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Les travaux les plus récents ont confirmé la forte prévalence de la dépression : sur leur vie entière, 20 % des femmes et 10 % des hommes ont fait, font ou feront un épisode dépressif. De tels chiffres sont à l’évidence marquants ; ils le sont encore plus lorsqu’on s’intéresse à la complication majeure de la dépression, le suicide, qui se chiffre à 12 000 décès par an dans des pays comme la France. D’une manière générale, on estime que 15 % des patients déprimés décèdent par suicide [1]. À la souffrance personnelle et familiale que représente la dépression s’ajoute le poids social important de cette pathologie : la dépression représente d’ores et déjà l’une des premières causes d’arrêts de travail dans les pays occidentaux.

Malgré l’arsenal thérapeutique mis à la disposition du corps médical, en particulier SSRI (selective serotonin reuptake inhibitors) et SNRI (serotonin norepinephrine reuptake inhibitors), 30 % de la population dépressive n’est pas traitée. Les SSRI sont relativement bien tolérés comparativement aux antidépresseurs imipraminiques, mais présentent un certain nombre d’effets indésirables tels que des effets gastro-intestinaux et des perturbations de la fonction sexuelle ou du sommeil [2]. Un syndrome de sevrage à l’arrêt du traitement a également été rapporté avec l’emploi de certains SSRI [3]. Il existe donc un besoin évident de nouveaux traitements, plus efficaces, mieux tolérés et d’action plus rapide.

Au-delà de l’hypothèse mono-aminergique

Depuis plus de 40 ans, la recherche sur la pathogenèse de la dépression et le développement de médicaments efficaces a été dominée par l’hypothèse monoaminergique : les antidépresseurs sont ainsi, le plus souvent, associés à une facilitation de la transmission des systèmes monoaminergiques. Bien que les neurotransmetteurs monoaminergiques (sérotonine (5-HT), noradrénaline et dopamine) soient impliqués de façon indiscutable, il est admis aujourd’hui que les modifications des taux de monoamines produites par les antidépresseurs et les processus adaptatifs qui en découlent, en particulier l’altération de la sensibilité de certains de leurs récepteurs, ne peuvent expliquer à eux seuls le mécanisme d’action des antidépresseurs. Ainsi, il est difficile de corréler le délai d’action de 3 à 6 semaines nécessaire à l’obtention de l’efficacité clinique des antidépresseurs avec l’augmentation des taux synaptiques de monoamines, qui intervient dès la première administration du produit.

En près d’un demi-siècle, le nombre d’hypothèses sur le mécanisme d’action des antidépresseurs n’a cessé d’évoluer. Par exemple, des concentrations élevées de glucocorticoïdes sont généralement associées à un effet négatif sur l’humeur, ainsi qu’à des altérations structurelles de l’hippocampe, peut-être par l’intermédiaire d’une diminution de la synthèse du BDNF (brain-derived neurotrophic factor), d’une sécrétion excessive d’acide glutamique et/ou d’une diminution de la capture du glucose neuronal [4] ; conformément à ces observations, des inhibiteurs de la synthèse des glucocorticoïdes et des antagonistes des récepteurs des glucocorticoïdes exercent des effets de type antidépresseur [5]. Des antagonistes agissant sur les récepteurs de la substance P, en particulier le sous-type NK1, ou sur le récepteur CRF (corticotropin-releasing factor), ainsi que des antagonistes des récepteurs du NMDA ont été développés [6-8] : ces composés corrigent les déficits comportementaux dans les modèles animaux de dépression, mais on peut présumer qu’ils agissent indirectement par l’intermédiaire de mécanismes monoaminergiques.

Diverses études expérimentales récentes réalisées dans des situations de stress et des modèles de dépression ont impliqué la neurogenèse dans l’étiologie des troubles dépressifs majeurs [9, 10]. On a pu démontrer à ce jour que tous les traitements chroniques antidépresseurs, y compris l’électrochoc, stimulent la prolifération des cellules progénitrices à l’origine des neurones de la couche granulaire de l’hippocampe. On sait également que les antidépresseurs modulent l’expression de différents facteurs impliqués dans la survie et la croissance des cellules, tels que la CREB (adenosine monophosphate response element binding protein), le bcl-2 et les MAP (mitogen-activated protein)-kinases. Toutefois, l’importance fonctionnelle exacte de ces neurones néoformés dans la physiopathologie des troubles de l’humeur reste controversée [11].

Dépression et rythmes circadiens anormaux

La plupart des fonctions physiologiques, métaboliques et comportementales sont sous le contrôle de l’horloge biologique située dans les noyaux suprachiasmatiques (NSC) de l’hypothalamus antérieur. La désorganisation des rythmes circadiens, tels que le rythme veille/sommeil ou les rythmes hormonaux [12, 13], est caractéristique d’un grand nombre de troubles de l’humeur, y compris de la dépression, et suscite un intérêt croissant. Une désorganisation des rythmes circadiens a été mise en évidence dans des modèles animaux de dépression [14, 15], et il est connu qu’une désynchronisation des rythmes circadiens chez l’homme peut déclencher des épisodes dépressifs. Ce faisceau d’arguments indique que toute amélioration de la synchronisation des rythmes biologiques d’un individu dépressif pourrait avoir un effet bénéfique sur les épisodes dépressifs. Il pourrait donc être intéressant de disposer de traitements visant à corriger ces anomalies, ce qui constituerait une nouvelle approche du traitement de la dépression.

La mélatonine (N-acétyl-5-hydroxytryptamine), synchronisateur endogène des rythmes biologiques chez les mammifères, semble être une cible essentielle à prendre en considération, car de nombreuses perturbations des taux plasmatiques de mélatonine ont été observées chez les patients déprimés [16, 17]. La propriété chronobiotique de cette neurohormone et sa sécrétion étroitement liée au cycle des saisons et au cycle lumière/obscurité ont motivé la réalisation de nombreuses études afin de déterminer son rôle dans la pathogenèse de divers troubles psychiatriques, dont la dépression.

Développement d’un antidépresseur à mécanisme d’action innovant : la mélatonine en tant que cible

Dans les années 90, de nombreuses publications soutenaient l’activité potentielle de la mélatonine dans la prévention du stress et des conséquences du vieillissement, et dans la correction des rythmes circadiens perturbés au cours de nombreux troubles psychiatriques. Pour ces différentes raisons, Servier a synthétisé des agonistes des récepteurs de la mélatonine. L’agomélatine (S-20098, N(2-(7-méthoxy-1-naphthyl)éthyl)acétamide) est un bio-isostère naphthalénique de la mélatonine synthétisé en 1991 en collaboration avec le Pr Lesieur (Lille, France) ; retenue par Servier parmi quinze molécules, elle présentait une forte affinité, de même ordre que celle de la mélatonine, pour les récepteurs MT1 et MT2. Cette affinité a été démontrée in vitro, tout d’abord sur du tissu de l’hypophyse (pars tuberalis) chez le mouton [18], puis, une fois les récepteurs clonés, sur des cellules transfectées exprimant le récepteur humain.

Amélioration de la synchronisation des rythmes circadiens

Les études réalisées in vivo ont montré que l’agomélatine, comme la mélatonine, synchronise les rythmes circadiens d’activité-repos et de la température dans différents modèles de désynchronisation brutale des rythmes, chez les rongeurs placés en obscurité constante (modèle de cécité) [19-21], après une avance de phase du rythme lumière/obscurité, chez des rats présentant un retard de phase [22], ainsi que chez des rats et des hamsters âgés [23]. Les animaux âgés présentent des perturbations naturelles des rythmes circadiens et, chez ces animaux, l’agomélatine restaure la réponse de l’horloge circadienne aux stimuli environnementaux tels que les pulses d’obscurité et de lumière [24, 25]. L’activité resynchronisatrice de l’agomélatine a été démontrée chez les animaux nocturnes (rats, souris, hamsters) et diurnes (Arvicanthis mordax) [23, 25, 26]. La resynchronisation des rythmes est médiée par une avance de phase des rythmes circadiens [19] lorsque le produit est administré le soir, ou par une restauration du profil des rythmes circadiens, comme cela a été démontré chez le rat infecté par le trypanosome, un modèle animal de fragmentation du rythme veille/sommeil.

L’activité resynchronisatrice de l’agomélatine nécessite la participation des récepteurs de la mélatonine localisés dans le noyau suprachiasmatique de l’hypothalamus : en effet, la lésion sélective de ce noyau abolit l’action de l’agomélatine. En revanche, la pinéalectomie n’altère pas l’activité resynchronisatrice de l’agomélatine. En outre, un effet signal de l’agomélatine (perfusion d’une heure) est suffisant pour la resynchronisation des rythmes, et présente la même activité qu’une infusion de huit heures (données du Dr Pevet, UMR-CNRS 7518, Strasbourg, France). L’agomélatine ne modifie pas la sécrétion de mélatonine endogène, mais peut entraîner une avance de phase de la sécrétion de mélatonine. Dans tous les modèles, l’agomélatine présente une activité comparable à celle de la mélatonine.

Activité dans les différents modèles prédictifs d’une action antidépressive

Aujourd’hui, au-delà des tests pharmacologiques employés pour prévoir une activité antidépressive (antagonisme des effets des réserpiniques, antagonisme des effets de l’apomorphine et de la clonidine…), il existe de nombreux modèles animaux permettant de mettre en évidence les propriétés antidépressives des molécules testées. Les modèles comportementaux sont largement utilisés ; la plupart d’entre eux reposent sur la réversion d’effets délétères obtenus dans différentes situations de stress, aigu (test de la nage forcée, test de la suspension par la queue), sub-chronique (test de la résignation acquise) ou chronique (test du stress chronique modéré, stress prénatal). Les autres tests comportementaux sensibles aux antidépresseurs reposent sur la hiérarchie sociale chez les rongeurs, et notamment le comportement de dominance sociale (tests d’isolement des nouveau-nés, de défaite sociale, test de l’intrus…). Des modèles génomiques (délétion des sous-type de récepteurs du CRH, des tachykinines ou du transporteur de la sérotonine, antisense des récepteurs des glucocorticoïdes) et génétiques (rat Fawn Hooded, rat de la lignée Flinders Sensitive) ont été mis au point, ainsi qu’un modèle de lésion (rat ayant subi une bulbectomie). Dans le cadre du développement d’un agoniste mélatoninergique, le test de résignation acquise, le stress chronique modéré et le modèle des souris transgéniques avec un déficit des récepteurs des glucocorticoïdes sont des modèles plus particulièrement intéressants, car des perturbations des rythmes circadiens et du sommeil ont été clairement démontrées chez ces animaux « résignés » [27] et en « anhédonie » [15]. De fait, la mélatonine est active dans le modèle de stress léger chronique chez des souris C3H/He [28] et, dans une moindre mesure, chez des rats soumis à ce test [29].

L’agomélatine a été testée dans ces differents modèles, avec la mélatonine et des antidépresseurs de référence comme comparateurs. Par comparaison avec l’imipramine (64 mg/kg per os), l’administration aiguë ou réitérée (13 jours) d’agomélatine (2, 10 ou 50 mg/kg, per os) diminue significativement la durée d’immobilité du rat Wistar soumis au test de la nage forcée, mimant en cela une activité « antidépressive » ; chez la souris, ces effets sont comparables à ceux de la fluoxétine [30]. L’agomélatine est également efficace aux doses de 10 et 50 mg/kg per os dans le test de résignation acquise, de façon comparable à celle de l’imipramine à la dose de 64 mg/kg per os [31]. L’activité antidépressive de l’agomélatine a également été montrée dans le modèle du rat ayant subi une bulbectomie, puisque l’agomélatine (10 ou 50 mg/kg), comme l’imipramine (10 mg/kg), réduit significativement l’hyperactivité motrice par comparaison avec le groupe d’animaux non traités [32]. Dans ces trois modèles et dans les mêmes conditions expérimentales, la mélatonine est dépourvue d’activité antidépressive.

Aujourd’hui, le test du stress chronique modéré, modèle qui place les animaux dans un état d’anhédonie, est considéré comme l’un des plus pertinents pour mettre en évidence les propriétés antidépressives d’une molécule [33]. Dans ce modèle, les rats sont soumis pendant plusieurs semaines à des séances imprévisibles de stress modéré qui provoquent des troubles du comportement ressemblant à ceux observés chez les patients déprimés. Les rats développent notamment une anhédonie, mise en évidence par la diminution substantielle de leur consommation d’une solution de saccharose. Beaucoup d’autres symptômes de la dépression apparaissent chez les animaux soumis à ce stress chronique : réduction de l’activité sexuelle, de l’agressivité et de l’activité locomotrice, fragmentation du sommeil et augmentation du nombre d’épisodes REM (rapid eye movements), désordres de l’axe hypothalamo-hypophysaire… Ce modèle est également particulièrement intéressant car les produits testés ne corrigent l’anhédonie que sur la base d’une administration chronique : cette caractéristique rappelle le délai nécessaire à l’activité thérapeutique des antidépresseurs (4 à 6 semaines). Or, l’un des objectifs majeurs dans le développement des nouveaux antidépresseurs est aujourd’hui la réduction de ce délai ; le test du stress chronique modéré permet d’explorer ce délai d’action [33]. Enfin, ce test permet d’observer si la molécule testée provoque un phénomène de sevrage après l’arrêt du traitement.

Une série d’expérimentations réalisées par le groupe de Papp, en Pologne, a montré l’efficacité de l’agomélatine (10 et 50 mg/kg, en injection intrapéritonéale) dans ce modèle : la molécule s’oppose à l’anhédonie provoquée par le stress chronique, et ce de façon rapide (un délai de 2-3 semaines suffit) et robuste, aucun phénomène de sevrage n’apparaissant même après une semaine d’arrêt de traitement (Figure 1) [29]. L’efficacité de l’agomélatine a été testée en fonction du moment de son administration, le matin ou le soir. De façon tout à fait intéressante, l’agomélatine demeure efficace dans ce modèle quel que soit le moment de son administration, suggérant que son activité antidépressive ne repose pas uniquement sur une action chronobiotique liée à son effet agoniste sur les récepteurs mélatoninergiques ; en effet, dans les mêmes conditions expérimentales, la mélatonine n’améliore les symptômes d’anhédonie de l’animal que lorsqu’elle est injectée le soir. De plus, le S 22153, un antagoniste des récepteurs MT1/MT2, n’antagonise pas l’efficacité antidépressive de l’agomélatine administrée le matin (Figure 1) : les mécanismes neurobiologiques gouvernant l’action antidépressive de l’agomélatine sont donc différents de ceux de la mélatonine. Enfin, l’action de l’agomélatine est comparable à celle des antidépresseurs de référence tels que l’imipramine ou la fluoxétine.

Figure 1

Activité de l’agomélatine sur le stress chronique modéré (anhédonie).

Activité de l’agomélatine sur le stress chronique modéré (anhédonie).

Administration matinale d’agomélatine à la dose de 50 mg/kg en injection intrapéritonéale (voir commentaires dans le texte). ** p < 0,01, *** p < 0,001 par rapport aux animaux témoins traités avec le véhicule ou le médicament à la semaine 0 ; # p < 0,05, ## p < 0,01, ### p < 0,001 par rapport aux animaux stressés traités avec le médicament à la semaine 0 (d’après [29]).

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Implication des récepteurs 5-HT2C

Nous avons vu que l’action agoniste de l’agomélatine sur les récepteurs de la mélatonine ne pouvait rendre compte à elle seule de l’activité de la molécule dans plusieurs modèles expérimentaux de la dépression. L’analyse de l’affinité de l’agomélatine pour des sites de liaison a été étendue, et plus de quatre-vingts récepteurs centraux ou périphériques ont été criblés, de même que l’influence du produit sur l’activité de nombreuses enzymes. Ces études de liaison sur des tissus ou des cellules transfectées a montré l’absence d’affinité (Ki > 10 µM) de l’agomélatine pour la grande majorité des récepteurs étudiés, notamment les récepteurs de type adénosine, adrénergique, dopaminergique, GABA, muscarinique, nicotinique, histaminique, les récepteurs des acides aminés excitateurs, des benzodiazépines, les récepteurs de type sigma, mais aussi les canaux sodium, potassium et calcium. En revanche, une affinité notable de l’agomélatine pour les récepteurs 5-HT2C a été mise en évidence (IC50 2,7 x 10-7 M). Des études pharmacologiques complémentaires ont permis d’établir que l’agomélatine présente une activité antagoniste sur ces récepteurs. Des études menées sur du tissu de plexus choroïde de porc et sur des cellules transfectées par le récepteur 5-HT2C humain cloné ont montré que l’agomélatine bloque la liaison de [35S]GTP-γ-S sur la protéine G, ainsi que l’activation de la phospholipase C ou des phospho-inositides par la sérotonine, démontrant ainsi que l’agomélatine agit comme un antagoniste des récepteurs 5-HT2C [34].

L’agomélatine présente également in vivo des propriétés antagonistes des récepteurs 5-HT2C, et ce aux doses antidépressives : comme les antagonistes des récepteurs 5-HT2C, l’agomélatine augmente les taux de dopamine et de noradrénaline dans le cortex préfrontal. À l’inverse, la mélatonine est dépourvue d’effet sur la libération de ces monoamines et le S 22153, antagoniste des récepteurs MT1/MT2, ne bloque pas les effets de l’agomélatine, suggérant que ceux ci sont essentiellement reliés à des propriétés antagonistes des récepteurs 5-HT2C [34,35]. Une activité anxiolytique de l’agomélatine reliée à son action antagoniste des récepteurs 5-HT2C a été mise en évidence chez le rat dans le test d’interaction sociale et le test de Vogel : cette activité anxiolytique est mimée in vivo par le SB243,213, antagoniste sélectif de ce sous-type de récepteur 5-HT, mais pas par la mélatonine, et ne peut être bloquée par le S22153 [35].

Il est important de signaler que l’agomélatine est dépourvue des effets sérotonergiques observés avec les SSRI ou les imipraminiques : une administration aiguë ou chronique d’agomélatine ne modifie pas les taux extracellulaires de sérotonine, ni de son métabolite (5-HIAA), dans l’hippocampe ou le cortex préfrontal [34, 35]. Il a de plus été montré qu’après traitement chronique, l’agomélatine ne régule pas l’activité des récepteurs 5-HT1A pré- et postsynaptiques [36] (données obtenues en collaboration avec l’U.288 Inserm du Pr Hamon).

Effets neurobiochimiques

Bien que l’hypothèse soit controversée [11], la régulation de la prolifération cellulaire dans certaines régions cérébrales pourrait constituer un mécanisme commun aux antidépresseurs, quelle que soit leur cible neurochimique, et pourrait sous-tendre l’efficacité à long terme de ces traitements [9, 10]. À ce titre, l’agomélatine possède des propriétés équivalentes à celles d’autres antidépresseurs de référence : ainsi, des résultats récents de l’équipe du CNRS dirigée par le Dr Daszuta (Marseille, France) ont montré, chez le rat, que l’administration chronique d’agomélatine (40 mg/kg en injection intrapéritonéale pendant 21 jours) peut stimuler la prolifération des cellules localisées dans la zone ventrale de la sous-couche granulaire du gyrus dentelé [37]. Par ailleurs, il a été montré à l’Université de Lille (laboratoire du Dr Maccari) qu’un traitement de trois semaines avec l’agomélatine (10 ou 50 mg/kg en injection intrapéritonéale) peut antagoniser le déficit prolifératif des cellules granulaires de l’hippocampe, déficit observé dans un modèle de dépression chez le jeune rat dont la mère a subi un stress répété pendant la gestation [38].

Profil de sécurité

L’agomélatine est dépourvue de tout potentiel addictif [39] et son administration chronique n’entraîne pas de signes de tolérance ou de dépendance, ni de syndrome de sevrage à l’arrêt du traitement. Contrairement aux antidépresseurs actuellement sur le marché, l’agomélatine est dépourvue d’effet sérotoninergique [34, 36], d’où une fréquence d’effets indésirables (désordres gastro-intestinaux (nausées, vomissements, notamment), perturbations de la fonction sexuelle ou du sommeil) comparable à celle observée sous placebo. De plus, l’absence d’affinité de l’agomélatine envers un large éventail de récepteurs lui confère un excellent profil de sécurité, en particulier sur le plan cardiovasculaire et cognitif.

Conclusions

Le programme de pharmacologie préclinique du plan de développement de l’agomélatine a démontré l’activité antidépressive et l’originalité pharmacologique de ce produit, qui associe des propriétés agonistes des récepteurs mélatoninergiques et antagonistes des récepteurs sérotonergiques du sous-type 5-HT2C. Le développement clinique de l’agomélatine a par la suite confirmé les résultats et hypothèses du développement pharmacologique animal. L’efficacité de cet antidépresseur et sa rapidité d’action s’accompagnent de propriétés intéressantes sur certaines composantes de la dépression (notamment l’amélioration des troubles du sommeil), permettant d’envisager une place particulière pour ce médicament dans l’arsenal thérapeutique. Enfin, l’agomélatine présente un profil de sécurité particulièrement avantageux par rapport aux antidépresseurs déjà sur le marché, ce qui en fait un médicament d’un maniement aisé.