McGill Law Journal
Revue de droit de McGill
Volume 62, Number 3, March 2017 Environment, Peoples, Power, and the Law: Reconceiving Relationships, (Re)building Bridges Environnement, peuples, pouvoir et droit : déconstruire et reconstruire les perspectives
Table of contents (9 articles)
Articles
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Introduction
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Accès à la justice pour protéger l’environnement au Québec : réflexions sur la capacité à agir des particuliers et des groupes environnementaux
Michel Bélanger and Paule Halley
pp. 603–632
AbstractFR:
Bien que les droits à l’environnement et de participation du public sont fréquemment proclamés et font l’objet d’un très large consensus, leur mise en oeuvre demeure bien souvent ardue. Le présent article fait un retour sur l’expérience québécoise eu égard à l’accès à la justice en matière d’environnement, afin de réfléchir au chemin parcouru par les particuliers et les associations de défense de l’environnement et les défis qui leur restent à relever.
Outre les avantages indéniables du recours particulier à l’injonction prévu depuis 1978 aux articles 19.1 à 19.7 de la Loi sur la qualité de l’environnement, les tribunaux ont, dans les litiges de nature environnementale, interprété largement les principes de base du Code de procédure civile relatifs à l’intérêt suffisant pour ester en justice.
Lorsque la nature des enjeux soulevés dans un litige environnemental ne permet pas aux tribunaux de conclure à l’existence d’un intérêt suffisant au sens de l’article 85(1) C.p.c., ils ont régulièrement reconnu cet intérêt aux demandeurs, tant individuellement que par le biais d’associations, en invoquant l’existence de questions de droit public au sens de 85(2) C.p.c. Il en va de même lorsque l’objet du litige porte sur le contrôle de la légalité d’une autorisation environnementale délivrée par le ministre de l’Environnement. En accueillant ces demandes, les tribunaux ont reconnu aux demandeurs le même intérêt pour demander une injonction ordonnant la cessation des activités concernées et ce, sans égard au fait que les demandeurs étaient des associations ou fréquentaient le lieu de l’infraction au sens de l’article 19.3 L.q.e.
Avec le temps, les tribunaux ont donc élargi de façon non négligeable l’accès à la justice des individus et des groupes en reconnaissant leur intérêt à agir dans l’intérêt public pour faire respecter leurs droits à l’environnement, de même qu’en démontrant leur ouverture à réduire certaines des charges financières associées aux recours judiciaires. Usant de leur pouvoir discrétionnaire, les tribunaux ont interprété le droit de manière à permettre aux particuliers et aux associations de participer de manière plus effective à la protection de l’environnement, notamment en se portant à sa défense, au nom de l’intérêt public et du droit de chacun à l’environnement, et à s’assurer d’être saisis de questions importantes, qui autrement échapperaient au forum judiciaire.
EN:
Environmental and public participation rights are widely accepted and frequently established by statute. Yet, their implementation is often a challenge. This article examines access to justice in Quebec in relation to environmental issues, with the goal of reflecting on the experience of individuals and environmental protection groups and the challenges that they still face.
In addition to the undeniable advantages of the specific injunctive remedy available since 1978 under articles 19.1 to 19.7 of the Environment Quality Act, courts have, in environmental litigation, broadly interpreted the fundamental principles of the Code of Civil Procedure related to the sufficient interest requirement for instituting proceedings.
Where the nature of the issues raised in an environmental dispute does not allow the courts to find sufficient interest under article 85(1) C.C.P., they have repeatedly held individuals as well as associations to have sufficient interest by invoking public interest issues under article 85(2) C.C.P. Courts have taken the same approach when reviewing the legality of an environmental authorization issued by the Ministry of Environment. By allowing these applications, courts have held applicants to have sufficient interest in seeking an injunction to cease particular activities, regardless of the fact that the applicants were associations or frequented the place of a contravention within the meaning of article 19.3 of the EQA.
Over time, the courts have substantially expanded access to justice for individuals and groups. Courts have done so by finding that plaintiffs are acting in the public interest to enforce their environmental rights and by demonstrating openness to reducing some of the financial burdens associated with legal action. Relying on their discretionary power, courts have interpreted the law so as to allow individuals and associations to participate more effectively in environmental protection, particularly environmental defense work based on the public interest and the universal right to the environment. Discretion also ensures that courts are seized of important environmental issues, which might otherwise never be raised in a judicial forum.
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The Continuing Relevance of Common Law Property Rights and Remedies in Addressing Environmental Challenges
David Grinlinton
pp. 633–686
AbstractEN:
Environmental protection and natural resources management is today dominated by legislative measures and administrative procedures. Enforcement and penalty regimes for environmental damage and the management of natural resources are all highly regulated. Nevertheless, there remains the oft-neglected realm of common law rules and procedures available to individuals and public interest groups, and indeed government, as alternate or supplementary mechanisms to enforce rights and obligations, to guide the implementation and interpretation of environmental regulation, and to provide new avenues for addressing environmental challenges.
The common law, particularly in the areas of tort and property, has demonstrated remarkable adaptability in addressing novel environmental threats and in innovating to protect environmental values and incentivize ecologically-sustainable development of natural resources. This article is intended to provide a review of the historical and current contribution of the common law, focusing particularly on property law concepts and property-related torts, and to explore the future potential of those mechanisms in contributing to environmental protection and environmentally-sustainable development. The article draws on cases and developments in a number of similar common law jurisdictions, including Canada, the United Kingdom, the United States, Australia, and New Zealand.
FR:
De nos jours, la protection de l’environnement et la gestion des ressources naturelles est dominée par des mesures législatives et des procédures administratives. Les régimes d’application de la loi et de pénalités pour les dommages environnementaux et la gestion de ressources naturelles sont hautement réglementées. Néanmoins, les règles et procédures de common law disponibles aux individus et groupes d’intérêt public, ainsi qu’au gouvernement, sont souvent négligées comme mécanismes alternatifs ou supplémentaires pour faire valoir les droits et obligations, guider la mise en oeuvre et l’interprétation de règles environnementales, et suggérer de nouvelles avenues pour répondre aux défis environnementaux.
La common law, particulièrement dans les domaines des obligations extra-contractuelles et du droit des biens, a démontré une adaptabilité remarquable pour répondre à de nouvelles menaces environnementales et innover pour protéger les valeurs environnementales et promouvoir le développement durable et écologique des ressources naturelles. Cet article cherche à réviser la contribution historique et actuelle de la common law, en mettant un accent particulier sur les concepts de droit des biens et des obligations extra-contractuelles reliés à la propriété, ainsi qu’à explorer le potentiel futur de ces mécanismes pour promouvoir la protection de l’environnement et le développement durable. Il se basera sur des arrêts et développements dans plusieurs juridictions de common law similaires, incluant le Canada, le Royaume-Uni, les États-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
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L’environnement à l’épreuve du droit des biens
Gaële Gidrol-Mistral
pp. 687–737
AbstractFR:
La propriété privée peut-elle être mise au service de la protection de l’environnement? Le droit des biens et le droit des obligations mettent-ils en place des techniques permettant de construire un droit de l’environnement plus efficace? L’État québécois, depuis quelques années, n’a plus le monopole de la protection et de la conservation des espaces naturels. Au contraire, il appelle de ses voeux les initiatives citoyennes, notamment par le biais de campagnes de sensibilisation et d’incitatifs fiscaux. L’intendance privée est ainsi apparue nécessaire dans les schémas contemporains de protection environnementale. Mais les impératifs environnementaux ne coïncident pas toujours avec ceux du droit des biens. Trois instruments sont principalement utilisés au Québec en raison de leur capacité à protéger de manière durable les espaces naturels québécois : la fiducie d’utilité sociale, la servitude de conservation et la copropriété indivise. Ces trois techniques juridiques, développées par le législateur, la pratique ou la doctrine, méritent d’être examinés sous la loupe du droit des biens afin de vérifier la compatibilité des exigences environnementales et juridiques.
EN:
Can private property be used to protect the environment? Do property law and the law of obligations put in place techniques that allow environmental law to grow more efficient? In environmental matters, the government of Quebec no longer has a monopoly on the protection and conservation of green spaces. On the contrary, it welcomes citizens’ projects: private stewardship has indeed become necessary in contemporary schemes of environmental protection. Yet, environmental imperatives do not always coincide with those of property law. After conducting a review of legal literature and interviewing notaries practising in the province of Québec, three legal vehicles stand out and call for an analysis: the social trust, the servitude of conservation, and undivided co-ownership. These three instruments have been developed either by the legislator, by legal practitioners, or by scholars because of their capacity to sustainably protect green spaces in Québec for an unlimited duration.
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Les services écologiques ou le renouveau de la catégorie civiliste de fruits?
Sarah Vanuxem
pp. 739–776
AbstractFR:
Qu’est-ce qu’un « service écologique » en droit et, plus précisément, en droit privé des biens? Quelle qualification juridique et, en particulier civiliste, conférer aux « services écologiques »? Nous formons ici l’hypothèse que ces bienfaits de la nature constituent des fruits au sens du droit civil français, c’est-à-dire des choses régulièrement produites par d’autres choses sans altération de la substance de celles-ci. Plus précisément, nous soutenons que le triptyque des fruits naturels, industriels et civils pourrait correspondre à celui des services écosystémiques, des services environnementaux et des paiements pour services écologiques. Autrement dit, nous examinons dans quelle mesure les services écosystémiques — ces avantages procurés par un écosystème à d’autres écosystèmes ou aux sociétés humaines — forment de nouveaux fruits naturels, les services environnementaux — ces avantages qu’apportent les Hommes aux écosystèmes — de nouveaux fruits industriels, et les paiements rendus pour ces services, de nouveaux fruits civils.
EN:
What, in law—and more precisely, in the private law of property—is an “ecological service”? What legal classification should be given to “ecological services,” particularly within the civilian system? The author proposes that these benefits of nature should be understood as fruits in the French civilian sense, which is to say, things which are regularly produced by other things without altering their substance. More precisely, this argument holds that the triptych of natural, industrial, and civil fruits could be understood to mirror ecosystem services, environmental services, and payments for ecological services. In other words, this article examines the degree to which ecosystem services—advantages procured by one ecosystem for other ecosystems or for human societies—create new natural fruits; environmental services—advantages that humans bring to ecosystems—, new industrial fruits; and the payments made for these services, new civil fruits.
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“The Earth is Our Mother”: Freedom of Religion and the Preservation of Indigenous Sacred Sites in Canada
Natasha Bakht and Lynda Collins
pp. 777–812
AbstractEN:
For centuries, the Canadian state engaged in systematic religious persecution of Indigenous peoples through legal prohibitions, coercive residential schooling, and the dispossession and destruction of sacred sites. Though the Canadian government has abandoned the criminalization of Indigenous religious practices and is beginning to come to grips with the devastating legacy of residential schools, it continues to permit the destruction and desecration of Indigenous sacred sites. Sacred sites play a crucial role in most Indigenous cosmologies and communities; they are as necessary to Indigenous religions as human-made places of worship are to other religious traditions. The ongoing case of Ktunaxa Nation v. British Columbia (Forests, Lands and Natural Resource Operations) represents the first opportunity for the Supreme Court of Canada to consider whether the destruction of an Indigenous sacred site constitutes a violation of freedom of religion under subsection 2(a) of the Canadian Charter of Rights and Freedoms. Building on the ground-breaking work of John Borrows and Sarah Morales, we will argue that Indigenous spiritual traditions have a home in this provision and merit a level of protection equal to that enjoyed by other faith groups in Canada. In general, subsection 2(a) will be infringed by non-trivial state (or state-sponsored) interference with an Indigenous sacred site. Moreover, the approval of commercial or industrial development on an Indigenous sacred site without consent and compensation will generally be unjustifiable under section 1 of the Charter. Recognition of these principles would signal respect for the equal religious citizenship of Indigenous Canadians.
FR:
Pendant des siècles, l’État canadien a systématiquement participé à la persécution religieuse des peuples autochtones à travers la mise en place d’interdictions juridiques, de pensionnats indiens coercitifs et par la dépossession et la destruction de leurs sites sacrés. Bien que le gouvernement canadien ait abandonné la criminalisation des pratiques religieuses autochtones et qu’il se soit décidé à faire face à l’héritage dévastateur des pensionnats indiens, il continue de permettre la destruction et la profanation des sites autochtones sacrés. Ces lieux sacrés jouent un rôle crucial dans la plupart des cosmologies et communautés autochtones; pour les religions autochtones, ils sont aussi nécessaires que les lieux de culte bâtis par les individus d’autres traditions religieuses. L’affaire en cours Nation Ktunaxa c. Colombie-Britannique représente la première occasion pour la Cour Suprême du Canada de se prononcer quant à savoir si la destruction d’un site autochtone sacré constitue une violation de la liberté de religion reconnue par l’article 2(a) de la Charte canadienne des droits et libertés. En nous appuyant sur travaux innovateurs de John Borrows et Sarah Morales, nous argumenterons que les traditions spirituelles autochtones sont protégées par une telle disposition et qu’elles méritent un niveau de protection égal à celui conféré aux autres groupes religieux du Canada. En général, l’entrave non négligable de lieux de culte autochtones par l’État (ou par les programmes subventionnés par l’État) constituent une violation de l’article 2(a). De plus, l’approbation sans consentement ni compensation de développements commerciaux et industriels sur des sites sacrés autochtones ne pourra être justifié en vertu de l’article 1. La reconnaissance de ces principes signalerait le respect de la citoyenneté religieuse égale des peuples autochtones au Canada.
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“Legalizing” the Great Bear Rainforest Agreements: Colonial Adaptations Toward Reconciliation and Conservation
Deborah Curran
pp. 813–860
AbstractEN:
The Great Bear Rainforest (GBR) agreements are heralded as one of the most important conservation initiatives in the world. They are intended to result in the protection of eighty-five per cent of the coastal temperate rainforest landscape on the British Columbia coast and to see seventy percent of the rainforest returned to old-growth forest. A clear terrestrial environmental success, the negotiation process and agreements are equally important for their enlivenment of Aboriginal rights and the governance authority of the Indigenous communities of the central and north coasts within a colonial law context. After stakeholders wrangled largely over the details of ecosystem-based management, First Nations and the provincial government engaged in government-to-government negotiations that are yielding agreement on the exercise of Aboriginal rights across an intact landscape, funding and priority access for First Nations’ ventures as part of a conservation economy, and enhanced roles in decision making. In the absence of treaties and in a common law Aboriginal rights and title context, these agreements are a robust example of the movement toward reconciliation. The purpose of this article is to describe how the protection of the GBR and the expression of Aboriginal rights in that process has manifested in colonial law, and to examine these agreements in the context of reconciliation in Canada. While unique and ongoing, as all reconciliation efforts will be, the GBR agreements locate land-based protection and governance at their core. As an applied, ongoing initiative, these agreements give life to the concepts of joint decision making and underscore the nation- and place-specific context of any reconciliation process that must adapt over time.
FR:
Les accords de la forêt pluviale de Great Bear sont perçus comme certaines des initiatives de conservation les plus importantes dans le monde. Ils cherchent à protéger 85% des forêts tempérées côtières en Colombie-Britannique, et retourner 75% de cette végétation à des forêts anciennes. Les accords jouent également un rôle important dans la préservation des droits autochtones et la gouvernance des communautés autochtones au long des côtes centrales et nordiques dans un contexte colonial. Après des débats entre diverses parties prenantes sur les détails d’une gestion basée sur l’écosystème, les Premières Nations et le gouvernement provincial ont commencé des négociations intergouvernementales sur l’exercice des droits autochtones à travers un paysage intact, le financement et la priorité d’accès pour les initiatives des Premières Nations dans le cadre de l’économie de conservation, et des rôles plus étendus dans la prise de décisions. En l’absence d’un traité, et dans le contexte des droits et titres autochtones en common law, ces accords sont un exemple solide d’un mouvement vers la réconciliation. Le but de cet article est de décrire comment la protection de la forêt pluviale de Great Bear et l’expression des droits autochtones dans ce processus se manifestent dans le droit colonial, et d’examiner ces accords dans le contexte de la réconciliation au Canada. Bien que les efforts de réconciliation soient en cours, ces accords maintiennent la protection et la gouvernance basées sur les terres. Cette initiative illustre le concept de prise de décisions conjointes et souligne le contexte spécifique aux différentes Nations et à divers endroits auquel il faut s’adapter dans un processus de réconciliation.
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“Sacrifice Zones” in the Green Energy Economy: Toward an Environmental Justice Framework
Dayna Nadine Scott and Adrian A. Smith
pp. 861–898
AbstractEN:
The environmental justice movement validates the grassroots struggles of residents of places which Steve Lerner refers to as “sacrifice zones”: low-income and racialized communities shouldering more than their fair share of environmental harms related to pollution, contamination, toxic waste, and heavy industry. On this account, disparities in wealth and power, often inscribed and re-inscribed through social processes of racialization, are understood to produce disparities in environmental burdens. Here, we attempt to understand how these dynamics are shifting in the green energy economy under settler colonial capitalism. We consider the possibility that the political economy of green energy contains its own sacrifice zones. Drawing on preliminary empirical research undertaken in southwestern Ontario in 2015, we document local resistance to renewable energy projects. Residents mounted campaigns against wind turbines based on suspected health effects and against solar farms based on arable land and food justice concerns, and in both cases, grounded their resistance in a generalized claim, which might be termed a “right to landscape”. We conclude that this resistance, contrary to typical framings which dismiss it as NIMBYism, has resonances with broader claims about environmental justice and may signal larger structural shifts worth devoting scholarly attention to. In the end, however, we do not wholly accept the sacrifice zone characterization of this resistance either, as our analysis reveals it to be far more complex and ambiguous than such a framing allows. But we maintain that taking this resistance seriously, rather than treating it as merely obstructionist to a transition away from fossil capitalism, reveals a counter-hegemonic potential at its core. There are seeds in this resistance with the power to push back on the deepening of capitalist relations that would otherwise be ushered in by an uncritical embrace of “green energy” enthusiasm.
FR:
Le mouvement de justice environnementale confirme les luttes populaires des résidents des lieux que Steve Lerner qualifie de « zones sacrifiées » : communautés racisées à faibles revenus qui assument plus de leur juste part de préjudices environnementaux associés à la pollution, la contamination, les déchets toxiques et l’industrie lourde. À ce propos, les écarts de richesse et de pouvoir, souvent inscrits et réinscrits à travers les processus sociaux de racialisation, sont compris comme produisant des disparités au niveau des charges environnementales. Cet article tente de comprendre la façon dont ces dynamiques changent au sein de l’économie de l’énergie verte sous le capitalisme colonial. Nous considérons la possibilité que l’économie politique de l’énergie verte contienne ses propres zones sacrifiées. En nous basant sur une recherche empirique préliminaire menée dans le Sud-Ouest de l’Ontario en 2015, nous documentons l’opposition locale aux projets d’énergie renouvelable. Des résidents ont mené des campagnes contre des éoliennes, suspectant des effets néfastes sur la santé, et contre des panneaux solaires installés sur des terres arables, sur la base de préoccupations de justice alimentaire, fondant leur opposition dans les deux cas sur une revendication générale, qu’on pourrait définir comme un « droit au paysage ». Nous concluons que cette opposition, contrairement aux représentations typiques l’associant au phénomène de « pas dans ma cour », fait écho aux revendications plus larges de justice environnementale et peut signifier un changement structurel plus global valant la peine d’être étudié par les chercheurs. Toutefois, au final, nous n’acceptons non plus entièrement la caractérisation de « zone sacrifiée » employée par ce mouvement de résistance, puisque notre analyse révèle qu’elle est bien plus complexe et ambigüe que ne le permet une telle représentation. Mais nous maintenons que le fait de prendre ce mouvement de résistance au sérieux, plutôt que de le traiter comme s’opposant simplement à une transition vers des alternatives au capitalisme fossile, révèle en soi un potentiel anti-hégémonique. Cette opposition sème des graines ayant le pouvoir de repousser l’intensification des relations capitalistes qui seraient autrement établies par l’adhésion sans réserve de l’enthousiasme de « l’énergie verte ».