McGill Law Journal
Revue de droit de McGill
Volume 58, Number 1, September 2012
Table of contents (6 articles)
Articles
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L’Abus de droit : l’anténorme — Partie II
Pierre-Emmanuel Moyse
pp. 1–60
AbstractFR:
En droit privé, la logique du droit suit une logique des intérêts. La notion de droit subjectif sert ainsi de mesure dans la relation État-individu mais aussi d’outil dans l’ordonnancement des intérêts privés. Elle symbolise l’idée d’un droit coordinateur sans effacer totalement la référence à l’État. Le droit de manière générale s’explique d’ailleurs par la polarité entre individu et société. La distinction civiliste droit public-droit privé n’exprime qu’une variation dans le mode de son expression. L’abus de droit rend compte de cette polarité inhérente au droit en réintroduisant des valeurs sociales sur l’axe des rapports intersubjectifs. Le détournement de pouvoir devient ainsi, dans son langage, le détournement d’un droit.
La common law n’a pas eu besoin jusqu’à présent d’exposer complètement cette polarité. Mais cela change, notamment dans les disciplines telles que la propriété intellectuelle. Les intérêts jusqu’alors juridicisés lors du procès et dans les décisions judiciaires se muent en droits dans le texte législatif. Ils ne sont plus seulement traités à partir des mécanismes processuels du droit. Avec la recrudescence de législations spéciales, le danger d’élever les intérêts les plus divers au rang de droits sans que l’on rende compte de l’axiomatique fondamentale du droit qui se réclame des principes de justice réapparaît. Or, c’est dans ces principes que l’on trouve les moyens de fixer les contours des droits et les fondements de la théorie de l’abus. Le message de l’abus doit donc être rappelé et trouve en propriété intellectuelle une application nouvelle et féconde. À en juger par la jurisprudence récente dans ce domaine, l’idée de l’abus est en vogue. Ce texte est la deuxième partie d’un article publié en deux numéros.
EN:
In private law, the logic of the law follows a logic of interests. The concept of subjective rights has a role to play not only in the relationship between the state and individuals, but also in the organization of private interests. Subjective rights represent the idea of a facilitative law without completely denying a role for the state. In general, however, the law is understood in terms of the polarization of the individual and society. The distinction in the civil law between public and private law is only one way in which this is expressed. The doctrine of abuse of rights accounts for this inherent polarization in the law by reintroducing social values into the understanding of intersubjective rights. The diverting of power becomes, in these terms, a diverting of a right.
The common law has not needed, up until now, to completely expose this polarization. But this is changing, notably in disciplines such as intellectual property. Interests that, until now, have been incorporated into the law at trial and in judicial decisions are beginning to appear as rights in legislation. They are no longer dealt with only by mechanisms of procedural law. With the resurgence of specialized legislation, there is a re-emergent danger of promoting the most diverse of interests to the level of rights without accounting for the fundamental axiom of law that protects principles of justice. It is through these principles that we find the means to define the contours of rights and the foundations of the theory of abuse of rights. The message of the doctrine of abuse of rights must be remembered, and it is seeing, in intellectual property law, a new and fruitful application. Judging by recent jurisprudence in this area, the doctrine of abuse of rights is in vogue. This text is the second part of an article published in two different issues.
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Mental Capacity in the (Civil) Law: Capacity, Autonomy, and Vulnerability
Margaret Isabel Hall
pp. 61–94
AbstractEN:
This paper examines mental capacity as a medico-legal social construct and concludes that, while the construct works reasonably well in the contexts of property-related transactions and health-treatment decisions, it is deeply problematic and is a source of dysfunction in the context of guardianship and guardianship-type interventions. There is nothing natural, compelling, or necessary about the concept of mental capacity, and the author proposes an alternate construct more consistent with the purpose of guardianship and guardianship-type interventions: vulnerability. As the capacity construct is deeply enmeshed with a traditional liberal theory of autonomy (the capacity-autonomy equation or paradigm), so the vulnerability construct described here is more consistent with a theory of relational autonomy. The author contends that the conceptual framing provided by the capacity-autonomy paradigm in the guardianship context has precluded the coherent theorization of vulnerability, and she suggests a more coherent framework for doing so by drawing on theories of equity and relational autonomy.
FR:
Ce texte examine la capacité mentale comme construction sociale médico-légale et conclut que, bien que cette construction fonctionne raisonnablement bien dans les contextes liés aux transactions relatives à la propriété et aux décisions de traitement en santé, elle est très problématique et constitue une source de dysfonctionnement dans le cadre de la tutelle et des autres interventions de ce type. Il n’y a rien de naturel, de convaincant, ou de nécessaire relativement au concept de capacité mentale. L’auteure propose une autre construction plus conforme à l’objet de la tutelle et des autres interventions de ce type : la vulnérabilité. Comme la construction de la capacité est intimement liée à une théorie libérale traditionnelle de l'autonomie (l’équation ou le paradigme capacité-autonomie), la vulnérabilité décrite ici est une construction plus cohérente avec une théorie de l’autonomie relationnelle. L’auteure affirme que le cadre conceptuel fourni par le paradigme des capacités d’autonomie dans le contexte de tutelle a empêché la théorisation cohérente de la vulnérabilité et elle suggère un cadre plus cohérent pour le faire en s’appuyant sur les théories de l’équité et de l’autonomie relationnelle.
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The 1969 African Refugee Convention: Innovations, Misconceptions, and Omissions
Marina Sharpe
pp. 95–147
AbstractEN:
This paper provides a critical overview of the 1969 African refugee convention, beginning with a survey of its legal innovations. It then addresses the most misunderstood of them—the unique refugee definition—in depth, with an emphasis on dispelling the common misconception that it is particularly expansive. Finally, it investigates the 1969 Convention’s silence regarding refugees’ civil and political, and socio-economic rights, and how it works as the “regional complement” to the 1951 global refugee convention in that regard.
FR:
Cet article donne un aperçu critique de la convention sur les réfugiés africains de 1969, débutant par un survol de ses innovations juridiques. Il aborde ensuite la plus incomprise d'entre elles—son unique définition de réfugié—en profondeur, en mettant l'accent sur la dissipation de l'idée fausse, mais très répandue, que cette définition est particulièrement large. Enfin, l’article examine le silence de la Convention de 1969 sur les droits civils et politiques ainsi que socio-économiques des réfugiés, et la façon dont elle fonctionne comme le complément « régional » à la convention mondiale des réfugiés de 1951 à cet égard.
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Making Sense of the Shift in Paradigm on Cartel Enforcement: The Case for Applying a Desert Perspective
Jennifer A. Quaid
pp. 149–198
AbstractEN:
Soon after the coming into force of changes to the criminal provisions in the Competition Act, the commissioner of competition signalled that cartel enforcement would start to reflect a new mindset, one that treats cartels as truly criminal. But while the impetus for this shift in paradigm is well-intentioned—to give effect to a stronger criminal law mandate following the amendments—it is poorly explained, because its defenders continue to refer to the predominant deterrence rationale used in competition law, even though applying a harm-based view of crime and punishment to cartels fails to explain why criminal enforcement is needed.
I believe that applying a desert perspective offers a compelling alternative explanation for this shift toward treating cartels as truly criminal. Drawing on the work of Arthur Ripstein, I offer an account of cartel enforcement that focuses on the inherently wrongful disregard for competition that characterizes cartels. I argue that seeing cartels as a particularly serious misuse of the competitive system, one that is so fundamentally at odds with the notion of a competitive marketplace that it cannot be tolerated, is what justifies recourse to the consistent and uniquely public response of the criminal law. Seen in this light, bringing a more criminal law-oriented mindset to bear on cartel enforcement makes sense in way that this shift in paradigm does not when justified in deterrence terms.
FR:
Peu de temps après l'entrée en vigueur des modifications apportées aux dispositions pénales de la Loi sur la concurrence, le commissaire de la concurrence a signalé que la lutte contre les cartels commencerait à refléter un nouvel état d'esprit considérant les cartels comme étant véritablement criminels. Mais, bien que le but de ce changement de paradigme — donner effet à un mandat plus fort suite à ces amendements — est bien intentionné, il demeure mal expliqué. En effet, il continue d'être justifié en fonction de l'argument de la dissuasion utilisé dans le droit de la concurrence, même si l'application d'une vue fondée sur le préjudice de la criminalité et la punition des cartels ne parvient pas à expliquer pourquoi l'application des peines est nécessaire.
Nous croyons que l'application d'une perspective basée sur le mérite offre une explication alternative convaincante à cette évolution vers le traitement des cartels comme étant véritablement criminel. En nous appuyant sur les travaux d'Arthur Ripstein, nous proposons un récit de la lutte contre les cartels qui se concentre sur le mépris envers la concurrence qui est inhérent aux cartels. Je soutiens que concevoir les cartels comme constituant un abus particulièrement grave du système concurrentiel, un abus fondamentalement en contradiction avec la notion d'un marché concurrentiel à un point tel qui ne peut être toléré, justifie le recours à la réponse cohérente et singulièrement publique du droit pénal. Vu sous cet angle, appréhender l’application des peines relatives aux cartels dans un état d’esprit plus orienté vers le droit criminel est plus logique que lorsque justifié en termes de dissuasion.
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Legislating Respect: A Pro-Choice Feminist Analysis of Embryo Research Restrictions in Canada
Maneesha Deckha
pp. 199–236
AbstractEN:
This article investigates the impact of legislating respect and dignity for the embryo in vitro on the legal and cultural status of the embryo in utero. It evaluates the restrictions on embryo research in Canada’s Assisted Human Reproduction Act (AHRA) to consider whether they should receive pro-choice feminist support. Specifically, the article explores whether it is possible for feminists to accord respect to the in vitro embryo, as the AHRA attempts to do, without jeopardizing support for abortion. The article canvasses the theoretical possibilities of this position by comparing the compatibility of feminist articulations of a right to abortion (bodily integrity and equality) with feminist arguments against the expansive use of embryos in research (commodification and exploitation). The article argues that it is logically compatible for feminists to promote “respect” and “dignity” for in vitro embryos while maintaining a pro-choice position on abortion. The article nevertheless cautions against feminist support for AHRA as it currently stands given that, on a practical basis, a feminist understanding of the AHRA’s restricted embryo research regime is difficult to achieve in the public sphere. The article explains why the more likely result for the public sphere will be an unqualified discourse of respect and dignity for embryos in general, which could then problematically revive the abortion debate and destabilize the non-personhood status of the in utero embryo. As a remedy, the article provides recommendations for how AHRA should be amended so as to better ensure that legislative restrictions on embryo research signal a legislative intent that respects women’s reproductive autonomy.
FR:
Cet article étudie l'impact de légiférer sur la question du respect et de la dignité d’un embryon in vitro et sur les statuts juridique et culturel de l'embryon dans l'utérus. Il évalue les restrictions aux recherches sur les embryons prévues au Canada dans la Loi sur la procréation assistée (LPA) pour déterminer si elles doivent recevoir un soutien des pro-choix féministes. Plus précisément, l'article examine s'il est possible pour les féministes de respecter l'embryon in vitro, ce que tente de faire la LPA, sans mettre en péril le soutien à l'avortement. L'article examine les possibilités théoriques de cette position en comparant la compatibilité des articulations féministes d'un droit à l'avortement (intégrité corporelle et égalité) avec des arguments féministes contre l'utilisation large des embryons dans la recherche (marchandisation et exploitation). L'article soutient qu'il est logiquement compatible pour les féministes de promouvoir à la foi « respect » et « dignité » pour les embryons in vitro tout en conservant une position pro-choix en matière d'avortement. L'article met néanmoins en garde contre le soutien féministe pour la LPA sous sa forme actuelle étant donné que, sur le plan pratique, une compréhension féministe des restrictions sur les recherches sur les embryons prévues dans la LPA est difficile à réaliser dans la sphère publique. Cet article explique pourquoi le résultat le plus probable pour la sphère publique sera un discours sans réserve de respect et de dignité pour les embryons en général, ce qui pourrait alors s’avérer problématique en relançant le débat sur l'avortement et en déstabilisant le statut de non-personnalité de l'embryon dans l’utérus. Pour y remédier, l'article fournit des recommandations sur la façon dont la LPA doit être modifiée afin de mieux garantir que les restrictions législatives sur la recherche sur l'embryon reflètent une intention du législateur qui respecte l'autonomie reproductive des femmes.