L’ouvrage recensé, tiré de la thèse de doctorat de l’auteur, présente un très grand intérêt, même pour les non spécialistes du droit de la concurrence. Il propose une analyse comparée du droit canadien et du droit européen en matière de contrôle des pratiques anticoncurrentielles : ententes, abus de position dominante et fusions. Les deux droits sont clairement présentés, sans simplification excessive, et sans tomber dans les énumérations fastidieuses qui encombrent si souvent les études de droit comparé. La confrontation des solutions retenues par le droit canadien et le droit européen facilite leur analyse critique et conduit l’auteur à suggérer certaines réorientations, tantôt en droit canadien, tantôt en droit européen. L’ouvrage présente un panorama fort intéressant des principales doctrines juridiques et économiques qui animent le droit de la concurrence ; en revanche, la dimension politique de ce droit n’est presque pas abordée. L’ouvrage intéressera les tenants de l’analyse économique du droit ainsi que ceux qui ont critiqué cette approche. L’auteur insiste en effet sur la complémentarité essentielle du droit et de la science économique dans le domaine de la concurrence, et il cherche à préciser le rôle qui revient à chacun. Il prône une approche juridique du marché, qui place l’économie dans un rôle complémentaire par rapport à la règle de droit, lorsqu’il s’agit de mettre en oeuvre celle-ci. Le droit doit donc définir ses propres critères à partir des enseignements de la science économique. Ainsi, l’auteur rejette l’analyse économique normative qui, selon lui, entraîne l’instrumentalisation du droit vers un objectif exclusivement économique : la maximisation de l’efficience économique. Il montre également que le modèle hypothéco-déductif employé par la science économique est inapproprié en droit, ce dernier devant intervenir sur le fondement de critères fermes et prévisibles pour les justiciables. D’un point de vue économique, la puissance de marché désigne la capacité pour une entreprise d’augmenter le prix de ses produits au-dessus de leur niveau concurrentiel pendant une certaine période, et de tirer profit de cette augmentation. D’un point de vue juridique, la puissance de marché est associée à l’aptitude qu’a l’entreprise de porter atteinte à la concurrence. Les règles du droit canadien ou européen de la concurrence qui servent à contrôler les ententes, les abus de position dominante et les fusions, lorsque ceux-ci portent atteinte à la concurrence, se fondent sur une démarche en trois étapes, dont chacune fait l’objet d’une partie de l’ouvrage. Dans une première étape, il convient pour l’autorité de surveillance ou le juge de définir le marché pertinent, c’est-à-dire le lieu où s’exerce la puissance de marché de l’entreprise. Même si la science économique contourne la nécessité de définir le marché pertinent en employant des outils permettant de mesurer directement la puissance de marché, et même si la définition du marché pertinent n’est pas toujours clairement articulée par la loi ou la jurisprudence, il s’agit d’une étape essentielle de l’analyse juridique de la puissance de marché. En effet, plus le marché est défini de manière large par le juge ou l’autorité de surveillance, moins la position de l’entreprise sur ce marché apparaît comme dominante. Le droit définit le marché en tenant compte à la fois de son étendue géographique et des produits qu’il regroupe et qui sont substituables aux produits de l’entreprise sous examen. Divers indices économiques viennent en aide au droit pour définir le marché pertinent, mais c’est de manière essentiellement autonome qu’il a su dégager ces critères. L’apport essentiel de cette partie de l’ouvrage se trouve dans deux principes dégagés par l’auteur : d’une part, le principe de liaison, en vertu duquel la délimitation du marché pertinent a pour rôle essentiel de circonscrire le …