C’est en 1985 que le saturnisme, intoxication par le plomb connue depuis longtemps comme maladie professionnelle, a été redécouvert à travers plusieurs cas d’enfants gravement intoxiqués à Paris. Il apparut que la cause de l’intoxication était la présence, dans des logements par ailleurs insalubres (humidité, dégradation des murs), de peintures à la céruse (carbonate basique de plomb), utilisées dans les appartements construits avant 1948, et plus encore avant 1915, date à partir de laquelle elles furent progressivement interdites. La présence de ce type de revêtement dans 75 % des appartements parisiens donne la mesure du problème. Ce n’est pourtant qu’en 1993 que les pouvoirs publics ont proposé un plan national d’action, aide financière à l’appui, afin que les départements entreprennent des démarches de recensement des logements à risques et le dépistage des enfants qui y habitent. La loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions comporte un chapitre concernant les « Mesures d’urgence contre le saturnisme infantile dans le code de la santé publique » qui implique la déclaration obligatoire de tout cas d’intoxication au plomb et la mise en oeuvre, par les préfets dans chaque département, des mesures nécessaires pour la prévention et le traitement des situations d’urgence. Le plomb n’est pas, comme d’autres métaux, un élément nécessaire à la vie cellulaire et perturbe au contraire de nombreuses voies métaboliques et processus physiologiques. Le plomb présent dans l’environnement pénètre dans l’organisme par voie digestive, diffuse rapidement via la circulation sanguine vers ses cibles principales: l’os, la moelle osseuse, le rein et le système nerveux central [1]. En moyenne, la plombémie de base des populations qui ne sont pas exposées à des facteurs de risque particuliers est inférieure à 100 μg/l, et due principalement à l’apport alimentaire et à la pollution atmosphérique. Plus de 90 % du plomb présent dans l’organisme est accumulé dans l’os. S’il ne semble pas y provoquer d’effet pathogène, il représente une source importante du plomb circulant car le plomb diffuse du compartiment osseux vers le sang lors de la résorption osseuse physiologique. Une plombémie élevée peut ainsi persister dans l’organisme même après élimination de la source externe de contamination. Dans l’os compact, la demi-vie du plomb est de 10 à 20 ans et ce réservoir osseux peut être mobilisé en cas de déminéralisation massive, en particulier lors de la grossesse et de l’allaitement. La combinaison de l’accumulation osseuse et de la demi-vie longue dans ce compartiment est à l’origine de contaminations foetales par des mères qui ont elle-mêmes été intoxiquées dans l’enfance, le plomb passant facilement la barrière placentaire. Le plomb perturbe la biosynthèse de l’hémoglobine par inhibition d’enzymes impliquées dans la synthèse de l’hème comme l’acide delta-aminolévulinique déshydratase (ALAD) et l’hème synthase. Il affecte également l’incorporation du fer dans l’hème et diminue la durée de vie des hématies. Le saturnisme est ainsi souvent associé à une anémie et à une carence en fer. Une diminution de la filtration glomérulaire avec fuite de protéines de faible poids moléculaire est associée à de fortes expositions au plomb, à partir de concentrations sanguines (plombémies) de 400 μg/l. Des plombémies supérieures à 700 μg/l peuvent être à l’origine de tubulopathies proximales accompagnées de glycosurie, hyperphosphaturie et amino-acidurie (syndrome de De Toni-Debré-Fanconi). Concernant le système nerveux central, des effets sur les récepteurs de type NMDA, impliqués dans la synaptogenèse lors du développement et dans les processus de mémorisation et d’apprentissage, ont été particulièrement bien démontrés chez le rat [1]. Selon la concentration et le stade de développement, le plomb peut potentialiser ou inhiber la transmission glutamatergique et provoquer des anomalies du développement du système nerveux …
Appendices
Références
- 1. Plomb dans l’environnement: quels risques pour la santé? Paris: Expertise Collective Inserm, 1999 : 461 p.
- 2. Canfield RL, Henderson CR, Cory-Slechta DA, et al. Intellectual impairment in children with blood lead concentrations below 10 μg per deciliter. N Engl J Med 2003; 348: 1517-26.
- 3. Site du Ministère de la Santé. Saturnisme: le dépister et le prévenir. Septembre 2001 (actualisation janvier 2003). http://www.sante.gouv.fr/htm/pointsur/saturn/ index.htm
- 4. Declerq C, Beaubois M. Programme de dépistage du Saturnisme Infantile autour du site METALEUROP de Noyelles-Godault. Bilan de la campagne 1999-2000. ORS Nord-Pas-de-Calais
- 5. Fabres B, Helynck B, Saviuc P. Évaluation de l’exposition des enfants au plomb émis par l’usine Metaleurop à Arnas (Rhône). Lyon: DRASS Rhône-Alpes, 1999.
- 6. Ministère de l’Équipement, des Transports et du Logement 2002. Plan des zones à risque d’exposition au plomb dans les bâtiments anciens en Bretagne.
- 7. Ledrans M, Boudot J. Surveillance du saturnisme infantile en France. Bilan des activités de dépistage. Saint-Maurice: Réseau national de santé publique, 1997.
- 8. Saturnisme infantile: la lettre du SSSIIF. Paris: Système de Surveillance du saturnisme Infantile en Île-de-France, 2001.
- 9. Bilan du plan de lutte contre le saturnisme infantile dans le Rhône. Lyon: Comité technique plomb du Rhône, 2000.
- 10. Laforest L, Annino MC, Alluard A, et al. Étude épidémiologique de la contamination au plomb des enfants de salariés professionnellement exposés. Rev Epidem Santé Publ 1999; 47: 433-41.
- 11. Budget voté de l’an 2002. En ligne sur le site du Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie. http://alize.finances.gouv.fr/budget/plf2002/somver02.htm
- 12. Rapport de présentation au conseil de Paris par Monsieur Bertrand Delanoë, Maire de Paris. En ligne sur le site de la Mairie de Paris. http://alize.finances.gouv.fr/ budget/plf2002/somver02.htm
- 13. Ponchet de Langlade V. Rapport de lutte contre le saturnisme. Paris: Ministère de l’emploi et de la solidarité, 2002 : 25 p. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/ BRP/024000234/0000.pdf
- 14. Saturnisme en France: un constat de carence. La Revue Prescrire 2003; 23: 131-2.