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L’air de ParisA breath of fresh air in Paris[Record]

  • Marc Javoy

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  • Marc Javoy
    Institut de Physique du Globe de Paris,
    Département Géochimie des Isotopes Stables,
    4, place Jussieu, 75005 Paris, France.
    mja@ipgp.jussieu.fr

L’utilisation de la variation des compositions isotopiques des éléments légers (hydrogène, carbone, azote, oxygène) pour l’étude des phénomènes naturels date de l’après-guerre immédiat. Pour ces éléments l’isotope le plus léger (1H,12C, 14N, 16O…) représente 98 à 99,99% du total mais un ou plusieurs isotopes lourds, stables et non radiogéniques (2H (ou D), 13C, 15N, 17O et 18O…) ont un comportement légèrement différent de celui de l’isotope léger, dû à la différence de masse au cours des réactions chimiques et des phénomènes physicochimiques en général. C’est ce fractionnement qui crée des abondances isotopiques légèrement variables dans différents composés et différents réservoirs (par exemple les carbonates et la matière organique). Après l’obtention de son prix Nobel pour la découverte du deutérium, Harold Urey établit en 1947 la théorie générale de ces fractionnements isotopiques. D’autres physicochimistes, éventuellement aussi prix Nobel, s’y intéressèrent, mais c’est le choix délibéré de H.Urey de s’impliquer totalement dans l’étude des phénomènes géologiques et cosmologiques, qui le passionnaient, qui conduisit au développement considérable de cette science, la géochimie des isotopes stables, presque uniquement dans le champ géologique. Cette situation évolue depuis les dix ou quinze dernières années, au fur et à mesure que les chimistes et les biologistes découvrent l’étendue des possibilités de ces outils, utilisés maintenant même dans des domaines purement techniques, comme la répression des fraudes. Les isotopes stables du carbone (13C et 12C) sont largement utilisés dans ce que les climatologues appellent le cycle global du carbone, limité à l’océan et à l’atmosphère, et nous les appliquons nous-mêmes depuis longtemps au cycle réellement global du carbone, celui qui inclut aussi l’injection de gaz carbonique volcanique dans le système océan-atmosphère, et la réinjection de carbone superficiel dans le manteau terrestre par les zones de subduction, c’est-à-dire les zones où la croûte terrestre s’enfonce profondément dans le manteau, par exemple sur tout le pourtour de l’océan Pacifique. Dans une période géologique normale, c’est-à-dire sans crise volcanique majeure et sans activité humaine (ce que désigne le terme «anthropique»), ces deux flux sont équilibrés (à peu près 0,25 milliard de tonnes dans les deux sens) et conduisent à un état stationnaire à la surface de la Terre. Au milieu du xixe siècle, la production anthropique a atteint cette valeur de 0,25 milliard de tonnes et la dépasse maintenant d’au moins vingt à trente fois, créant un déséquilibre qui s’exprime entre autres par l’augmentation de la concentration du CO2 atmosphérique. Dans l’étude de ces phénomènes globaux, l’identification des sources principales (carbonates et matière organique) et de leurs proportions se fait de manière très simple car le rapport isotopique (13C/12C) y est fort différent (la matière organique contient approximativement 2,5% de moins de carbone 13 que les carbonates) par rapport à la précision des mesures (~ 0,1‰). Ceci a été mis à profit depuis fort longtemps pour suivre l’apport croissant de CO2 anthropique dans l’atmosphère et son accélération, mais, curieusement, personne n’avait songé encore à l’utiliser à l’échelle d’une zone urbaine, ou, du moins à mettre cette idée en pratique. C’est ce que nous venons de faire pour Paris. La situation est donc la suivante: nous pouvons identifier par la mesure des isotopes les différentes sources de gaz carbonique dans l’atmosphère de la capitale et en déduire les taux de mélange avec le gaz carbonique «naturel» en un point donné. De plus, ces mélanges se représentent d’une manière particulièrement simple dans un diagramme indiquant la composition isotopique (représentée en variation relative par rapport à un standard δ13C)versus …

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