McGill Law Journal
Revue de droit de McGill
Volume 59, Number 4, June 2014 Technological Innovation and Civil Responsibility L’innovation technologique et la responsabilité civile
Table of contents (10 articles)
Introduction
Articles
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Epidemiological Uncertainty, Causation, and Drug Product Liability
Richard Goldberg
pp. 777–818
AbstractEN:
Epidemiological evidence is regularly presented to courts in determining proof of causation in medicinal product liability litigation. Building on the foundations of the author’s previous monograph, which supported the use of epidemiological evidence in dealing with problems of proof of causation in alleged cases of adverse drug reactions, this paper revisits this perennial problem of the role of epidemiological evidence in assessing causation in product liability cases in a twenty-first century context, examining recent cases in the United Kingdom, United States, Australia, and Canada. It seeks to determine the extent to which the courts in the highlighted cases have been pragmatic and fair in their interpretation and utilization of epidemiological evidence, from the perspective of both consumers and pharmaceutical manufacturers. The paper examines the apparent tension between the levels of proof required in law and science, including the relationship between levels of statistical significance and the claimant’s burden of proof; and it assesses the wisdom of using a doubling of the risk rule as a threshold to any recovery. It explores the ways in which probabilistic methods, including statistical refining with individual risk factors, can be used in conjunction with epidemiological evidence to determine specific causation. The paper supports the view that logistic regression techniques and other forms of statistical refining mechanisms using specific risk factors can and do help in the process of giving quantitative or quasi-quantitative expression to conclusions about the cause of disease in an individual drug product liability claim that is based on epidemiological evidence.
FR:
La preuve épidémiologique est régulièrement présentée pour démontrer la causalité dans les litiges en matière de responsabilité pour les produits thérapeutiques.
En se fondant sur l’une des monographies précédentes de l’auteur, qui appuie le recours à la preuve épidémiologique pour traiter des difficultés à prouver la causalité dans des affaires portant sur les effets indésirables de médicaments, cet article réexamine, dans le contexte du XXIe siècle, le problème constant du rôle de la preuve épidémiologique dans les questions de causalité en matière de responsabilité du fabricant. Il analyse à cette fin la jurisprudence du Royaume-Uni, des États-Unis, de l’Australie et du Canada. Cet article cherche à cerner jusqu’à quel point les tribunaux ont adopté, dans les affaires étudiées, une approche pragmatique et juste en interprétant et en utilisant la preuve épidémiologique, tant du point de vue des consommateurs que de celui des fabricants de produits pharmaceutiques. Il examine la tension entre les niveaux de preuve nécessaire dans les domaines scientifique et juridique, y compris la relation entre les niveaux de signification statistique et le fardeau de la preuve du demandeur, et évalue la possibilité d’utiliser la règle de doublement du risque comme seuil pour un recouvrement judiciaire. Il explore les façons dont les méthodes probabilistes, telles que l’affinage des statistiques avec des facteurs de risque, peuvent être utilisées en conjonction avec la preuve épidémiologique afin de déterminer la causalité spécifique. Cet article avance que les techniques de régression logistique, ainsi que d’autres mécanismes de raffinement statistique se servant de facteurs de risque spécifiques, peuvent aider à donner une expression quantitative ou quasi-quantitative aux conclusions portant sur la causalité dans une réclamation en responsabilité pour un produit thérapeutique basé sur la preuve épidémiologique.
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Tort Law, Risk, and Technological Innovation in England
Ken Oliphant
pp. 819–845
AbstractEN:
This paper considers the impact of technological innovation—and the risks arising from it—on the development of English tort law in the modern era, dating from around 1750. At a time when the old forms of action were losing their grip, unprecedented social changes resulted from the Industrial Revolution and the risks that it created. New mechanisms (insurance, regulation and social welfare) were introduced to control these risks and mitigate their effects. Tort law too was obliged to adapt, and its modern contours bear the mark of this history. However, fundamental questions about the proper function of tort law relative to alternative compensatory and regulatory mechanisms remain to be satisfactorily resolved.
FR:
Cet article se penche sur l’impact de l’innovation technologique, et des risques qui en découlent, sur le développement du droit anglais de la responsabilité délictuelle dans l’ère moderne, qui débuta vers 1750. À une époque où les vieilles formes d’actions perdaient en importance, la révolution industrielle et les risques qu’elle engendra produisirent des changements sociaux sans précédent. On introduisit de nouveaux mécanismes, tels l’assurance, la réglementation et l’assistance sociale, afin de contrôler ces risques et d’atténuer leurs effets. Le droit de la responsabilité délictuelle dut aussi s’adapter et sa forme moderne porte encore l'empreinte de cette histoire. Cependant, des questions fondamentales concernant la fonction appropriée du droit de la responsabilité délictuelle et des mécanismes alternatifs réglementaires et de compensation demeurent irrésolues.
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Peut-être. Incertitude du risque et dialectique de la responsabilité
Vincent Forray
pp. 847–887
AbstractFR:
Le contentieux des risques technologiques, des risques fantômes ou des toxic torts provoque des décisions de justice qui doivent se prononcer sur des incertitudes. Incertitude de la relation de cause à effet : il arrive qu’on ne puisse pas démontrer que telle activité cause invariablement le dommage; on ne peut que montrer un certain rapport entre l’un et l’autre. Incertitude du risque lui-même : il arrive qu’on ne puisse pas établir que telle activité crée effectivement un risque pour les individus. Aujourd’hui plus encore qu’hier, le droit de la responsabilité se construit en devant tenir compte du possible, du probable et du « peut-être ».
Cette nouvelle construction perturbe fortement les discours théoriques du droit de la responsabilité qui ne sont pas conçus pour supporter de telles incertitudes. Ces discours menacent de perdre leur capacité à décrire le droit positif, leur aptitude à produire de la connaissance juridique et leur vocation à théoriser le droit.
Je soutiens dans ce texte que le contentieux des risques technologiques, des risques fantômes ou des toxic torts provoque une rupture de l’unité conceptuelle du droit de la responsabilité garantie depuis longtemps par les discours juridiques théoriques. Cette rupture atteint d’abord l’exigence de causalité parce que c’est en son sein que s’est logée la forme moderne de rationalité déstabilisée par l’évolution scientifique et technologique contemporaine. Cet article suggère alors un mode de construction des discours théoriques de façon à ce que ceux-ci puissent soutenir l’incertitude du droit de la responsabilité, et ce au moyen d’une forme de dialectique.
EN:
Litigation involving technological risks, so-called “phantom risks” and toxic torts gives rise to decisions in which courts must rule based on inherent uncertainties. The uncertainty may permeate the relation between cause and effect: it will often be impossible to demonstrate that a given activity invariably caused the injury; one is only able to demonstrate some link between the one and the other. The uncertainty may also relate to the risk itself. It may be impossible to demonstrate that a given activity indeed creates risks for individuals. Today, and more so than in the past, the development of the law of civil liability affords particular consideration to the possible and the probable.
These new developments significantly perturb the theoretical discourse on the law of civil liability, which is ill-suited to support such uncertainties. Such discourses threaten to lose their capacity to describe the positive law, their aptitude to produce legal knowledge, and their vocation to theorize the law.
In this text, I argue that litigation involving technological risks, so-called “phantom risks”, and toxic torts provokes ruptures in the law of civil liability’s conceptual unity, long guaranteed by theoretical legal discourse. These ruptures affect the exigency of causation because, as I also advance, it is under its guise that the modern form of rationality, destabilized by contemporary scientific and technological evolution, has lodged itself. Therefore, this article proposes a dialectical method of constructing legal discourse so as to make it responsive to legal uncertainty in the law of civil liability.
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Risks and Uncertainties of Scientific Innovations in French Liability Law: Between Radical Departure and Continuity
Etienne Vergès
pp. 889–912
AbstractEN:
The author investigates changes in French liability law that have occurred since the end of the nineteenth century as a result of innovation in science and technology and, in particular, of the risks and uncertainties attached to this phenomenon. This text explores the extent to which scientific and technological innovation has influenced legal innovation in the field of civil liability. The author seeks to address whether science- and technology-based legal developments resulted in radical departures from the general principles of civil liability, or rather take place within a continued evolution of the law. This study demonstrates that the impact of scientific and technological innovation on liability is ambivalent; changes in the French law of civil liability have constituted both a radical departure and a continuity of orthodox practice.
FR:
L’objectif de cette étude est de mesurer l’influence des sciences et technologies sur les évolutions du droit de la responsabilité en France depuis la première révolution industrielle jusqu’à nos jours. Cet article étudie comment le droit de la responsabilité a réagi face aux nouveaux problèmes posés par les sciences et les technologies. Plus précisément, il s’interroge sur le fait de savoir si les innovations scientifiques ont provoqué des ruptures radicales dans le droit de la responsabilité ou si celui-ci a pu s’adapter en appliquant ses principes généraux à des problèmes nouveaux. L’étude montre que les deux phénomènes peuvent être observés (rupture et continuité).
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Portrait of Development Risk as a Young Defence
Marie-Ève Arbour
pp. 913–942
AbstractEN:
Since its (recent) insertion into the vocabulary of jurists, development risk has piqued the curiosity of experts in defective products liability. An investigation into development risk’s scope and reach, however, requires a comparative analysis that brings out the issues it raises and the ambiguities it has occasioned. In this light, this article draws support from abundant doctrine, and, perhaps paradoxically, scant jurisprudence on the subject, in an effort to sketch, in broad strokes, a contemporary portrait of development risk.
FR:
Depuis son insertion (récente) dans la langue des juristes, le risque de développement suscite la curiosité des experts de la responsabilité du fait des produits défectueux. Pourtant, une reconstruction de sa portée et de son étendue ne semble pouvoir s’effectuer qu’au prix d’une analyse comparative destinée à mettre en relief les enjeux qu’il soulève et les ambiguïtés qu’il fait naître. Dans cette optique, la présente contribution prend appui sur l’abondante doctrine à son sujet, et, peut-être paradoxalement, la rare jurisprudence l’ayant abordé, afin d’esquisser, à grands traits, un portrait contemporain du risque de développement.
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Decreasing the Data Deficit: Improving Post-Market Surveillance in Pharmaceutical Regulation
Trudo Lemmens and Shannon Gibson
pp. 943–988
AbstractEN:
The drug regulatory system is currently largely based on market-entry review of safety and efficacy data and involves only very limited post-market review. Failures in the industry-controlled production of pre-market data and the lack of solid post-market surveillance contribute significantly to highly problematic drug prescription and consumption practices, which have become a very serious public health concern. In this paper, we first discuss how historically grown drug regulations have contributed to the development of industry control over clinical trials, which is one of the key factors behind the limits of pre-market evidence. We then explore some problematic aspects related to the fixation of the drug approval system on pre-market activities, including the lack of good “real-world” evidence on drug safety; the lack of comparative evidence on patient benefit between different drugs; the lack of evidence of the safety and efficacy of off-label prescribed drugs; and the inadequate reporting of adverse drug reactions (ADRs). We argue that a more rigorous and intense post-market surveillance system could counterbalance, at least in part, the distorted situation created by the regulatory reliance on pre-market, industry-produced clinical trials data. In particular, we advocate for improvements to the current ADR reporting system, more explicit requirements for both comparative effectiveness studies and post-market clinical research in real-world settings, the promotion of transparency of pharmaceutical data, and insulating clinical research from industry control.
FR:
Le système règlementaire des médicaments se base actuellement en grande partie sur l’étude des données de sécurité et d’efficacité au point d’entrée sur le marché, mais ne comporte qu’une étude très restreinte après l’entrée sur le marché. Des défauts dans la production de données avant l’entrée sur le marché, entreprise par l’industrie même, et l’absence de surveillance appréciable après l’entrée sur le marché contribuent de façon importante à des pratiques très problématiques de prescription et de consommation des médicaments. Ces pratiques sont devenues un problème de santé publique très grave. Dans cet article, nous étudions d’abord comment la règlementation des médicaments développée à partir d’antécédents historiques a contribué au développement du contrôle par l’industrie pharmaceutique des essais cliniques. Ceci est l’un des facteurs essentiels qui explique les limites des données prélevées avant l’entrée sur le marché. Nous abordons ensuite les aspects problématiques de la fixation du système d’autorisation des médicaments sur les activités avant l’entrée sur le marché, y compris : l’absence de données réelles sur la sécurité des médicaments; l’absence de données comparatives par rapport aux avantages de différents médicaments pour les patients; l’absence de données sur la sécurité et l’efficacité des médicaments prescrits pour des usages non autorisés; et le rapport inadéquat des effets indésirables des médicaments (EIM). Nous soutenons qu’un système de surveillance après l’entrée sur le marché plus rigoureux et intense pourrait compenser, du moins en partie, la situation déformée qu’a engendrée la dépendance règlementaire sur les données basées sur des essais cliniques conduits par l’industrie avant l’entrée sur le marché. En particulier, nous prônons l’amélioration du système actuel de rapport des EIM, des exigences plus explicites pour les études sur l’efficacité comparative et pour la recherche clinique après l’entrée sur le marché dans un contexte réel, la promotion de la transparence dans les données de recherche, et le cloisonnement de la recherche clinique du contrôle par l’industrie.
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Le juge canadien, anglais et australien devant l’incertitude causale en matière de responsabilité médicale
Lara Khoury
pp. 989–1014
AbstractFR:
L’auteure examine le traitement de l’incertitude causale dans les affaires de responsabilité médicale décidées par les tribunaux de dernière instance au Canada, en Angleterre et en Australie. Elle se penche notamment sur le raisonnement judiciaire à l’égard de trois concepts particuliers, soit la création ou l’augmentation du risque, la création fautive de l’incertitude causale et la perte de chance.
Une analyse de cette jurisprudence permet de constater que la possibilité de trouver la causalité ou la responsabilité prouvée sur la base de l’augmentation du risque de préjudice par le défendeur est généralement rejetée en matière médicale. Quant au raisonnement permettant d’inférer la causalité lorsque le défendeur possède une connaissance particulière des faits et que, par sa faute, il a rendu impossible l’évaluation du lien causal, il fut marginalement appliqué par la Cour suprême du Canada. Enfin, le texte s’attarde au traitement récent de la perte de chance en matière médicale et constate son rejet par tous les tribunaux d’instance supérieure étudiés.
Cette brève étude montre que, malgré l’expression d’une sensibilité à l’égard des difficultés rencontrées par les demandeurs dans la preuve de la causalité médicale en présence d’incertitude, les approches judiciaires dans les ressorts étudiés demeurent orthodoxes. L’étude permet également de réaliser la place importante que tient le droit comparé dans les décisions récentes des tribunaux supérieurs dans le domaine.
EN:
In this paper the author discusses the treatment of uncertain causation in medical liability cases decided by the highest courts in Canada, England, and Australia. The author specifically focuses on judicial reasoning with regard to three particular concepts: creation of or increased risk, knowledge of causal facts, and loss of chance.
A review of this case law reveals that these courts generally decline to find causation or liability proven on the basis that the defendant increased the risk of injury. Also marginal are those instances in which causation has been inferred on the basis of the particular knowledge of the defendant. The Supreme Court of Canada has drawn such inferences only where the defendant has particular knowledge of the causal facts and, by his or her own negligence, has rendered the evaluation of the causal link impossible. Finally, this text addresses the recent treatment of loss of chance in medical liability cases, observing that all the courts studied have rejected this approach.
This brief review sheds light on the observation that, despite being sensitive to difficulties plaintiffs face in proving uncertain causation in medical liability cases, the courts studied continue to take orthodox approaches to causation. This study also allows the reader to observe the important place that comparative law has played in the high court decisions rendered in this field.