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Pour un seul papillon, dix espèces différentes
Dans la région qui va du sud des États-Unis au nord de l’Argentine, dans les plaines sèches ou les forêts humides, dans les terres vierges ou les jardins urbains, il n’est pas rare de voir voler l’Astraptes fulgerator. Ce papillon de la famille des Hesperidae est très répandu dans cette zone subtropicale. Décrit pour la première fois en 1775, il est observé et élevé depuis 25 ans dans la réserve naturelle de Guanacaste au nord-ouest du Costa Rica. Des entomologistes ont examiné des milliers de chenilles et des centaines d’adultes et les ont répertoriées sur le site http://janzen.sas.upenn.edu où l’on peut admirer de très nombreuses photos. Bien que la dissection de 67 mâles et femelles adultes n’ait révélé aucune différence morphologique, quelques petites différences (l’intensité de la couleur bleue du corps entre autres) conduisaient à se demander si, sous cet Astraptes fulgerator, ne se cachaient pas plusieurs espèces. Grâce à l’étude de l’ADN de 484 adultes, en comparant la séquence du gène codant pour la cytochrome oxydase I, on s’aperçut qu’on avait affaire à dix espèces différentes au moins ! Celles-ci sont désormais classées sur un site qui attribue à chacune un code barre, et qui a pour ambition de faire l’inventaire de la biodiversité de toutes les espèces vivantes (http://www.barcodinglife.com). A posteriori, une fois déterminés les dix haplotypes, il devint clair que chaque espèce avait des particularités morphologiques ou écologiques qui auraient pu permettre de la reconnaître : couleurs de la chenille, plante sur laquelle elle se développe, couleurs des ailes ou de l’abdomen des adultes. Les 10 espèces ont reçu un nom. Pour 7 d’entre elles, il se rattache au nom de la plante qu’elles consomment préférentiellement ou exclusivement : par exemple TRIGO pour celle qui ne se nourrit que de Trigonia, une herbe à feuilles trifoliées, ou BYTTNER, beaucoup plus rare, pour celle qui se nourrit uniquement de Byttneria catalaefolia (de la même famille des Sterculiacae que le cacaoyer ou le cola). Pour les trois autres espèces, il comporte en plus une indication de la couleur : citons SENNOV pour l’espèce qui se nourrit d’une variété de fèves (Senna hayesiana) et dont le ventre est orange (OV). Ce travail est intéressant à plus d’un titre [1]. Il prouve une fois de plus que l’analyse de l’ADN est un outil puissant et rapide d’identification des êtres. Il incite à étudier de la sorte d’autres variétés d’arthropodes dans les régions des tropiques où d’autres espèces cryptiques ont déjà été observées (en particulier dans la famille des Scorpionidés). Il justifie l’effort en cours pour attribuer un code barre, ou à « barcoder » animaux et végétaux. Ainsi, tandis que les modifications des écosystèmes font disparaître sous nos yeux de nombreuses espèces vivantes, nous en découvrons d’autres, jusque là ignorées (mais souvent très fragiles car liées à la présence de certaines plantes) qui vont nous obliger à redéfinir dans le détail l’évolution du vivant.
Les premières drosophiles clonées
Après le clonage des amphibiens (1966), des poissons et des mammifères (2002), voici que Drosophila melanogaster vient d’être clonée avec succès par une équipe canadienne [2]. Pour y parvenir - car jusqu’à présent les tentatives avaient échoué -, V. Lloyd et son équipe ont utilisé des noyaux d’embryons (et non pas des noyaux provenant d’adultes) marqués par la GFP (green fluorescent protein). Ils les ont injectés dans des oeufs provenant de femelles W1118 fécondées par des spermatozoïdes de mâles homozygotes ms(3)K81 connus pour leur incapacité à accomplir la fusion des pronucléus, ce qui interdit tout développement embryonnaire. Mais le travail fut laborieux : sur plus de 800 tentatives, 14 larves (1,7 %) et seulement 5 mouches adultes (0,6 %) furent obtenues. D’après les expériences témoins, il semble que les lésions mécaniques soient responsables de 80 % des échecs. Mais les recherches se poursuivent pour comprendre les 20 % d’échecs restant et étudier les anomalies de reprogrammation. Alors que, dans de nombreux pays, les mouches font partie des nuisances, quel est l’intérêt de vouloir en cloner ? Depuis T.H. Morgan, D. melanogaster constitue un excellent modèle animal, peu coûteux, à reproduction rapide. Son génome est connu. Il est possible d’invalider des gènes, de rechercher ceux qui interviennent dans la reprogrammation des noyaux donneurs, et d’étudier le rôle des mitochondries de la cellule receveuse. Aucun doute que ces ancestrales et dociles servantes de la génétique ne finissent par fournir encore de précieux renseignements sur les mécanismes de reproduction.
Les lymphocytes T suppresseurs à l’origine de l’échappement tumoral
Après une disgrâce de plus d’une vingtaine d’années, les lymphocytes suppresseurs sont de nouveau à la mode en immunologie. À l’époque, pour parfaire l’immunologie de la transplantation, il s’agissait d’identifier des lymphocytes T, encore peu caractérisés et les facteurs qu’ils sécrétaient, capables d’inhiber une réponse allogénique [3]. Aujourd’hui, ces cellules T suppressives sont caractérisées phénotypiquement, CD4+CD25+, et les facteurs qu’ils sécrètent sont les cytokines IL-10 et TGF-β. Ces lymphocytes suppresseurs peuvent agir par contact cellulaire. Ils portent alors le nom de Treg, ils expriment le facteur de transcription FoxP3 [4] et inhibent la prolifération lymphocytaire T CD4+ autologue et la production d’IFN-γ de lymphocytes T CD8+. On les appelle Tr1 ou Th3 lorsqu’ils suppriment l’activation lymphocytaire réactionnelle de type Th1 en sécrétant les cytokines IL-10 et/ou TGF-β. La manipulation du système immunitaire en vue de stimuler un tel mécanisme pouvant conduire à une tolérance serait bénéfique, non seulement en transplantation pour éviter le rejet du greffon allogénique, mais aussi dans les maladies inflammatoires auto-immunes. Un excès de tolérance pour contrôler un processus inflammatoire serait-il responsable de l’échappement tumoral ? Récemment, une équipe française de l’Institut Pasteur conduite par Manuelle Viguier, et en collaboration avec le service de dermatologie de l’hôpital Saint-Louis à Paris, vient de proposer un mécanisme original susceptible de provoquer un échappement tumoral dans les mélanomes métastasés [5]. Elle met en évidence, dans des ganglions de mélanomes envahis de métastases, une augmentation significative de lymphocytes T CD4+CD25+ qui expriment FoxP3. Cette population lymphocytaire, qui est polyclonale, se comporte fonctionnellement comme les cellules T suppressives puisqu’elle inhibe la prolifération allogénique et la production de cytokines de type Th1, de lymphocytes T autologues isolés du même ganglion. S’agit-il de lymphocytes Treg ou Tr1/Th3 ? En d’autres termes, leur mode d’action passe-t-il par un contact cellulaire qui impliquerait principalement CTLA-4, ou par des médiateurs solubles ? La réponse semble indiquer que les deux mécanismes sont responsables de la suppression. Bien sûr, dans les ganglions réactionnels non envahis par des tumeurs, il y a moins de cellules suppressives CD4+CD25+, mais elles sont présentes et fonctionnelles, comme d’ailleurs dans le sang de donneurs apparemment sains. De plus, ce que montre leur étude, c’est que même les lymphocytes CD4+CD25-, donc a priori non suppresseurs, se comportent comme des Tr1/Th3 en produisant de l’IL-10 et du TGF-β. Ces résultats sont intéressants mais nécessitent des études complémentaires, notamment pour démontrer que ces cellules, même si leur nombre est augmenté dans les ganglions métastatiques, sont bien à l’origine de l’échappement tumoral.
Une fusion pour expliquer la division des cardiomyocytes adultes ?
La capacité des cardiomyocytes adultes de se diviser, notamment après infarctus du myocarde, est actuellement sujette à une controverse animée. Différentes publications avaient démontré la capacité de cellules d’origine médullaire de fusionner avec des cardiomyocytes in vivo en cas de lésion cardiaque et d’adopter un phénotype cardiomyocytaire. Une équipe japonaise a alors émis l’hypothèse selon laquelle la fusion pouvait être à l’origine de la réentrée du cardiomyocyte dans le cycle cellulaire [6]. Elle a tout d’abord démontré que la fusion entre cardiomyocytes néonatals de rat était détectable in vitro avec des cellules endothéliales de veine ombilicale humaine (HUVEC), des fibroblastes d’origine cardiaque, des cellules progénitrices endothéliales humaines ou des cellules médullaires mésenchymateuses (et non avec des cellules souches hématopoïétiques). Les cellules fusionnées montrent alors une augmentation progressive des marqueurs de différenciation cardiaque et la capacité de se contracter avec un rythme équivalent à celui des cardiomyocytes néonatals d’origine. De façon plus étonnante, alors que les cardiomyocytes néonatals n’expriment jamais les marqueurs des phases G2-M du cycle cellulaire, histone H3 et cycline B1, environ 9 % des cellules fusionnées expriment ces marqueurs, suggérant une réentrée possible en mitose après leur fusion avec les cellules endothéliales ou les fibroblastes. Afin de vérifier in vivo ces résultats, des cellules HUVEC ou des cellules musculaires squelettiques ont été injectées dans le coeur de souris. Par le truchement de différentes stratégies, dont la désormais classique utilisation de la recombinase Cre, des cellules fusionnées ont été détectées dans tous les cas 4 à 7 jours après l’injection. En cas de lésion induite dans le coeur des animaux, des cellules fusionnées exprimant le marqueur Ki67 (marqueur qui détecte les cellules en cycle et qui sont absentes du myocarde adulte normal) sont détectées dans la zone bordant la lésion. Ainsi, la capacité des cardiomyocytes de se diviser serait apportée par l’ajout d’un génome différent. Les auteurs ne précisent pas néanmoins si le cycle cellulaire des cellules fusionnées qui se divisent est normal. Voilà en tout cas de quoi continuer d’alimenter la polémique !
Comment le facteur SDF entraîne la domiciliation de cellules progénitrices dans les tissus ischémiques !
La chimiokine SDF-1 (dont la signification est non pas « sans domicile fixe » mais stromal derived factor !) est responsable de la domiciliation des cellules souches hématopoïétiques (CSH) dans la moelle par l’intermédiaire de son récepteur CXCR-4, exprimé à leur surface. Parallèlement, l’augmentation de l’expression périphérique de SDF-1 entraîne l’extrusion des CSH de la moelle, mécanisme à l’origine de la mobilisation de ces cellules après traitement par le G-CSF (granulocyte-colony stimulating factor). Plus récemment, il a été montré que la surexpression de SDF-1 dans les tissus ischémiés augmentait le recrutement de progéniteurs endothéliaux du sang périphérique vers la zone lésée. Deux équipes, l’une italienne [7], l’autre américaine [8], viennent de disséquer les mécanismes impliqués dans ce processus. Dans les deux cas, les auteurs observent une augmentation transcriptionnelle et traductionnelle de l’expression de SDF-1 dans des tissus ischémiés. L’équipe italienne [7] s’est intéressée au devenir des cellules progénitrices de la moelle capables de différenciation endothéliale. Elle a démontré que l’appel de ces cellules se fait par le facteur SDF-1. Cette implication de SDF-1 dans la mobilisation et la différenciation des cellules endothéliales progénitrices (EPC) dépend, d’une part, de leur adhérence relayée par les intégrines α2, α 4 et α5 à la matrice extracellulaire et, d’autre part, de l’arrêt du cycle cellulaire. De surcroît, le facteur SDF-1 semble alors augmenter la formation de structures vasculaires tubulaires in vivo. L’équipe américaine va encore plus loin en démontrant que l’hypoxie, par l’intermédiaire du facteur HIF-1 (hypoxia-inducible factor), est à l’origine de l’augmentation de l’expression de SDF-1 dans les tissus ischémiés. HIF-1, médiateur central de la réponse à l’hypoxie, contrôle l’expression de plus d’une soixantaine de gènes impliqués dans la survie ou le métabolisme en réponse à la privation en oxygène. Parmi eux, on peut désormais compter SDF-1. Les auteurs démontrent que le blocage par petits ARN interférents de l’expression de HIF bloque également l’augmentation de l’expression de SDF-1 relayée par l’hypoxie. Enfin, le blocage de SDF-1 dans les tissus ischémiés, ou celui du récepteur CXCR4 sur les progéniteurs circulants, empêche le recrutement de ces derniers dans les zones lésées. La modulation de l’expression de HIF-1 pourrait donc devenir un enjeu thérapeutique pour maintenir ou améliorer une réponse régénérative. Cependant, si l’on garde à l’esprit que SDF-1 intervient également dans le développement d’une artériosclérose post-transplantation en mobilisant des CSH capables de différenciation en cellules musculaires lisses [9] ou bien encore que cellules progénitrices et cellules cancéreuses partagent ce même axe CXCR-4/SDF-1, on perçoit déjà le visage de Janus qu’aurait une telle approche ! Il reste néanmoins que la terminologie SDF, pour les francophones que nous sommes, est une abréviation bien paradoxale pour un facteur essentiel de domiciliation !
Inhibition expérimentale de la liaison du facteur SF/HGF à son récepteur comme traitement de la dissémination métastatique…
Le facteur HGF (hepatocyte growth factor), encore appelé scatter factor (SF), est présent dans la matrice extracellulaire des tissus où il est synthétisé sous une pro-forme inactive. Pour être actif, il doit être clivé par des protéases spécifiques présentes à la surface cellulaire comme uPA (urokinase plasminogen activator) ou HGF activator. Ses principales fonctions, motogène, mitogène et morphogène, sont relayées par sa liaison au récepteur c-met. Lors d’un dommage tissulaire, par exemple lors d’une agression hépatique, l’activation de ces protéases spécifiques catalyse la conversion de pro-SF en SF. Ce dernier participe à la protection des cellules contre l’apoptose et promeut la régénération. Les tumeurs invasives peuvent également surexprimer de telles protéases. L’activation de c-met aboutit à un processus tumoral associé à des métastases, et l’expression inappropriée du couple ligand-récepteur a été décrite dans de nombreux types de tumeurs humaines. L’axe HGF/c-met est donc devenu une cible thérapeutique intéressante. Ainsi, il avait été montré que des anticorps neutralisants dirigés contre HGF avaient une activité anti-tumorale chez l’animal. Une équipe italienne, qui avait déjà démontré le rôle anti-tumoral et anti-métastasiant d’un récepteur c-met soluble surexprimé in vivo [10], vient de présenter une stratégie un peu différente, visant à empêcher le clivage de SF et donc son activation [11]. Les auteurs ont créé un mutant de SF en substituant un seul de ses acides aminés dans son site protéolytique. Ils ont ensuite vérifié que cette forme mutante était non clivable par les protéases, capable de se lier au récepteur c-met, mais incapable d’induire la voie de signalisation en aval. Lorsque des cellules tumorales transduites par un lentivirus exprimant ce facteur non clivable sont injectées par voie sous-cutanée chez des souris immunodéprimées, leur développement tumoral, le nombre de tumeurs formées et le poids de celles-ci sont significativement diminués par rapport aux mêmes cellules tumorales transduites avec un lentivirus témoin. Point plus intéressant encore, cette expression du facteur SF muté semble prévenir la formation spontanée des métastases. Ces effets sont dépendants de c-met puisqu’ils ne sont pas retrouvés avec une lignée tumorale ovarienne n’exprimant pas ce récepteur. Enfin, l’injection directe des vecteurs lentiviraux par voie systémique diminue la progression tumorale et l’invasion micro-métastatique de tumeurs implantées chez la souris 5 semaines après l’injection lentivirale. A priori, aucun effet secondaire de cette approche systémique n’a pu être mis en évidence. Devant le nombre d’essais thérapeutiques anti-tumoraux ayant donné des résultats spectaculaires sur le développement de tumeurs artificiellement induites chez le rongeur, mais qui se sont par la suite révélés décevants chez le gros animal ou chez l’homme, on est en droit de rester méfiant ! Néanmoins, le mérite de la stratégie proposée ici est son originalité et son double impact, à la fois sur la progression tumorale et la dissémination métastatique.
Un facteur de prédisposition sur le chromosome 5 à la sclérose en plaques
La sclérose en plaques (SEP) est une affection du système nerveux central. Elle se caractérise par le développement de lésions inflammatoires et démyélinisantes dans le cerveau et la moelle épinière : les plaques. Des facteurs génétiques et environnementaux interviennent dans cette maladie, mais la seule certitude est la présence d’un facteur de risque dans la région HLA impliquée dans l’auto-immunité. Les gènes de prédisposition à la SEP sont probablement nombreux et pris individuellement, ils ne confèrent qu’un petit risque de développer la maladie (pour revue, voir [12]). La localisation puis l’identification de ces facteurs de risque ne pouvaient aboutir que par l’étude d’un nombre important de familles. Récemment [13], le réseau français « Étude génétique de la sclérose en plaques » (coordination B. Fontaine) et son homologue américain, le Multiple Sclerosis Genetics Group (coordination S.J. Hauser), ont mis en commun leur échantillon de familles comportant plusieurs membres (essentiellement des frères et soeurs) atteints de SEP. Sur ces 245 familles, un des plus gros échantillons jamais analysés, a été utilisée une approche par criblage systématique du génome : l’identification des facteurs se fait de manière indirecte en se servant de l’information apportée par des marqueurs génétiques dont on connaît la localisation sur le génome. Le résultat le plus important de cette étude est la confirmation de la présence d’un facteur de prédisposition à la SEP dans la région 5q31-q33. Cette région est particulièrement intéressante, car retrouvée dans de nombreuses maladies auto-immunes et/ou inflammatoires (diabète insulinodépendant, maladie coeliaque, maladie de Crohn, asthme et allergie…). De plus, cette région est en synténie avec une région du chromosome 10 du rat, où a été identifié un facteur de risque pour le modèle animal de la SEP par une équipe membre du réseau français [14]. Les recherches du réseau français se focalisent à présent sur une étude plus fine de cette région.
Immunocontraception expérimentale réversible chez le singe
Si de nombreuses méthodes de contrôle des naissance existent chez la femme, les possibilités de contraception chez l’homme demeurent limitées (préservatifs, vasectomie). L’immunocontraception, méthode non hormonale, a surtout été étudiée chez la femme dans le but d’empêcher la fertilisation ou la gestation. Chez l’homme, cette méthode pourrait représenter une alternative aux essais cliniques de contraception hormonale actuellement en cours visant à supprimer la production de spermatozoïdes. M. O’Rand et al. [15] rapportent des résultats prometteurs d’immunocontraception effective et réversible obtenue chez des singes macaques immunisés par l’eppine, une protéine spécifique du testicule et de l’épididyme, liée à la séménogéline, impliquée elle-même dans la formation du coagulum de l’éjaculat. Les auteurs de cette étude ont, dans un premier temps, sélectionné les animaux qui, après immunisation, présentaient les titres les plus élevés d’anticorps anti-eppine dans le liquide séminal, puis vérifié que cette immunisation n’avait aucune conséquence sur le taux de testostérone et de spermatozoïdes. Les résultats de l’étude proprement dite ont montré qu’aucune des femelles macaques utilisées dans l’étude n’a pu être fécondée par les mâles immunisés par l’eppine, alors qu’elles étaient normalement fécondées par les animaux témoins non immunisés. La plupart des animaux ayant des taux élevés d’anticorps anti-eppine redevenaient fertiles après que l’immunisation ait été stoppée. Ce travail montre qu’une immunocontraception efficace et réversible est possible chez l’animal et ouvre ainsi des perspectives d’étude chez l’homme.
Marchez et votre cerveau restera jeune
Les facteurs favorisant la démence sénile restent pour la plupart inconnus. S’il est admis que la persistance d’activités intellectuelles et l’entretien de la mémoire réduisent le risque, on sait peu de choses sur le rôle de l’activité physique. Deux articles récents de R.D. Abbott et al. [16] et de J. Weuve et al.[17] examinent ce problème chez l’homme et la femme, respectivement, et concluent à l’influence bénéfique de la marche sur la prévention de la démence chez les sujets âgés des deux sexes. D’après un interrogatoire fait entre 1991 et 1993 chez 2 257 hommes capables d’activité physique et âgés de 71 à 93 ans, les distances moyennes parcourues à pied par jour ont été évaluées. Un état de démence fut recherché à deux reprises chez ces sujets, d’abord entre 1994 et 1996, puis entre 1997 et 1999. Le diagnostic était fondé sur l’évaluation des facultés cognitives à partir d’un protocole pré-établi (cognitive abilities screening instrument, CASI) aboutissant à une note entre 0 et 100. La possibilité de démence fut envisagée au-dessous de 74. Au cours de ce suivi, 158 cas de démence furent retenus, correspondant à une incidence annuelle de 15,6 pour 1 000. Après ajustement sur l’âge pour tenir compte du déclin normal des capacités physiques, les hommes qui marchaient peu (moins de 0,4 km/jour) présentaient un risque de démence 1,8 fois plus élevé que ceux qui marchaient beaucoup (plus de 3,2 km/jour). Un risque accru de 1,7 était également observé en comparant les marcheurs intermédiaires parcourant de 0,4 à 1,6 km/jour aux grands marcheurs (plus de 3,2 km/jour). La prise en compte dans l’étude statistique d’autres facteurs pouvant diminuer l’activité physique à la fin de la vie, tels que l’état cognitif basal évalué entre 1991 et 1993, la prédisposition génétique à la démence (polymorphisme des gènes codant pour les apolipoprotéines) et la diminution de l’activité physique dès l’âge adulte, ne modifièrent pas les résultats. Le travail parallèle repose sur l’étude de 18 766 femmes âgées de 70 à 81 ans. Elles furent invitées, de 1986 à 1992, à répondre tous les deux ans à un questionnaire sur leurs activités physiques de loisir et sur la vitesse à laquelle elles marchaient. Chaque activité fut notée en fonction de l’énergie dépensée, la note 1 correspondant à la station assise au repos. Les tests cognitifs furent effectués au téléphone selon un protocole fixe (telephone interview for cognitive status, TICS) à 6 reprises entre 1995 et 2003, avec attribution d’une note globale. La comparaison des femmes appartenant respectivement au quintile le plus bas et au quintile le plus élevé d’activité physique montra que le risque de déficit cognitif était de 20 % inférieur chez les dernières. Les notes moyennes de capacité cognitive étaient de 6 % à 7 % plus élevées chez les femmes marchant plus de 1,5 heure par semaine, comparées à celles marchant moins de 40 minutes par semaine. Ainsi, tout aussi bien chez l’homme que chez la femme, il est conseillé d’avoir une activité physique régulière et à long terme afin d’améliorer les fonctions cognitives et de retarder l’éventualité de la démence sénile.
Vioxx® : les raisons d’un retrait très précipité
Le 30 septembre 2004, le laboratoire américain Merck annonçait le retrait volontaire du marché mondial du rofecoxib (Vioxx®). Cet anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS), inhibiteur sélectif de la cyclo-oxygénase 2, s’était imposé, compte tenu d’une toxicité digestive moindre qu’avec les AINS conventionnels, comme l’un des traitements phares dans la prise en charge des symptômes des maladies articulaires (arthrose et polyarthrite rhumatoïde). Plus de 80 millions de patients dans le monde et 2 millions de personnes en France auraient été traités par le rofecoxib depuis son lancement en 1999. Le retrait de ce médicament, qui a représenté 20 % des profits du Laboratoire Merck en 2003, a été motivé par les résultats intermédiaires d’un essai thérapeutique de phase III, l’essai APPROVe. Cet essai multicentrique, débuté en 2000, randomisé, contrôlé contre placebo, avait pour objectif d’évaluer l’efficacité du rofecoxib en traitement chronique (25 mg par jour pendant 3 ans) dans la prévention des récidives de polypes colorectaux chez des patients de plus de 40 ans ayant des antécédents d’adénomes colorectaux. L’hypothèse testée répondait à des observations épidémiologiques et pré-cliniques suggérant que l’inhibition de la cyclo-oxygénase 2 était susceptible de réduire la récidive de polypes coliques. L’analyse intermédiaire de l’essai montre qu’après 18 mois de traitement quotidien continu, il existe une augmentation significative du risque d’événements cardiovasculaires graves (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral) chez les patients traités par rofecoxib comparés au groupe placebo (3,5 % contre 1,9 % respectivement ; p < 0,001). Ce retrait et ses conséquences soulèvent deux points majeurs pour la communauté médicale et scientifique. D’une part, la capacité de déceler précocement (dès le développement) un risque toxique imputable au médicament apparaît cruciale [18]. Ainsi, la tolérance cardiovasculaire d’un médicament développé pour la prise en charge de maladies rhumatismales ne semble pas avoir été anticipé et évalué précisément en dépit de la forte prévalence de maladies artérielles chez les patients présentant des maladies articulaires. Une augmentation du risque d’infarctus du myocarde sous « coxibs » avait pourtant été évoquée au vu des résultats des premiers essais cliniques et de grandes études épidémiologiques. Par ailleurs, le mécanisme impliqué dans le surcroît de risque cardiovasculaire sous rofecoxib reste à déterminer, mais pourrait être lié à la réduction de formation de prostaglandine I2, vasodilatatrice, inhibant l’agrégation plaquettaire et produite principalement par la cyclo- oxygénase de type 2 [19].
Ces bactéries qui nous font grossir
En utilisant des souris dépourvues de flore bactérienne intestinale (animaux gnotobiotiques axéniques), il a été montré que la recolonisation par une flore normale entraînait des modifications importantes du métabolisme glucido-lipidique [20] : une élévation de la glycémie et de l’insulinémie et une stimulation de la synthèse de lipides par le foie - ce qui peut s’expliquer par une amélioration de l’absorption intestinale des glucides (un phénomène déjà connu) - et une forte augmentation du poids du tissu adipeux. L’originalité de ce travail tient en la découverte de la production par l’intestin non colonisé d’une protéine déjà identifiée [21], appelée FIAF (fasting induced adipocyte factor, ou encore angiopoietin like protein 4). Cette protéine circulante inhibe l’activité de la lipoprotéine lipase périphérique [22]. La lipoprotéine lipase est une enzyme chargée de capturer les lipides des lipoprotéines afin de les stocker, essentiellement dans le tissu adipeux. La sécrétion de FIAF est inhibée par la recolonisation bactérienne avec une flore normale, ce qui stimule l’activité de la lipoprotéine lipase et donc - à l’arrivée de nutriments supplémentaires -, le stockage des lipides. Des expériences utilisant des souris dépourvues du gène FIAF ont confirmé l’importance de cette protéine comme médiateur des effets de la flore sur le stockage de lipides dans le tissu adipeux. En d’autres termes, la relation symbiotique que nous entretenons avec nos bactéries résidentes (dix fois plus nombreuses que nos propres cellules) et qui est fondée sur le partage des aliments se manifeste également dans l’orientation finale de l’énergie que nous absorbons. Le type de flore que nous hébergeons pourrait alors contribuer plus ou moins à notre prédisposition à l’obésité. À quand les laits fermentés enrichis en Lactobacillus amincissus?
Le déclin de l’empire des amphibiens
L’inquiétude est apparue au premier congrès d’herpétologie en 1989 en raison d’une diminution sensible de la population des amphibiens au États-Unis, à Porto Rico et en Australie. Mais on espérait encore qu’il ne s’agissait que de variations passagères, comme on en avait déjà observé précédemment. Cette fois, il faut se rendre à l’évidence : de nombreuses espèces de batraciens sont en voie d’extinction et, pour certaines, d’autant plus inexorablement qu’on ne sait pas pourquoi. Les conclusions de plus de 5 000 herpétologistes viennent d’être publiées récemment : sur 5 743 espèces d’amphibiens connues, 1 855 sont menacées [23]. On s’aperçoit aujourd’hui que cette classe de vertébrés est plus sensible que les mammifères et les oiseaux qui, pourtant, comptent aussi de nombreuses espèces en voie de disparition. Qu’on en juge : 427 espèces d’amphibiens (7,4 %) contre 179 espèces d’oiseaux (1,8 %) et 184 espèces de mammifères (3,8 %). Parmi les raisons de leur déclin, la réduction de leur habitat, la surexploitation (surtout pour la famille des Ranidae), mais aussi ce que les auteurs appellent le « déclin énigmatique ». La GAA (global amphibian assessment)[*] estime que celui-ci pourrait s’expliquer par des modifications climatiques et surtout par une mycose due à un champignon chytridiomycète : Chytridiomycota. On ignore pourquoi la chytridiomycose est actuellement plus nocive : peut-être le champignon est-il devenu plus pathogène, ou certaines espèces plus sensibles… Quoi qu’il en soit, le nombre d’espèces menacées est probablement sous-évalué car les données dans certaines zones géographiques (les Tropiques par exemple) sont très parcellaires. Cent treize espèces semblent avoir complètement disparu depuis 1980. Une dizaine d’autres paraissent éteintes mais une vérification soigneuse sur plusieurs années doit être faite pour pouvoir l’affirmer car, dans un passé récent, il est arrivé qu’on retrouve bien vivants des animaux appartenant à des espèces considérées comme disparues [24]. Le « déclin rapide » a touché 4 familles d’amphibiens : Les Leptodactylidés (amphibiens d’Amérique tropicale comme le crapaud-boeuf) ; les Bufonidés (crapauds de divers continents) ; les Ambystomatidés (salamandres) et l’étrange petite famille des Rhéobatrachidés (grenouilles qui avalent leurs oeufs et les régurgitent quand ils ont atteint le stade de têtard). Si l’on n’y prend pas garde, d’autres espèces d’amphibiens vont disparaître dans les prochaines décennies. En raison de la porosité de leur peau et de leur sensibilité à la sécheresse, cette classe de vertébrés est particulièrement sensible à l’environnement. Tant que les causes du « déclin énigmatique » ne seront pas mises à jour, la seule option possible pourrait être la reproduction en captivité, mais certaines espèces ne se prêtent guère à l’élevage ex situ. Toutefois, cette étude a eu le mérite de rassembler les herpétologistes et de leur permettre, pour la première fois, de comparer toutes leurs informations. Espérons qu’il s’ensuivra une prise de conscience et que des mesures de protection seront prises à l’échelle mondiale..
Appendices
Note
Références
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