Depuis l’identification de la leptine, on sait que le tissu adipeux est un organe endocrine. Le club des adipokines (ou adipocytokines) vient de s’enrichir d’un nouveau membre : la visfatine qu’on connaissait déjà en tant que PBEF (pre-B cell colony-enhancing factor) [1]. Sept équipes japonaises sont partie de l’idée selon laquelle l’accumulation de graisse abdominale est particulièrement liée au syndrome métabolique. Ils ont comparé par differential display les ADNc dérivés d’échantillons appariés de graisses abdominale et sous-cutanée prélevés chez deux volontaires de sexe féminin (c’est précisé dans la publication !). Trente et une bandes furent identifiées sélectivement dans la graisse abdominale et l’une d’entre elles s’avéra nettement plus exprimée dans ce même tissu. Le séquençage indiqua qu’il s’agissait d’une protéine déjà connue en tant que facteur de croissance des cellules B à un stade précoce (PEBF) et essentiellement exprimée dans la moelle osseuse, le foie et les muscles. Sur un échantillon de 101 sujets, les concentrations plasmatiques de PEBF sont corrélées à la surface de graisse abdominale beaucoup plus qu’à la graisse sous-cutanée. De plus, une relation du même type, ainsi qu’une augmentation de l’expression de PEBF sélective de la graisse abdominale, sont observées sur deux modèles murins d’obésité, la souris KKAy et les souris C57BL/6J soumises à un régime enrichi en graisses. À partir de là, les auteurs décident de renommer le PBEF en tant que facteur sécrété par la graisse abdominale viscérale et choississent le vocable plus évocateur de visfatine. L’injection de visfatine diminue le glucose sanguin, sans modifier l’insuline, aussi bien chez la souris normale que chez la souris obèse KKAy. À l’inverse, des souris hétérozygotes vistatine+/- (les souris vistatine-/- meurent pendant l’embryogenèse précoce mais les souris vistatine+/- ne présentent pas de phénotype majeur) développent cependant une légère intolérance au glucose, avec des valeurs basales élevées. Les effets insulinomimétiques de la visfatine sont liés à la voie de transduction du récepteur de l’insuline (tyrosine-phosphorylation du récepteur de l’insuline et de ses substrats IRS-1 et IRS-2, liaison de PI3K à ceux-ci, phosphorylation d’Akt et de MAPK). Enfin, la visfatine présente une affinité équivalente à celle de l’insuline pour se lier à son récepteur, mais sur un site différent (liaison non compétitive), ce qui est cohérent avec les effets additifs de la visfatine et de l’insuline sur les systèmes de transduction du récepteur. Concernant le rôle physiologique de la visfatine en tant qu’hormone réglant le métabolisme, les auteurs restent cependant prudents car ses concentrations circulantes sont 10 à 30 fois plus faibles que celles de l’insuline et, contrairement à celles-ci, elles ne varient pas en fonction de l’état nutritionnel. En outre, le précurseur de la visfatine ne présente pas de séquence signal, ce qui est plutôt rare pour une protéine sécrétée, et des études antérieures avaient montré une distribution préférentielle dans le noyau et le cytoplasme faisant plus penser à une implication dans la régulation du cycle cellulaire [2]. Quoiqu’il en soit, l’action insulinomimétique de la visfatine en fait une nouvelle cible de choix pour la recherche clinique et thérapeutique dans le domaine du diabète et de l’obésité. La mimicrie - cette façon qu’ont certains animaux de se donner l’apparence d’une autre espèce -, n’avait pas échappé au sens aigu de l’observation de Darwin. Certaines espèces l’utilisent pour tromper les prédateurs en se faisant passer pour une autre, non comestible. D’autres, qui sont des prédateurs, prennent l’aspect d’êtres inoffensifs. La blennie (Plagiotremus rhinorhynchos), par exemple,∈imite le labre nettoyeur, petit poisson inoffensif à rayure bleue qui débarrasse les autres de leurs parasites [3]. Elle peut alors déchiqueter ses proies avec ses dents acérées. …
Appendices
Références
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