Abstracts
Résumé
Richard Axel, 58 ans, Américain, né le 2 juillet 1946 à New York, obtient en 1970 son Doctorat en médecine à la Johns Hopkins University School of Medicine (Baltimore). Professeur de biologie et de biochimie depuis 1978 à la Columbia University (New York), puis en 1984 au Howard Hughes Medical Institute (New York), il est, depuis 1999, Professeur des Universités à Columbia. Membre de la National Academy of Sciences, de l’American Philosophical Society et de l’American Academy of Arts and Sciences, il a reçu en 2003 le Prix Gairdner Foundation International in Neuroscience et (avec le Dr Linda Buck) le Perl/UNC Neuroscience Prize.
Linda B. Buck, 57 ans, Américaine, née le 29 janvier 1947 à Seattle, obtient son PhD d’immunologie à l’University of Texas Southwestern Medical Center de Dallas. De 1991 à 2001, elle est Professeur au Département de Neurobiologie de l’Harvard Medical School (Boston) et, de 1997 à 2000, Associate Investigator au Howard Hughes Medical Institute de New York. Depuis 2002, elle exerce à la Division of Basic Sciences du Fred Hutchinson Cancer Research Center de Seattle. Membre de la National Academy of Sciences, elle a été lauréate en 2003 (avec le Dr Richard Axel) du Prix Perl/UNC Neuroscience.
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C’est au début des années 1940, en recueillant les oscillations électriques du bulbe olfactif d’un hérisson, que Lord Adrian inaugura la série ininterrompue de recherches expérimentales sur l’olfaction que couronne aujourd’hui le prix Nobel de Physiologie et de Médecine attribué à Linda Buck et Richard Axel. Paradoxalement, ni l’une ni l’autre n’est physiologiste, mais la brillante percée en génétique dont ils furent les artisans dans les années 1990, en clonant les premiers gènes olfactifs humains, fut la clé de voûte venue à point nommé consolider le modèle du fonctionnement de l’olfaction humaine collectivement élaboré par quelque 400 équipes au cours du dernier demi-siècle. Les disciplines fondatrices les plus fécondes furent successivement l’électrophysiologie puis la biologie moléculaire…
Aujourd’hui l’olfaction n’est plus du tout le sens à part quelque peu mystérieux, voire archaïque et même un peu magique, que suggèrent encore aussi bien quelques théories fumeuses que les lieux communs de notre culture : ni l’aromathérapie ni sa petite soeur, l’aromachologie, n’ont encore dit leur dernier mot ! Au contraire, le modèle désormais validé par l’expérience montre que l’olfaction fonctionne exactement comme tous les autres sens avec trois niveaux superposés de représentation dans les régions périphériques du cerveau et un étage final d’intégration dans les centres supérieurs.
Le premier niveau est une mosaïque de protéines chimioréceptrices, dont les sites récepteurs ont des conformations extrêmement variées et remarquablement peu spécifiques, de telle façon qu’une molécule odorante est toujours « reconnue » par plusieurs protéines différentes. Il s’agit donc d’une « représentation chimique » de l’ensemble innombrable des molécules odorantes par l’ensemble limité des récepteurs. Un calcul combinatoire élémentaire nous montre que la non-spécificité des récepteurs garantit la qualité de cette représentation, puisque le nombre de sous-ensembles différents pris dans un ensemble de plusieurs centaines d’éléments est pratiquement infini. Voilà un constat parfaitement contre-intuitif qui nous montre que chaque molécule odorante peut être représentée par une combinaison unique de récepteurs. Dans leurs publications initiales, les deux lauréats du Prix Nobel avaient estimé à 1 000 le nombre de gènes olfactifs de l’homme. Dix ans plus tard, au tournant du siècle, l’inventaire exhaustif du génome humain fixait définitivement à 30 000 le nombre total des gènes humains et à 347 celui des gènes olfactifs, dont aucun n’est porté par le chromosome X. On peut regretter que, dans leur précipitation, les dépêches d’agence aient unanimement diffusé le premier chiffre, sans se soucier de l’actualiser.
En 1999, P. Mombaerts, de l’Université Rockefeller de New York, montre que tous les messages provenant des neurorécepteurs olfactifs exprimant un récepteur donné convergent vers un seul glomérule du bulbe olfactif. Il nous donne ainsi la clé du deuxième niveau de représentation qui est « topographique » : l’image brute d’une odeur est formée par l’ensemble unique des glomérules qui correspondent aux récepteurs de cette odeur.
Le troisième niveau est une « représentation neuronale » en ce sens qu’elle résulte de la transformation, par deux réseaux de neurones superposés, de l’image brute glomérulaire en une forme épurée, stabilisée, réduite à ses contours.
Ainsi symbolisée par une forme reconnaissable, véritable idéogramme, l’odeur deviendra perception consciente au niveau du néocortex frontal sus-orbitaire. Là se situe son quatrième et dernier avatar : c’est maintenant une « représentation cognitive » intégrant des informations multisensorielles, sémantiques et hédoniques, propice à l’imagerie cérébrale fonctionnelle grâce à laquelle son étude progresse à grands pas.