Abstracts
Résumé
Le présent article vise à analyser les enjeux liés au droit à fonction promotionnelle, dont la théorisation revient tout particulièrement à Norberto Bobbio, dans les domaines de la culture, face au commerce multilatéral et bilatéral. Cet article vise à analyser les négociations multilatérales au sein de l’Organisation mondiale du commerce, les accords de libre-échange (ALE) et, plus généralement, les « étapes juridiquement pertinentes » les plus significatives pour l’UE et le Canada en matière de protection et de promotion de la culture dans leurs relations commerciales extérieures. Pour ce qui est des ALE, il considère l’AECG, le PTP, le PTPGP et l’ACEUM ainsi que les négociations du PTCI. L’article soutient que les positions respectives de l’UE et du Canada sur la protection et la promotion culturelle ne peuvent plus être considérées comme étant constantes dans le temps : elles varient au contraire sensiblement. Depuis l’adoption des ALE, selon les négociations ou les accords, les mesures d’incitation concernant l’audiovisuel, ou plus généralement les industries culturelles, se trouvent plus ou moins protégées et connaissent des « hauts » et des « bas ». Pour ce qui est de la possibilité pour l’UE et le Canada de garder des techniques d’incitation à la diversité culturelle et d’en introduire des nouvelles, l’article suggère la métaphore d’un droit promotionnel de la diversité culturelle « en montagnes russes ». L’analyse de chaque négociation, accord ou « étape » devient donc essentielle pour appréhender comment l’UE et le Canada relèvent le défi d’un droit promotionnel de la diversité culturelle face au commerce mondial. Cela se fait en particulier par une approche contextuelle du droit, qui permet de dévoiler les enjeux et les intérêts sociopolitiques et économiques concernés. L’article s’interroge également sur les défis, pour un droit promotionnel de la diversité culturelle, du cadre géopolitique élargi, dans lequel la Chine est devenue un acteur majeur du commerce mondial, et de l’environnement numérique. Il développe enfin une conclusion sur ces thèmes, en soulignant qu’ils seront très probablement à l’origine de conflits dans la mise en oeuvre d’ALE et dans des négociations futures.
Abstract
This article aims to analyze the challenges for the promotional function of law, as theorized by Norberto Bobbio, in the cultural sphere, in the context of multilateral and bilateral trade. In particular, this article aims to analyze multilateral negotiations conducted within the WTO, free trade agreements (FTAs), and, most generally, the most “legally relevant steps” for the EU and Canada with regard to the protection and promotion of culture in their external trade relations. Concerning the FTAs it focuses on CETA, TPP, CPTPP and CUSMA as well as on TTIP negotiations. This article argues that the positions of the EU and Canada can no longer be considered constant over time. On the contrary, since the adoption of the FTAs they vary significantly. According to the negotiations/agreements, the incentives for the audiovisual sector or, more generally, for the cultural industries, are more or less protected and go through “ups” and “downs.” Regarding the possibility for the EU and Canada to introduce and retain support schemes for cultural diversity, the article suggests the metaphor of a promotional law of cultural diversity on a roller coaster ride. The analysis of each negotiation, agreement, or “step” therefore becomes essential to understand how the EU and Canada address the challenge of using promotional law to encourage culture, and therefore cultural diversity, in the face of global trade. This is accomplished by applying an approach of law in context, which makes it possible to uncover the economic and sociopolitical interests at stake. Furthermore, this article explores the challenges for a promotional law of cultural diversity both of the broader geopolitical framework, in which China has become a major player in global trade, and of the digital environment. In concluding the analysis on these topics, it underlines that they will highly likely be a source of conflict in the implementation of FTAs, as well as in future negotiations.
Article body
Introduction
Les industries culturelles sont des secteurs économiques importants et, en même temps, des moyens d’expression et de création artistiques capables non seulement de représenter la société qu’ils racontent, mais aussi d’orienter les comportements et les valeurs. La plupart des industries culturelles nationales ont été soumises à la pression concurrentielle internationale, principalement en raison de l’existence de puissants oligopoles — pour la plupart américains —, et ont subi des crises récurrentes. Ces crises, ainsi que la difficulté structurelle à produire et à diffuser des contenus culturels locaux, ont depuis longtemps poussé certains États à mettre en place des formes de soutien public aux secteurs relatifs à la culture. Cela est particulièrement vrai dans les pays où l’État-providence est le plus développé, qui ont exprimé cette conscience par des mesures de soutien représentant un véritable welfare culturel[1].
Ce welfare culturel se heurte toutefois au processus de libéralisation en cours à l’échelle globale, qui se concrétise principalement par des négociations soit multilatérales, menées à travers l’Organisation mondiale du commerce (OMC), soit bilatérales, menées entre États par la conclusion d’accords bilatéraux de libre-échange (ALE), mieux connus sous le sigle anglais « FTAs » (Free Trade Agreements).
A. Le commerce global, les processus de libéralisation en cours et le welfare culturel
Le fait de vivre dans un monde ouvert impose aux responsables politiques la gestion des questions économiques et identitaires[2]. Le sujet des mesures de soutien à la culture contient en soi plusieurs défis, liés, par exemple, au rôle de l’État dans l’économie et dans la culture, au droit d’accès à cette dernière, à la protection des identités culturelles minoritaires et à la souveraineté des États. Ce sujet investit donc énormément le domaine politique et est par conséquent complexe et sensible, d’autant plus dans un contexte économique mondialisé.
Dans un contexte global poussant vers la libéralisation des secteurs relatifs à la culture, certains pays qui avaient déjà développé un welfare culturel ont décidé de développer des politiques commerciales reconnaissant leur droit de garder et de mettre en place des politiques de soutien culturelles. Le Canada et les États membres de l’Union européenne (UE) — ainsi que l’UE elle-même — ont été particulièrement actifs en ce sens en affichant leur volonté de ne pas considérer la culture comme étant une marchandise comme les autres dans les processus de libéralisation en cours au niveau mondial.
Tout en ayant la même envergure d’engagement à cet égard, le Canada, d’un côté, et l’UE et ses États membres, de l’autre, se sont différenciés par l’étendue de la protection qu’ils ont offerts à leurs secteurs culturels. Le Canada a orienté sa politique commerciale extérieure vers le soutien de toutes ses industries culturelles, tandis que l’UE, qui négocie les accords commerciaux pour ses États membres, a concentré ses efforts de protection sur une seule industrie culturelle : l’audiovisuel[3]. En effet, même si ses États membres ont des traditions différentes pour ce qui est de l’intervention publique dans la culture, ils ont essayé d’apaiser leurs conflits en la matière et de trouver un terrain d’entente qui se concrétise dans la protection, et donc la promotion, du secteur audiovisuel[4]. Au sein de l’UE, la pression la plus importante en faveur du maintien des politiques culturelles de soutien et de la mise en place de nouvelles est, en effet, venue du cinéma, qui est la plus ancienne forme d’expression audiovisuelle parmi celles que l’on connaît aujourd’hui.
Dans l’UE, le débat sur les négociations des services audiovisuels s’est donc particulièrement concentré sur la possibilité de garder les mesures de soutien au secteur audiovisuel à la suite de processus multilatéraux ou bilatéraux de libéralisation des marchés. En droit de l’UE, ces mesures sont considérées comme relevant, par exemple, des aides d’État. Un domaine dans lequel ces aides se sont considérablement développées au fil des années est notamment celui de la production cinématographique.
Ayant pour finalité la protection, mais tout particulièrement la promotion de la diversité culturelle, les mesures de soutien à la culture peuvent être comprises comme faisant partie du domaine des techniques juridiques d’incitation et du droit à fonction promotionnelle, dont la théorisation revient surtout à Norberto Bobbio[5]. Cette fonction du droit montre un visage autre que celui de la contrainte : au contraire, le droit promotionnel permet de promouvoir certains comportements, de les encourager et de contribuer à la construction sociale[6]. Cela ne veut toutefois pas dire qu’il faut automatiquement associer l’idée d’incitation à une image positive ou à l’idée de progrès. Le droit se fait, en effet, dans ce cas plus que jamais, l’instrument et l’objet des choix qui peuvent aller dans une direction ou dans l’autre, selon des options précises en matière de politiques économiques et sociales[7]. Il devient un instrument qui cherche à mettre en oeuvre des choix.
Notre article vise à analyser les enjeux pour le droit à fonction promotionnelle, que nous appellerons plus brièvement droit promotionnel, dans les domaines de la culture face au commerce international et bilatéral. Il vise tout particulièrement à analyser les négociations multilatérales au sein de l’OMC, les ALE et, plus généralement, les « étapes juridiquement pertinentes » que nous avons considérées parmi les plus significatives pour l’UE et le Canada en matière de protection et de promotion de la culture dans leurs relations commerciales extérieures. L’objectif est d’appréhender la façon dont ces négociations, ces ALE ou ces « étapes », relèvent le défi du droit promotionnel de la culture et donc d’un droit promotionnel de la diversité culturelle.
L’article débute par une analyse des négociations du cycle d’Uruguay menées dans le cadre de l’OMC, puis se conclut par l’analyse du tout récent Accord Canada‒États-Unis‒Mexique (ACEUM), né des renégociations de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Il étudie entre autres l’Accord économique et commercial global (AECG) entre l’UE et le Canada, les négociations du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI) ainsi que l’Accord de partenariat transpacifique (PTP) et l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), ces derniers étant conclus entre des partenaires commerciaux de la région de l’Asie-Pacifique.
Dans cet article, nous soutenons que les positions respectives de l’UE et du Canada sur la protection et la promotion culturelles ne peuvent plus être considérées comme étant constantes dans le temps. Les négociations multilatérales de l’OMC nous avaient habitués à des changements limités qui, comme nous le verrons dans la partie I, qui aborde le passage de l’UE de la notion de spécificité culturelle à celle de diversité culturelle, relevaient plus du lexique politique que des enjeux juridiques. En revanche, depuis que la culture fait l’objet de négociations bilatérales dans le cadre des ALE, à la suite de l’échec des négociations multilatérales au sein de l’OMC, cesdites positions de l’UE et du Canada varient sensiblement. Selon les négociations ou les accords, et parfois dans le cadre des négociations du même accord, les mesures d’incitation à l’audiovisuel, ou plus généralement aux industries culturelles, se trouvent amplement protégées, tandis que tout de suite après, elles atteignent des niveaux plus bas de protection pour ensuite remonter à nouveau vers un sommet plus rassurant. Pour ce qui est de la possibilité pour l’UE et le Canada de garder des techniques d’incitation à la diversité culturelle et d’en introduire des nouvelles, il semble donc approprié d’évoquer l’image d’un droit promotionnel de la diversité culturelle « en montagnes russes ». Pour comprendre comment l’UE et le Canada relèvent le défi d’un droit promotionnel de la diversité culturelle face au commerce mondial, il faut donc chaque fois analyser la négociation, l’accord ou l’« étape juridiquement pertinente » en question, et les enjeux et les intérêts qu’ils impliquent, en considérant aussi l’État partenaire. Une approche du droit en contexte devient alors de plus en plus nécessaire pour étudier les dispositions des ALE et des négociations commerciales multilatérales relatives à la culture, car elle permet de dévoiler les enjeux et les intérêts sociopolitiques et économiques qui émergent des coulisses de ces négociations et de ces accords. C’est en effet cette approche que notre article privilégiera.
Si nous nous attacherons à démontrer que l’imprévisibilité et la volubilité de la protection et de la promotion en matière de culture sont directement liées au passage aux ALE, une analyse des raisons qui motivent ce passage dépasse toutefois le cadre que cet article se propose d’explorer. Nous sommes d’avis qu’une telle analyse serait en effet plus efficacement menée par des études économiques ou de sciences politiques. Nous nous limitons donc à suggérer que des pistes de recherche pourraient s’inspirer de la souplesse juridique et politique des ALE.
D’une part, et en premier lieu, nous pouvons rappeler qu’en l’absence d’une solution dans le contexte multilatéral de l’OMC pour mettre en oeuvre leur agenda sur les programmes numériques, les États-Unis se sont tournés vers les ALE, qui obligent les États à établir une liste définitive de restrictions au lieu de les autoriser à prendre progressivement des engagements de libéralisation[8], permettant ainsi une certaine souplesse juridique et politique qui aide à prévenir l’échec des négociations. Les États-Unis sont en effet moins disposés à tolérer les positions protectionnistes du Canada et de l’UE en matière d’industries culturelles à cause des intérêts toujours plus grandissants que le numérique ajoute à la balance, bien que leur administration actuelle soit motivée à mener des politiques protectionnistes dans plusieurs secteurs économiques pour répondre aux attentes de sa base électorale, dont les intérêts ont été particulièrement impactés par la mondialisation[9]. D’autre part, en raison de leur souplesse, les ALE ont été pour l’UE et le Canada l’un des instruments privilégiés pour l’implantation de politiques néolibérales, dont les politiques mises en place par l’UE pour « gérer » la crise grecque ont constitué l’exemple le plus extrême[10].
B. Les techniques juridiques d’incitation et le passage vers une vision promotionnelle du droit chez Norberto Bobbio
Les mesures de soutien aux créations des industries culturelles et donc à la diversité culturelle peuvent être considérées comme des techniques juridiques d’incitation ou promotionnelles et, donc, comme une expression de ce que l’on peut définir par « droit promotionnel »[11]. L’étude du droit promotionnel peut avoir comme point de départ le travail de Norberto Bobbio[12] qui, au XXe siècle, a lancé le débat sur la technique promotionnelle. Il se propose d’examiner l’emploi, toujours plus diffus, des techniques d’encouragement dans l’État social contemporain, techniques qui constituent l’un des caractères les plus saillants du système juridique d’un État-providence et le distinguent profondément de l’État libéral classique. Pour ce faire, il analyse les rapports entre ces techniques et l’ordre juridique promotionnel de l’État contemporain.
Selon Bobbio, la conception répressive du droit, qui le considère comme un ordre de contrainte et qui établit un lien nécessaire et indissoluble entre droit et contrainte, doit être enrichie d’une analyse différente. Bobbio se propose ainsi d’actualiser les réflexions de la théorie du droit par rapport au changement de l’organisation sociale et particulièrement étatique[13].
Bobbio associe l’ordre juridique promotionnel de l’État contemporain et ses techniques d’encouragement à la notion de sanction positive[14]. Si d’une part « il souligne un avancement des juristes par rapport aux théoriciens du droit dans l’analyse d’un ordre promotionnel, d’une fonction promotionnelle de l’État-providence, de l’autre il pense que le thème des sanctions positives a toujours été occulté par les juristes »[15]. Cette réalité aurait pour cause le peu d’importance de ces dernières dans la pratique du droit, mais aussi l’influence d’un courant juridique se réclamant des travaux de John Austin, qui concevait qu’on ne peut parler de sanction qu’en référence aux sanctions négatives[16]. Les sanctions peuvent donc, selon leur nature, illustrer la fonction protectrice, répressive, ou promotionnelle du droit :
Le rôle du droit serait ainsi considéré selon sa fonction dominante, celle de la protection d’intérêts déterminés par la répression des actes déviants. En effet, pour remplir cette fonction, qui est aussi bien protectrice (vis-à-vis des actes conformes) que répressive (à l’égard des actes déviants), la technique la plus adaptée est, sans doute, celle des sanctions négatives. Mais quand, pour s’adapter aux exigences de l’État contemporain, le droit tend aussi à stimuler des actes innovateurs, sa fonction n’est plus seulement la protection […] ou la répression […], mais aussi la promotion. Par conséquent, à l’usage quasi exclusif des sanctions négatives s’ajoute celui des sanctions positives.[17]
Bobbio a donc introduit au XXe siècle une vision promotionnelle de la sanction[18], distincte de celle de rétribution[19]. En reprenant la construction hypothétique de Hans Kelsen, il franchit la frontière que ce dernier avait marquée entre l’ordre moral et l’ordre du droit[20]. Selon Kelsen, peut être sanctionné positivement celui qui, en faisant plus que son devoir, a eu un comportement conforme à des normes autres que juridiques, telles que les normes morales[21]. Nous pouvons donc dire avec Vincenzo Ferrari que c’est Bobbio, « en tant que kelsenien, qui a “mis à jour”, à ce propos, la théorie du grand juriste de Prague, en observant que le schéma hypothétique [conçu par Kelsen][22] peut être rempli de contenus soit positifs soit négatifs » [notre traduction, note ajouté][23].
Dans cet article, nous aborderons successivement les négociations relatives aux services audiovisuels à l’OMC et l’AECG entre l’UE et le Canada, donc le passage des négociations multilatérales de l’OMC aux négociations bilatérales des ALE (partie I); l’analyse des accords PTCI et PTP qui peuvent être considérés comme un changement de paradigme pour l’UE et le Canada dans le sens d’une limitation de la possibilité pour ces acteurs de protéger et promouvoir la diversité culturelle (partie II); et les renégociations de l’ALENA, c’est-à-dire le tout récent ACEUM et le retour pour le Canada au choix de l’exemption culturelle générale (partie III). Nous conclurons l’analyse en focalisant sur l’image d’un droit promotionnel de la diversité culturelle « en montagnes russes » ainsi que sur les défis du cadre géopolitique élargi, dans lequel la Chine est devenue un acteur majeur du commerce mondial, et de l’environnement numérique.
I. Les négociations sur les services audiovisuels à l’OMC et l’AECG entre l’UE et le Canada
Les techniques d’incitation dans le domaine de la culture doivent répondre à un défi économique, culturel et politique, dans un cadre toujours plus mondialisé et changeant. Dans un tel contexte, l’intervention étatique est sans cesse remise en question du point de vue de son efficacité, mais aussi de sa légitimité. En ce qui concerne « son efficacité, tout d’abord, […] les sources de financement privées tendent à s’emparer des industries culturelles et à les influencer directement avec leurs opérations financières et leurs orientations sociales et politiques »[24]. Quant à sa légitimité, ensuite, les techniques — comme les aides à la cinématographie — sortent du cadre local auquel elles étaient liées jusqu’à la première moitié du siècle dernier et s’ouvrent à une dimension plus vaste qui les oblige à s’adapter sans cesse, notamment dans le cadre des rapports commerciaux internationaux multilatéraux et bilatéraux[25].
Il est donc important d’offrir quelques instruments d’analyse des rapports existant entre les techniques d’incitation dans le domaine de la culture et cette complexité qui, en se multipliant, tend à nous échapper. Il faut donc d’abord se concentrer sur le rapport entre l’UE et l’ordre économique et juridique international — ce que l’on peut appeler la « dimension externe » de la construction européenne —, en particulier sur les négociations et les accords multilatéraux de l’OMC sur le commerce de services. Cela permettra de repérer les différences et les similarités entre les traditions de l’UE et du Canada en matière de protection de la culture dans les relations commerciales, et donc de saisir les spécificités de leurs accords bilatéraux de libre-échange et tout particulièrement de l’AECG[26].
Le secteur de l’audiovisuel européen a tenu à se protéger d’une logique marchande, et ce, depuis les premières négociations au sein de l’OMC[27]. Par conséquent, dans ses négociations commerciales, l’UE a limité sa protection à ce secteur. Les négociations sur l’audiovisuel se déroulent dans le cadre des négociations sur le commerce international des services, d’où l’utilité d’étudier le cadre juridique et politique des relations commerciales extérieures de l’UE dans le domaine des services audiovisuels tel qu’il s’est développé au fil des années.
« L’Europe est le premier exportateur mondial de biens manufacturés et de services et constitue le premier marché d’exportation pour environ 80 pays » [note omise][28]. Elle est aussi le premier importateur mondial de biens manufacturés et de services[29]. D’une part, l’importance économique des négociations sur le commerce international des services est évidente. D’autre part, ces négociations prennent une dimension de valeurs qui touche à la construction socioculturelle de l’UE[30].
A. Les négociations sur les services audiovisuels à l’OMC
Afin de comprendre la tradition de l’UE en matière de welfare culturel et de saisir les différences avec celle du Canada, il faut remonter aux négociations du cycle d’Uruguay (1986–1994), dans le cadre desquelles l’Accord de Marrakech du 15 avril 1994 a institué l’OMC, et tout particulièrement aux négociations internationales sur les services audiovisuels. Pendant les négociations du cycle d’Uruguay, certains États, parmi lesquels l’Australie, le Canada et la France[31], ont défendu l’idée d’« exception culturelle » (d’une exemption culturelle générale), selon laquelle l’audiovisuel devrait être exclu du champ d’application de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS).
L’AGCS de 1947[32], mieux connu sous l’abréviation anglaise GATS, a quand même été en la matière une référence normative circonstanciée[33]. Par le concept d’« exception culturelle », on visait à souligner l’incidence des produits et des services culturels sur le système de valeurs et sur l’identité d’une société et, par conséquent, la nécessité de les soustraire aux logiques commerciales du processus de libéralisation en cours[34]. La volonté de garantir à la sphère culturelle une protection particulière dans les accords commerciaux, en s’appuyant sur la considération selon laquelle les services audiovisuels ne sont pas des services comme les autres, était en conflit avec la conviction, soutenue par certains États, notamment les États-Unis, qu’il fallait libéraliser ces services[35].
La Commission européenne (Commission) a reçu le mandat de négocier les accords pour ce qui s’appelait alors la Communauté européenne[36]. Cela a été précisé dans la Déclaration de Punta del Este du 20 septembre 1986, en application de l’article 228 du Traité instituant la Communauté européenne (ensuite l’article 300 de ce même traité et actuellement l’article 218 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)[37]). Néanmoins, ce mandat n’a pas été complètement respecté. En effet, le Conseil de l’Union européenne n’a pas adopté des directives. Les négociations ont été menées dans le cadre de la décision du Conseil, adoptée le 20 septembre à Punta del Este, qui a confié à la Commission un mandat très général, ce qui peut impliquer soit la volonté du Conseil de lui laisser une marge de liberté importante, soit son incapacité à lui fournir des critères de négociation précis[38]. La Commission a opté pour la notion de « spécificité culturelle »[39], selon laquelle les services audiovisuels auraient dû être intégrés à l’AGCS, mais en étant soumis à un régime juridique spécifique[40]. En effet le mandat n’obligeait pas la Commission à se conformer à l’idée d’exception.
Pendant les négociations du cycle d’Uruguay les parties ne sont toutefois pas parvenues à un accord dans le domaine des services audiovisuels, qui a été intégré à l’AGCS sans être soumis à un régime juridique spécifique. Malgré sa notoriété, la notion d’« exception culturelle » est donc restée de l’ordre des débats. Sa variante communautaire, la notion de « spécificité culturelle », n’a pas non plus fait l’objet d’une reconnaissance formelle dans les accords de Marrakech. L’UE a présenté une liste au principe du traitement de la nation la plus favorisée[41] de l’article II, paragraphe 1 de l’AGCS, en application du paragraphe 2 de cet article[42] et de l’Annexe sur les exemptions des obligations énoncées à l’article II[43]. De plus, en ce qui concerne le principe du traitement national[44], elle n’a pas pris d’engagements de libéralisation[45].
Pendant le cycle de négociations de Doha, engagé[46] sur le fondement de l’article XIX de l’AGCS, l’UE a montré sa volonté de garder une position similaire à celle qu’elle a eue pendant le cycle d’Uruguay. Dans le mandat confié à la Commission lors du Conseil affaires générales du 26 octobre 1999, le Conseil fait explicitement référence à la diversité culturelle, plus précisément dans ses conclusions[47]. Il énonce qu’à l’occasion des prochaines négociations menées dans le cadre de l’OMC, l’Union veillera à garantir, comme dans le cycle d’Uruguay, la possibilité pour la Communauté et ses États membres, « de préserver et de développer leur capacité à définir et à mettre en oeuvre leurs politiques culturelles et audiovisuelles pour la préservation de leur diversité culturelle »[48]. Le passage de la notion de spécificité culturelle à celle de diversité culturelle est également appuyé par la Commission[49] et le Parlement européen (Parlement). La Commission a en effet soutenu que l’approche communautaire est « destinée à préserver et promouvoir la diversité culturelle »[50] et le Parlement s’est déclaré « conscient du rôle particulier que joue le secteur audiovisuel européen dans la défense du pluralisme culturel, d’une économie saine et de la liberté d’expression »[51]. La notion de diversité culturelle semble en effet véhiculer une idée de promotion plutôt que de protection et une ouverture majeure aux autre cultures :
Le choix communautaire de privilégier la notion de « diversité culturelle » (au lieu des notions de « spécificité » ou d’« exception culturelle ») est d’abord sûrement motivé par la nécessité de concilier les différentes conceptions d’intervention publique dans le secteur culturel [des États membres], mais également par le désir de répondre à une demande de pluralité, plutôt que de défense culturelle.[52]
B. La culture dans l’AECG entre tradition et innovation : l’approche chapitre par chapitre et la Convention de l’UNESCO
Les négociations multilatérales menées dans le cadre de l’OMC n’ont pas su aboutir à des solutions partagées. Les partenaires commerciaux se sont donc tournés vers des accords bilatéraux de libre-échange (ALE)[53], parmi lesquels on retrouve l’AECG[54], qui a été signé le 30 octobre 2016, lors du Sommet UE-Canada à Bruxelles, par le Premier ministre canadien Justin Trudeau, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker et le président du Conseil européen, Donald Tusk. Le 21 septembre 2017 cet accord de libre-échange entre le Canada, l’UE et ses États membres — un projet encore plus vaste et ambitieux que l’ALENA — est entré en vigueur à titre provisoire. Son entrée en vigueur pleine et entière sera subordonnée à sa conclusion par l’UE, laquelle prendra la forme d’une décision du Conseil, dès que les États membres de l’UE l’auront ratifié[55].
La question des industries culturelles a été parmi celles les plus débattues lors des négociations de cet accord bilatéral. Même si le Canada et l’UE sont les partenaires commerciaux qui partagent la vision la plus similaire pour ce qui est de l’exclusion de la culture des accords commerciaux, se détachant largement en la matière des États-Unis, leurs positions respectives restent toutefois différentes. Comme nous l’avons déjà mentionné, l’UE n’a jamais soutenu la notion d’« exception culturelle » et, dans les négociations commerciales, elle a limité sa protection aux services audiovisuels, tandis que le Canada a soutenu cette notion et par conséquent une idée de protection de ses industries culturelles plus étendue, qui concerne l’ensemble de ces industries et tous les chapitres de ses accords commerciaux.
Par une analyse des techniques juridiques et des négociations adoptées pour l’AECG, nous tâcherons de démontrer que cet accord marque l’abandon, pour l’UE et le Canada, de positions prévisibles et constantes en matière de diversité culturelle, le tout au bénéfice de positions qui varient selon l’accord, les enjeux et les intérêts en cause des États partie à celui-ci. L’AECG marque donc le début d’une phase — celle représentée par l’image d’un droit promotionnel de la diversité culturelle « en montagnes russes » — lors de laquelle, selon les négociations ou accords et parfois dans le cadre des négociations du même accord, les mesures d’incitation à la diversité culturelle se trouvent d’abord amplement protégées, avant de plonger vers des niveaux plus bas de protection, puis de remonter à nouveau vers un sommet plus rassurant.
1. L’AECG entre tradition et innovation : l’approche chapitre par chapitre
Le texte de l’AECG montre que, pour ce qui est du domaine de la culture, l’UE et le Canada ont tous deux d’une part partiellement gardé leurs traditions, de l’autre introduit des éléments novateurs[56]. D’un côté, cet accord se réfère seulement aux services audiovisuels en ce qui concerne l’UE, mais il reprend, pour ce qui est du Canada, la définition d’industries culturelles[57], qui inclut un ample éventail de secteurs et d’activités et que l’on retrouve dans l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis d’Amérique (ALE de 1987)[58] et dans l’ALENA[59]. Comme le champ d’application des clauses culturelles de l’AECG change en fonction de la partie qui en bénéficie, elles ont été définies comme des clauses de « portée asymétrique »[60]. De l’autre côté, les parties ont adopté dans l’AECG une approche d’exemption « ciblée », autrement dit « chapitre par chapitre »[61], qui introduit une exemption dans les chapitres dans lesquels les parties ont des politiques culturelles et des mesures de soutien à la culture qu’elles se proposent de protéger. Cet accord ne fait recours ni à une exemption culturelle générale, à savoir une clause culturelle d’application générale, « c’est-à-dire applicable à tous les chapitres de l’accord visé »[62], qui est propre à la tradition canadienne de négociation, ni à un Protocole de coopération culturelle (PCC) en annexe, qui avait caractérisé certains accords conclus par l’UE[63] et avait été un instrument novateur pour la protection et la promotion de la diversité culturelle.
L’AECG s’inspire de l’approche de la « liste négative » de l’ALENA, qui est propre aux ALE, mais que l’UE n’avait jamais adoptée auparavant. Au lieu de permettre aux États de prendre des engagements graduels en matière de libéralisation des échanges, par ladite approche, ces accords les obligent en effet à présenter une liste définitive des restrictions. Dans l’AECG, l’UE a abandonné l’approche de la « liste positive », qui avait historiquement caractérisé ses relations commerciales extérieures, tandis que le Canada a abandonné l’exemption culturelle générale.
Dans le Chapitre Vingt-huit sur les Exceptions, à l’article 28.9, les parties à l’AECG « rappellent les exceptions applicables à la culture établies dans les dispositions pertinentes des chapitres Sept (Subventions), Huit (Investissement), Neuf (Commerce transfrontières des services), Douze (Réglementation intérieure) et Dix-neuf (Marchés publics) »[64]. Elles se réfèrent par cela aux chapitres qui pourraient toucher de plus près aux questions culturelles. Des chapitres de l’AECG mentionnent une exclusion explicite de l’audiovisuel, en ce qui concerne l’UE, et des industries culturelles, pour ce qui est du Canada. Le Chapitre Sept sur les Subventions prévoit à l’article 7.7 que « [l]es dispositions [de l’]accord ne s’appliquent pas aux subventions ou au soutien public relatifs aux services audiovisuels, dans le cas de l’Union européenne, et aux industries culturelles dans le cas du Canada »[65]. Cet article concerne directement le sujet du soutien public à la culture. Le Chapitre Huit sur l’Investissement prévoit à l’article 8.2, paragraphe 3, que « [d]ans le cas de la Partie UE, les sections B et C [respectivement sur l’Établissement d’investissements et sur le Traitement non discriminatoire] ne s’appliquent pas à une mesure concernant les services audiovisuels. Dans le cas du Canada, les sections B et C ne s’appliquent pas à une mesure concernant les industries culturelles »[66]. L’article 9.2, paragraphe 2, alinéas b) et c), exclut du champ d’application du Chapitre Neuf sur le Commerce transfrontières des services « une mesure qui affecte, selon le cas : [...] en ce qui concerne l’Union européenne, les services audiovisuels; […] en ce qui concerne le Canada, les industries culturelles »[67]. L’article 12.2, paragraphe 2, alinéa b), exclut du champ d’application du Chapitre Douze sur la Réglementation intérieure les « prescriptions relatives à l’octroi de licences, aux procédures en matière d’octroi de licences, aux prescriptions relatives aux qualifications ou aux procédures en matière de qualifications […] concernant […], s’agissant du Canada, les industries culturelles et, […] s’agissant de la Partie UE, les services audiovisuels »[68].
Les négociateurs de l’AECG ont cherché un point d’équilibre entre la tradition des négociations commerciales du Canada et celle de l’UE. Dans l’esprit de garantir une certaine protection et promotion de la diversité culturelle des deux parties, l’AECG prévoit une certaine exclusion de la culture du processus de libéralisation en cours.
2. Le Préambule de l’AECG et la Convention de l’UNESCO
Les négociations bilatérales menées afin de libéraliser le commerce et les investissements également peuvent être, comme les négociations multilatérales, un terrain de conflits pour ce qui est de la libéralisation des biens et services culturels. En effet, à l’article 21 de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (Convention de l’UNESCO), les « [p]arties s’engagent à promouvoir les objectifs et principes de la […] Convention dans d’autres enceintes internationales »[69], ce qui implique par exemple d’affirmer les principes et les objectifs de la Convention de l’UNESCO dans les nouveaux accords qu’elles négocient.
Le Préambule de l’AECG mentionne explicitement la Convention de l’UNESCO (ainsi que certains principes et objectifs de cette dernière)[70]. Or, le Préambule à un accord présente normalement les aspirations que les parties partagent et résume leurs objectifs. Il guide les parties dans l’application des dispositions de l’accord. Le Préambule de l’AECG reconnaît donc que les dispositions de cet accord
maintiennent pour les Parties leur droit de fixer des règles sur leurs territoires et la latitude dont elles ont besoin pour réaliser des objectifs légitimes en matière de politique, tels que ceux visant la santé publique, la sécurité, l’environnement et la moralité publique ainsi que la promotion et la protection de la diversité culturelle; [l’UE et le Canada affirment] leurs engagements en tant que parties à la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’UNESCO, faite à Paris le 20 octobre 2005, et [ils reconnaissent] que les États ont le droit de maintenir, d’établir et de mettre en oeuvre leurs politiques culturelles, de soutenir leurs industries culturelles dans le but de renforcer la diversité des expressions culturelles, et de préserver leur identité culturelle, y compris par le recours à des mesures de réglementation et à un soutien financier.[71]
La Convention de l’UNESCO a été adoptée à Paris le 20 octobre 2005 par la Conférence générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, réunie pour sa 33e session. Les États parties à cette convention sont à présent au nombre de 148[72]. L’UE, qui a adhéré en 2006[73], reste la seule organisation d’intégration économique régionale à être devenue partie à la Convention de l’UNESCO. Elle « se démarque [aussi] comme l’un des acteurs les plus engagés dans les principes et dans les objectifs de la Convention à l’échelle internationale »[74]. Le Canada a été parmi les promoteurs les plus engagés de cette convention, tant au niveau des institutions qu’à celui des organisations non gouvernementales (ONG)[75], et le premier pays à devenir partie à cette dernière[76]. Sa Coalition pour la Diversité Culturelle (CDC) a joué un rôle important dans l’adoption de la Convention de l’UNESCO.
La Convention de l’UNESCO interprète la culture tant comme une expression artistique que comme l’expression de traditions et coutumes[77], et la diversité culturelle comme une réponse constructive à la tendance à l’uniformisation culturelle[78]. Elle puise ses racines dans la volonté de certains pays de disposer d’un texte juridiquement contraignant leur permettant de protéger et de promouvoir leur welfare culturel. Cette convention permet en effet d’adopter des politiques protectionnistes et donc d’utiliser des techniques d’incitation « qui soutiennent la production culturelle nationale, en maintenant et en développant ainsi non seulement une industrie nationale, mais aussi une certaine diversité dans l’offre de contenus culturels et donc une pluralité de choix pour le public »[79]. Elle permet une intervention publique de soutien à la culture et donc le maintien et/ou le développement d’un droit promotionnel de la culture, ou mieux, de la diversité culturelle.
Avant l’adoption de la Convention de l’UNESCO, la notion de diversité culturelle a fait l’objet d’une attention croissante sur le plan international, en particulier de l’UNESCO, et au niveau de l’UE. Les textes approuvés à ces niveaux reconnaissent l’importance de la diversité culturelle et contribuent à son épanouissement. Ils ont toutefois une valeur de principe. La Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle (Déclaration de l’UNESCO)[80] du 2 novembre 2001, qui reconnaît la diversité culturelle comme faisant partie du patrimoine commun de l’humanité et la spécificité des biens et services culturels, en est la parfaite illustration. La proposition[81] puis l’adoption d’une convention, c’est-à-dire d’un instrument juridique contraignant pour les États signataires dédié à la diversité culturelle, ont donc marqué des pas importants dans la protection de cette diversité à l’échelle globale.
Les États-Unis ont participé aux négociations de la Convention de l’UNESCO, mais ils se sont ensuite opposés à celle-ci et ne l’ont jamais ratifiée. Par conséquent, au titre de l’article 34 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, la Convention de l’UNESCO n’est pas contraignante pour les États-Unis. La motivation qu’ils ont formellement fournie pour justifier leur refus de ratifier est qu’ils étaient « préoccupés par le potentiel de cette convention d’être mal interprétée, selon des façons qui pourraient interdire la libre circulation des idées et affecter des domaines comme le commerce, en justifiant le protectionnisme » [notre traduction][82].
II. Les accords PTCI et PTP : un changement de paradigme tant pour l’UE que pour le Canada et le risque pour la diversité culturelle
Les négociations de l’accord PTCI entre l’UE et les États-Unis et l’accord PTP entre le Canada et ses partenaires commerciaux de la région de l’Asie-Pacifique incluant, au moins à l’origine, les États-Unis, représentent un important changement de paradigme tant pour l’UE que pour le Canada. Ce changement va dans le sens d’une diminution de l’étendue du droit de ces acteurs de garder et mettre en place des politiques culturelles de soutien. Il s’agit, pour ce qui est du PTCI, d’une limitation potentielle, car les négociations de cet accord ont été suspendues[83], et pour ce qui est du PTP, d’une limitation concrète, car il a été conclu.
Ces accords sont tous deux caractérisés par des négociations menées avec les États-Unis comme partenaire unique ou parmi d’autres, ce qui a sûrement influencé ladite diminution. Il est en effet connu que les États-Unis poussent pour une libéralisation des marchés des industries culturelles, y compris le marché de l’audiovisuel, et qu’ils exercent sur leurs partenaires commerciaux des pressions en ce sens. Nous essayerons donc d’analyser dans la présente partie les aspects les plus significatifs de ce qui peut être considéré comme un changement de paradigme dans les négociations commerciales de l’UE et du Canada ainsi que les différentes modalités par lesquelles ce changement a été introduit par ces deux acteurs du commerce mondial.
A. Le PTCI et l’UE : une exclusion non absolue des négociations sur l’audiovisuel
Les négociations du PTCI ont été lancées lors du sommet du G8 de Lough Erne en juin 2013[84]. Cet accord, mieux connu par son acronyme anglais « TTIP » (Transatlantic Trade and Investment Partnership), a fait l’objet de critiques en Europe et a été considéré comme le symbole des politiques ouvertement néolibérales adoptées par l’UE[85].
L’arène du PTCI était habitée par des acteurs ayant des positions nettement opposées pour ce qui est des sujets relatifs à la diversité culturelle. Comme vu précédemment, l’UE a, depuis les négociations menées dans le cadre de l’OMC, défendu la possibilité pour ses États membres de soutenir les services audiovisuels par des techniques d’incitation. En revanche, les États-Unis ont insisté sur la libéralisation des services, qui aurait miné ces formes de soutien. Le pouvoir des industries culturelles américaines et la position défendue par les États-Unis pendant ses négociations commerciales internationales ont mené le secteur audiovisuel européen à croire que le PTCI aurait pu affaiblir les instruments adoptés en Europe pour protéger et promouvoir sa diversité culturelle.
La Fédération européenne des réalisateurs de l’audiovisuel et d’autres organisations du secteur audiovisuel ont soutenu l’exclusion de l’audiovisuel des négociations du PTCI[86]. La crainte de ne plus pouvoir défendre l’acquis en matière de soutien aux créations audiovisuelles s’est répandue parmi les membres de ce secteur, tout particulièrement à cause de l’approche contradictoire adoptée par la Commission à ce propos. On peut remarquer un conflit entre deux Directions générales concernant le secteur audiovisuel[87], qui n’est pas nouveau au sein de la Commission en matière de culture[88]. Le Commissaire européen au commerce de l’époque, Karel de Gucht, s’est opposé à l’idée d’une exclusion du secteur audiovisuel des négociations du PTCI. À son avis, l’UE, pour ne pas limiter l’étendue de ses négociations, aurait dû éviter d’inclure dans son mandat des « lignes rouges » (« red lines »). Cette approche a été clairement soutenue par l’ambassadeur des États-Unis auprès de l’UE, William Kennard, qui a affirmé qu’un mandat qui limitait les négociateurs à cause d’une ligne rouge (une règle d’exclusion, une exception) n’aurait pas été un mandat clair et il aurait augmenté la pression du côté américain à faire de même. Avoir un prix à payer aurait été une conséquence naturelle de cette attitude[89]. En réponse à la position de M. de Gucht, de nombreux professionnels du secteur audiovisuel ont présenté une pétition en faveur de l’« exception culturelle »[90], qui se référait à l’exclusion du secteur audiovisuel des négociations du PTCI. Cette pétition a été signée par plus de sept mille professionnels[91]. De l’autre côté, la Commissaire européenne chargée de l’éducation, de la culture, du multilinguisme et de la jeunesse, Androulla Vassiliou, a souligné qu’il était important de
faire en sorte qu’un accord avec les États-Unis ne remette pas en cause la capacité de l’UE et de ses États membres à tenir leur engagement vis-à-vis de la diversité culturelle et à appliquer et à adapter intégralement leurs politiques et instruments aux évolutions rapides de l’environnement. […] [Selon Vassiliou], la protection et la promotion de la diversité culturelle lors des négociations commerciales à venir avec les États-Unis passent par le respect de trois lignes rouges infranchissables: interdiction, durant les négociations, de toucher aux politiques et instruments de l’UE existants ainsi qu’aux mesures correspondantes au niveau des États membres ; interdiction, durant les négociations, de toucher aux mesures nationales existantes visant à réglementer le secteur audiovisuel et à soutenir le contenu national et européen; obligation de conserver [la] capacité d’adapter et d’élaborer, à tout moment, des politiques responsables en matière de diversité culturelle, à la fois au niveau de l’UE et au niveau des États membres.[92]
Le Président de la Commission, José Manuel Barroso, a soutenu l’idée selon laquelle l’UE aurait dû éviter des « red lines », mais il a en même temps affirmé que l’exception culturelle n’aurait pas été affectée, ce qui a rendu le secteur audiovisuel encore plus suspicieux à l’égard des négociations du PTCI[93]. En revanche, le Parlement a clairement soutenu l’exclusion du secteur audiovisuel des négociations de l’accord. Dans sa résolution du 23 mai 2013 sur les négociations en vue d’un accord en matière de commerce et d’investissement entre l’UE et les États-Unis, le Parlement
estime [que le PTCI] ne devrait comporter aucun risque pour la diversité culturelle et linguistique de l’Union, notamment dans le secteur des services culturels et audiovisuels; [il] estime [également] indispensable que l’Union et ses États membres maintiennent la possibilité de préserver et de développer leurs politiques culturelles et audiovisuelles, et ce dans le cadre de leurs acquis législatifs, normatifs et conventionnels; [et] demande donc que l’exclusion des services de contenus culturels et audiovisuels, y compris en ligne, soit clairement stipulée dans le mandat de négociation.[94]
Finalement, dans le mandat confié à la Commission, le Conseil a exclu les services audiovisuels des négociations. En effet, dans les directives de négociation concernant le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement entre l’Union européenne et les États-Unis du 17 juin 2013, il a affirmé que « [les] services audiovisuels ne seront pas couverts » par le chapitre « Commerce de services et établissement »[95]. Comme indiqué par ces directives, la Commission « pourra [toutefois], conformément aux traités, présenter des recommandations au Conseil sur d’éventuelles directives de négociation supplémentaires concernant n’importe quelle question »[96].
Néanmoins, sans cacher que « les États-Unis ont un fort intérêt à accéder aux marchés pour les services liés au cinéma et à la télévision » [notre traduction][97], la Commission a affirmé que la position de l’UE en matière de diversité culturelle n’aurait pas changé pendant les négociations du PTCI. Elle a rassuré les parties prenantes et l’opinion publique que la « promotion de la diversité culturelle restera un principe directeur pour le PTCI, exactement comme elle l’a été dans d’autres accords commerciaux de l’UE » [notre traduction][98].
Il est important de souligner que le Parlement européen a demandé, dans une résolution de 2015, d’introduire dans le PTCI une exemption culturelle générale. Dans le cadre des négociations en cours sur le PTCI, il a adressé à la Commission la recommandation de
veiller à ce que, grâce à l’ajout d’une clause générale juridiquement contraignante applicable à l’ensemble de l’accord, dans le respect intégral de la convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, les parties se réservent le droit d’adopter ou de maintenir toute mesure (notamment de nature réglementaire ou financière) concernant la protection ou la promotion de la diversité culturelle et linguistique, conformément aux articles en la matière du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et la liberté et le pluralisme des médias, quelle que soit la technologie ou la plateforme de distribution utilisée et en ne perdant pas de vue que le mandat confié à la Commission européenne par les États membres exclut expressément les services audiovisuels; [ainsi que celle de] spécifier qu’aucune disposition de l’accord ne devra remettre en cause la capacité de l’Union européenne ou de ses États membres à accorder des subventions ou des aides financières au secteur de la culture et aux services culturels, éducatifs, audiovisuels et journalistiques.[99]
Le Parlement a en effet demandé à la Commission un instrument de protection fort, c’est à dire l’introduction de l’exception culturelle, que la Commission n’a jamais accepté pour ce qui est des négociations commerciales de l’UE.
B. La nouvelle approche du Canada : le PTP et le PTPGP
Depuis l’accord de libre-échange canado-américain de 1988, l’AECG est le premier accord de libre-échange dans lequel le Canada a abandonné l’exemption culturelle générale au profit d’exemptions par chapitre. Il témoigne donc d’un changement d’approche pour le Canada.
Cet abandon a ensuite été confirmé par le PTP, un traité multilatéral de libre-échange qui vise à intégrer les économies des régions Asie-Pacifique et Amérique. Le 4 février 2016, douze pays du Pacifique ont en effet signé cet accord : l’Australie, le Brunei, le Canada, le Chili, les États-Unis, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour et le Vietnam[100].
Par cet accord, non seulement l’abandon de l’exemption culturelle générale a été confirmé,
mais le degré de libéralisation du secteur culturel a atteint un niveau jamais égalé. D’abord, le Canada a opté pour une pluralité de réserves et clauses culturelles de portée variable incorporées dans certains chapitres seulement. D’autre part, [il] a choisi de limiter considérablement son pouvoir d’intervention en faveur des expressions culturelles canadiennes dans l’environnement numérique.[101]
L’AECG avait marqué une inversion de tendance, car le Canada avait abandonné l’exemption culturelle générale excluant explicitement de la portée d’un accord commercial toutes les industries culturelles,
mais les industries culturelles demeuraient exemptées de l’application des règles contenues dans tous les chapitres pertinents de cet accord, à l’exception du chapitre sur le « traitement national et accès au marché des produits ». […] Tout en retenant l’approche par chapitre de l’AECG, le PTP marque [en revanche] une rupture [plus] importante de la tradition canadienne en matière de traitement des biens et des services culturels dans [des] accords de commerce.[102]
Non seulement le Préambule du PTP ne mentionne pas la Convention de l’UNESCO, ce qui était prévisible car ses parties ne sont pas toutes parties à cette convention (sept de ses parties le sont[103]), mais, tout en reconnaissant l’importance de l’identité et de la diversité culturelle, il mentionne également que « le commerce et l’investissement peuvent multiplier les occasions d’enrichir l’identité et la diversité culturelle au pays et à l’étranger »[104], ce qui pourrait être interprété d’une manière éloignée des objectifs de la Convention de l’UNESCO. Le PTP a recours à la méthode des listes négatives pour libéraliser le commerce transfrontalier des services et l’investissement sans toutefois contenir de clause culturelle permettant d’exclure l’ensemble des industries culturelles. Dans le PTP, le Canada a penché pour « la formulation de clauses culturelles de portée variable incorporées à certains chapitres de cet accord. La protection du secteur culturel qui découle du PTP se révèle toutefois plus limitée que celle qui découle des accords de libre-échange précédemment conclus »[105] par ce pays :
[Le PTP] reflète une nouvelle approche, à la fois fragmentée et parcellaire. Il expose certaines politiques culturelles en vigueur à un risque de contestation. [En outre], à l’heure où les parties à la Convention de 2005 cherchent à identifier les moyens de protéger et de promouvoir la diversité des expressions culturelles à l’ère du numérique, le [PTP] s’inscrit dans une dynamique inverse. En effet, cet accord contient des engagements contraignants en matière de commerce électronique, ce qui inclut évidemment le commerce des produits culturels numériques. De plus, bien que les réserves formulées par le Canada offrent une protection à une vaste gamme de politiques culturelles en vigueur, cette protection est considérablement réduite en ce qui concerne la révision des politiques actuelles ou l’adoption de nouvelles mesures.[106]
L’option privilégiée par les parties de l’accord en question peut s’avérer hautement limitative. De fait, les décideurs sont actuellement confrontés à la nécessité de renouveler les politiques culturelles de leurs pays afin de les adapter aux technologies du numérique et de tirer pleinement profit du vaste potentiel qu’offre l’environnement numérique pour la promotion de la diversité culturelle[107].
Le 8 mars 2018 un nouvel accord de libre-échange, le PTPGP, entre l’Australie, le Brunei, le Canada, le Chili, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour et le Vietnam est conclu à Santiago, au Chili. Même si le PTP avait été élaboré en 2016 sous la gouverne de l’administration Obama[108], le président Donald Trump, le 23 janvier 2017, a signé un décret désengageant les États-Unis de l’accord avant son entrée en vigueur[109].
Le PTPGP « [incorpore,] par renvoi, les dispositions du […] PTP, à l’exception de certaines dispositions qui seront suspendues dès l’entrée en vigueur »[110]. Le Préambule de cet accord réaffirme entre autres « l’importance de promouvoir […] l’identité et la diversité culturelles »[111]. Différemment du PTP, le PTPGP ne reconnaît pas « le fait que le commerce et l’investissement peuvent multiplier les occasions d’enrichir l’identité et la diversité culturelles au pays et à l’étranger »[112], mais réaffirme « l’importance de promouvoir […] le commerce inclusif »[113].
III. Les renégociations de l’ALENA : le tout récent ACEUM et le retour pour le Canada de l’exemption culturelle générale
Les précédents accords, tels que l’AECG et le PTP, avaient fait craindre le fait que l’introduction d’une exemption culturelle générale ne soit plus en vogue au Canada, et notamment qu’elle soit définitivement abandonnée lors des renégociations de l’ALENA. Un média canadien s’était toutefois fait l’écho d’une volonté politique de conserver l’exception culturelle face aux États-Unis et le premier ministre Justin Trudeau avait annoncé qu’il ne signerait pas un nouvel accord sans le maintien de l’exception culturelle et mentionné que de « renoncer aux exemptions pour les industries culturelles canadiennes équivaudrait à renoncer à la souveraineté et à l’identité canadiennes »[114]. L’utilisation par les médias canadiens soit de l’expression « exception culturelle » au singulier, soit de l’expression « exemptions » au pluriel, et les précédents ALE conclus récemment par le Canada ne permettaient toutefois pas de prévoir exactement la technique juridique — et donc le choix politique — que les négociateurs canadiens auraient adoptée dans les renégociations de l’ALENA.
A. Le tout nouvel ACEUM et l’exception culturelle
Le 30 septembre 2018, les États-Unis, le Mexique et le Canada ont annoncé l’achèvement des négociations du dernier accord de libre-échange entre eux[115]. Il s’agit donc d’une nouvelle toute récente et de grande importance. Ces États ont conclu l’ACEUM.
L’ACEUM reprend l’exemption culturelle générale. Le résumé concernant les industries culturelles, fourni par le gouvernement canadien sur son site officiel, explique la position du Canada à ce sujet :
Dans le contexte des accords commerciaux, l’exception culturelle est une disposition qui permet au Canada de prendre des mesures afin d’appuyer et de protéger ses industries culturelles, sans contrevenir à leurs modalités. L’Accord États-Unis-Mexique-Canada [ACEUM] maintient l’exception pour les industries culturelles du Canada, qui font partie intégrante de l’identité nationale de notre pays et de ses habitants. Cette exception continuera de préserver la capacité des Canadiens à créer un contenu diversifié et à avoir accès à une grande variété de contenu, notamment dans l’environnement numérique.[116]
On peut lire en effet à l’article 32.6, paragraphe 2 de l’ACEUM concernant les industries culturelles, et contenu dans le chapitre 32 sur les exceptions et les dispositions générales, que « [l]e présent accord ne s’applique pas à une mesure adoptée ou maintenue par le Canada concernant une industrie culturelle »[117]. Cette disposition protège le droit du Canada de garder ses mesures de soutien pour ses industries culturelles ainsi que d’en adopter des nouvelles.
La définition d’industries culturelles donné par l’article 32.1, paragraphe 1 de l’ACEUM est la même définition vaste qui était donnée par l’article 2107 de l’ALENA[118]. Cette définition désigne la personne qui se livre à l’une ou l’autre des activités suivantes :
[...] a) la publication, la distribution ou la vente de livres, de revues, de périodiques ou de journaux, sous forme imprimée ou exploitable par machine, à l’exclusion toutefois de la seule impression ou composition de ces publications, b) la production, la distribution, la vente ou la présentation de films ou d’enregistrements vidéo, c) la production, la distribution, la vente ou la présentation d’enregistrements de musique audio ou vidéo, d) l’édition, la distribution ou la vente de compositions musicales sous forme imprimée ou exploitable par machine, ou e) les radiocommunications dont les transmissions sont destinées à être captées directement par le grand public, et toutes les activités de radiodiffusion, de télédiffusion et de câblodistribution et tous les services des réseaux de programmation et de diffusion par satellite.[119]
L’ACEUM reprend également une clause de représailles directement rattachée à l’exception culturelle et qui était déjà prévue par l’article 2005, paragraphe 2 de l’ALE de 1987[120], qui est désormais suspendu. On peut lire en effet à l’article 32.6, paragraphe 4 de l’ACEUM que
[n]onobstant toute autre disposition du présent accord, une Partie peut prendre une mesure d’effet commercial équivalent en réaction à une action d’une autre Partie qui serait incompatible avec le présent accord si ce n’était du paragraphe 2 ou 3.
Le ministre du Patrimoine canadien et du Multiculturalisme de l’époque, Pablo Rodriguez, a affirmé que la clause sur l’exception culturelle est une « clause générale qui l’emporte sur le reste »[121]. Véronique Guèvremont, titulaire de la Chaire UNESCO sur la diversité culturelle des expressions culturelles à l’Université Laval a toutefois souligné que
[c]ette clause n’a jamais été activée parce que [les] politiques culturelles [canadiennes] avaient peu d’impact sur les perspectives de commercialisation [américaines, mais le …] numérique [que maintenant l’exception culturelle de l’ACEUM inclut] est le cheval de bataille des Américains depuis au moins quinze ans. Si [le Canada] adopte des mesures pour promouvoir le contenu canadien sur les plateformes numériques — qui sont pour la plupart américaines —, les intérêts économiques en jeu vont être plus importants que [ses] subventions [au] cinéma. Ça augmente le risque que la clause de représailles soit activée. […] Quand on demandera au gouvernement [canadien] de mettre en place certaines politiques qui entraîneraient des discriminations, c’est possible qu’il y ait une réaction des États-Unis. Ils ont le levier juridique pour le faire.[122]
B. L’identité et la diversité culturelles comme idées fédératrices
À part quelques petits changements lexicaux, la définition adoptée par l’ALENA était à son tour la même que celle adoptée par l’article 2012 de l’ALE de 1987. En effet, déjà dans ce dernier accord,
[d]ès le début des négociations, les Canadiens [avaient] exprimé la crainte de voir l’Accord éroder la capacité du gouvernement d’aider les industries culturelles du Canada (film et vidéo, enregistrement de musique et de son, publication, câblodistribution et radiodiffusion) et de contribuer ainsi à l’épanouissement de l’identité culturelle du Canada. Afin d’établir clairement que l’Accord ne porte aucunement atteinte à l’identité culturelle du Canada, les deux gouvernements ont expressément convenu, à l’article 2005, que […] rien dans cet instrument n’affecte la capacité de l’une ou l’autre Partie de mener la politique culturelle de son choix.[123]
L’idée du soutien à l’identité et à la diversité culturelles semble avoir fédéré les Canadiens dans les négociations commerciales concernant les industries culturelles. Si le développement de l’idée d’identité culturelle est grandement lié au Canada à l’oeuvre du Québec, ayant intérêt à protéger et soutenir une culture francophone[124] qui est minoritaire en Amérique du Nord, cette idée reflète toutefois une riche complexité. Par conséquent, elle est depuis des années soudée à celle de diversité culturelle. Aujourd’hui plus que jamais cette complexité est officiellement soulignée par le gouvernement du Canada, notamment dans le résumé cité précédemment concernant les industries culturelles dans l’ACEUM :
Au moment où les pays deviennent de plus en plus intégrés du point de vue économique, il est d’autant plus important qu’ils puissent préserver un fort sentiment d’appartenance et leur identité nationale. La capacité de raconter nos histoires et d’exprimer notre culture dans toute sa diversité fait partie intégrante de la souveraineté nationale du Canada. Le Canada compte bon nombre de communautés autochtones, une culture francophone dynamique et unique en Amérique du Nord, ainsi que des Canadiens de toutes religions, origines et cultures qui façonnent notre pays tous les jours.[125]
Comme nous l’avons déjà mentionné, les États-Unis se sont opposés à la Convention de l’UNESCO et ne l’ont jamais ratifiée. Par conséquent, une référence à cette convention dans le Préambule de l’ACEUM était hors de question. Il faut quand même souligner que le Préambule de l’ACEUM rajoute à la phrase selon laquelle les parties ont « résolu […] de favoriser la créativité et l’innovation et d’encourager le commerce de produits et de services faisant l’objet de droits de propriété intellectuelle », qui était mentionnée à l’alinéa 9 du Préambule de l’ALENA[126], de le faire de manière « à protéger les objectifs légitimes de bien-être public »[127]. Il faut à ce propos rappeler qu’en anglais le texte utilise le mot « welfare »[128], c’est-à-dire une expression qui renvoie à une tradition d’intervention publique.
Conclusion
L’analyse des négociations commerciales multilatérales, des ALE et, plus généralement, des « étapes normatives » que nous avons considérées parmi les plus significatives pour l’UE et le Canada en matière de protection et de promotion de la culture dans leurs relations commerciales extérieures a montré des traditions très similaires, mais historiquement différentes. L’UE avait historiquement adopté l’approche de la liste positive qui permet de prendre des engagements graduels en matière de libéralisation des échanges, mais sans opter pour une exemption générale pour toutes les industries culturelles. Elle avait au contraire, à ce propos, d’abord adopté une idée de spécificité culturelle, puis de diversité culturelle, qui se concrétise par un protectionnisme limité aux services audiovisuels. Le Canada, en revanche, avait historiquement opté pour le choix de la liste négative, qui ne permet pas une libéralisation progressive, mais en même temps aussi pour une clause générale d’exemption qui concerne toutes les industries culturelles. Pendant très longtemps, les négociations de l’UE et du Canada se sont inspirées de ces deux différentes traditions.
A. Le droit promotionnel de la diversité culturelle « en montagnes russes »
Dans l’AECG, les traditions de négociation de l’UE et du Canada se sont au contraire mélangées. Chaque partie a partiellement abandonné sa tradition. L’UE a abandonné l’approche de la liste positive au profit de celle de la liste négative, tandis que le Canada a abandonné l’exemption culturelle générale au profit d’exemptions chapitre par chapitre.
Dans le PTP, dont les dispositions sont incorporées par renvoie dans le PTPGP (à l’exception de certaines dispositions qui seront suspendues dès l’entrée en vigueur), la libéralisation du secteur culturel opérée par le Canada a atteint un niveau jamais égalé. D’un côté ce pays a opté pour une pluralité de réserves et clauses culturelles de portée variable incluses dans certains chapitres seulement, de l’autre il a limité sensiblement son pouvoir d’intervention en faveur des expressions culturelles nationales dans l’environnement numérique.
Pour ce qui est des négociations du PTCI entre l’UE et les États-Unis, qui sont actuellement suspendues, la Commission s’était déchirée dans un conflit entre les Directions générales en matière d’audiovisuel. Le Commissaire européen au commerce avait en effet soutenu une inclusion des services audiovisuels dans les négociations du PTCI, tandis que la Commissaire européenne chargée de l’éducation, de la culture, du multilinguisme et de la jeunesse avait soutenu la nécessité d’exclure ces services des négociations du PTCI. Le Président de la Commission, M. Barroso, avait d’abord penché pour l’option soutenue par M. de Gucht, puis pour celle défendue par Mme Vassiliou. Compte tenu également de la pression exercée par la diplomatie américaine, le secteur de l’audiovisuel avait prévu le risque de perdre l’acquis européen en matière de soutien et exercé des pressions sur les institutions de l’UE pour que l’audiovisuel ne fasse pas partie des négociations du PTCI. Suite à ces pressions, le mandat de négociation avait exclu l’audiovisuel de ces négociations. Cette exclusion n’était toutefois pas définitive, car la Commission aurait pu remettre subséquemment l’audiovisuel sur la table des négociations. En effet, le Parlement européen ne percevait pas non plus le soutien à ce secteur comme acquis dans les négociations du PTCI : il avait ensuite, en 2015, demandé l’introduction d’une exemption culturelle générale. La période marquée, pour ce qui est du Canada, par le PTP et, pour ce qui est de l’UE, par les négociations du PTCI, semblait donc avoir poussé le risque de libéralisation de la culture pour ces deux acteurs plus loin que jamais.
Avant et pendant les renégociations de l’ALENA et pendant celles du PTCI, des deux côtés de l’océan, on craignait un assouplissement de jure de l’idée de protection et de promotion de la diversité culturelle par les pouvoirs publics, et cela malgré le fait que l’UE soit la seule organisation d’intégration économique régionale à faire partie de la Convention de l’UNESCO, que le Canada fut le premier pays à faire partie de celle-ci, et que le Canada et l’UE soient de fervents promoteurs de la mise en oeuvre des principes et objectifs de la Convention, à laquelle ils ont d’ailleurs fait référence dans l’AECG.
Néanmoins, le nouvel accord qui a découlé des renégociations de l’ALENA, l’ACEUM, a réintroduit, pour le Canada, une exemption culturelle générale, y compris pour l’environnement numérique. Les négociations du PTCI étant suspendues, on ne peut pas encore vérifier si la Commission a l’intention de revenir à une protection importante, ou même accrue de l’audiovisuel conformément à la demande du Parlement d’inclure dans cet accord une exemption culturelle générale, ou au contraire de s’ouvrir à la libéralisation de ce secteur.
Par une analyse des négociations multilatérales, des ALE et, plus généralement, des « étapes normatives » que nous avons considérées parmi les plus significatives pour l’UE et le Canada en matière de protection et de promotion de la culture dans leurs relations commerciales extérieures, nous avons essayé de montrer que, depuis que les négociations ne se déroulent plus dans le cadre multilatéral de l’OMC, mais dans les cadres bilatéraux des ALE, et tout particulièrement à partir de l’AECG, les positions respectives de ces deux acteurs ne peuvent plus être considérées comme constantes à travers le temps. Elles varient au contraire d’une négociation, d’un accord ou d’une « étape juridiquement pertinente » à l’autre. Il est par conséquent difficile d’établir des tendances précises par rapport à la possibilité pour l’UE et le Canada de conserver des techniques d’incitation à la diversité culturelle et d’en introduire des nouvelles. L’analyse menée dans cet article confirme donc que, pour appréhender comment l’UE et le Canada relèvent le défi d’un droit promotionnel de la diversité culturelle face au commerce mondial, il faut à chaque fois analyser la négociation ou l’accord en question ainsi que les enjeux et les intérêts qu’il implique, en considérant aussi le partenaire commercial impliqué. Elle confirme également que l’image évoquée d’un droit promotionnel de la diversité culturelle « en montagnes russes » est appropriée et qu’il est toujours plus important d’utiliser, dans l’étude des négociations multilatérales des ALE, une approche contextuelle du droit. Cette approche permet en effet de dévoiler les enjeux et les intérêts sociopolitiques et économiques qui ressortent des coulisses de ces négociations et de ces accords.
B. Le droit promotionnel de la diversité culturelle dans un cadre géopolitique élargi et dans un environnement numérique
Une tendance commune à l’UE et au Canada, qui est visible et que les médias canadiens ont suggérée (mais sans se référer spécifiquement aux industries culturelles) pour l’ACEUM[129], est que leurs relations commerciales présentes et futures voient et verront comme protagoniste la Chine[130]. Ceci est dû au fait que l’UE et le Canada semblent tous deux souhaiter entamer dès que possible un ALE avec ce pays, mais aussi parce que l’existence de la puissance chinoise influence indirectement les négociations menées avec d’autres pays, notamment les États-Unis.
Un cadre géopolitique de la diversité culturelle élargi par rapport à ce qui voyait comme protagonistes les acteurs traditionnels des négociations, et donc le conflit sur la libéralisation des industries culturelles, s’affiche de manière claire. La Chine est en effet devenue un acteur majeur, voir un géant, du commerce mondial. La manière dont ce cadre géopolitique fera bouger les choix desdits acteurs en matière de protection et de promotion de la diversité culturelle n’est toutefois pas encore tout à fait claire.
Comment se dérouleront les négociations directement menées avec la Chine pour la conclusion d’accords de libre-échange est encore moins clair, tant l’UE que le Canada semblant souhaiter entamer dès que possible les discussions avec ce pays. L’incertitude plane entre autres à cause de la question de la protection des droits fondamentaux, comme le droit d’accès à la culture, mais aussi car, d’un côté, la Chine a un important pouvoir de négociation dû à sa croissance économique, tandis que de l’autre elle est en train de développer ses industries nationales pour les rendre plus compétitives sur les marchés mondiaux[131]. La Chine a donc des besoins et des priorités différentes par rapport à celles de certaines puissances occidentales. En quelques décennies seulement, le développement des industries culturelles chinoises, par exemple celui de l’industrie du cinéma, s’est énormément accéléré[132]. Néanmoins, du point de vue de la Chine, la nécessité de renforcer une industrie qui n’est pas encore pleinement compétitive sur les marchés globaux semble être considérée comme cruciale avant de libéraliser son marché[133].
Il est en revanche clair que l’un des thèmes le plus importants des ALE à venir sera l’environnement numérique. À l’heure du numérique, les États et l’UE doivent adapter leurs modes de régulation des politiques et des industries culturelles pour trouver des solutions efficaces en matière de protection et de promotion de la diversité culturelle. Ils doivent renouveler les schèmes traditionnels de gouvernance de la culture en les adaptant aux changements technologiques et à des marchés toujours plus intégrés et mondialisés[134]. Les « vrais défis se cachent dans la définition de ce que sont les produits numériques, ce qui engendre une confusion lorsqu’il s’agit de déterminer les règlementations applicables à l’approvisionnement en services culturels ou bien culturels numériques »[135].
La Professeure Véronique Guèvremont avance d’ailleurs que « [t]oute clause culturelle ou tout type de réserve devraient s’appliquer à l’environnement numérique »[136]. Il faudrait toutefois vérifier accord par accord quelle est l’ampleur de cette couverture. On sait en effet que souvent, dans les ALE, « la définition retenue des industries culturelles ne permet pas d’affirmer avec certitude que les produits culturels digitaux se trouvent systématiquement couverts par cette clause »[137]. Avant la conclusion de l’ACEUM, la doctrine canadienne avait par exemple souligné que
la définition des « industries culturelles » contenue dans les accords canadiens pourrait faire l’objet d’interprétations divergentes et ne pas couvrir l’ensemble des produits culturels susceptibles d’être commercialisés par voie électronique. Seule une analyse minutieuse de chacune des industries culturelles visées permettrait de conclure à une exclusion totale de l’ensemble des produits culturels numériques du champ d’application de ces accords.[138]
Ce sont les parties à la Convention de l’UNESCO
qui devront s’assurer que la Convention demeure un instrument adapté au contexte dans lequel la diversité des expressions culturelles évolue. [Sur] ce point, l’attention des Parties à la Convention doit inévitablement se tourner vers les technologies numériques.[139]
Une nouvelle en effet toute récente indique qu’en Europe, dans le but explicite de soutenir la diversité culturelle du secteur audiovisuel européen, le Parlement a voté par 452 voix pour, 132 contre et 65 abstentions, un texte[140] actualisé sur les services de médias audiovisuels, qui garantira que « 30 % du contenu au sein des catalogues des plateformes de vidéo à la demande soit européen »[141]. Plus précisément, suite
au vote final sur cet accord, la législation actualisée s’appliquera à tous les diffuseurs, mais également aux plateformes de vidéo à la demande et de partage de vidéos en ligne, telles que Netflix, YouTube ou Facebook, ainsi qu’à la retransmission en direct sur les plateformes de partage de vidéos.[142]
De plus,
[l]es plateformes de vidéo à la demande devront également contribuer au développement des productions audiovisuelles européennes, soit en investissant directement dans du contenu ou en contribuant à des financements nationaux. Le niveau de contribution de chaque pays devra être proportionnel aux revenus liés à la vidéo à la demande dans ledit pays (dans les États membres où ces plateformes sont installées ou dans les États membres où elles ciblent une majorité ou l’ensemble de leur public).[143]
Avant que la législation actualisée puisse entrer en vigueur, le texte devra être adopté formellement par le Conseil, qui représente les États membres. Après son entrée en vigueur, ces États auront 21 mois pour transposer les nouvelles règles dans leurs législations nationales[144].
De plus, après que le 30 septembre 2018, les États-Unis, le Mexique et le Canada aient annoncé l’achèvement des négociations en vue de l’ACEUM, la Presse canadienne a communiqué que le milieu culturel « pouss[ait] un soupir de soulagement »[145], car la nouvelle entente de l’ALENA couvrait aussi l’environnement numérique. Le Canada devrait par conséquence maintenant pouvoir se consacrer à légiférer pour protéger et promouvoir le contenu canadien numérique, en actualisant par cela les objectifs et les principes de la Convention de l’UNESCO dans cet environnement.
Tant que les négociations du PTCI seront suspendues, on ne connaîtra pas réellement la position de l’UE dans ses relations commerciales extérieures pour ce qui est de cet environnement. Néanmoins, il est sûr que d’un côté, comme nous l’avons déjà mentionné, pour mettre en oeuvre leur agenda numérique, les États-Unis se sont tournés vers les accords bilatéraux; de l’autre côté, comme l’a souligné le Parlement, l’« UE a une obligation juridique au titre [de la Convention de l’UNESCO] […] de protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelle, un principe qui est aussi énoncé dans les Traités de l’UE (art. 167 TFUE) » [notre traduction][146]. De plus, pour les traités commerciaux, chaque État membre a un droit de veto « dans le domaine du commerce des services culturels et audiovisuels, lorsque ces accords risquent de porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique de l’Union (art. 207 TFUE) » [notre traduction][147]. En effet le paragraphe 4, alinéa a) de cet article prévoit que le Conseil statue à l’unanimité pour la négociation et la conclusion de ces accords[148].
Pour conclure, nous pouvons affirmer qu’un cadre géopolitique de la diversité culturelle élargi — par rapport à ce qui voyait comme protagonistes les acteurs traditionnels des négociations concernant les industries culturelles — ainsi que l’environnement numérique seront probablement à l’origine de conflits dans la mise en oeuvre d’ALE et dans des négociations futures. Le droit promotionnel de la diversité culturelle devra donc, peut-être, apprendre à vivre « en montagnes russes ».
Appendices
Notes
-
[1]
Voir Lucia Bellucci, « Les techniques juridiques d’incitation à la production cinématographique en Italie et en France : le symbole d’une transition démocratique inachevée dans le Bel Paese » (2019) 46:3 Sociologia del diritto 95 à la p 96 [Bellucci, « Les techniques »].
-
[2]
Voir Monique Dagnaud, L’État et les médias : fin de partie, Paris, Odile Jacob, 2000 à la p 162.
-
[3]
Le terme « audiovisuel » est ici utilisé dans son sens large, selon la définition que l’on retrouve dans le lexique de l’UE. Voir Lucia Bellucci, « ”Cultural Diversity” from WTO Negotiations to CETA and TTIP: More than Words in International Trade Law and EU External Relations » (2015) 20:2 Lex Electronica 39 aux pp 53‒54 [Bellucci, « Cultural Diversity »]; Lucia Bellucci, « Un regard européen sur l’AECG entre le Canada et l’UE : enjeux et perspectives pour un droit promotionnel des services audiovisuels » dans Hervé Agbodjan Prince, dir, Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AECG) : esprit et dynamique d’un bilatéralisme nouveau, Montréal, Yvon Blais, 2017, 181 aux pp 183‒84, 197 [Bellucci, « Un regard »].
-
[4]
Voir Lucia Bellucci, « National Support for Film Production in the EU: An Analysis of the Commission Decision-Making Practice » (2010) 16:2 Eur LJ 211 aux pp 224‒25 [Bellucci, « National Support »].
-
[5]
Voir par ex Norberto Bobbio, Dalla struttura alla funzione: nuovi studi di teoria del diritto, Milan, Edizioni di Comunità, 1977 [Bobbio, Dalla struttura] (qui réunit des écrits de l’auteur parus à partir de 1970); Norberto Bobbio, « La funzione promozionale del diritto rivisitata » (1984) 11:3 Sociologia del diritto 7.
-
[6]
Voir Bellucci, « Un regard », supra note 3 à la p 186.
-
[7]
Voir ibid à la p 187.
-
[8]
Voir Lucia Bellucci et Roberto Soprano, « Study Paper 3A: The WTO System and the implementation of the UNESCO Convention: two case studies » dans Germann Avocats (Geneva) and multidisciplinary research team, dir, Implementing the UNESCO Convention of 2005 in the European Union, European Parliament, Bruxelles, 2010, 159 à la p 162, en ligne (pdf) : Diversity Study <diversitystudy.eu> [perma.cc/ZYU9-ZTGT].
-
[9]
Ceci est d’ailleurs prouvé par le désengagement des États-Unis de certains ALE ou de leur négociation. Nous pensons ici au désengagement des États-Unis du PTP et à la suspension des négociations formelles du PTCI, que nous allons analyser dans les pages qui suivent.
-
[10]
Voir Philomila Tsoukala, « Eurozone Crisis Management and the New Social Europe » (2013) 20:1 Colum J Eur L 31 aux pp 34‒35, 42, 51, 74, 76. Pour plus de détails sur les décisions prises par la Commission européenne pour faire face à la crise grecque, voir Philomila Tsoukala, « Narratives of the European Crisis and the Future of (Social) Europe (2013) 48:2 Tex Intl LJ 241 aux pp 258‒66.
-
[11]
Voir Bellucci, « Un regard », supra note 3 à la p 185.
-
[12]
Voir par ex Norberto Bobbio, Dalla struttura, supra note 5; Norberto Bobbio, Essais de théorie du droit, traduit par Michel Guéret avec la collaboration de Christophe Agostini, Paris, LGDJ, 1998 [Bobbio, Essais].
-
[13]
Voir Lucia Bellucci, Cinema e aiuti di Stato nell’integrazione europea : Un diritto promozionale in Italia e in Francia, Milan, Giuffrè, 2006 à la p 21 [Bellucci, Cinema e aiuti di Stato].
-
[14]
Voir Bobbio, Essais, supra note 12 à la p 175 et s.
-
[15]
Bellucci, « Les techniques », supra note 1 à la p 98.
-
[16]
Voir ibid; Bellucci, « Un regard », supra note 3 à la p 186.
-
[17]
Bellucci, « Les techniques », supra note 1 à la p 98. Voir aussi Bellucci, Cinema e aiuti di Stato, supra note 13 à la p 23.
-
[18]
Même si, contrairement aux théories du XXe siècle, celles du siècle précédent étaient déjà connotées par l’idée d’incitation (voir Alessandra Facchi, « Sulle funzioni della norma premiale » dans Paolo Comanducci et Riccardo Guastini, dir, Analisi e diritto : ricerche di giurisprudenza analitica, Turin, Giappichelli, 1991, 127 aux pp 146‒54).
-
[19]
L’Enciclopedia filosofica indique que le terme « rétribution » est équivalent au mot « sanction », voir vol 7, 2e éd révisée, Rome, Lucarini, 1982, sub verbo « retribuzione » à la p 65 (« Il indique tout le bien et tout le mal qui est prodigué ou infligé, ou l’acte de prodiguer ou d’infliger un bien ou un mal de n’importe quelle nature à un sujet, et cela en relation et en proportion à une action envers lui, bonne ou méchante » [notre traduction]).
-
[20]
Voir Hans Kelsen, « La dottrina pura del diritto » dans Giacomo Gavazzi, dir, Letture sulla sanzione, Turin, Cooperativa Libraria Universitaria Torinese, 1966, 144 aux pp 153‒54; Hans Kelsen, Teoria generale delle norme, traduit par Mario G Losano et Mirella Torre, Turin, Giulio Einaudi, 1985 à la p 209, tel que cité dans Vincenzo Ferrari, Lineamenti di sociologia del diritto, Rome-Bari, Laterza, 1997 à la p 194, n 90.
-
[21]
Voir Francesco D’Agostino, « Sanzione (teoria generale) » dans Enciclopedia del diritto, vol 41, Milan, Giuffrè, 1989, 303 à la p 324, n 150.
-
[22]
Vincenzo Ferrari se réfère au concept de norme qui est le fondement essentiel de la théorie du droit de Hans Kelsen : un jugement hypothétique de liaison entre une prémisse et une conséquence. Dans la prémisse, Kelsen voit exclusivement l’acte illicite et, dans la conséquence, exclusivement la sanction négative.
-
[23]
Ferrari, supra note 20 à la p 194.
-
[24]
Bellucci, « Un regard », supra note 3 à la p 201.
-
[25]
Voir ibid.
-
[26]
Voir Texte de l’Accord économique et commercial global, 21 septembre 2017, en ligne : Gouvernement du Canada <www.international.gc.ca> [perma.cc/CL2M-TLWZ] [AECG]. Voir aussi Commission européenne, « Le CETA chapitre par chapitre », (dernière modification le 24 août 2018), en ligne : European Commission <ec.europa.eu˃ [perma.cc/S45R-4KDR].
-
[27]
Voir Bellucci, « Un regard », supra note 3 aux pp 183‒84.
-
[28]
Mario Damen, « L’Union européenne et ses partenaires commerciaux » (2019) à la p 4, en ligne (pdf) : Parlement européen <europarl.europa.eu> [perma.cc/ZYH2-6QAK]. Voir aussi Commission européenne, « EU position in world trade » (dernière modification le 18 février 2019), en ligne : Union européenne ˂ec.europa.eu˃ [perma.cc/MXC8-358N].
-
[29]
Voir Commission européenne, « Why the European Union is an essential trade partner » (2012) à la p 3, en ligne Union européenne <eeas.europa.eu> [perma.cc/UX8D-BPFH]. Les données d’Eurostat montrent l’importance grandissante de ce secteur pour l’UE (voir Union européenne, « International Trade in Services » (20 mars 2019), en ligne : Eurostat Statistics Explained ˂ec.europa.eu˃ [perma.cc/KED4-PP5B]). Les données de juin 2017 sont révélatrices à cet égard.
-
[30]
Voir Bellucci, « Un regard », supra note 3 à la p 188.
-
[31]
Voir Christopher Arup, The New World Trade Organization Agreements: Globalizing Law Through Services and Intellectual Property, Cambridge, Cambridge University Press, 2000 aux pp 108–09; Catherine Schmitter, « La Communauté européenne et l’Uruguay Round : incertitudes et faiblesses » (1994) 6 Europe 1 à la p 4.
-
[32]
Maintenant inclus dans l’accord du GATT de 1994, avec les intégrations successives et sans le protocole sur l’application provisoire. Cet accord étant devenu l’une des annexes de l’accord constitutif de l’OMC.
-
[33]
En effet, son article IV établit des règles spécifiques pour les films cinématographiques et son article XX(f) prévoit une exemption sectorielle, qui protège les trésors de valeur artistique, historique et archéologique (voir Aude Tinel, « Qu’est-ce que l’exception culturelle ? » (2000) 435 R du Marché Commun & de l’Union Européenne 78 à la p 80). De plus, au-delà des États membres, cet accord a également lié la Communauté européenne, qui a été généralement décrite comme une « partie de facto » (voir Matthias Niedobitek, The Cultural Dimension in EC Law, traduit par James Benn et Robert Bray, Londres, Kluwer Law International, 1997 à la p 234).
-
[34]
Voir Bellucci, Cinema e aiuti di Stato, supra note 13 à la p 311. Voir aussi Milagros del Corral, dir, Culture, Trade and Globalisation : Questions and Answers, Paris, UNESCO Publishing, 2000 aux pp 35‒38.
-
[35]
Voir Bellucci, « Un regard », supra note 3 à la p 193; Bellucci, « Cultural Diversity », supra note 3 à la p 46.
-
[36]
Elle ne s’appelait pas encore « Union européenne » à l’époque.
-
[37]
29 mars 1957, [2016] JO, C 202/1 (entrée en vigueur : 1 janvier 1958).
-
[38]
Voir Schmitter, supra note 31 à la p 4.
-
[39]
Approuvée par le Parlement européen dans une résolution de juillet 1993, mais ensuite refusée par lui-même, en faveur de l’exception culturelle, dans une résolution de septembre de la même année. Voir Serge Regourd, L’exception culturelle, Paris, Presses Universitaires de France, 2002 aux pp 78‒79.
-
[40]
Voir Anna Herold, « European Public Film Support within the WTO Framework » (2003) 6 IRIS plus 2 à la p 6.
-
[41]
On peut lire à l’article II(1) de l’AGCS :
En ce qui concerne toutes les mesures couvertes par le présent accord, chaque Membre accordera immédiatement et sans condition aux services et fournisseurs de services de tout autre Membre un traitement non moins favorable que celui qu’il accorde aux services similaires et fournisseurs de services similaires de tout autre pays
Accord général sur le commerce des services, 15 avril 1994, (entrée en vigueur : 1 janvier 1995), en ligne : Organisation Mondiale du Commerce <www.wto.org> [perma.cc/NV9V-T463] [AGCS]L’OMC offre une explication synthétique de ce principe :
Aux termes des Accords de l’OMC, les pays ne peuvent pas, en principe, établir de discrimination entre leurs partenaires commerciaux. Si vous accordez à quelqu’un une faveur spéciale (en abaissant, par exemple, le droit de douane perçu sur un de ses produits), vous devez le faire pour tous les autres membres de l’OMC
« Les principes qui inspirent le système commercial » (2019), en ligne : Organisation Mondiale du Commerce ˂www.wto.org˃ [perma.cc/ MG8X-YGZU] [OMC] -
[42]
On peut lire à l’article II(2) de l’AGCS : « Un Membre pourra maintenir une mesure incompatible avec le paragraphe 1 pour autant que celle-ci figure à l’Annexe sur les exemptions des obligations énoncées à l’article II et satisfasse aux conditions qui sont indiquées dans ladite annexe » (AGCS, supra note 41).
-
[43]
Voir Paolo Mengozzi, « Le GATS : un accord sans importance pour la Communauté européenne? » (1997) 2 R du Marché Unique Européen 19 aux pp 23‒24; Giorgio Sacerdoti, « L’Accordo Generale sugli scambi di servizi (GATS): dal quadro OMC all’attuazione interna » dans Giorgio Sacerdoti et Gabriella Venturini, dir, La liberalizzazione multilaterale dei servizi e i suoi riflessi per l’Italia, Milan, Giuffrè, 1997, 1 aux pp 6–7; Francis Snyder, International Trade and Customs Law of the European Union, Londres (R-U), Butterworths, 1998 à la p 444, n 19.
-
[44]
On peut lire à l’article XVII(1) de l’AGCS :
Dans les secteurs inscrits dans sa Liste, et compte tenu des conditions et restrictions qui y sont indiquées, chaque Membre accordera aux services et fournisseurs de services de tout autre Membre, en ce qui concerne toutes les mesures affectant la fourniture de services, un traitement non moins favorable que celui qu’il accorde à ses propres services similaires et à ses propres fournisseurs de services similaires
AGCS, supra note 41L’OMC offre une explication synthétique de ce principe :
Les produits importés et les produits de fabrication locale doivent être traités de manière égale, du moins une fois que le produit importé a été admis sur le marché. Il doit en aller de même pour les services, les marques de commerce, les droits d’auteur et les brevets étrangers et nationaux.
Il faut donc « accorder à d’autres le même traitement que celui qui est appliqué à ses propres nationaux » (voir OMC, supra note 41).
-
[45]
Voir UE, Supplément d’avis d’initiative du comité économique et social sur « Les incidences des accords du cycle d’Uruguay » [1994] JO, C 393/200 au para 8.2.
-
[46]
En novembre 2001, à l’occasion de la Conférence ministérielle de Doha.
-
[47]
Voir Commission européenne, « Consultation sur les négociations GATS 2000/OMC portant sur certains services audiovisuels (musique et logiciel de loisirs), ainsi que sur les services culturels » (12 janvier 2000), en ligne : Commission européenne ˂europa.eu.int> [perma.cc/2W8W-S4XC].
-
[48]
UE, Résolution du Conseil sur les aides nationales au cinéma et à l’audiovisuel, [2001] JO, C 73/3 au para 5. Voir aussi UE, Résolution du Conseil sur le développement du secteur audiovisuel, [2002] JO, C 32/4 au para 5.
-
[49]
Voir Pascal Lamy, « WTO Negotiations on Trade in Services » (10 mars 2003), en ligne : Commission européenne <ec.europa.eu> [perma.cc/U2VH-A3Y4]; Viviane Reding, « La diversité culturelle » (10 mars 2003), en ligne : Parlement européen ˂europa.eu˃ [perma.cc/QCW4-C82J].
-
[50]
UE, Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions. Principes et lignes directrices de la politique audiovisuelle de la Communauté à l’ère numérique, COM (1999) 657 final (14 septembre 1999) au para 7.
-
[51]
UE, Résolution du Parlement européen sur la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur l’approche de l’UE en vue du cycle du millénaire de l’OMC (COM(1999) 331 – C5-0155/1999 – 1999/2149(COS)), [2000] JO, C 189/213 au para 26. Voir aussi UE, Résolution du Parlement européen sur la quatrième Conférence ministérielle de l’OMC, [2002] JO, C 112 E/321 au para 22; UE, Résolution du Parlement européen sur l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) dans le cadre de l’OMC, y compris la diversité culturelle, [2004] JO, C 61 E/289 au para 13.
-
[52]
Bellucci, « Un regard », supra note 3 à la p 196.
-
[53]
Mieux connus au niveau global sous l’acronyme anglais « FTAs » (Free Trade Agreements).
-
[54]
AECG, supra note 26.
-
[55]
Voir Commission européenne, communiqué, « Entrée en vigueur de l’accord commercial entre l’UE et le Canada » (20 septembre 2017), en ligne : Commission Européenne <ec.europa.eu> [perma.cc/2G54-RCA5] (l’on peut aussi y retrouver une courte synthèse des étapes institutionnelles qui ont conduit à l’application provisoire de l’AECG).
-
[56]
Voir Bellucci, « Cultural Diversity », supra note 3 aux pp 53‒54.
-
[57]
AECG, supra note 26, art 1.1.
-
[58]
Cet accord est connu en français par l’acronyme ALE entre le Canada et les États-Unis (CUSFTA en anglais). Pour ne pas le confondre avec ce qui, par le même mot, désigne plus généralement un accord de libre-échange, c’est à dire un FTA, nous utiliserons ici l’appellation ALE de 1987.
-
[59]
Pour la définition (reprise dans la partie III de cet article), voir Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis et le gouvernement du Mexique, 17 décembre 1992, RT Can 1994 no 2, art 2107(a)‒(e) (entrée en vigeur : 1er janvier 1994) [ALENA]. La seule lettre de l’article 1(1) de l’AECG qui diffère partiellement de la définition de l’ALENA est la lettre d) concernant « la publication, la distribution ou la vente d’oeuvres musicales sous forme imprimée ou lisible par machine » (ibid).
-
[60]
Véronique Guèvremont et Ivana Otašević, La Culture dans les traités et les accords : la mise en oeuvre de la Convention de 2005 dans les accords commerciaux bilatéraux et régionaux, Doc off UNESCO NU (2017) 1 aux pp 20–21, 56.
-
[61]
Charles Vallerand et Solange Drouin, « Exemption culturelle : trouver un accord avec les Européens », Le Devoir (30 mars 2013), en ligne : ˂www.ledevoir.com> [perma.cc/8BXP-QSD7].
-
[62]
Guèvremont et Otašević, supra note 60 à la p 20.
-
[63]
Notamment avec la République de Corée, les États du Cariforum (Antigua-et-Barbuda, les Bahamas, la Barbade, le Belize, la Dominique, la Grenade, le Guyana, Haïti, la Jamaïque, la République dominicaine, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les Grenadines, le Suriname, Trinité-et-Tobago) et les États d’Amérique centrale (voir ibid aux pp 42‒50). Voir Caroline Pauwels et Jan Loisen, « Study Paper 3C: Protocols on Cultural Cooperation » dans Germann Avocats (Geneva) and multidisciplinary research team, supra note 8, 169 à la p 169 [perma.cc/ZYU9-ZTGT].
-
[64]
AECG, supra note 26.
-
[65]
Ibid.
-
[66]
Ibid.
-
[67]
Ibid.
-
[68]
Ibid.
-
[69]
20 octobre 2005, 2440 RTNU 311, art 21 (entrée en vigueur : 18 mars 2007).
-
[70]
AECG, supra note 26, préambule, al 7. Pour d’autres accords commerciaux bilatéraux et régionaux contenant une référence explicite à la Convention de l’UNESCO, voir Guèvremont et Otašević, supra note 60 à la p 14. Pour une promotion de cette convention dans les accords conclus entre 2015 et 2016, y compris ceux conclus par la Chine, voir Véronique Guèvremont, « La Convention dans les autres enceintes internationales : un engagement crucial » dans UNESCO, Re/penser les politiques culturelles : la créativité au coeur du développement, 2018, Doc off UNESCO NU, (2017) 143 à la p 146 [Guèvremont, « La Convention »].
-
[71]
Voir AECG, supra note 26, préambule, al 6.
-
[72]
La liste des parties par ordre chronologique est accessible en ligne (voir « Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (20 octobre 2005), en ligne : Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science, et la culture <www.unesco.org> [perma.cc/8KKG-VU32] [UNESCO]).
-
[73]
Voir UE, Décision du Conseil du 18 mai 2006 relative à la conclusion de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles [2006] JO, L 201/15.
-
[74]
Guèvremont, « La Convention », supra note 70 à la p 157.
-
[75]
Voir Rachael Craufurd Smith, « The UNESCO Convention on the Protection and Promotion of the Diversity of Cultural Expressions: Building a New World Information and Communication Order? », (2007) 1 Intl J Communication 24 aux pp 26 (n 8), 27, 30, 53.
-
[76]
Voir UNESCO, supra note 72.
-
[77]
Voir Lucia Bellucci, « Cinema e diritto nell’integrazione europea : incentivazione economica e promozione della diversità culturale » (2010) 37:3 Sociologia del diritto 84 à la p 89.
-
[78]
Voir del Corral, supra note 34 à la p 39.
-
[79]
Bellucci, « Un regard », supra note 3 aux pp 200–01.
-
[80]
Rés 25, Doc off UNESCO NU, 31e sess, supp no 1, Doc NU 25 (2001) 73, en ligne : ˂portal.unesco.org˃ [perma.cc/7V8Y-XDMU].
-
[81]
Voir Décisions adoptées par le Conseil exécutif à sa 166e session (Paris, 4–16 avril 2003), Doc off UNESCO NU, 166e session (2003) au point 3.4.3, en ligne (pdf) : Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science, et la culture ˂www.unesdoc.unesco.org˃ [perma.cc/2UHE-MBUH]. L’UNESCO mentionne en 2002 un rapport écrit par les professeurs Ivan Bernier et Hélène Ruiz Fabri traitant de « la faisabilité juridique d’un instrument international sur la diversité culturelle » (Étude préliminaire sur les aspects techniques et juridiques relatifs à l’opportunité d’un instrument normatif sur la diversité culturelle, Doc off UNESCO NU, 166e session, Doc NU EX/28 (2003) au para 7, en ligne (pdf) : Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science, et la culture ˂www.unesdoc.unesco.org˃ [perma.cc/5F3R-W3XU]).
-
[82]
Bellucci et Soprano, supra note 8 à la p 159.
-
[83]
Le Conseil de l’Union européenne a déclaré que les directives concernant la négociation de cet accord sont devenues obsolètes (voir Conseil de l’Union européenne, Council decision authorising the opening of negotiations with the United States of America for an agreement on the eliminations of tariffs for industrial goods, Bruxelles (9 avril 2019), art 3).
-
[84]
Voir Dominic Webb, « The Transatlantic Trade and Investment Partnership » (4 décembre 2015) à la p 3, en ligne (pdf) : House of Commons Library ˂researchbriefings.parliament.uk˃ [perma.cc/L9FD-BWMU].
-
[85]
La plateforme en ligne Stop-TTIP, qui a été supprimée depuis, a été l’un des catalyseurs de ces critiques (pour les critiques du TTIP et pour les détails sur la grande politisation de cet accord par rapport au reste de la politique commerciale de l’UE, voir Aleksandra Soika, Jorge Díaz-Lanchas et Federico Steinberg, « The Politicization of Transatlantic Trade in Europe: Explaining Inconsistent Preferences Regarding Free Trade and the TTIP » (2019) Joint Research Centre of the European Commission Document de travail No 9/2019).
-
[86]
Voir Petition of European Filmmakers, « The Cultural Exception is Non-Negotiable » (18 avril 2013), en ligne (pdf) : Association suisse des scénaristes et réalisateurs de films ˂http://www.arf-fds.ch/> [perma.cc/Y26M-LTWJ] [FERA, « The Petition »]
-
[87]
Voir Lucia Bellucci, « The Notion of ‘Cultural Diversity’ in the EU Trade Agreements and Negotiations: New Challenges and Perspectives » (2016) 2:2 Italian LJ 433 aux pp 441–42.
-
[88]
Pour une analyse du conflit en matière d’aide d’État aux oeuvres cinématographiques entre la Direction générale société de l’information et média et la Direction générale de la concurrence, voir Bellucci, « National Support », supra note 4 aux pp 221–23, 231.
-
[89]
Voir Peter Spiegel, « US warns EU against exempting film industry from trade talks », Financial Times (11 juin 2013) à la p 1, en ligne : ˂www.ft.com> [perma.cc/DZC3-WYLE].
-
[90]
Voir FERA, « The Petition », supra note 86.
-
[91]
Voir « The Cultural Exception VS TTIP » (juillet 2013), en ligne (pdf) : Federation of European Film Directors ˂www.filmdirectors.eu˃ [perma.cc/6LZE-MUQ7] [FERA, « The Cultural Exception »].
-
[92]
Androulla Vassiliou, « Diversité culturelle et partenariat transatlantique en matière de commerce et d’investissement » (17 mai 2013), en ligne (pdf) : Commission européenne ˂europa.eu> [perma.cc/EZB6-NGKU]. Pour un aperçu de la vision qu’a Vassiliou de la diversité culturelle européenne, voir Androulla Vassiliou, « Cultural Diversity, Global Politics and the Role of Europe », Seminar on Cultural Politics, présenté au Weatherhead Centre for International Affairs, Harvard University, 28 février 2014, en ligne (pdf) : European Commission ˂europa.eu˃ [perma.cc/QC5U-NWLK].
-
[93]
Voir FERA, « The Cultural Exception » supra note 91.
-
[94]
UE, Résolution du Parlement européen du 23 mai 2013 sur les négociations en vue d’un accord en matière de commerce et d’investissement entre l’Union européenne et les États-Unis (2013/2558(RSP)), [2016] JO, C 55/108 aux para 10‒11.
-
[95]
« Directives de négociation concernant le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique » 11103/1/13 (17 juin 2013) au para 21, en ligne (pdf) : Conseil de l’Union Européenne ˂data.consilium.europa.eu˃ [perma.cc/49X5-UGG8].
-
[96]
Ibid au para 44.
-
[97]
« TTIP and Culture » (16 juillet 2014) à la p 1, en ligne (pdf) : European Commission ˂trade.ec.europa.eu˃ [perma.cc/W7XK-KDFB].
-
[98]
Ibid à la p 6.
-
[99]
CE, Résolution du Parlement européen du 8 juillet 2015 contenant les recommandations du Parlement européen à la Commission européenne concernant les négociations du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI), 2014/2228(INI), [2017] JO, C 265/35 aux para xviii‒xix.
-
[100]
Voir Guèvremont, « La Convention », supra note 70 à la p 146.
-
[101]
Véronique Guèvremont, « L’exemption culturelle canadienne dans le partenariat transpacifique ou la destinée d’une peau de chagrin » (2015) 28:1 RQDI 83 aux pp 85‒86 [Guèvremont, « L’exemption »].
-
[102]
Ibid à la p 103.
-
[103]
Il s’agit en l’occurrence de l’Australie, du Canada, du Chili, du Mexique, de la Nouvelle-Zélande, du Pérou et du Vietnam (voir Guèvremont, « La Convention », supra note 70 à la p 146, n 3).
-
[104]
Texte du PTP consolidé, 30 décembre 2018, préambule, al 16, en ligne : Gouvernement du Canada <www.international.gc.ca> [perma.cc/Y8F7-LTSF] [PTP].
-
[105]
Guèvremont et Otašević, supra note 60 à la p 25.
-
[106]
Guèvremont, « L’exemption », supra note 101 à la p 103.
-
[107]
Voir ibid. Voir aussi Stéphane Baillargeon, « L’exception culturelle restera-t-elle au menu de l’ALENA? », Le Devoir (13 avril 2017), en ligne : ˂www.ledevoir.com˃ [perma.cc/N3V3-3S9Q].
-
[108]
Voir « L’accord de libre-échange transpacifique renaît, sans Washington », La Tribune (9 mars 2018), en ligne : ˂www.latribune.fr˃ [perma.cc/VRG7-MBDN].
-
[109]
Voir par ex « Asie-Pacifique : onze pays signent un accord de libre-échange sans les États-Unis », Le Monde (8 mars 2018), en ligne : ˂www.lemonde.fr˃ [perma.cc/U2X4-XARP].
-
[110]
Gouvernement du Canada, L’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), en ligne : Gouvernement du Canada ˂www.international.gc.ca/> [perma.cc/2CH4-QFXQ]; Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste, 30 décembre 2018, art 1, en ligne : Gouvernement du Canada ˂www.international.gc.ca> [perma.cc/S2DK-FSPE] [PTPGP].
-
[111]
PTPGP, supra note 110, préambule, al 6.
-
[112]
PTP, supra note 104.
-
[113]
PTPGP, supra note 110, préambule, al 6.
-
[114]
« ALENA : Trudeau insiste sur le règlement des différends et l’exception culturelle », Radio-Canada (5 septembre 2018), en ligne : ˂ici.radio-canada.ca> [https://perma.cc/V37U-B59P] (la citation témoigne de l’idée du premier ministre, mais les mots cités sont ceux du médium d’information).
-
[115]
Voir Accord Canada‒États-Unis‒Mexique (ACEUM), 30 novembre 2018, en ligne : Gouvernement du Canada <www.international.gc.ca> [perma.cc/668H-9CEV] [ACEUM]. Voir aussi « Un nouvel Accord Canada–États-Unis–Mexique » (dernière modification le 6 juin 2019), en ligne : Gouvernement du Canada <www.international.gc.ca> [perma.cc/LU6P-KFLM].
-
[116]
Gouvernement du Canada « Résumé concernant les industries culturelles » (dernière modification le 29 novembre 2018), en ligne : <www.international.gc.ca/> [https://perma.cc/VT4M-ZSBG] [Gouvernement du Canada, « Résumé »].
-
[117]
Supra note 115 (« [S]auf disposition contraire expresse de l’article 2.4 (Traitement des droits de douane) ou de l’annexe 15-D (Services de programmation) ». Le paragraphe 3 indique ensuite « [qu’en] ce qui a trait aux produits, aux services et aux contenus canadiens, les États-Unis et le Mexique peuvent adopter ou maintenir une mesure qui, si elle était adoptée ou maintenue par le Canada, serait incompatible avec le présent accord si ce n’était du paragraphe 2 »).
-
[118]
Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis et le gouvernement du Mexique, 17 décembre 1992, RT Can 1994 no 2 (entrée en vigueur : 1er janvier 1994) [ALENA].
-
[119]
Ibid (l’article 2107 de l’ALENA utilise le pluriel : « les personnes qui se livrent »).
-
[120]
Voir Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, 1 janvier 1989, art 2005, en ligne (pdf) : Gouvernement du Canada <www.international.gc.ca> [perma.cc/T9T9-EZH4] [ALE] (on peut lire en effet à l’art 2005, paragraphe 2 de l’ALE de 1987 que : « Malgré les autres dispositions du présent accord, chaque Partie pourra prendre des mesures ayant un effet commercial équivalent en réaction à des interventions qui seraient incompatibles avec le présent accord, si ce n’était du paragraphe 1 »).
-
[121]
Guillaume Bourgault-Côté, « Libre-échange : une limite à l’exception culturelle », Le Devoir (26 octobre 2018), en ligne : ˂www.ledevoir.com> [perma.cc/DK3R-5JPX].
-
[122]
Ibid.
-
[123]
ALE, supra note 120, chapitre 20-Autres dispositions.
-
[124]
Néanmoins, nous retrouvons différentes cultures francophones au Canada — celle du Québec n’étant pas la seule culture francophone du pays.
-
[125]
Gouvernement du Canada, « Résumé », supra note 116.
-
[126]
ALENA, supra note 118, préambule, al 9.
-
[127]
ACEUM, supra note 115, préambule, al 12.
-
[128]
Ibid.
-
[129]
Voir ACEUM, supra note 115, art 32.10 (cet article prévoit à son paragraphe 1 qu’au moins trois mois avant le début des négociations, une partie doit informer les autres parties de son intention de démarrer les négociations d’un ALE avec un pays « non marchand ». Selon l’accord, un tel pays en est un qui, à la date de signature de l’ACEUM, était considéré par au moins une partie à l’accord comme n’étant pas une « économie de marché » en raison de ses lois sur les recours commerciaux (« trade remedies law ») et avec lequel aucune partie de l’ACEUM n’a d’accord de libre-échange); « “Ils ont tort” : Freeland nie que l’AEUMC lie les mains du Canada », Radio Canada avec les informations de La Presse Canadienne et CBC News, d’après un texte d’Elise von Scheel, CBC News (20 octobre 2018), en ligne : <ici.radio-canada.ca> [perma.cc/Q83Z-PNWJ]; Manon Cornellier, « L’AEUMC, une paire de menottes? », Le Devoir (4 octobre 2018), en ligne : <www.ledevoir.com> [perma.cc/KWD7-65AA].
-
[130]
La Communication conjointe pour une nouvelle stratégie de l’UE à l’égard de la Chine mentionne en effet que « [l]a conclusion d’un accord global sur les investissements constitue la priorité immédiate de l’UE [... et qu’un] tel accord [...] ouvrirait de nouveaux débouchés et permettrait aux deux parties d’avoir des ambitions plus larges, parmi lesquelles la conclusion d’un accord de libre-échange » (Commission européenne et la Haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, « Communication conjointe au Parlement européen et au Conseil. Éléments pour une nouvelle stratégie de l’UE à l’égard de la Chine », JOIN (2016) 30 final (22 juin 2016) au para III.2, en ligne (pdf) : EUR-Lex <eur-lex.europa.eu> [perma.cc/ BB4E-MEC6]). Voir aussi Commission européenne, « L’Union européenne affiche ses ambitions avec la Chine » (22 juin 2016), en ligne : ˂europa.eu˃ [perma.cc/ Y7ZX-5W65]. Le Canada est aussi en train d’explorer la possibilité de négocier un ALE avec la Chine (voir Government of Canada, Public consultation on a possible Canada-China FTA (2017), en ligne : <www.international.gc.ca/> [perma.cc/T3PZ-KMPD]). Évidemment, l’UE et le Canada ne sont pas les seuls à partager cet intérêt. En effet l’Australie a déjà conclu un ALE avec la Chine (voir « FTA text and tariff schedules », en ligne : Australian Government, Department of Foreign Affairs and Trade <dfat.gov.au> [perma.cc/7QJH-5Q3Y].
-
[131]
Pour des informations concernant le développement des industries culturelles chinoises, voir Media Consulting Group, « The Potential for Cultural Exchanges between the European Union and Third Countries: The Case of China » (2009), en ligne (pdf) : Site du parlement européen <europarl.europa.eu> [perma.cc/7BTD-S4WE] [Media Consulting Group, « The Potential »].
-
[132]
Voir ibid.
-
[133]
Voir Lucia Bellucci, « CETA, TTIP and the “Capabilities Approach”: New Challenges and Perspectives for Cultural Diversity in Trade Law », allocution dans le cadre du séminaire The Policy of Cultural Rights: Socio-legal Perspectives on Cultural Diversity, présentée au Oñati International Institute for the Sociology of Law, Oñati, 20‒21 juillet 2017 [non publiée].
-
[134]
Voir Michèle Rioux et Destiny Tchéhouali, « La Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture face aux enjeux et défis du numérique » (2016) hors-série : juin RQDI 185 à la p 201.
-
[135]
Guèvremont, « La Convention », supra note 70 à la p 147.
-
[136]
Ibid à la p 161.
-
[137]
Guèvremont et Otašević, supra note 60 à la p 20.
-
[138]
Ibid à la p 31.
-
[139]
Véronique Guèvremont, « Regard d’expert : trois questions à Véronique Guèvremont » (2015) 10:8 Culture, commerce & numérique 8 à la p 9.
-
[140]
Ce texte vise également à mieux protéger les enfants et à inclure des règles plus strictes sur la publicité.
-
[141]
Parlement européen, communiqué, « Des nouvelles règles pour les services des médias audiovisuels adoptées par le PE » (2 octobre 2018), en ligne : Actualité Parlement européen ˂www.europarl.europa.eu˃ [perma.cc/U5H4-WVKS].
-
[142]
Ibid. À propos du nouveau texte de la législation, voir aussi LEXPRESS.fr avec AFP, « Vers un quota des créations européennes dans le médias? », L’Express (2 octobre 2018), en ligne : <www.lexpress.fr˃ [perma.cc/AB4N-SSNP]; Agence France-Presse, « Audiovisuel : le Parlement européen approuve un quota de créations européens », Le Devoir [Strasbourg] (3 octobre 2018) à la p 1, en ligne (pdf) : <www.ledevoir.com> [perma.cc/ LLN6-SG6P].
-
[143]
Parlement européen, supra note 141.
-
[144]
Ibid.
-
[145]
Caroline Montpetit, « Le milieu culturel pousse un soupir de soulagement », Le Devoir (2 octobre 2018) à la p 1, en ligne (pdf) : ˂www.ledevoir.com˃ [perma.cc/JJ2Z-8QRE].
-
[146]
Members’ Research Services, « TTIP and the Cultural Exception » (29 août 2014) à la p 1, en ligne (pdf) : Blog du service de recherche du parlement européen <www.epthinktank.eu> [perma.cc/6NLY-SKZG].
-
[147]
Ibid.
-
[148]
Voir supra note 37.