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Peupliers à lignines modifiées : du génie génétique à l’industrie papetièreAssessment of modified lignin poplars : towards a less polluting paper industry[Record]

  • Gilles Pilate

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  • Gilles Pilate
    UAGPF, Inra-Orléans,
    avenue de la Pomme de Pin,
    BP 20619 Ardon,
    45166 Olivet Cedex, France.
    pilate@orleans.inra.fr

Le bois (ou xylème) est un tissu complexe composé de l’empilement successif, année après année, des cernes. Sa formation résulte de l’activité cyclique d’un méristème secondaire, le cambium (Figure 1) [1]. Le bois est formé majoritairement des parois de cellules mortes et peut être, de ce fait, assimilé à un matériau composite fait de microfibrilles de cellulose rigidifiées dans une matrice faite de polysaccharides et de lignines. Ces lignines, qui constituent de 15 à 36 % de la matière sèche du bois, sont indispensables au bon développement de l’arbre : elles jouent un rôle important dans les fonctions de soutien, de conduction et de défense contre l’attaque des champignons et des insectes. Seule la lignification des parois cellulaires donne aux fibres la rigidité nécessaire à l’édification du tronc des arbres et aux vaisseaux la capacité de conduire la sève sur de grandes distances. Ainsi, l’acquisition par les plantes de la capacité de synthétiser les lignines a probablement été un facteur déterminant dans leur conquête du milieu aérien [2]. Les lignines sont des polymères tridimensionnels résultant de la polymérisation oxydative de trois types d’alcools phénoliques. Ces monomères diffèrent par le degré de modification par méthoxylation (groupement OCH3) de leur noyau aromatique. Lors de l’étape de polymérisation, ce degré de méthoxylation est déterminant quant aux types des liaisons qui s’établissent entre les monomères adjacents [3]. Les proportions de ces différents types de liaison vont déterminer la « solidité » de la lignine et sa résistance aux traitements chimiques lors de la fabrication du papier. Si les lignines sont importantes pour la physiologie de l’arbre, elles sont, en revanche, indésirables dans l’industrie papetière. En effet, pour obtenir un papier de bonne qualité, les lignines doivent être dégradées, afin de libérer les microfibrilles de cellulose, le principal composant du papier. Quel que soit le moyen utilisé, cette étape d’élimination des lignines entraîne une forte consommation d’énergie et l’emploi de produits polluants. Ainsi, dans le procédé kraft, la pâte à papier est issue de la cuisson des copeaux de bois dans une solution de soude et de sulfure de sodium pendant plusieurs heures à une température de 170°C environ. Or, les besoins en papier continuent d’augmenter et l’industrie papetière doit rechercher des moyens plus écologiques de produire du papier. La production d’arbres ayant un bois différent, contenant moins de lignines, ou des lignines modifiées, plus faciles à extraire, permettrait de diminuer la consommation d’énergie et de produits polluants. Depuis une dizaine d’années, les connaissances sur la lignification ont beaucoup progressé grâce notamment à l’utilisation des techniques du génie génétique qui ont permis de modifier la quantité et/ou la qualité des lignines. La plupart des gènes de la voie de biosynthèse des lignines ont été étudiés et des résultats prometteurs ont été obtenus sur des plantes modèles et sur des arbres, principalement le peuplier [4]. Ainsi, la suppression par ARN antisens de la cinnamyl alcool déshydrogénase (CAD), une enzyme-clé de la voie de biosynthèse des lignines, entraîne la formation d’un polymère de lignines ayant une structure et des propriétés particulières [5]. Notamment, ces lignines comportent une plus grande quantité de groupements phénoliques libres, indice de la formation d’un polymère plus fragmenté, donc plus facilement attaqué par les agents chimiques lors de l’étape de délignification. De fait, ces modifications ont facilité l’extraction de la lignine par un traitement alcalin doux, et ont donc permis une réduction importante de la quantité de produits alcalins nécessaires à l’extraction des lignines dans le processus de production de la pâte à papier [6]. Ces résultats ont tout d’abord été obtenus sur de très jeunes arbres élevés en serre. Restait à …

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