Souhaitant ajouter une Charte de l’environnement à la Constitution française, le Président de la République, Jacques Chirac, a demandé à Yves Coppens, professeur au Collège de France, spécialiste des origines de l’homme, de réunir une commission chargée de la rédiger. Ce projet, dont l’examen a commencé en mai 2004 au Parlement, est composé de dix articles, dont un consacrerait le principe de précaution (PdP) au rang constitutionnel : « Article 5. - Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution, à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin d’éviter la réalisation du dommage ainsi qu’à la mise en oeuvre de procédures d’évaluation des risques encourus ». Pourquoi tant d’inquiétude au sein de la communauté scientifique ? Au cours des années 1990, le PdP a été clairement l’expression internationale et nationale, d’une volonté d’agir. C’est bien sûr à la suite d’un certain nombre de catastrophes écologiques, en particulier les marées noires, et l’émergence de problèmes liés à l’environnement, comme l’émission des gaz à effet de serre ou le trou dans la couche d’ozone, que ce concept est apparu. Le fait d’essayer d’agir en précaution, face à des problèmes qui mettent en jeu l’avenir de l’humanité, ne devrait donc pas poser de problème… de principe ! Mais le PdP est devenu à la fois une icône, et un lieu commun. Deux grandes tendances y ont contribué : tout d’abord l’extension de son champ d’application, depuis l’environnement vers le sanitaire, dans un contexte ici encore de crises, et d’autre part le fait qu’il a été instrumentalisé par un certain nombre de personnes. Deux groupes peuvent être ici distingués : d’une part des organisations militantes et des associations de victimes, qui ont voulu faire du PdP, une sorte de droit au risque zéro, permettant de bloquer les innovations qui leur déplaisent, ou d’essayer de faire reconnaître leur droit ou leur état de victime et d’obtenir des réparations. De façon symétrique, des milieux industriels ou certains milieux médicaux sont partis en campagne en brandissant l’autorité de la science et la marche triomphale du progrès technique pour faire croire que ce PdP allait être un principe de blocage. Dans un cas comme dans l’autre, c’est entendre le PdP comme un principe d’abstention qui est exactement à l’opposé de la démarche de précaution. La Commission Européenne en donne ainsi la définition : « le PdP est une approche de gestion des risques, dans une situation d’incertitude, il se traduit par une exigence d’action » une exigence d’action face à un risque potentiellement grave, dans un univers controversé. Deux contextes particuliers sont indissociables du PdP : incertitude et risque d’irréversibilité. Même si le pire n’est pas certain, la possibilité d’un risque majeur, en l’occurrence le risque d’irréversibilité, conduisent à cette démarche qui doit être mise en oeuvre dès que le risque est évoqué. Pour que cette action soit réelle et effective, elle doit être proportionnée, en relation avec le risque envisagé, et à un coût économiquement acceptable.La démarche de précaution nécessite alors une approche multidimensionnelle de l’expertise des problèmes. Il fut un temps où l’on pouvait parler de problèmes scientifiques ou de problèmes d’environnement ou de problèmes économiques ou de problèmes techniques… Nous ne sommes plus dans un tel contexte, il faut prendre à la fois en compte la sphère économique et technique et la sphère naturelle. Il est important de reconnaître que dans le PdP, il doit y avoir controverse et débats, non seulement en raison de l’incertitude scientifique mais également parce qu’il ne faut …
Appendices
Référence
- 1. Viney G, Kourilsky P. Le principe de précaution. Rapport au Premier Ministre. Paris : Éditions Odile Jacob, 2000.