NouvellesNews

Peut-on reprogrammer des cellules cancéreuses ?Is reprogramming of carcinoma cells possible ?[Record]

  • Hélène Gilgenkrantz

…more information

Les modifications génétiques agissent généralement de concert avec des modifications épigénétiques pour induire un processus tumoral. Si les premières sont transmissibles, les secondes, telles que la méthylation de l’ADN ou l’acétylation des histones, sont potentiellement réversibles puisqu’elles n’altèrent pas directement la séquence d’ADN. Pour étudier le rôle de ces modifications épigénétiques dans l’oncogenèse, l’équipe de Rudolf Jaenisch a utilisé le transfert nucléaire. En effet, transférer un noyau d’une cellule différenciée dans un ovocyte énucléé s’apparente presque à appuyer sur la touche « remise à zéro » d’un programme, et donc à effacer les modifications épigénétiques. Le protocole expérimental proposé ici comprend deux étapes : transférer tout d’abord un noyau de cellule tumorale dans un ovocyte énucléé, puis tenter de dériver une lignée de cellules ES à partir des blastocystes issus de ce clonage. Les cellules ES obtenues sont alors testées pour leur double capacité : celle d’induire un processus tumoral, et celle de participer au développement d’un animal par injection dans un blastocyste diploïde ou tétraploïde (Figure 1). Les auteurs ont testé deux sortes de cellules : des cellules de carcinome embryonnaire (EC) qui produisent des tumeurs, mais sont aussi, paradoxalement, capables de participer à la mise en place de différents tissus au cours du développement embryonnaire [1], et des cellules de différentes lignées cancéreuses, dont la pluripotence développementale n’était pas démontrée jusqu’à présent [2]. Cette approche a pour but de répondre à deux questions : (1) une inversion du potentiel tumorigène de cellules cancéreuses est-elle possible par transfert nucléaire ? (2) L’activité de reprogrammation d’un ovocyte est-elle suffisante pour rétablir la pluripotence de lignées cancéreuses ? Chez les amphibiens, il a été démontré que des noyaux de cellules EC peuvent être reprogrammés pour participer au développement embryonnaire. Mais qu’en est-il chez les mammifères ? Les cellules de carcinome embryonnaire sont issues de tératocarcinomes. Leur pluripotence est connue de longue date : injectées dans un blastocyste, elles peuvent contribuer à la formation de différents organes [3]. Trois lignées de cellules EC donnant des profils de tumorigenèse et de différenciation variés ont été utilisées pour le transfert nucléaire. Les blastocystes obtenus après clonage sont normaux et ont permis de dériver des lignées de cellules ES avec un excellent rendement. Ces cellules - injectées par voie sous-cutanée chez des souris immunodéprimées - sont équivalentes à la lignée EC parentale quant à leur propension à développer des tératomes. De même, lorsque les cellules ES sont injectées dans un blastocyste diploïde, elles possèdent le même potentiel développemental que les cellules EC parentales. Par conséquent, les capacités de développement et le potentiel tumoral des cellules ES sont déterminés par des modifications génétiques héritables ou des modifications épigénétiques « non réversibles » par la reprogrammation nucléaire. De fait, des altérations de l’ADN communes et spécifiques de chacune des lignées ont été détectées dans les cellules parentales. Il fut beaucoup plus difficile d’obtenir des cellules ES après transfert nucléaire de lignées tumorales. Cette difficulté s’explique sans doute par le fait suivant : selon des travaux récents, l’efficacité d’obtention de cellules ES est directement corrélée à l’état de différenciation du noyau donneur [4]. Les cellules EC expriment des marqueurs de « souchitude » comme Oct4 ou Nanog, à l’instar des cellules ES. A contrario, dans les ovocytes clonés à partir de cellules différenciées ou de lignées tumorales, il est probablement nécessaire de réactiver ces marqueurs de pluripotence afin d’obtenir un développement blastocytaire. Toutefois, des blastocystes a priori normaux ont été obtenus à partir de lignées de mélanome, ce qui permet de conclure que des cellules cancéreuses peuvent répondre à des signaux environnementaux pour participer à la …

Appendices