L’année 2003 marque le 50eanniversaire de la découverte des adénovirus (Ad). Un demi-siècle d’étude intensive des Ad nous a beaucoup appris sur leur biologie, leur structure, l’organisation de leur génome ou les propriétés des différents produits des gènes viraux, et a par ailleurs permis la découverte des mécanismes de réplication de l’ADN et d’épissage des ARN. Dans les années 1980, ces virus ont également permis de démontrer la faisabilité du transfert de gène dans des cellules eucaryotes. Les Ad possèdent en effet des caractéristiques qui font d’eux de bons vecteurs du gène « médicament » pour la thérapie génique: (1) un fort pouvoir infectieux associé à un large spectre de cellules cibles, quiescentes ou en prolifération; (2) une réplication extra-chromosomique de leur génome, qui minimise le risque de mutations insertionnelles; (3) la possibilité d’y insérer de longs fragments d’ADN exogènes; et (4) la facilité de manipulation et de production à des titres élevés. L’efficacité thérapeutique des essais cliniques utilisant des vecteurs Ad menés jusqu’ici est cependant décevante. L’immunogénicité de ces vecteurs est la première responsable, car, bien que dépourvus d’un groupe de gènes rendant leur réplication défective, la majorité de leur génome viral est toujours présente et son expression aboutit à la production de protéines virales. Les cellules transduites sont donc reconnues et rapidement éliminées par le système immunitaire. La seconde explication de cette faible efficacité est la neutralisation des vecteurs par une immunité humorale développée contre les Ad humains et préexistant dans la quasi-totalité de la population adulte. Les vecteurs dérivés de virus qui ont déjà infecté la majorité de la population ne nous semblent donc pas les plus adaptés aux applications thérapeutiques. La thérapie génique doit donc tirer les leçons de ces échecs en développant des vecteurs plus adaptés à ces contraintes immunologiques. Une source alternative de vecteurs est constituée par des Ad isolés chez les non-humains (chien, singe, mouton, vache ou poule) qui sont capables d’infecter des cellules humaines sans s’y propager [1]. Ces vecteurs conservent théoriquement les avantages des Ad, mais, insensibles à l’immunité préexistante contre les Ad humains, ils permettraient ainsi d’administrer des doses inférieures de vecteur pour une même efficacité in vivo. Depuis plus de 6 ans, nous nous intéressons à l’adénovirus canin de type 2 (CAV-2). Les vecteurs CAV-2 sont des outils adaptés aux applications cliniques car (1) ils transduisent certaines cellules humaines aussi efficacement que les Ad humains; (2) ils ne se répliquent pas dans les cellules humaines, suggérant un très faible risque de propagation dans l’organisme; (3) une faible ou aucune immunité préexistante n’a été détectée chez les individus testés [2]; et (4) contrairement aux vecteurs dérivés d’Ad humains, le risque de recombinaison et/ou de co-réplication avec les Ad sauvages déjà présents dans l’organisme est quasi nul (pour revue, voir [3]). En outre, le génome de CAV-2 ne s’intègre pas non plus à celui de la cellule hôte ce qui a l’avantage de minimiser le risque de transformation, mais entraîne aussi la perte d’expression du transgène dans des cellules en prolifération, une expression à long terme nécessitant donc, soit des ré-administrations du vecteur, soit le ciblage des cellules post-mitotiques. Enfin, si la majorité des Ad utilisent la protéine CAR (coxsackievirus adenovirus receptor) comme récepteur principal et certaines intégrines comme récepteur secondaire (activant des cascades de signalisation qui aboutissent à la production de cytokines pro-inflammatoires [4]), CAV-2 a l’avantage: (1) de ne pas posséder le motif responsable de l’interaction avec les intégrines [5]; et (2) de n’infecter que les cellules exprimant CAR [6], ce qui restreint son tropisme et pourrait permettre de cibler une population cellulaire au …
Appendices
Références
- 1. Both GW. Xenogenic adenoviruses. In: Curiel D, Douglas D, eds. Adenoviral vectors for gene therapy. San Diego: Academic Press, 2002: 447-79.
- 2. Kremer EJ, Boutin S, Chillon M, Danos O. Canine adenovirus vectors: an alternative for adenovirus-mediated gene transfer. J Virol 2000; 74: 505-12.
- 3. Kremer EJ. CAR chasing: canine adenovirus vectors: all bite and no bark? J Gen Med 2003 (sous presse).
- 4. Greber UF. Signalling in viral entry. Cell Mol LifeSci 2002; 59: 608-26.
- 5. Chillon M, Kremer EJ. Trafficking and propagation of canine adenovirus vectors lacking a known integrin-interacting motif. Hum Gene Ther 2001; 12: 1815-23.
- 6. Soudais C, Boutin S, Hong SS, et al. Canine adenovirus type 2 attachment and internalization: coxsackievirus-adenovirus receptor, alternative receptors, and an RGD-independent pathway. J Virol 2000; 74: 10639-49.
- 7. Soudais C, Laplace-Builhe C, Kissa K, Kremer EJ. Preferential transduction of neurons by canine adenovirus vectors and their efficient retrograde transport in vivo. FASEB J 2001; 15: 2283-5.
- 8. Dewey RA, Morrissey G, Cowsill CM, et al. Chronic brain inflammation and persistent herpes simplex virus 1 thymidine kinase expression in survivors of syngeneic glioma treated by adenovirus-mediated gene therapy: implications for clinical trials. Nat Med 1999; 5:1256-63.
- 9. Kochanek S. High-capacity adenoviral vectors for gene transfer and somatic gene therapy. Hum Gene Ther 1999; 10: 2451-9.