McGill Law Journal
Revue de droit de McGill
Volume 62, Number 2, December 2016
Table of contents (8 articles)
Articles
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The Complainant: The Canadian Human Rights Case on First Nations Child Welfare
Cindy Blackstock
pp. 285–328
AbstractEN:
In February 2007, the First Nations Child and Family Caring Society of Canada and the Assembly of First Nations filed a complaint under the Canadian Human Rights Act alleging that the Government of Canada’s inequitable provision of child welfare services to 163,000 First Nations children, along with its flawed implementation of Jordan’s Principle, was discriminatory on the prohibited grounds of race and national ethnic origin. The case was highly contested. By the time the final arguments were heard in 2014, the Government of Canada had made eight unsuccessful attempts to get the case dismissed on technical grounds and breached the law on three occasions. On 26 January 2016, the Canadian Human Rights Tribunal substantiated the complaint and ordered the Canadian Government to cease its discriminatory conduct. This article describes this historic case from the perspective of the executive director of the complainant, the First Nations Child and Family Caring Society of Canada, highlighting access to justice issues for equality-seeking Indigenous groups, children, and civil society. Recommendations for reform are discussed.
FR:
En février 2007, la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et l’Assemblée des Premières Nations ont déposé une plainte contre le Gouvernement du Canada en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Cette plainte alléguait que la conduite du Gouvernement en matière de prestation des services à la protection de l’enfance, offerts à 163 000 enfants des Premières Nations, ainsi que les lacunes de mise en oeuvre du principe de Jordan, étaient discriminatoires pour les motifs interdits de la race et de l’origine ethnique et nationale. Ce cas fût fortement contesté. Au moment où les plaidoiries finales furent entendues en 2014, le Gouvernement du Canada avait tenté à huit reprises infructueuses de faire rejeter l’affaire pour des motifs techniques et avait violé la loi à trois reprises. Le 26 janvier 2016, le Tribunal canadien des droits de la personne a jugé la plainte fondée et a ordonné au gouvernement canadien de cesser sa conduite discriminatoire. Cet article décrit ce dossier historique en adoptant la perspective du directeur général de la partie plaignante, la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada, et met en lumière les enjeux d’accès à la justice pour les groupes autochtones, les enfants et la société civile qui revendiquent l’égalité. Des recommandations de réforme sont abordées.
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Les catégories juridiques et la qualification : une approche cognitive
Michelle Cumyn and Frédéric Gosselin
pp. 329–387
AbstractFR:
Le présent article intègre l’apport de la méthodologie du droit et des sciences cognitives, afin d’éclairer le processus explicite de qualification juridique et son rôle implicite dans la pensée. La qualification, qui consiste à rattacher les faits à une catégorie juridique, s’opère d’abord inconsciemment : c’est la qualification implicite. Il faut parfois justifier la qualification retenue : c’est la qualification explicite. La théorie du prototype, la théorie des exemplaires et la théorie des théories peuvent expliquer la qualification implicite, tandis que la qualification explicite se fonde sur la définition, les précédents, le régime juridique et les connaissances associées.
Dans toute hiérarchie de concepts, ceux d’un niveau intermédiaire, appelé niveau de base, sont préférés pour l’accomplissement de plusieurs tâches cognitives. Les concepts de ce niveau sont vraisemblablement plus faciles à appliquer et plus accessibles pour les juristes débutants. Deux expériences en catégorisation juridique montrent que le niveau de base varie selon les domaines du droit. Elles indiquent que la formation de common law favorise une représentation plus efficace des catégories juridiques, ce qui peut s’expliquer par l’importance accordée à la sélection et à l’analyse des faits. Les catégories juridiques induisent la formation de stéréotypes qui jouent un rôle occulte dans le raisonnement : c’est le principal revers de l’action réductrice et simplificatrice des catégories juridiques.
EN:
This article focuses on research in legal methodology and the cognitive sciences, in order to elucidate the explicit process of legal characterization (or classification) and its implicit role in reasoning. Legal characterization, which involves matching the facts to a legal category, operates first at an unconscious level—this is implicit characterization. It may then be necessary to revise or justify one’s choice—this is explicit characterization. While prototype, exemplar and theory theories can account for implicit legal characterization, explicit characterization relies on definitions, legal precedents, legal rules, and related knowledge.
In all hierarchies of concepts, those at an intermediary level of description—known as the basic level—are preferred for accomplishing various cognitive tasks. Basic-level concepts are seemingly easier to grasp and to apply by novices and non-jurists. Two experiments in legal categorisation demonstrate that the basic level varies according to the area of law. They also show that jurists trained in the common law acquire a more effective representation of legal categories, probably due to the importance accorded to the selection and analysis of facts. The primary drawback of legal categories is that they enable the formation of stereotypes that play a concealed role in legal reasoning.
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Contracting out of Access to Justice: Enforcement of Forum-Selection Clauses in Consumer Contracts
Marina Pavlović
pp. 389–440
AbstractEN:
Forum-selection agreements in consumer contracts nominate by default the business’s home jurisdiction to resolve disputes and thus directly impact a consumer’s ability not only to access courts, but also to obtain access to substantive justice. It has been argued that courts should consider enforcing jurisdiction clauses in consumer contracts with “greater scrutiny” because of their inherent power imbalance. To examine how the courts approach forum-selection clauses in consumer contracts, this article analyzed all reported consumer cases involving forum-selection agreements in Canadian common law jurisdictions between 1995 and 2016. The analysis of these cases shows that the courts have failed to exercise the greater scrutiny that was called for. In light of the analysis of the surveyed cases, this article argues that the rules for enforcing forum-selection clauses in consumer contracts ought to be recalibrated to reflect the power dynamics of consumer relationships, the ubiquity of standard-form contracts, and their effect on consumers’ ability to obtain redress. This article proposes two suggestions for reform: legislative intervention to invalidate forum-selection clauses in consumer agreements, and reframing and recalibrating the common law strong-cause test for the enforcement of forum-selection clauses in consumer transactions.
FR:
Les accords d’élection de for désignent la province de rattachement d’une entreprise comme lieu de résolution des différends par défaut et ont donc une incidence directe sur la capacité du consommateur d’accéder non seulement aux tribunaux, mais aussi à la justice substantielle. On a déjà soulevé que les tribunaux devraient évaluer l’application des clauses d’élection de for dans les contrats de consommation de manière plus minutieuse en raison du déséquilibre de pouvoir inhérent à celles-ci. Afin de déterminer comment les tribunaux abordent les clauses d’élection de for dans les contrats de consommation, cet article analyse toutes les décisions publiées en droit de la consommation impliquant des accords d’élection de for devant les tribunaux canadiens de common law entre 1995 et 2016. L’analyse des décisions étudiées montre que les tribunaux ont omis d’exercer la minutie requise. À la lumière de l’analyse des décisions étudiées, cet article soutient que les règles d’application des clauses d’élection de for dans les contrats de consommation devraient être recalibrées afin de refléter la dynamique de pouvoir dans les relations de consommation, l’omniprésence des contrats types, et leurs effets sur la possibilité pour les consommateurs d’obtenir réparation. Cet article propose deux suggestions pour instaurer une réforme : une intervention législative qui invaliderait les clauses d’élection de for dans les contrats de consommation, ou la restructuration du critère de la cause en common law pour l’application des clauses d’élection de for aux opérations commerciales de consommation.
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Le rôle des normes comptables dans la responsabilité civile des auditeurs de sociétés
Rémy Bucheler
pp. 441–486
AbstractFR:
En tant que professionnels de la comptabilité, les comptables appliquent dans le cadre de leur activité des normes professionnelles de nature technique : les normes comptables. Celles-ci sont adoptées par des organismes privés et indépendants émanant de la profession. Nous interrogeons le rôle qu’exercent aujourd’hui ces normes dans le contexte juridique canadien dans un domaine bien particulier qui est le droit de la responsabilité civile. Nous cherchons à déterminer dans quelle mesure elles peuvent être utilisées en tant que normes de comportement au stade de l’analyse de la faute qu’auraient pu commettre des auditeurs dans le cadre d’une vérification d’états financiers de sociétés.
Suite à une analyse jurisprudentielle, nous remarquons que la violation ou le respect des normes comptables semble en pratique déterminant pour juger de la commission ou non d’une faute civile par un auditeur. Ce constat, qui semble à première vue être en contradiction avec l’état du droit canadien qui reconnaît un principe d’indépendance entre la faute civile (source de responsabilité) et la contravention à une norme externe, nous semble toutefois pouvoir être réconcilié avec ce concept dans le cadre d’un approfondissement de ses exceptions. Notre recherche nous conduit à proposer une extension de celles-ci au cas de la « norme de comportement utile et précise », une définition à laquelle nous semblent répondre les normes comptables.
EN:
As accounting professionals, accountants apply specific professional and technical regulations in the course of their activities: accounting standards. These are adopted by private and independent bodies emanating from the profession. Our contribution questions the contemporary role of those standards in the Canadian legal context in a very specific area: civil liability. We seek to determine how accounting standards can be used in the context of negligence in order to ascertain the required standard of care of auditors while performing an audit of financial statements.
Having performed a jurisprudential analysis, we notice that the violation of—or compliance with—accounting standards seems, in practice, instrumental in determining whether an auditor has been negligent. This conclusion seems at first sight inconsistent with the current state of Canadian law and the principle of independence between the notion of negligence, source of liability, and the breach of an external standard. In our opinion, however, it can be reconcilied through the recognition of an exception. We therefore propose to consider an additional special case: the “precise and adequate external standard”, a definition that we believe accounting standards meet.
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Requiem pour un cadavre
Mariève Lacroix and Jérémie Torres-Ceyte
pp. 487–525
AbstractFR:
Le respect du cadavre peut faire l’objet d’une réflexion transversale dans les droits français et québécois. En effet, plusieurs mouvements contemporains se conjuguent au profit de la survie d’une protection juridique du cadavre à travers le vecteur de la dignité humaine. On peut penser, au Québec, au Projet de loi 66 sur les activités funéraires, sanctionné en février 2016 et, en France, à l’entrée en vigueur en 2008 de l’article 16-1-1 du Code civil qui impose le respect du corps après la mort.
Empruntant librement la structure d’un essai théâtral, les auteurs proposent quelques jalons de réflexion sur la détermination du moment de la mort (acte I), une clarification du statut juridique du cadavre (acte II), une protection du défunt au temps de la mémoire des proches (acte III), ainsi qu’au temps de l’oubli (acte IV), menant au dénouement ultime, certes inévitable (acte V).
EN:
Respect for human cadavers can be the object of an interdisciplinary reflection in French and Quebec law. In fact, several contemporary movements have joined together for the benefit of preserving the legal protection of human cadavers through the vector of human dignity. In Quebec, Bill 66 on funeral operations comes to mind (sanctioned in February 2016), as does, in France, the coming into force in 2008 of article 16-1-1 of the Civil Code, which imposes a duty to respect the human body after death.
Borrowing the structure of a theatrical essay, the authors reflect on issues related to the determination of the moment of death (Act I), the legal status of corpses (Act II), the protection of the deceased through the memories of those close to them (Act III), as well as once they are forgotten (Act IV), all leading to the ultimate and inevitable denouement (Act V).
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Struggling Towards Coherence in Canadian Administrative Law? Recent Cases on Standard of Review and Reasonableness
Paul Daly
pp. 527–564
AbstractEN:
Although the Supreme Court of Canada’s seminal decision in Dunsmuir v. New Brunswick has now been cited more than 10,000 times by Canadian courts and administrative tribunals, many of its key features remain obscure. In this article, the author analyzes recent cases decided under the Dunsmuir framework with a view to determining where Canadian courts might usefully go next. The author’s argument is that the two important principles said to underlie the Dunsmuir framework—the rule of law and democracy—can provide guidance to courts in simplifying and clarifying judicial review of administrative action. In Part I, the author explains how the relationship between Dunsmuir’s categorical approach and the contextual approach that it replaced is uncertain and causes significant confusion, and explores the potential utility of the two underlying principles in simplifying the law. The application of the reasonableness standard of review is the focus of Part II, in which the author criticizes the general approach to reasonableness review in Canada, but suggests that the rule of law and democracy may assist in clarifying the law, by setting the boundaries of the “range” of reasonable outcomes and structuring the analytical framework for identifying unreasonable administrative decisions. Finally, the author draws the strands of Parts I and II together by arguing for the adoption of a unified, context-sensitive reasonableness standard, underpinned by the rule of law and democracy, with the aim of providing clarity and simplicity to Canadian administrative law in a manner faithful to the Supreme Court of Canada’s decision in Dunsmuir.
FR:
Bien que la décision de la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick ait maintenant été citée plus de 10 000 fois par les cours de justice et les tribunaux administratifs, un nombre important de ses caractéristiques principales demeurent obscures. Dans le présent article, l’auteur analyse les décisions récentes jugées suivant Dunsmuir afin de déterminer le parcours que les cours de justice devraient emprunter. L’auteur maintient que les deux principes fondamentaux censés sous-tendre le cadre d’analyse de Dunsmuir — la primauté du droit et la démocratie — peuvent fournir des directives aux tribunaux en vue de simplifier et de clarifier le contrôle judiciaire des actes de l’Administration. Dans la partie I, l’auteur explique comment la relation entre l’approche catégorielle de Dunsmuir et l’approche contextuelle qui l’a remplacée est incertaine, provoquant ainsi une confusion majeure, et explore l’utilité potentielle des deux principes fondamentaux en vue de simplifier le droit. L’application de la norme de contrôle de la raisonnabilité est au coeur de la partie II, dans laquelle l’auteur critique l’approche générale du contrôle judiciaire de la raisonnabilité au Canada, mais suggère que la primauté du droit et la démocratie pourraient aider à clarifier le droit en définissant les limites des issues raisonnables et en structurant le cadre d’analyse permettant d’identifier les décisions administratives déraisonnables. Enfin, l’auteur resserre le lien entre les parties I et II en soutenant l’adoption d’une norme de raisonnabilité unifiée et contextuelle qui repose sur la primauté du droit et sur la démocratie, et qui confère clarté et simplicité au droit administratif canadien tout en restant fidèle à la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir.
Speech / Discours
Case Comment / Chronique de jurisprudence
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The Boundaries of Corporate Law and Trust Law: An Analysis of Locking v. McCowan
Anita Anand and Edward Iacobucci
pp. 577–598
AbstractEN:
There is an increasing trend among real estate investment trusts (REITs) to employ corporate law duties in formulating the duties of trustees. We contend that this approach represents a fundamental misunderstanding of the trust versus corporate law. To illustrate this point, we examine the case of Locking v. McCowan, a decision that we claim underscores the conceptual uncertainty regarding the extent to which corporate law applies in the income trust context. We argue that the case takes into account the difference between trusts and corporations in certain aspects of the decision, while, in others, it blurs the distinction between the two.
In support of our argument, we note that income trusts lack a separate legal personality and are thus fundamentally different from corporations. The law governing each form therefore is not, and ought not be, identical. To apply corporate law to the interpretation of trustees’ duties fails to acknowledge the absence of a distinct legal entity in the trust context, and the historically fundamental fiduciary relationship between trustees and beneficiaries (i.e., unitholders, in this context). We favour greater clarity in the drafting of the declarations of trust (DOTs) to reflect an understanding that corporate law fiduciary duties should not ground trustees’ duties. Simply importing corporate law fiduciary duties into the DOT undermines the certainty on which DOTs, and thus the income trust market, should operate.
FR:
Il y a une tendance croissante, au sein des fiducies de placement immobilier, à utiliser des obligations de droit corporatif pour établir les obligations des fiduciaires. Nous soutenons que cette pratique trahit une mauvaise compréhension de la distinction séparant la fiducie du droit corporatif. Pour illustrer cette thèse, nous analysons le cas de Locking c. McCowan, une décision qui, à notre sens, révèle l’incertitude conceptuelle concernant l’étendue de l’application du droit corporatif dans le contexte des fiducies de revenu. Le jugement prend en considération les différences entre les sociétés et les fiducies sur certaines questions alors que, sur d’autres, il brouille la frontière existant entre les deux.
À l’appui de notre thèse, nous notons que les fiducies de revenu n’ont pas de personnalité juridique distincte et sont donc fondamentalement différentes des sociétés. La loi régissant chaque forme n’est donc pas, et ne devrait pas être, identique. L’application du droit des sociétés à l’interprétation des obligations des fiduciaires ne reconnaît pas l’absence d’entité juridique distincte dans le contexte de la fiducie et la relation fiduciaire historique et fondamentale entre les fiduciaires et les bénéficiaires (c’est-à-dire les porteurs de parts, dans ce contexte). Nous sommes en faveur d’une plus grande clarté dans la rédaction des déclarations de fiducie (DDF) afin de rendre compte du fait que les devoirs fiduciaires de droit corporatif ne devraient pas fonder les obligations des fiduciaires. Le simple fait de transposer des obligations fiduciaires de droit corporatif dans la DDF compromet la certitude sur laquelle les DDF, et donc le marché des fiducies de revenu, se doit de fonctionner.