McGill Law Journal
Revue de droit de McGill
Volume 57, Number 3, March 2012
Table of contents (8 articles)
Articles
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Regulating Financial Institutions: The Value of Opacity
Anita Anand and Andrew Green
pp. 399–427
AbstractEN:
In this article, we explore a question of institutional design: What characteristics make a regulatory agency effective? We build on the growing body of administrative law literature that rigorously examines the impacts of transparency, insulation, and related administrative processes. We argue that there are certain benefits associated with an opaque and insulated structure, including the ability to regulate unfettered by partisan politics and majoritarian preferences. We examine Canada’s financial institution regulator, the Office of the Superintendent of Financial Institutions (OSFI), whose efficacy in part explains the resilience of Canada’s banking sector throughout the financial crisis of 2008. In particular, OSFI operates in a “black box”, keeping information about the formation of policy and its enforcement of this policy confidential. With its informational advantage, it is able to undermine the possibility that banks will collude or rent-seek. Our conclusions regarding the value of opacity cut against generally held views about the benefits of transparency in regulatory bodies.
FR:
Dans cet article, nous explorons une question d’organisation institutionnelle : quelles sont les caractéristiques d’une agence de réglementation efficace ? Nous nous appuyons sur une littérature croissante, en droit administratif, portant sur les impacts de la transparence, de l’isolation, et d’autres processus administratifs reliés. Nous soutenons qu’il y a certains avantages liés à une structure opaque et isolée, à savoir la capacité de réglementer sans l’influence des politiques partisanes ou des préférences majoritaires. Nous examinons l’organisme de réglementation des institutions financières du Canada, le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), dont l’efficacité explique en partie la résilience du secteur bancaire canadien lors de la crise financière de 2008. Le BSIF travaille à huis clos ; il ne dévoile ni le processus d’élaboration de ses politiques, ni sa manière de les appliquer. Cet avantage au niveau de l’information lui permet de diminuer les risques de collusion et de recherche de rente de la part des banques. Nos conclusions sur la valeur de l’opacité font contrepoids aux positions généralement admises concernant les avantages de la transparence au sein des organismes de réglementation.
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Le principe de proportionnalité dans une société démocratique égalitaire, pluraliste et multiculturelle
Luc B. Tremblay
pp. 429–471
AbstractFR:
Dans plusieurs démocraties constitutionnelles contemporaines, dont le Canada, le principe de proportionnalité tend à s’imposer comme le principe dominant du processus de contrôle judiciaire. Or, il est rarement mentionné dans les textes constitutionnels et les termes de ces derniers ne l’impliquent pas nécessairement. Quel est donc son fondement ? La réponse n’est pas simple. Dans l’état actuel du droit et du discours constitutionnels, il existe au moins deux conceptions du principe de proportionnalité. Ces conceptions procèdent de deux modèles de constitutionnalisme que l'auteur nomme respectivement le « modèle de la priorité des droits » et le « modèle de l’optimisation des valeurs en conflit ». Alors que le premier modèle correspond au constitutionnalisme libéral, le second semble s’en écarter. Or, il semble que le modèle de l’optimisation des valeurs en conflit tend à s’imposer. Comment comprendre son attrait dans le processus de justification des restrictions aux droits constitutionnels garantis à ce moment-ci de l’histoire juridique et politique ? Selon l’auteur, l’attrait du modèle de l’optimisation des valeurs en conflit réside dans le fait que, compte tenu du pluralisme et du multiculturalisme qui caractérisent les sociétés démocratiques contemporaines, il honore l’égalité morale des personnes mieux que le modèle libéral. Il devient donc de plus en plus difficile de maintenir le modèle libéral de la priorité des droits. L’auteur examine enfin quelques conséquences qui découlent de ce modèle : le subjectivisme constitutionnel, le pluralisme constitutionnel. Si cette thèse était bien fondée, le recours au principe de proportionnalité pourrait exemplifier une transformation conceptuelle majeure au sein du constitutionnalisme démocratique. D’un constitutionnalisme de type libéral, les sociétés démocratiques évolueraient vers un constitutionnalisme égalitariste de type « pluraliste » et « multiculturaliste ».
EN:
In several contemporary constitutional democracies, including Canada, proportionality is becoming the main principle of judicial control. Nevertheless, this principle is rarely included in constitutional texts, either expressly or by necessary implication. What is the foundation of the proportionality principle? The answer to this question is not easy. Contemporary constitutional law and discourse indicate at least two conceptions of the proportionality principle, following two models of constitutionalism which the author names, respectively, the “model of priority of rights” and the “model of optimisation of values in conflict.” The former is correlated with, while the latter moves away from, liberal constitutionalism. As the “model of optimisation of values in conflict” appears to prevail in the process of justifying limitations to guaranteed constitutional rights, the author seeks to understand the interest in this model at this point in juridical and political history. He argues that the model of optimisation of values in conflict is appealing because, considering the pluralism and multiculturalism that characterize contemporary democratic societies, this model is more respectful of the moral equality of individuals than the liberal model. Noting that the liberal model of priority of rights is becoming increasingly difficult to maintain, the author examines two consequences of the optimization model: constitutional subjectivism and constitutional pluralism. If the author’s thesis is correct, the increased tendency to resort to the proportionality principle may indicate a major conceptual shift in democratic constitutionalism. It appears that democratic societies are moving away from liberal constitutionalism, and toward a “pluralist” or “multiculturalist” brand of egalitarian constitutionalism.
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Toward A Federal Legal Theory of the City
Hoi Kong
pp. 473–517
AbstractEN:
This paper offers a federal legal theory of the city. Debates about federalism give rise to questions of economic efficiency, regulatory coordination, and democratic legitimacy that arise in circumstances where political authority is divided, typically along overlapping geographic lines. Furthermore, particularly in the legal academy, federalism debates tend to raise questions of institutional design, including some that involve the configurations of legislative or administrative bodies. This paper will offer an account of cities that addresses these kinds of questions. Part I will present debates in the local government law literature between localists and regionalists and show that they sound in the language of federalism. The underlying theoretical claims of the positions in those debates will be subject to close examination. Part II will argue for a particular kind of institution that accommodates and is responsive to the range of concerns expressed in the localist-regionalist debate. Part II will further argue that British Columbia’s regional district system resolves many of the contested issues in the localist-regionalist debate and that that system can be conceived of in federalism terms.
FR:
Cet article présente une théorie juridique fédérale de la ville. Les débats sur le fédéralisme engendrent des questions d’efficacité économique, de coordination de la réglementation et de légitimité démocratique, qui apparaissent lorsque l’autorité politique est divisée, typiquement selon des aires géographiques qui se chevauchent. En plus, surtout dans le discours académique, les débats fédéralistes tendent à soulever des questions de conception institutionnelle, y inclus des questions de configuration des organismes législatifs ou administratifs. Cet article offre une théorie de la ville qui adresse ce genre de questions. La partie I examine les études juridiques sur le gouvernement local, présente les débats entre localistes et régionalistes et démontre que ces débats emploient le langage du fédéralisme. Les prétentions théoriques sous-jacentes des positions adoptées dans ces débats seront examinées de près. La partie II propose un certain type d’institution qui répond à la vaste gamme de préoccupations exprimées dans le débat entre les localistes et les régionalistes. La partie II soutient aussi que le système des districts régionaux de la Colombie Britannique résout nombre de questions contestées dans le débat localiste-régionaliste et que ce système peut être conçu à travers le prisme du fédéralisme.
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Telecommunications Carriers and the “Duty to Serve”
Michael H. Ryan
pp. 519–551
AbstractEN:
Telephone companies share with other public utilities a common law duty to provide their services on demand, at a reasonable price, and without unreasonable discrimination. In Canada, this common law duty exists alongside statutory service obligations imposed on telecommunications carriers and regulatory policies promoting universal access to basic telecommunications services. Some argue that in the modern environment, where a wide range of telecommunications services is available on a near-universal basis from a profusion of suppliers, the duty to serve has become an anachronism and that carriers should now be relieved of such obligations. There are others, however, who caution that the elimination of the duty to serve might jeopardize the continuation of service to geographically remote areas and should therefore be retained. Still others advocate expanding the duty to include broadband in order to facilitate wider access to high-speed Internet services. The debates surrounding these issues reveal that there is no consensus about the scope of the duty to serve. This article seeks to clarify the parameters of the common law duty to serve and discusses how that duty interrelates with carriers’ statutory service obligations and regulatory policies promoting universal service.
FR:
Les compagnies de téléphone, comme d’autres entreprises de services publics, ont une obligation en common law de fournir leurs services sur demande, à un prix raisonnable et sans discrimination déraisonnable. Au Canada, cette obligation en common law coexiste avec les obligations de service prévues par la loi imposées aux entreprises de télécommunication et les politiques réglementaires faisant la promotion d’un accès universel aux services de télécommunication de base. Certains soutiennent que dans un environnement moderne, où de façon quasi universelle une profusion de fournisseurs rend disponible une vaste gamme de services de télécommunication, l’obligation de service est devenue anachronique et que les fournisseurs devraient être libérés de cette obligation. D’autres soutiennent cependant que l’élimination de l’obligation de service menacerait l’accès aux services dans les régions isolées et qu’il faut donc la maintenir. D’autres encore réclament d’étendre cette obligation pour inclure les services à large bande, qui faciliteraient l’accès Internet haute vitesse. Les débats qui entourent ces enjeux révèlent qu’il n’y a pas de consensus sur la portée de l’obligation de service. Cet article vise d’abord à clarifier les paramètres de l’obligation de service en common law. Ensuite, nous analyserons quels sont les liens entre cette obligation et les obligations prévues par la loi pour les fournisseurs de service, ainsi qu’avec les politiques réglementaires faisant la promotion d’un accès universel.
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Le refus de soins psychiatriques est-il possible au Québec ? Discussion à la lumière du cas de l’autorisation de soins
Emmanuelle Bernheim
pp. 553–594
AbstractFR:
Le droit à l’inviolabilité de la personne est fondamental au regard du droit québécois et son actualisation procède notamment du refus de soins. Même dans le cas d’une inaptitude démontrée à consentir aux soins, les volontés individuelles doivent être au moins prises en compte, au mieux respectées, ce qui démontre l’importance accordée à l’autodétermination. La recherche empirique dont il est question ici porte sur l’actualisation de ces principes fondamentaux en matière psychiatrique. À la lumière de la jurisprudence, d’entretiens et d’observa-tions menées à la Cour supérieure du Québec, l’auteure documente les pratiques en matière d’autorisation de soins. L’examen des principes généraux du consentement et du refus de soins et des paramètres spécifiques à l’autorisation de soins permet de questionner, d’une part, la pertinence des interprétations et des applications actuelles et, d’autre part, leurs conséquences pour les patients psychiatriques.
EN:
Personal inviolability is a fundamental principle in Quebec law, which is notably being updated to include the right to refuse treatment. Even when a person does not have the capacity to consent to care, personal autonomy must be taken into account, and at best observed. The law thus reflects the importance of self-determination. The empirical research discussed in the present article concerns the update of these fundamental principles in the domain of psychiatry. In light of jurisprudence, interviews, and observations conducted at the Quebec Superior Court, the author documents current practices in the authorization for treatment. A review of the general principles regarding consent and the right to refuse treatment and of the specific parameters regarding the authorization for care puts in question, on the one hand, the relevance of current interpretation and application of these principles, and on the other hand, the consequences that result for psychiatric patients.
Review Essay / Essai critique
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Haldane Unrevealed
David Schneiderman
pp. 597–626
AbstractEN:
When historians proffer historical truths they “must not merely tell truths,” they must “demonstrate their truthfulness as well,” observes Hackett Fisher. As against this standard, Frederick Vaughan's intellectual biography of Richard Burdon Haldane does not fare so well. Vaughan argues that Viscount Haldane’s jurisprudential tilt, which favoured the provinces in Canadian federalism cases before the Judicial Committee of the Privy Council, was rooted in Haldane’s philosophizing about Hegel. He does so, however, without much reference to the political and legal currents within which Haldane thought, wrote, and thrived. More remarkably, Vaughan does not derive from his reading of Haldane and Hegel any clear preference for the local over the national. We are left to look elsewhere for an explanation for Haldane’s favouring of the provincial side in division-of-powers cases. Vaughan additionally speculates about why Haldane’s predecessor Lord Watson took a similar judicial path, yet offers only tired and unconvincing rationales. Vaughan, lastly, rips Haldane out of historical context for the purpose of condemning contemporary Supreme Court of Canada decision making under the Charter. Under the guise of purposive interpretation, Vaughan claims that the justices are guilty of constitutionalizing a “historical relativism” that Vaughan wrongly alleges Hegel to have propounded. While passing judgment on the book’s merits, the purpose of this review essay is to evaluate the book by situating it in the historiographic record, a record that Vaughan ignores at his peril.
FR:
Quand les historiens présentent des vérités historiques, ils « ne doivent pas uniquement dire des vérités », ils doivent également en « démontrer leur véracité », observe Hackett Fisher. Au regard de cette norme, la biographie intellectuelle de Richard Burdon Haldane par Frederick Vaughan ne fait pas bonne figure. Vaughan affirme que l’inclinaison jurisprudentielle du vicomte Haldane, qui prenait parti pour les provinces dans les litiges sur le fédéralisme canadien portées devant le Comité judiciaire du Conseil Privé, était ancrée dans la lecture que Haldane faisait de Hegel. Toutefois, cette affirmation ne tient pas suffisamment compte des courants politiques et juridiques dans lesquels Haldane pensait, écrivait et prospérait. Plus encore, la lecture que Vaughan fait de Haldane et Hegel ne démontre aucune préférence claire de ces auteurs pour le local par rapport au national. Nous sommes donc obligés d’aller voir ailleurs pour trouver ce qui explique la préférence de Haldane pour la partie provinciale dans les décisions portant sur la division des pouvoirs. Par ailleurs, Vaughan spécule à propos des raisons qui ont poussé le prédécesseur de Haldane, Lord Watson, à prendre une voie judiciaire similaire, en n’offrant à son support que des justifications mal ficelées et peu convaincantes. Enfin, Vaughan arrache Haldane de son contexte historique en l’employant pour condamner le processus décisionnel contemporain de la Cour suprême du Canada sous la Charte. Sous le couvert d’une interprétation intentionnelle, Vaughan affirme que les juges sont coupables de constitutionnaliser un « relativisme historique », que Vaughan attribue à tort à Hegel. Tout en évaluant les mérites du livre, l’objectif de cette recension est d’évaluer cet ouvrage en le situant dans son contexte historiographique, un contexte que Vaughan ignore à son péril.