG une complexité considérable et des fonctions variées. La GlcAT-I, en catalysant l’étape finale de la biosynthèse de l’amorce tétrasaccharidique des protéoglycanes, conditionne la …
Appendices
Références
- 1. Ghivizzani SC, Lechman ER, Kang R, et al. Direct adenovirus-mediated gene transfer of interleukin 1 and tumor necrosis factor alpha soluble receptors to rabbit knees with experimental arthritis has local and distal anti-arthritic effects. Proc Natl Acad SciUSA 1998 ; 95 : 4613-8.
- 2. Wegrowski Y, Maquart FX. Involvement of stromal proteoglycans in tumour progression. Crit Rev Oncol Hematol 2004 ; 49 : 259-68.
- 3. Gulberti S, Lattard V, Fondeur M, et al. Phosphorylation and sulfation of oligosaccharide substrates critically influence the activity of human β1,4-galactosyltransferase 7 (GalT-I) and β1,3-glucuronosyltransferase I (GlcAT-I) involved in the biosynthesis of the glycosaminoglycan-protein linkage region of proteoglycans. J Biol Chem 2005 ; 280 : 1417-25.
- 4. Bai X, Wei G, Anjana S, et al. Chinese hamster ovary cell mutants defective in glycosaminoglycan assembly and glucuronosyltransferase-I. J Biol Chem 1999 ; 274 : 13017-24.
- 5. Venkatesan N, Barré L, Benani A, et al. Stimulation of proteoglycan synthesis by glucuronosyltransferase-I gene delivery : a novel strategy to promote cartilage repair. Proc Natl Acad Sci USA 2004 ; 101 : 18087-92.
- 6. Calabro A, Hascall VC, Midura RJ. Adaptation of FACE methodology for microanalysis of total hyaluronan and chondroitin sulfate composition from cartilage. Glycobiology 2000 ; 10 : 283-93.