McGill Law Journal
Revue de droit de McGill
Volume 63, Number 1, September 2017
Table of contents (6 articles)
Articles
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Separate but Unequal: Immigration Detention in Canada and the Great Writ of Liberty
Siena Anstis, Joshua Blum and Jared Will
pp. 1–44
AbstractEN:
Canada maintains a separate legal regime for immigration detainees who, until recently, were denied the right to seek release by way of habeas corpus. This denial of one of the most deeply entrenched rights at common law and under the Canadian Charter of Rights and Freedoms was justified by the proposition that the immigration detention scheme is “separate but equal”—that it provides an adequate remedy such that habeas corpus is not necessary. Perhaps unsurprisingly, this “separate but equal” regime has failed to provide basic procedural and substantive protections that are available in other Canadian legal regimes where liberty is at stake. However, in 2015, the Court of Appeal for Ontario reignited the availability of habeas corpus as a remedy to indefinite detention in the immigration context in Chaudhary v. Canada (Public Safety and Emergency Preparedness). By reversing a line of cases that had confined immigration detainees to review by an administrative tribunal and judicial review in the Federal Court, Chaudhary has opened the door to the superior courts for immigration detainees. This article provides a review of the immigration detention system in Canada, the applicable legislation, procedures, and case law, and canvasses the impact of Chaudhary on the rights of immigration detainees. It then considers the benefits of habeas corpus as a litigation strategy, the role it has played in debunking the “separate but equal” myth, and suggests other potential issues now ripe for further litigation.
FR:
Le Canada opère un régime juridique distinct pour les détenus issus de l’immigration. Jusqu’à récemment, ceux-ci se voyaient refuser le droit de demander leur libération par voie d’habeas corpus. Cette négation de l’un des droits les plus profondément enracinés en common law et en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés était justifiée par la proposition selon laquelle le régime de détention en matière d’immigration est « distinct, mais équivalent », de sorte que l’habeas corpus ne serait pas nécessaire. Sans surprise, ce régime « distinct, mais équivalent » a échoué à assurer des protections procédurales et substantives de base disponibles dans d’autres régimes juridiques canadiens où la liberté de la personne est en jeu. Cependant, en 2015, la Cour d’appel de l’Ontario a de nouveau rendu disponible le recours à l’habeas corpus comme moyen de remédier à la détention indéfinie dans le contexte de l’immigration dans l’affaire Chaudhary v. Canada (Public Safety and Emergency Preparedness). En renversant une série de décisions qui avaient confiné l’adjudication des détentions du domaine de l’immigration à un tribunal administratif et à un contrôle judiciaire devant la Cour fédérale, Chaudhary a ouvert la porte au recours devant les tribunaux supérieurs pour les détenus en matière d’immigration. Cet article présente un examen du système de détention en matière d’immigration au Canada, de la législation, des procédures et de la jurisprudence applicables, et analyse l’impact de Chaudhary sur les droits des détenus de l’immigration. Il considère ensuite les avantages de l’habeas corpus comme une stratégie de contentieux, le rôle qu’il a joué dans la démystification du mythe « séparé, mais équivalent » et suggère que d’autres poursuites potentielles sont maintenant disponibles pour de nouveaux litiges.
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Seeking Justice by Plea: The Prosecutor’s Ethical Obligations During Plea Bargaining
Palma Paciocco
pp. 45–88
AbstractEN:
Canadian Crown prosecutors enjoy tremendous discretionary power. They can leverage this power during plea bargaining by structuring the terms of plea deals and by engaging in aggressive negotiation tactics, thereby exerting a disproportionate influence on plea bargaining processes and outcomes. This article considers how Crowns should wield their power to shape plea bargains in light of their ethical obligation to seek justice. In particular, it considers how Crowns should identify the just case outcomes they will pursue through plea bargaining and assesses which bargaining strategies they should employ or eschew in pursuit of those outcomes. In the process, the article addresses a few especially thorny questions, including: whether Crowns should ever strategically overcharge defendants to facilitate plea negotiations; how Crowns ought to balance the accuracy of criminal charges against the fairness of criminal sentences when the two are in tension; and how Crowns can strike an appropriate balance between plea bargaining fairness and efficient case management. The article offers several concrete policy recommendations aimed at helping Crowns satisfy their ethical obligation to seek justice in the context of plea bargaining.
FR:
Les procureurs de la Couronne bénéficient d’un pouvoir discrétionnaire considérable. Ils peuvent tirer profit de ce pouvoir au moment des négociations sur le plaidoyer en utilisant des tactiques agressives, et en structurant les termes des accords sur le plaidoyer, exerçant ainsi une énorme influence sur le processus et le résultat de négociations. Cet article discute l’exercice du pouvoir des procureurs de la Couronne et comment ceux-ci devraient l’utiliser pour façonner les négociations à la lumière de leur obligation éthique de s’assurer que justice soit rendue. Cet article examine en particulier comment les procureurs de la Couronne devraient identifier les résultats considérés justes qu’ils poursuivront lors des négociations sur le plaidoyer et évalue les stratégies de négociation qu’ils devraient adopter ou éviter pour atteindre ces résultats. L’article aborde au passage quelques questions particulièrement épineuses, telles que de savoir comment déterminer si les procureurs devraient toujours surcharger stratégiquement les défendeurs pour faciliter les négociations sur le plaidoyer; comment les procureurs devraient établir un équilibre entre la justesse des accusations criminelles et l’équité des peines criminelles lorsque les deux ne concordent pas; et comment les procureurs peuvent parvenir à un équilibre approprié entre un processus de négociation sur le plaidoyer équitable et une gestion efficace des ressources judiciaires. Finalement, l’article propose quelques recommandations de politiques publiques visant à aider les procureurs de la Couronne à satisfaire à leur obligation éthique de s’assurer que justice soit rendue dans le contexte des négociations sur le plaidoyer.
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Drawing the Line Between Lay and Expert Opinion Evidence
Jason M. Chin, Jan Tomiska and Chen Li
pp. 89–131
AbstractEN:
This article examines the vanishingly thin line between lay and expert opinion evidence in Canada. In Parts I and II, we set the stakes — the dangers involved in expanding the scope of admissible opinion evidence. Canadian trial courts have been warned by peak scientific bodies and public commissions like the Goudge Inquiry about the dangers of attorning to persuasive expert witnesses. Thus, expert evidence faces new hurdles, both substantively and procedurally. This scrutiny has inspired parties to seek refuge in the more flexible and discretionary lay opinion evidence rules. But newfound vigilance to expert opinion is invalidated if the same evidence can be admitted as lay opinion. Parts III and IV illustrate these problems as we examine three cases in which authoritative lay witnesses opined on topics requiring specialized training and expertise. Three hazards are readily apparent from this analysis: (1) the lay witnesses opined on matters in which there are established methodologies to control for unconscious bias, but did not follow these methodologies; (2) the lay witnesses–– police officers––though authority figures, were not qualified experts in the area they were opining on, and; (3) the lay opinion jurisprudence has failed to meaningfully distinguish between lay and expert opinion. In Part V, we seek to fill this void by proposing a new analytic approach—Lay Opinion 2.0—which draws on both the practical and epistemological distinction between lay and expert opinion to provide an efficient and fair test for the admission of lay opinion evidence.
FR:
Cet article examine la différence de plus en plus mince entre la preuve d’un témoin ordinaire et la preuve d’un témoin expert au Canada. Dans les parties I et II, nous présentons les enjeux au centre de cet article. Les tribunaux canadiens de première instance ont été avertis par des organismes scientifiques de pointe et par des commissions publiques comme la commission Goudge des dangers d'acquiescer à des témoignages d'experts convaincants. Ainsi, la preuve d'expert est confrontée à de nouveaux obstacles, tant sur le plan matériel que procédural. Cette attention particulière a encouragé les parties à se tourner vers les règles qui s'appliquent aux témoins ordinaires, qui sont plus flexibles et discrétionnaires. Pourtant, la vigilance récemment découverte pour les opinions d'experts se voit invalidée si la même preuve peut être admise en tant que preuve ordinaire. Les parties III et IV illustrent ces problèmes, examinant trois cas dans lesquels des témoins ordinaires faisant autorité dans leur domaine ont donné un avis sur des sujets exigeant une formation et une expertise spécialisées. Trois risques ressortent spontanément de cette analyse: (1) les témoins ordinaires ont donné leur opinion sur des questions pour lesquelles il existe des méthodologies de contrôle des biais inconscients, mais ils n'ont pas suivi ces méthodologies; (2) les témoins ordinaires — des policiers — bien que représentant des figures d'autorité, n'ont pas été qualifiés d'experts dans le domaine dans lequel ils ont donné leur avis; et (3) la jurisprudence portant sur la preuve ordinaire n'a pas distingué de manière claire l'opinion des experts et des témoins ordinaires. Dans la partie V, nous cherchons à combler ce vide en proposant une nouvelle approche analytique — la preuve testimoniale ordinaire 2.0 — qui s'appuie sur la distinction à la fois pratique et épistémologique entre le témoignage du témoin ordinaire et celui de l'expert, afin de fournir un critère efficace et équitable pour l'admission de la preuve ordinaire.
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The Regulation of Hateful and Hurtful Speech: Liberalism’s Uncomfortable Predicament
Jocelyn Maclure
pp. 133–154
AbstractEN:
The regulation of speech is a highly sensitive and always evolving ethical, political, and legal issue. On the one hand, hateful and hurtful speech is on the rise, especially, but not exclusively, with regard to the relationship between Islam and the West. We can also think of the radicalization of discourse brought about by the interactive phase of the Internet. On the other hand, demands for the suppression of certain forms of speech proliferate. After reviewing the argument for freedom of expression, I argue that while the notion of harm defended by Millian liberals is too narrow, an “offence principle” is too broad. After defending hate speech laws, I concede that such laws need to target only the speech acts that express the most severe forms of aversion and denigration toward the members of a specific group. I then reflect on the status of “hurtful speech”, which I see as including the performative utterances that stop short of being hateful but nonetheless erode, through their illocutionary force and perlocutionary effects, the social standing and bases for self-respect of those who are targeted. I conclude that the free speech debate reveals a limit of liberal political morality and leaves liberal normative theorists with an uncomfortable predicament, as they have to rely more on the complementary role of pro-social personal dispositions and civic virtues than they generally wish to.
FR:
La règlementation du discours est un enjeu éthique, politique et juridique très délicat et en constante évolution. D’une part, le discours haineux et blessant est en croissance, surtout, mais pas exclusivement, en ce qui concerne les relations entre l’Islam et l’Occident. Les dimensions interactives de l’Internet encouragent particulièrement la radicalisation du discours. D’autre part, les demandes de suppression de certaines formes de discours prolifèrent également. Après avoir considéré l’argument en faveur de la liberté d’expression, je soutiens que la notion de préjudice qui est défendue par les libéraux s’inscrivant dans la lignée de Mill est trop limitée, mais qu’un « principe d’infraction » est aussi trop vaste. Après avoir défendu les lois sur le discours haineux, je concède que ces lois doivent contrôler seulement le discours qui exprime les formes les plus sévères d’exclusion et de dénigrement envers les membres d’un groupe spécifique. De plus, j’examine le statut du « discours blessant », que je considère inclure des énoncés performatifs qui ne sont pas haineux mais, néanmoins, qui érodent le statut social et les bases du respect de soi de ceux qui sont ciblés par leur force illocutoire et effets perlocutoires. Je conclus que le débat sur la liberté d’expression révèle une limite de la philosophie morale et politique de la tradition libérale et place les théoriciens du libéralisme normatif dans une situation inconfortable, car ces derniers doivent se soutenir plus sur le rôle complémentaire des dispositions personnelles pro-sociales et des vertus civiques qu’ils le souhaitent généralement.
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« Why Couldn’t You Just Keep Your Knees Together? » L’obligation déontologique des juges face aux victimes de violences sexuelles
Michaël Lessard
pp. 155–187
AbstractFR:
L’actualité des dernières années a mis en lumière le comportement problématique de plusieurs juges envers des victimes de violences sexuelles, minant leur confiance et celle du public envers le système judiciaire. Parmi certains des cas plus médiatisés, on compte celui du juge Robin Camp qui avait demandé à une victime : « why couldn’t you just keep your knees together? ». Voilà qui a eu pour effet de mettre le projecteur sur une frange de la magistrature qui croit encore au mythe de la « bonne victime » (ou la « victime parfaite »).
Dans ce texte, je soutiendrai qu’un ou une juge commet une faute déontologique lorsqu’il ou elle tient un propos (1) prompt à entretenir le mythe de la bonne victime, (2) qui participe d’un des quatre stéréotypes afférents condamnés en droit et (3) qui n’est pas justifié par sa pertinence et sa nécessité pour le raisonnement juridique.
L’article se divise en trois parties. Dans la Partie 1, je détaille d’abord brièvement les stéréotypes visés par ma proposition. Celle-ci se limite aux quatre stéréotypes fondant le mythe de la bonne victime qui ont été condamnés en droit, c’est-à-dire qui constitueraient une erreur de droit s’ils fondaient un raisonnement juridique. Selon ces quatre stéréotypes, (i) une femme sexuellement active est plus encline à consentir et serait moins crédible; (ii) une femme qui ne dénonce pas son agresseur immédiatement après l’agression est peu crédible; (iii) une femme qui ne résiste pas à l’agression y avait sûrement consenti; et (iv) une femme en thérapie est plus susceptible de mentir. Dans la Partie 2, j’aborde les fondements juridiques de l’obligation déontologique de ne pas entretenir ces stéréotypes tout en identifiant deux limites à cette obligation. Le commentaire n’est fautif que s’il entretient un stéréotype condamné en droit et que s’il n’est pas pertinent et nécessaire au raisonnement juridique. Dans la Partie 3, enfin, j’illustrerai ma proposition en décortiquant les motifs du juge William B. Horkins dans R. v. Ghomeshi.
EN:
In recent years, high-profile cases have shed light on the behaviour of certain judges towards victims of sexual violence, thus undermining public confidence and victims’ confidence in the judicial system. Among these cases, there is the one of Judge Robin Camp who asked a victim: “why couldn’t you just keep your knees together?” This statement has had the effect of putting the spotlight on a section of the judiciary which still contributes to the myth of the “good victim” (or “perfect victim”).
In this text, I argue that judges commit a breach of judicial ethics when they make a remark or a statement that (1) is likely to maintain the myth of the good victim, (2) participates in one of the four related stereotypes condemned in law and (3) is not justified by its relevance and necessity for legal reasoning.
The article is divided into three parts. In Part I, I briefly describe the stereotypes covered by my proposal. It is limited to the four stereotypes that are part of the myth of the good victim and would constitute an error of law if they were the foundation of a legal reasoning. These four stereotypes are: (i) a sexually active woman is more inclined to consent and therefore less credible; (ii) a woman who does not report her attacker immediately after the assault is not credible; (iii) a woman who did not resist aggression surely consented; and (iv) a woman in therapy is more likely to lie. Legal reasoning based on any of these stereotypes would be affected by an error of law. In Part II, I discuss the legal basis of the ethical obligation not to promote the myth of the good victim. In Part III, I illustrate my proposition by reviewing the judgment of Justice William B. Horkins in R. v. Ghomeshi.