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Le terrain génétique n’est plus, vive la susceptibilité génétique. Les progrès réalisés en génétique moléculaire ont permis l’éclosion d’une nouvelle activité : la chasse aux gènes de susceptibilité est pleine de promesses. En témoigne le nombre d’articles paraissant chaque année sur ce sujet, Medline retenant près de 4 000 occurrences pour l’expression genetic susceptibility en 2004, environ 8 fois plus qu’il y a dix ans.
Si l’on se réfère à ses deux acceptions classiques, est « susceptible » « celui qui est exagérément sensible à la critique » et « celui qui est éventuellement capable de… ». De prime abord, la susceptibilité génétique semble relever de la première définition : un sujet portant un polymorphisme génétique de susceptibilité à une maladie y est de fait plus sensible que la moyenne des individus. D’un autre côté, on ne peut nier que ce même sujet ait également la capacité éventuelle de développer cette maladie : l’adjectif « éventuelle » permet alors de tempérer l’ampleur du risque, évoquant par là que d’autres facteurs, encore inconnus, sont nécessaires à l’éclosion de la maladie.
Puisque c’est l’usage, petite incursion dans l’Histoire : voilà Poséidon susceptible à double titre. S’il possède, paraît-il, un caractère fortement ombrageux, Poséidon est également capable de bien des choses (il n’est pas pour rien l’un des dieux majeurs de la mythologie grecque) lorsqu’on lui a manqué… mais là, plus question d’éventualité, c’est une certitude : la vengeance, puissante, sera systématique. Minos et son épouse (bienvenue au petit Minotaure), mais Ulysse également, pendant dix ans, en ont fait les frais.
Dans la susceptibilité génétique, en revanche, la notion d’éventualité est d’une importance toute particulière. La prudence scientifique, d’abord, y trouve son compte, le caractère éventuel de l’événement permettant de suggérer sans affirmer ; le discours public, ensuite, peut être « politiquement correct », évitant à certains la tentation d’utiliser ces informations dans un but d’exclusion, mais permettant aussi de ne pas choquer l’opinion, quand il s’agit notamment de susceptibilité génétique aux troubles mentaux.
Car pour des raisons probablement liées à la gêne, voire à la peur que les maladies mentales inspirent encore à nos sociétés, auxquelles s’ajoutent un sentiment de culpabilité au souvenir des exactions commises en leur temps contre des malades, peut-être, et une hantise de la stigmatisation, sûrement, le sujet semble encore devoir être abordé du bout des lèvres, quand il n’est pas souvent, purement et simplement, éludé. Le fait d’avoir un trouble mental est-il si infâmant qu’envisager qu’il puisse en outre être génétiquement inscrit, et donc potentiellement transmissible, est au-delà des capacités communes ? Il faudra pourtant se résoudre à reconsidérer la question, les travaux en matière de génétique des troubles mentaux se multipliant, avec des résultats qui, s’ils doivent être maniés avec la prudence nécessaire à bon nombre de travaux sur l’hérédité, n’en sont pas moins dignes d’analyse.
Dans le même temps, il est heureux que l’usage ait consacré le terme susceptibilité pour parler de cette sensibilité (génétique) accrue à la maladie, un mot explicite, certes, mais qui se prête suffisamment à l’interprétation pour être utilisé sans risque dans cette sphère de recherche que l’on sent encore éminemment délicate.