La lèpre, ou maladie de Hansen, est une maladie infectieuse chronique, provoquée par le bacille Mycobacterium leprae, qui atteint principalement les parties les plus froides du corps, en particulier la peau, les segments superficiels des nerfs périphériques, les voies respiratoires supérieures, les testicules et les yeux [1]. La lèpre est, parmi les maladies transmissibles, celle qui cause le plus d’incapacités physiques permanentes, et les difformités terribles dues à la forme avancée de la maladie ont largement contribué aux préjugés profonds à l’origine du rejet des malades et de leurs proches par la société. Heureusement, les avancées thérapeutiques décisives des années 1980 ont conduit, en 1991, l’Organisation Mondiale de la Santé à faire de l’élimination de la lèpre un de ses objectifs majeurs pour la fin de l’année 2000. De fait, parmi les 122 pays considérés comme endémiques en 1985, 108 ont effectivement éradiqué la maladie, et c’est au total plus de 12 millions de patients qui ont été guéris grâce à la polychimiothérapie [2]. Toutefois, parodiant Mark Twain, on peut se demander si « les rumeurs sur la disparition de la lèpre n’ont pas été grandement exagérées ». En effet, la polychimiothérapie n’a pas eu d’impact sur le cycle de transmission de la maladie et tandis que l’on diagnostiquait environ 600 000 nouveaux cas de lèpre en 1991, ce sont 760 000 nouveaux cas qui ont été dépistés dans le monde en 2001. La cause de la stagnation de cette incidence à un niveau élevé, alors que le réservoir naturel de M. leprae est limité à l’homme et le traitement efficace, n’est pas connue, indiquant que des aspects importants de la relation complexe entre l’agent pathogène et son hôte humain restent à découvrir. Après un contact prolongé avec M. leprae, une grande majorité des individus développe une immunité efficace sans expression clinique tandis que moins de 5 % vont présenter un large spectre de manifestations cliniques [1]. Schéma-tiquement, environ 60 % des nouveaux cas sont des formes dites paucibacillaires, également appelées tuberculoïdes, caractérisées par un petit nombre de lésions cutanées, l’absence de bacilles histologiquement détectables dans ces lésions et une réponse immune cellulaire spécifique adaptée. Les 40 % de patients restants expriment des formes multibacillaires, ou lépromateuses, caractérisées par de nombreuses lésions cutanées gorgées de M. leprae et une altération de l’immunité cellulaire spécifique. Cette pathogénie de la lèpre en deux étapes est apparemment le reflet d’un contrôle génétique à deux niveaux : certains gènes influencent la susceptibilité intrinsèque à la lèpre, on parle de lèpre per se, c’est-à-dire indépendante de la forme clinique, et d’autres influencent une forme clinique spécifique. Tandis que certains gènes avaient été impliqués soit dans le contrôle des formes cliniques - en particulier des gènes de la région HLA, le gène TLR2 (toll like receptor) et un locus situé sur le chromosome 10 (10p13) (pour revues, voir [3, 4]) - soit dans celui de la phase précoce de l’infection - le gène NRAMP1 [5] -, la contribution génétique à la lèpre per se restait à élucider. Dans ce but, nous avions mis en place depuis plusieurs années une grande étude d’épidémiologie génétique dans la région d’Ho Chi Minh Ville, au Vietnam. Dans un premier échantillon de 86 familles incluant au moins deux enfants atteints de lèpre, et des proportions similaires de cas pauci- et multibacillaires, nous avons réalisé une analyse de liaison génétique par criblage complet du génome [6]. Son principe général consiste à rechercher des régions chromosomiques qui ségrègent de façon non aléatoire avec le phénotype d’intérêt - la lèpre per se - au sein des familles afin d’identifier dans …
Appendices
Références
- 1. Jacobson RR, Krahenbuhl JL. Leprosy. Lancet 1999 ; 353 :655-60.
- 2. WHO. Leprosy : global situation. Wkly Epidemiol Rec 2000 ;75 :225-232.
- 3. Casanova JL, Abel L. Genetic dissection of immunity to mycobacteria : the human model. Annu Rev Immunol 2002 ;20 : 581-620.
- 4. Alcais A, Abel L. Application of genetic epidemiology to dissecting host susceptibility/resistance to infection illustrated with the study of common mycobacterial infections. In : Bellamy R, ed. Susceptibility to infectious diseases. Cambridge : Cambridge University Press, 2004 :7-45.
- 5. Alcais A, Sanchez FO, Thuc NV, et al. Granulomatous reaction to intradermal injection of lepromin (Mitsuda reaction) is linked to the human NRAMP1 gene in Vietnamese leprosy sibships. J Infect Dis 2000 ; 181 :302-8.
- 6. Mira MT, Alcais A, Van Thuc N, et al. Chromosome 6q25 is linked to susceptibility to leprosy in a Vietnamese population. Nat Genet 2003 ;33 :412-5.
- 7. Mira MT, Alcais A, Nguyen VT, et al. Susceptibility to leprosy is associated with PARK2 and PACRG. Nature 2004 ;427 :636-40.
- 8. Schaid DJ. General score tests for associations of genetic markers with disease using cases and their parents. Genet Epidemiol 1996 ;13 :423-49.
- 9. Corti O, Brice A. La maladie de Parkinson : que nous apprennent les gènes des formes familiales ? Med Sci (Paris) 2003 ;19 :613-9.