ÉditoriauxEditorials

Syndromes coronariens aigus: un changement de paradigmeAcute coronary syndromes: a change of paradigm[Record]

  • Philippe Gabriel Steg

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La nosologie, la prise en charge et le pronostic des formes aiguës de la maladie coronarienne ont changé radicalement ces dernières années. Traditionnellement, on opposait l’angine de poitrine d’effort, stable, à l’infarctus du myocarde, dont la forme caricaturale était une douleur de repos prolongée, accompagnée de troubles de la repolarisation voyant se succéder rapidement ondes T géantes, sus-décalage du segment ST, puis apparition d’ondes Q de nécrose. Ces anomalies cliniques et électrocardiographiques s’accompagnaient rapidement d’une élévation des enzymes cardiaques circulantes, créatine kinase (CK) et son isoenzyme spécifique du tissu cardiaque (CK-MB). Dans certains cas, la présentation clinique ou électrocardiographique pouvait être moins caricaturale, sans sus-décalage initial du segment ST et sans évolution vers l’onde Q. Enfin, on isolait des formes prémonitoires de l’infarctus, appelées syndromes de menace d’infarctus (ou angor instable), où les anomalies cliniques, électrocardiographiques et biochimiques pouvaient être moins marquées. Le traitement était essentiellement symptomatique, l’évolution hospitalière, fréquemment marquée par les troubles du rythme et l’insuffisance cardiaque, étant grevée d’une mortalité importante. Tout a changé depuis 20ans, par la succession de plusieurs étapes: En conséquence, la nosologie elle-même s’est modifiée: on parle désormais de syndromes coronariens aigus avec ou sans sus-décalage du segment ST. On sait également que leur évolution peut se faire vers les différentes formes d’infarctus ou d’angor instable (Figure2). Cette nouvelle terminologie reflète une physiopathologie commune, et un traitement essentiellement similaire, à l’exception de la nécessité d’un traitement de reperfusion (thrombolyse intraveineuse ou angioplastie coronarienne en urgence) chez les patients ayant un sus-décalage du segment ST. Dans cette circonstance, les décisions thérapeutiques essentielles doivent être prises en urgence, le plus souvent sur la seule association de manifestations cliniques et électrocardiographiques, avant de disposer dconfirmation biochimique du diagnostic, ou a fortiori, de l’existence d’ondes Q de nécrose. Du fait de la nécessité d’un traitement en urgence, la stratification initiale repose sur les seules données cliniques et électrocardiographiques, la «frontière» ne passant pas entre infarctus et syndrome de menace, mais entre présence ou absence d’un sus-décalage du segment ST. Enfin, tout patient ayant, dans ce contexte ischémique, une élévation des marqueurs de nécrose, et notamment de la troponine, est désormais considéré comme ayant un infarctus du myocarde, ce qui aboutit à étendre substantiellement le champ de l’infarctus. L’évolution secondaire de certains infarctus vers la constitution d’une onde Q prend dès lors un caractère moins important qu’auparavant, dans la mesure où l’on dispose aujourd’hui de méthodes précises pour évaluer les principaux éléments du pronostic de l’infarctus: fonction ventriculaire gauche et extension des lésions coronariennes. En résumé, tout a changé dans la conception, le traitement et le pronostic des formes aiguës de la maladie coronarienne, qui se présente maintenant en termes de sauvetage myocardique, recanalisation coronarienne, et blocage des fonctions plaquettaires. Les perspectives dessinées dans la série d’articles de médecine/sciences sur les syndromes coronariens aigus laissent néanmoins entrevoir des bouleversements potentiels encore plus profonds où «vulnérabilité de la plaque», «thérapeutiques anti-infectieuses et anti-inflammatoires» et «thérapie cellulaire» pourraient bien devenir une réalité quotidienne pour les cardiologues de demain.

Appendices