Les neurones communiquent entre eux en libérant dans la fente synaptique des neurotransmetteurs préalablement accumulés dans les vésicules synaptiques de leurs terminaisons. Ces transmetteurs chimiques vont alors agir sur leurs récepteurs situés sur les membranes pré- et postsynaptiques. Selon la nature des récepteurs activés, le signal transmis peut être une excitation (dépolarisation), une inhibition (hyperpolarisation) ou une modulation (cascade de seconds messagers) du neurone cible. En 1952, P. Fatt et B. Katz ont montré que la libération de neurotransmetteurs se fait par « paquets », ou quantums [1], chaque quantum représentant le contenu d’une vésicule synaptique. Pour réaliser la libération quantique, la terminaison met en jeu un système de recyclage, d’une part, des molécules de neurotransmetteurs [2] et, d’autre part, de la membrane vésiculaire [3]. La coordination spatiale et temporelle de cette machinerie est cruciale pour assurer un bon rapport signal/bruit, en particulier lors de stimulations répétées. Acide aminé endogène, le glutamate est un métabolite ubiquitaire du vivant. Dans le cerveau, c’est également le principal neurotransmetteur excitateur utilisé par au moins 30 % des neurones. La neurotransmission par le glutamate (ou glutamatergique) est ainsi la force motrice dans tous les circuits fonctionnels du système nerveux central (régulations autonomes, boucles sensori-motrices, fonctions cognitives). Par conséquent, nombre de maladies neurologiques et psychiatriques font intervenir la transmission glutamatergique. L’absence de marqueurs protéiques spécifiques a cependant longtemps freiné l’étude des neurones glutamatergiques [4]. Récemment, trois sous-types de transporteurs vésiculaires du glutamate (VGLUT1, 2 et 3), de séquences très conservées (plus de 70 % d’identité), ont été isolés et caractérisés (Figure 1) [5-7]. En remplissant les vésicules synaptiques, ces protéines réalisent une fonction clé pour la sécrétion de glutamate. Elles sont également les premiers marqueurs protéiques spécifiques des cellules glutamatergiques [5-10]. Les VGLUT sont enchassés dans la membrane des vésicules synaptiques par dix domaines transmembranaires (Figure 1B). Les trois VGLUT ont des propriétés biophysiques et pharmacologiques de transport vésiculaire extrêmement proches [5-10]. De plus, des expériences de transfection de cellules ou de neurones non glutamatergiques ont permis d’établir sans ambiguïté que l’expression de VGLUT1 ou de VGLUT2 suffisait pour induire une libération de glutamate [5, 7, 8]. Bien que probable, l’implication directe de VGLUT3 dans la libération de glutamate reste encore à démontrer [7, 10]. En revanche, leur répartition dans le cerveau est très complémentaire (Figure 1C). VGLUT1 est exprimé principalement dans les régions les plus corticales du cerveau, qui sont le siège des fonctions cognitives et d’apprentissage moteur, alors que VGLUT2 est localisé dans les neurones glutamatergiques sous-corticaux, qui sont principalement impliqués dans les circuits sensorimoteurs et de régulation autonome de l’organisme. Chez l’adulte, VGLUT1 et VGLUT2 délimitent donc deux territoires qui couvrent l’ensemble des neurones glutamatergiques historiquements décrits [4]. Au cours du développement, VGLUT2 est présent très précocement et couvre en partie le territoire de VGLUT1, alors que ce dernier ne l’occupe qu’au bout de trois semaines de vie postnatale [11]. VGLUT3 (que nous avons identifié à l’Inserm U. 513) présente une expression restreinte à quelques sous-populations de neurones classiquement considérés comme cholinergiques, sérotonergiques ou même GABAergiques. VGLUT3 semble donc définir un système glutamatergique de type modulateur tout à fait inattendu [10]. Si les trois VGLUT sont localisés dans des populations distinctes de neurones, leurs propriétés de remplissage des vésicules synaptiques sont peu différentes et les raisons fonctionnelles de cette diversité restent à déterminer [7]. Le gène codant pour VGLUT1 a récemment été invalidé (VGLUT1-/-) dans les laboratoires de R. Edwards (UCSF, San Fransisco, USA) et de N. Brose (Max-Planck-Institut für Experimentele Medizin, Göttingen, Allemagne) [12, 13]. Chez les animaux VGLUT1-/-, nous avons montré …
Appendices
Références
- 1. Burgoyne RD, Barclay JW. Splitting the quantum: Regulation of quantal release during vesicle fusion. Trends Neurosci 2002 ; 25: 176-8.
- 2. Masson J, Sagne C, Hamon M, et al. Neurotransmitter transporters in the central nervous system. Pharmacol Rev 1999 ; 51 : 439-64.
- 3. Galli T, Martinez-Arca S, Paumet F. Mécanisme de la fusion membranaire. Med Sci (Paris) 2002 ; 8 : 1113-9.
- 4. Ottersen OP, Hjelle OP, Osen KK, et al. Amino acid transmitters in the rat nervous system. In: Paxinos G, ed. London : Academic Press-Elsevier, 1995 : 1017-37.
- 5. Takamori S, Rhee JS, Rosenmund C, et al. Identification of a vesicular glutamate transporter that defines a glutamatergic phenotype in neurons. Nature 2000 ; 407 : 189-94.
- 6. Bellocchio EE, Reimer RJ, Fremeau RT, et al. Uptake of glutamate into synaptic vesicles by an inorganic phosphate transporter. Science 2000 ; 289 : 957-60.
- 7. Fremeau RT, Voglmaier S, Seal RP, et al. VGLUTs define subsets of excitatory neurons and suggest novel roles for glutamate. Trends Neurosci 2004 ; 27 : 98-103.
- 8. Takamori S, Rhee JS, Rosenmund C, et al. Identification of differentiation-associated brain-specific phosphate transporter as a second vesicular glutamate transporter (VGLUT2). J Neurosci 2001 ; 21 : RC182.
- 9. Herzog E, Bellenchi GC, Gras C, et al. The existence of a second vesicular glutamate transporter specifies subpopulations of glutamatergic neurons. J Neurosci 2001 ; 21 : RC181.
- 10. Gras C, Herzog E, Bellenchi GC, et al. A third vesicular glutamate transporter expressed by cholinergic and serotoninergic neurons. J Neurosci 2002 ; 22 : 5442-51.
- 11. Miyazaki T, Fukaya M, Shimizu H, et al. Subtype switching of vesicular glutamate transporters at parallel fibre-Purkinje cell synapses in developing mouse cerebellum. Eur J Neurosci 2003 ; 17 : 2563-72.
- 12. Fremeau RT, Kam K, Qureshi T, et al. Vesicular glutamate transporters 1 and 2 target to functionally distinct synaptic release sites. Science 2004 ; 304 : 1815-9.
- 13. Wojcik SM, Rhee JS, Herzog E, et al. An essential role for vesicular glutamate transporter 1 (VGLUT1) in postnatal development and control of quantal size. Proc Natl Acad Sci USA 2004 ; 101 : 7158-63.