Abstracts
Résumé
L’interdiction de publicité directe des médicaments d’ordonnance (PDMO) au Canada implique une confrontation entre d’une part, le droit des individus à l’information et la liberté d’expression des entreprises et d’autre part, la protection de la santé publique. Réagissant notamment au recours intenté en 2005 par CanWest Media Works (maintenant Canwest Media) devant la Cour supérieure de l’Ontario dans le but de faire déclarer inconstitutionnelle cette interdiction, les auteures soutiennent que l’interdiction de PDMO de la Loi sur les aliments et drogues et du Règlement sur les aliments et drogues (RAD) viole la liberté d’expression protégée par la Charte canadienne des droits et libertés, mais que cette violation est justifiée par l’article premier de la Charte.
S’appuyant sur des positions théoriques, sur des études empiriques sur les effets de la PDMO et sur la jurisprudence pertinente en matière constitutionnelle, les auteures expliquent d’abord pourquoi elles interprètent le RAD comme interdisant toute PDMO, y compris les publicités de rappel. Concluant à une atteinte à la liberté d’expression, elles examinent ensuite cette atteinte et sa justification au regard de l’article premier de la Charte. Les auteures jugent que protéger les Canadiens contre les effets préjudiciables de la PDMO sur la santé publique est un objectif dont la réalité et l’urgence sont attestées par les résultats de plusieurs études. Ces dernières concluant, entre autres, à l’existence d’une corrélation entre la PDMO et l’augmentation des prescriptions des médicaments publicisés, les auteures estiment qu’il existe un lien rationnel entre l’interdiction de PDMO et l’objectif visant à prévenir l’influence de telles publicités sur la relation entre le patient et le médecin, l’acte de prescription et la santé du patient. Les auteures soutiennent finalement que la prohibition quasi absolue de publicité aux consommateurs reste une atteinte minimale, car aucune alternative ne permettrait d’atteindre l’objectif du législateur
Abstract
The prohibition on direct-to-consumer advertisement of prescription drugs (DTCA) in Canada implicates a confrontation between the individual’s right to information and corporate freedom of expression, on the one hand, and the protection of public health, on the other. Reacting to an appeal brought by CanWest Media Works (now Canwest Media) in 2005 before the Superior Court of Ontario to render this prohibition unconstitutional, the authors assert that the prohibition, found in the Food and Drugs Act and the Food and Drug Regulations (FDR), violates freedom of expression protected under the Canadian Charter of Rights and Freedoms. However, they determine that article 1 of the Charter justifies the infringement.
The authors draw on doctrinal theory, empirical studies on the effects of DTCA on public health, and relevant constitutional jurisprudence in support of their interpretation of the FDR as prohibiting all DTCA, including follow-up advertisement. Finding an infringement of freedom of expression, they consider the constitutionality of this infringement under section 1 of the Charter. The authors determine that protecting Canadians from the detrimental effects of DTCA on public health is a valid objective, the reality and the urgency of which have been demonstrated by the results of numerous studies. The authors establish, inter alia, that there is a correlation between DTCA and the increased prescription of advertised medication. They assess that there is a rational link between banning DTCA and reducing the influence of advertising on the relationship between patients and doctors, the act of prescription and, ultimately, the health of the patient. The authors conclude that the near-total prohibition of advertising to consumers is a minimal infringement, given that no alternative would permit the realization of the legislator’s objective.
Article body
Introduction
L’avènement de la Charte canadienne des droits et libertés[1] a eu un effet considérable sur le processus législatif et est venu amplifier le rôle des tribunaux canadiens en tant que gardiens de la constitution[2]. En témoigne par exemple le recours intenté en 2005 à l’initiative de CanWest Media Works, une des plus grandes sociétés médiatiques canadiennes[3], devant la Cour supérieure de l’Ontario dans le but de faire déclarer inconstitutionnelle l’interdiction de publicité directe des médicaments d’ordonnance (PDMO)[4]. Ce recours fait frissonner plusieurs intervenants en droit de la consommation, de la santé et des femmes, qui soupçonnent la PDMO d’avoir des effets pervers à maints égards[5]. Selon eux, une telle pratique commerciale dénature la relation entre le patient et son médecin et constitue un facteur de surconsommation de médicaments et d’accroissement des coûts des soins de santé[6]. À l’inverse, les compagnies pharmaceutiques, publicitaires et médiatiques clament que la PDMO permet un meilleur accès à l’information, ce qui irait de pair avec une responsabilisation et une implication plus active du patient quant à son état de santé[7]. En particulier selon eux, la PDMO ouvrirait la voie à un consentement plus éclairé du patient relativement à la prise de médicaments, à un meilleur suivi de la posologie et à la détection plus rapide des problèmes de santé[8]. Ces arguments sont toutefois accessoires au véritable motif de la requête, qui est de l’aveu même du président de CanWest Media Interactive and Business Integration, Arturo Duran, de permettre aux compagnies médiatiques canadiennes de profiter de la manne commerciale de la PDMO, dont seuls leurs compétiteurs américains jouissent à l’heure actuelle[9]. C’est d’ailleurs fort d’un appui populaire que CanWest Media Works défend ses positions devant la Cour supérieure de l’Ontario : selon un sondage mené en 2002, près de sept Canadiens sur dix sont d’avis que la publicité des médicaments d’ordonnance devrait être permise au pays[10].
La constitutionnalité de l’interdiction de PDMO implique donc une confrontation entre d’une part, le droit des individus à l’information et la liberté d’expression des entreprises et d’autre part, la protection de la santé publique. La pierre d’achoppement de cette réflexion constitutionnelle est certainement la preuve des effets, bénéfiques ou nocifs, de la PDMO sur la santé. À ce jour, peu de recherches ont mis en relief, d’un point de vue juridique, cette dualité d’intérêts[11]. Nous avons donc décidé d’approfondir ce débat, en prenant appui sur la question posée par CanWest Media Works à la Cour supérieure de l’Ontario : l’interdiction de publicité directe des médicaments d’ordonnance, contenue aux articles 3 de la Loi sur les aliments et drogues et C.01.044 du Règlement sur les aliments et drogues[12], viole-t-elle la liberté d’expression enchâssée au paragraphe 2b) de la Charte canadienne ? Notre hypothèse est la suivante : les dispositions de la LAD et du RAD interdisant la PDMO restreignent la liberté d’expression commerciale, mais cette restriction est justifiée par l’article premier de la Charte canadienne. Notons que notre démonstration portera principalement sur l’article C.01.044 RAD, qui établit l’interdiction générale de PDMO et que notre interprétation de cet article diffère de celle défendue par Santé Canada. À notre avis, cette disposition interdit toute publicité sur les médicaments d’ordonnance, y compris les publicités dites «de rappel».
Notre propos s’inspirera à la fois des positions théoriques prises relativement à la constitutionnalité de ces dispositions, des études empiriques sur les effets de la PDMO et de la jurisprudence en matière constitutionnelle. Nous avons fait le choix de ne pas aborder les questions, non moins intéressantes, de la publicité dirigée vers les médecins et de la publicité des médicaments vendus sans ordonnance. Nous sommes malgré tout conscientes qu’une réflexion plus large sur la PDMO nécessiterait la prise en considération de ces deux aspects parallèles.
Finalement, notre plan d’analyse sera calqué sur la logique suivie par les tribunaux en matière de violation de la Charte canadienne[13] : nous examinerons dans un premier temps l’atteinte à la liberté d’expression et apprécierons, dans un deuxième temps, la justification de cette atteinte au regard de l’article premier de la Charte canadienne. La première question étant peu controversée vu la largesse de la définition de la liberté d’expression, nous porterons principalement notre attention sur la seconde.
I. L’atteinte à la liberté d’expression protégée par la Charte canadienne
Après avoir déterminé l’étendue de l’interdiction réglementaire de PDMO dans la première section, nous analyserons la conformité du régime juridique relatif à la PDMO avec le paragraphe 2b) de la Charte canadienne dans la section suivante.
A. L’interprétation large à accorder à l’interdiction réglementaire de PDMO
La publicité des médicaments d’ordonnance est régie par la Loi sur les aliments et les drogues et par le Règlement sur les aliments et drogues et Santé Canada a pour mission de veiller à l’application de ces instruments légaux. Sa compétence ne s’étend toutefois qu’aux publicités distribuées au Canada et visant à encourager la vente en territoire canadien[14].
Selon la LAD, la publicité désigne «la présentation, par tout moyen, d’un aliment, d’une drogue, d’un cosmétique ou d’un instrument en vue d’en stimuler directement ou indirectement l’aliénation, notamment par vente»[15]. La LAD ne régit donc que les activités publicitaires, par opposition aux activités à vocation éducative, scientifique ou autre. Ainsi, une invitation à consulter un médecin, dirigée vers les patients atteints d’une maladie particulière ou présentant certains symptômes, est parfaitement légale lorsqu’aucun médicament ou fabricant n’est mentionné[16]. Ceci s’appelle dans le jargon un message de recherche d’aide.
Lorsqu’un message a pour objet premier la stimulation de la vente, il est couvert par la LAD et le RAD. Il est alors interdit de faire la publicité au grand public d’un aliment, d’une drogue, d’un cosmétique ou d’un matériel médical à titre de traitement, de mesure préventive ou de moyen de guérison des maladies énoncées à l’annexe A de la LAD[17]. Cette annexe comprend une liste de maladies, désordres ou états physiques anormaux[18]. Alors que le libellé de cet article est resté inchangé depuis 1953[19], de nouveaux règlements sont entrés en vigueur en juin 2008, dans le cadre du renouveau de la législation, et ont révisé la liste des maladies de l’annexe A, grâce à des critères d’inclusion déterminés[20]. Une analyse détaillée de la constitutionnalité de l’article 3 LAD a d’ailleurs été conduite dans l’affaire R. v. Thomas Lipton Inc.[21] et, quoique le tribunal ait reconnu une violation de la liberté d’expression, il l’a jugée justifiée en vertu de l’article premier de la Charte canadienne.
En ce qui concerne spécifiquement les médicaments d’ordonnance, c’est plutôt l’article C.01.044 RAD qui édicte le régime général et prescrit que toute publicité auprès du grand public ne peut porter que sur le nom propre, le nom usuel, le prix et la quantité de la drogue. Cette disposition recoupe ainsi l’article 3 LAD, mais son application est plus large et s’applique à tous les médicaments d’ordonnance énumérés à l’annexe F du règlement[22], peu importe la maladie ou l’état de santé pour lesquels ils sont prescrits. Par sa facture limitative, cet article prohibe clairement toute mention de l’usage thérapeutique ou de la maladie.
Présentement, cette disposition est interprétée par Santé Canada comme permettant les publicités dites de rappel, c’est-à-dire celles qui ne mentionnent que le nom, le prix et la quantité de la drogue, afin de rappeler son existence au public[23]. Suivant le Comité permanent de la santé, l’Union des consommateurs et l’Action pour la protection de la santé, cette interprétation n’est pas conforme à l’objectif du législateur[24].
En raison du débat actuel sur l’interprétation à donner à cette disposition et l’impact de celle-ci sur l’analyse de sa constitutionnalité, nous nous sommes attardées à retracer son origine. C’est en 1953 que la mouture actuelle de la loi a été adoptée[25] et que l’article C.01.044 du règlement a édicté une interdiction totale de PDMO ainsi formulée : «No person shall advertise to the general public a drug named or included in Appendix IV»[26]. L’appendice IV du règlement contenait alors la liste des médicaments d’ordonnance qui se retrouve maintenant à l’annexe F. Parallèlement à cette interdiction totale de PDMO, l’article 3 de la loi interdisait, tout comme aujourd’hui, la publicité des aliments, drogues, instruments et cosmétiques accompagnée de la mention de leur usage thérapeutique. C’est dans ce contexte qu’il faut replacer la modification de 1978 venue ajouter, au texte de l’article C.01.044 précédemment cité, l’exception suivante : «à moins que l’annonce ne porte que sur le nom, le prix et la quantité de cette drogue»[27]. La substance de cette disposition est demeurée inchangée depuis, mais sa formulation a été modifiée en 1993, pour devenir : «Quiconque fait la publicité auprès du grand public d’une drogue mentionnée à l’annexe F doit ne faire porter la publicité que sur la marque nominative, le nom propre, le nom usuel, le prix et la quantité de la drogue»[28].
En retenant une interprétation strictement littérale de l’article C.01.044 RAD, il est de toute évidence permis de ne mentionner que le nom de la drogue. Telle est d’ailleurs l’interprétation privilégiée par Santé Canada suivant laquelle les publicités dites de rappel sont légales.
Cet argument ne peut toutefois convaincre. Premièrement, l’interprétation littérale mène à un résultat qui est en soi absurde, car seules les marques de médicaments les plus connues, telles que Viagra, sont susceptibles d’offrir un retour sur investissement grâce aux publicités de rappel et donc d’être annoncées[29]. Les publicités de rappel des médicaments moins connus paraissent, elles, incomplètes, confuses ou censurées aux yeux de leurs destinataires[30]. De plus, l’interprétation littérale ne peut être retenue, car elle soulève de graves difficultés d’application. En effet, les publicités qui ne mentionnent que le nom du médicament d’ordonnance sont souvent accompagnées de messages visuels ou autres qui mentionnent indirectement l’utilisation prévue, ce qui est interdit tant par l’article C.01.044 RAD que par l’article 3 LAD. La nature même de la publicité télévisuelle semble donc incompatible avec la diffusion d’une annonce ne portant que sur le nom, le prix et la quantité d’une drogue : les publicités qui, à la base, se voulaient «de rappel» deviennent indirectement des publicités intégrales de médicaments d’ordonnance. Ainsi, privilégier une interprétation pragmatique tenant compte des conséquences de la loi et du règlement permet d’écarter l’interprétation littérale menant à des résultats absurdes et générateurs d’incertitude.
Par ailleurs, mentionnons que les énoncés politiques de Santé Canada qui sous-entendent la légalité des publicités de rappel ne lient pas les tribunaux judiciaires dans l’interprétation à donner à l’article C.01.044 RAD[31]. Bien que, pour des raisons de sécurité juridique et de déférence envers l’expertise d’un organisme administratif, un juge aura tendance à retenir l’interprétation consacrée par l’usage lorsqu’elle a fait naître des attentes, par exemple chez les publicitaires et les fabricants de médicaments d’ordonnance[32], l’interprétation administrative n’est utile que s’il subsiste un doute quant à l’intention du législateur. Or, nous croyons que l’approche multifactorielle d’interprétation[33] nous permet de dégager une interprétation uniforme de l’article C.01.044 RAD ne pouvant être remise en question par celle de Santé Canada[34].
À ce titre, l’historique de l’article C.01.044 RAD est révélateur. L’amendement de 1978, à l’origine de la modification de la substance de l’article, a été introduit deux ans seulement après que la Cour suprême des États-Unis eût rendu l’arrêt Virginia State Board of Pharmacy v. Virginia Citizens Consumer Council[35]. Ce jugement était le fruit d’une requête en jugement déclaratoire déposée par une association de consommateurs à l’encontre d’une réglementation professionnelle interdisant aux pharmaciens d’annoncer les prix des médicaments d’ordonnance. Le recours visait à permettre aux consommateurs de comparer les prix d’un même médicament entre différentes pharmacies en raison des grandes variations existant à l’époque. La Cour suprême des États-Unis a finalement jugé que l’interdiction de publicité sur les prix restreignait la liberté d’expression et était par conséquent invalide. L’affaire Virginia a eu un retentissement immense puisque la Cour suprême des États-Unis y a reconnu pour la première fois l’extension de la protection de la liberté d’expression à l’expression commerciale. Ces faits appuient une interprétation téléologique de l’article C.01.044 RAD, suivant laquelle la modification de 1978 visait à prévenir une telle contestation au Canada, possiblement en vertu du droit à la liberté de parole prévu dans la Déclaration canadienne des droits[36] ou suivant la théorie du implied bill of rights[37]. Rappelons qu’à cette époque, les régimes d’assurance-médicaments commençaient à voir le jour et ne couvraient que certains segments de la population[38]. Les consommateurs canadiens avaient autant intérêt que leurs voisins américains à connaître les prix des drogues. Par conséquent, la méthode historique retraçant les origines et l’évolution de l’encadrement légal de la PDMO supporte une interprétation de l’article C.01.044 RAD suivant laquelle les publicités de rappel sont prohibées. L’objectif derrière l’amendement apporté au RAD en 1978 n’était que d’autoriser l’annonce des prix des médicaments d’ordonnance.
La méthode d’interprétation grammaticale conforte également cette conclusion. En effet, l’article C.01.044 RAD autorise les publicités portant sur la quantité de la drogue, ce qui n’a d’intérêt que dans les publicités comparatives de prix. Il est complètement inutile de permettre d’indiquer dans une publicité de rappel le nombre de grammes contenus dans chaque pilule si le consommateur ne connaît pas l’usage thérapeutique du médicament. Ainsi, l’interprétation de Santé Canada voulant que l’article C.01.044 RAD autorise les publicités de rappel rendrait sans effet utile les termes «quantité de la drogue» qu’il contient.
Également, des valeurs «précautionnaires» teintent la LAD et le RAD, lesquels véhiculent une approche très protectrice de la santé publique[39]. Face à l’absence de certitude scientifique sur les effets de la PDMO, le législateur canadien a choisi d’interdire ce type de publicité. La logique du régime voudrait donc que soit également interdite la publicité de rappel, dont les effets néfastes sont documentés scientifiquement, tel que nous le démontrerons ci-dessous. Or, l’interprétation de Santé Canada, en plus de créer une disharmonie entre l’article C.01.044 RAD et l’objectif derrière la LAD et le RAD, entraîne une situation laxiste et désorganisée en matière de publicité de rappel. Celle-ci serait permise, mais ne serait pas réglementée de manière spécifique. Il en résulte que certaines publicités de rappel autorisées selon Santé Canada, telle la publicité de rappel des médicaments à risque, sont illégales dans des pays permettant la PDMO intégrale[40]. Le Canada serait d’ailleurs le seul pays qui interdit globalement la PDMO, mais qui autorise les publicités de rappel[41]. Quoique ce parallèle avec le droit comparé ne soit pas déterminant en lui-même, il confirme que la logique veut que les publicités de rappel soient interdites par le RAD.
En résumé, il est légal de faire paraître un message non publicitaire de recherche d’aide. En ce qui concerne les publicités visant à rappeler l’existence du médicament d’ordonnance, nous sommes en désaccord avec Santé Canada et croyons qu’elles ne sont pas permises par l’article C.01.044 RAD, qui interdit toute forme de PDMO à l’exception de la publicité comparative de prix. Les méthodes d’interprétation téléologique, systématique et logique, historique et grammaticale convergent toutes vers cette conclusion et l’interprétation littérale avancée par Santé Canada doit être écartée pour cause d’absurdité et d’inapplicabilité. En ce qui concerne l’article 3 LAD, qui fait partiellement double emploi avec l’interdiction réglementaire, sa pertinence n’est qu’accessoire au présent litige impliquant CanWest Media Works. Voilà pourquoi notre analyse se concentre sur l’article C.01.044 RAD, qui édicte le régime général d’interdiction de PDMO. Ce n’est qu’advenant l’invalidation de ce dernier article que la constitutionnalité de l’article 3 LAD serait mise en cause, puisque celui-ci interdirait toujours la publicité des médicaments d’ordonnance faisant mention d’un usage thérapeutique à l’égard de l’une des maladies énoncées à l’annexe A de la loi. Rappelons toutefois que la constitutionnalité de cette disposition a déjà été confirmée à deux reprises par des cours provinciales du Québec et de l’Ontario[42].
B. La violation de la liberté d’expression par l’interdiction réglementaire de la PDMO : une conclusion inévitable
L’importance sociétale de la liberté d’expression a été rappelée à maintes reprises par la Cour suprême du Canada[43]. Elle constitue l’une des quatre libertés fondamentales garanties au paragraphe 2b) de la Charte canadienne. Le libellé de cet article, on ne peut plus laconique, a laissé aux tribunaux une grande marge d’interprétation sur le type d’expression couvert par cette garantie constitutionnelle.
Dans les premières années suivant l’adoption de la Charte canadienne et avant que la Cour suprême du Canada se prononce, les tribunaux provinciaux canadiens étaient profondément divisés sur la protection à accorder à l’expression commerciale[44]. Le plus fouillé de ces arrêts est Klein v. Law Society of Upper Canada[45], dans lequel les deux juges majoritaires refusèrent d’accorder une protection constitutionnelle à l’expression commerciale en évoquant le spectre de l’incohérence dans l’application de l’article premier et de la révision au cas par cas de la réglementation du discours commercial.
C’est dans l’arrêt Ford c. Québec (P.G.)[46] que la Cour suprême du Canada a eu, pour la première fois, à se pencher sur la liberté d’expression commerciale. La Cour a statué que la protection constitutionnelle accordée à la liberté d’expression ne se limitait pas à l’expression politique, mais s’étendait également à l’expression visant un but commercial.
Au-delà de sa valeur intrinsèque en tant que mode d’expression, l’expression commerciale qui, répétons-le, protège autant celui qui s’exprime que celui qui l’écoute, joue un rôle considérable en permettant aux individus de faire des choix économiques éclairés, ce qui représente un aspect important de l’épanouissement individuel et de l’autonomie personnelle[47].
Puis, dans l’arrêt Irwin Toy Ltd. c. Québec (P.G.)[48], la Cour suprême du Canada a approfondi les motifs de sa prise de position de l’arrêt Ford, faisant ainsi clore toute controverse quant à l’inclusion de l’expression commerciale sous la protection du paragraphe 2b) de la Charte canadienne. La Cour y énonce clairement le principe de la neutralité du contenu de l’expression protégée constitutionnellement. En statuant ainsi, elle renvoie la question de la valeur à accorder à l’expression commerciale pure à l’étape subséquente, soit celle de l’article premier[49]. Le caractère commercial et la quête de profits caractérisant la PDMO n’ont donc pas pour effet de l’exclure du champ de la protection constitutionnelle.
La Cour élabore un test en deux étapes permettant d’évaluer la conformité d’une loi avec le paragraphe 2b) de la Charte canadienne. La première étape consiste à déterminer si l’activité litigieuse fait partie de la sphère des activités protégées par la liberté d’expression. La réponse sera rarement négative puisqu’une activité est expressive dès lors qu’elle vise à transmettre un message, peu importe le contenu de celui-ci ou sa forme. Les menaces de mort et les appels à la haine[50], le piquetage[51], la sollicitation en vue de la prostitution[52], la pornographie[53], le libelle diffamatoire[54], les sondages[55] ainsi que les dépenses électorales[56] sont donc quelques-unes des activités qui reçoivent la protection constitutionnelle du paragraphe 2b). Seule la violence en tant que forme d’expression se voit refuser toute protection constitutionnelle[57]. L’expression commerciale, telle la PDMO, est par conséquent protégée par la garantie constitutionnelle de la liberté d’expression[58].
La seconde étape consiste à déterminer si l’objet ou l’effet de l’action gouvernementale est de restreindre la liberté d’expression. Lorsque les dispositions attaquées ont pour but de circonscrire le contenu de l’information, soit directement, soit indirectement en contrôlant la forme du message ou l’accès à ce dernier, elles restreignent la liberté d’expression. Si l’objet du gouvernement n’est pas de réglementer le message de l’activité ou l’influence qu’il peut avoir sur le comportement des gens, il faut examiner les effets des dispositions contestées. Si celles-ci ont pour effet de restreindre une activité qui favorise la recherche de la vérité, la participation au sein de la société ou l’épanouissement personnel, la liberté d’expression est atteinte. En l’espèce, l’interdiction contenue à l’article C.01.044 du RAD a clairement pour but de contrôler le contenu de l’information transmise par la PDMO et elle viole ainsi la liberté d’expression.
En somme, ayant constaté l’atteinte à la liberté d’expression, il s’agit maintenant de déterminer si cette atteinte est justifiée au sens de l’article premier de la Charte canadienne. C’est à cette prochaine étape que la nature publicitaire de l’activité expressive ainsi que les valeurs qu’elle sous-tend sont examinées.
II. La justification de l’atteinte au sens de l’article premier de la Charte canadienne : une application du test de l’arrêt Oakes
Les droits et libertés garantis par la Charte canadienne peuvent être restreints «par une règle de droit, dans des limites qui [sont] raisonnables et dont la justification [peut] se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique»[59]. La Cour suprême, dans le célèbre arrêt Oakes[60], a établi la logique d’analyse de la justification d’une limitation à un droit, soit un test en deux parties. En premier lieu, l’objectif sous-tendant les mesures restreignant le droit doit se rapporter à des préoccupations urgentes et réelles dans une société libre et démocratique. En second lieu, les moyens mis en oeuvre pour atteindre cet objectif doivent être proportionnels. Toutefois, avant de procéder à l’analyse de ces deux critères, il est impératif d’identifier les éléments contextuels qui doivent guider cet exercice.
A. L’analyse contextuelle
L’arrêt Oakes avait établi un standard de justification a priori rigide et sévère. Or, l’application initiale formaliste et abstraite du test de Oakes a été fortement dénoncée[61] et les critères de cet arrêt doivent à présent être appliqués avec souplesse[62] par l’emploi d’une méthode dite contextuelle[63]. Cette méthode, qui a été élaborée dans l’arrêt Edmonton Journal[64], a le mérite de «mieux saisir la réalité du litige soulevé par les faits particuliers et [d’]être donc plus propice à la recherche d’un compromis juste et équitable entre les deux valeurs en conflit en vertu de l’article premier»[65]. Le contexte constitue ainsi
l’indispensable support qui permet de bien qualifier l’objectif de la disposition attaquée, de décider si cet objectif est justifié et d’apprécier si les moyens utilisés ont un lien suffisant avec l’objectif valide pour justifier une atteinte à un droit garanti par la Charte[66].
En l’espèce, deux éléments font partie de l’analyse contextuelle de la constitutionnalité de l’interdiction de PDMO : la nature de l’expression en cause ainsi que l’existence d’un groupe vulnérable. Ces deux éléments contextuels nous permettent de normativiser notre approche en soupesant les valeurs en opposition, soit celles que visent à promouvoir la PDMO et celles sous-tendant la prohibition gouvernementale.
En plus de cette méthode contextuelle, l’examen sous l’article premier a été assoupli par l’adoption, dans certains cas, d’une attitude de retenue judiciaire que nous examinerons au stade de l’atteinte minimale. L’introduction de ces deux facteurs d’assouplissement est paradoxalement devenue, en raison des choix à exercer relativement au poids des éléments contextuels ainsi qu’au degré de retenue, une cause d’imprévisibilité des résultats de l’analyse sous l’article premier[67]. Si ce texte ne se veut pas une analyse critique du test de Oakes et adopte les quatre étapes classiques de celui-ci, nous sommes néanmoins conscientes de cet état de fait et avons tâché d’appuyer au mieux nos choix en matière de contexte et de déférence à la lumière de la jurisprudence et des faits.
1. La nature commerciale de l’expression
Le premier élément contextuel à prendre en compte dans l’analyse de la justification de l’interdiction de PDMO est la nature de l’activité en cause[68]. En effet, la jurisprudence canadienne indique que si l’expression commerciale est protégée par le paragraphe 2b) au même titre que l’expression politique, elle peut se voir imposer des limitations plus facilement justifiables en vertu de l’article premier de la Charte canadienne[69].
En effet, la prise en compte de la nature commerciale de l’expression commande d’évaluer la mesure dans laquelle la forme d’expression en cause promeut les trois valeurs qui sous-tendent la liberté d’expression, soit l’épanouissement personnel, la recherche de la vérité et la participation démocratique. La protection constitutionnelle distincte accordée à l’expression commerciale par rapport à l’expression politique est donc le reflet de cette différence dans l’avancement de ces valeurs. Comme l’affirmait le juge Cory dans l’affaire R. c. Lucas, «[p]lus une forme d’expression particulière s’éloigne des valeurs qui sous-tendent la liberté d’expression, moins elle bénéficiera de la protection de la Constitution»[70].
Cette citation nous commande certes de positionner l’expression commerciale, de par ses valeurs sous-jacentes, dans la gamme des expressions protégées constitutionnellement. Si, au sommet de cette hiérarchie des formes d’expression, se retrouve l’expression politique, qui constitue «la cheville ouvrière de la garantie énoncée à l’al. 2b)»[71], l’expression commerciale se situe toutefois à mi-chemin entre les valeurs fondamentales de la Charte canadienne et ses frontières[72]. Cet éloignement s’explique par la capacité limitée de l’expression commerciale à promouvoir la participation à la prise de décisions d’intérêt social ou politique.
Ensuite, bien que nous soyons en accord avec le juge LeBel pour dire que la nature même de notre régime économique octroie nécessairement une valeur à l’expression commerciale en permettant aux consommateurs de faire des choix économiques plus éclairés[73], nous croyons que son apport à l’épanouissement personnel demeure limité. En effet, la Cour suprême a pris en compte, dans l’affaire Rocket, l’objectif de profit derrière la publicité et «le fait que l’expression visée relève entièrement du domaine commercial»[74]. Selon l’auteur Richard Moon, ce n’est toutefois pas tant l’objectif de profit qui diminue la valeur de l’expression commerciale et la protection constitutionnelle dont elle jouit, que les effets trompeurs et manipulateurs de la publicité, qui ont pour but de mousser les ventes[75]. L’apport restreint de la publicité pour le consommateur désirant faire des choix éclairés se rapporte donc à la distinction qui existe entre information et publicité.
La distance, qui apparaît dans l’analyse de l’article premier entre l’expression politique et l’expression commerciale, s’explique également en référence à une autre des valeurs sous-tendant la liberté d’expression : la recherche de vérité par le choc des idées contradictoires. La juge McLachlin, dans l’arrêt Rocket, reconnaît d’ailleurs que l’interdiction des publicités ou le contrôle législatif de leur contenu n’entraîne pas une perte d’occasion de contribuer au «marché des idées»[76]. L’essence même de la publicité, qui est de chercher à maximiser la vente, la distingue de l’information. L’auteur Michael Rothshild faisait remarquer que
[l]a publicité est l’art de vendre ; elle est financée par une firme, une personne ou un groupe ayant un point de vue particulier. Le message prône ce point de vue et son objectif est de sensibiliser, de créer un intérêt ou d’établir un comportement qui est favorable à la position avancée. Le message tente d’informer et de persuader, il est intentionnellement partial ; il ne s’agit aucunement de présenter un point de vue équilibré[77].
Au surplus, les différentes allégations commerciales divergentes ne sont pas équitablement représentées dans le «marché des idées», ce qui rend encore plus difficile l’émergence d’une «vérité».
En somme, la PDMO, une forme d’expression commerciale, doit recevoir une protection constitutionnelle moindre. Elle vise essentiellement la quête de profits et promeut donc difficilement la participation démocratique. Elle a une valeur informative faible, vu son approche tendancieuse, son silence quant aux autres alternatives thérapeutiques disponibles et le caractère technique de l’information transmise, ne permettant par conséquent que partiellement la recherche de vérité et l’émancipation personnelle. La violation à la liberté d’expression, dans le cas d’espèce, sera donc plus facile à justifier.
2. La vulnérabilité du public cible de la PDMO
Le second élément contextuel devant être considéré en l’espèce est la vulnérabilité du groupe que le législateur cherche à protéger. La Cour suprême du Canada a eu l’occasion, à quelques reprises, de confirmer que cette vulnérabilité, due par exemple à la maladie ou au jeune âge, est un facteur d’analyse contextuel dans le cadre du test de Oakes[78].
Il nous semble que les dispositions en question de la LAD et du RAD cherchent à protéger les destinataires de la PDMO, soit tous les consommateurs canadiens potentiels de médicaments d’ordonnance et plus particulièrement les personnes malades, les aidants naturels, les personnes sachant qu’elles ont une prédisposition génétique à certains troubles de santé ou sont plus à risque de contracter certaines maladies ainsi que celles qui craignent la mort ou une incapacité éventuelle. Une étude de l’effet de la PDMO sur la relation patient-médecin établit d’ailleurs une corrélation entre la faible perception d’un patient quant à son état de santé général et l’influence exercée par la PDMO : les individus se considérant en moins bonne santé sont plus susceptibles de demander à leur médecin la prescription d’un médicament publicisé ou de requérir de l’information sur la maladie ou le médicament annoncés[79].
Ce groupe de consommateurs en contact avec la maladie, quoique très large, n’en constitue pas moins un groupe vulnérable. En effet, les membres de ce groupe sont à la recherche d’une guérison, immédiate ou potentielle, et ils sont ainsi peu critiques envers l’information publicitaire de type médical à laquelle ils sont soumis, surtout lorsque celle-ci leur procure un espoir. Le besoin de santé que cherche à combler la PDMO implique une charge émotive bien supérieure aux besoins visés par la publicité d’autres produits de consommation. La rationalité du consommateur potentiel de médicaments est moindre que la rationalité du consommateur potentiel de voitures, d’aliments ou de services touristiques. En d’autres termes, l’aspect émotif lié à la peur de la mort et de la maladie rend vulnérables les destinataires de la PDMO[80].
En outre, les destinataires de la PDMO, même s’ils étaient complètement rationnels, ne possèdent généralement pas les connaissances médicales nécessaires pour mener à bout un raisonnement critique face à l’information diffusée dans ce type de publicité[81]. En effet, seul un spécialiste médical peut analyser l’information sur les médicaments d’ordonnance, lesquels ne peuvent être obtenus que par l’intermédiaire d’un médecin. Dans l’affaire Rocket, la Cour a d’ailleurs jugé que «[l]es consommateurs de services dentaires seraient très vulnérables face à de la publicité non réglementée [de services dentaires]. N’étant pas spécialistes, ils ne seraient pas en mesure d’évaluer les prétentions opposées concernant la qualité de différents dentistes»[82]. Cette conclusion en matière de services dentaires s’applique a fortiori en matière de médicaments vendus sous ordonnance.
En résumé, nous devons garder à l’esprit, dans l’analyse commandée par l’article premier de la Charte canadienne, que le test de Oakes doit être appliqué avec souplesse et que le contexte, particulièrement la nature de l’expression atteinte et la vulnérabilité du groupe protégé, doit teinter à tout moment notre réflexion, sans que ces considérations ne soustraient l’État de son fardeau de prouver selon la prépondérance des probabilités la justification de l’atteinte au droit. Abordons maintenant le premier critère du test de Oakes, soit l’objectif urgent et réel.
B. L’urgence et la réalité des objectifs du législateur fédéral
Il importe, dans un premier temps, de définir le contenu de ce critère, à la lumière de l’évolution jurisprudentielle. Dans un deuxième temps, nous examinerons l’urgence et la réalité de l’objectif pouvant soutenir l’interdiction de PDMO.
1. Le laxisme de la jurisprudence dans la vérification de l’urgence et de la réalité de l’objectif
L’objectif que les dispositions restreignant la liberté d’expression visent à atteindre doit être suffisamment important pour justifier cette restriction. À cet effet, il doit se rapporter «à des préoccupations sociales, urgentes et réelles dans une société libre et démocratique»[83]. Cet énoncé tiré de l’arrêt Oakes annonçait au départ une norme sévère visant à écarter les objectifs peu importants. Toutefois, les tribunaux ont présenté un certain laxisme dans l’application de ce premier critère, en grande partie pour des considérations de retenue judiciaire[84]. La condition d’urgence est tombée en désuétude, la Cour exigeant simplement que l’objectif soit «valide»[85] ou «suffisamment important»[86].
Il n’existe pas encore de ligne de conduite générale permettant d’évaluer la valeur d’un objectif eu égard à l’article premier de la Charte canadienne[87]. Cela dit, certaines constatations peuvent être dressées. Premièrement, il semble qu’une règle juridique est généralement animée à la fois par un objectif lointain lié à la protection de l’intérêt public et par un objectif immédiat défini en termes plus étroits[88]. Un objectif lointain formulé en termes généraux, mais qui n’est pas rattaché à un problème spécifique, est une justification insuffisante[89]. Par ailleurs, la méthode d’analyse contextuelle présentée en remarque préliminaire semble favoriser les objectifs immédiats. C’est dans cette optique que la Cour suprême a refusé l’objectif de protection des Canadiens contre les méfaits sur la santé de l’usage du tabac, le jugeant trop large et lui préférant l’objectif de diminution de l’usage du tabac[90].
Deuxièmement, l’objectif doit refléter la volonté du législateur au moment de l’adoption de la norme juridique[91]. C’est pour cette raison que nous rejetons d’emblée l’objectif de contenir la hausse du coût des soins de santé avancé par une auteure[92] pour justifier l’interdiction de PDMO. En effet, rien n’indique qu’une telle motivation animait le législateur lors de l’adoption de l’interdiction de PDMO en 1953 et lors de la modification en 1978. La preuve historique de l’intention du législateur peut notamment être faite à l’aide des débats parlementaires[93] et il est permis d’apporter des preuves de l’importance actuelle de cet objectif. La Cour suprême a ainsi pris en compte, dans l’affaire Irwin Toy, des études concernant l’influence de la publicité sur les enfants menées postérieurement à l’adoption de la Loi sur la protection du consommateur[94]. Troisièmement, un objectif, quoique à l’image de la volonté du législateur, doit être refusé s’il est devenu obsolète et périmé[95]. À la lumière de ces enseignements jurisprudentiels, examinons maintenant l’objectif soutenant l’interdiction de PDMO.
2. La protection contre l’utilisation inconsidérée des médicaments d’ordonnance
La LAD et le RAD ont pour objectif général la protection de la santé publique des Canadiens. Ils réglementent la marchandisation, la vente et la publicité des aliments, drogues, cosmétiques et instruments en raison de l’impact de ceux-ci sur la santé. Dans la poursuite de cet objectif, certains médicaments, en raison de leur nature particulière, voient leur vente assujettie à la prescription par un médecin. La qualification de médicament d’ordonnance est d’ailleurs attribuée à la suite de la considération d’un ou de plusieurs facteurs. Ainsi, si l’emploi du médicament doit être supervisé ; s’il est prescrit pour des maladies graves souvent mal diagnostiquées par le public ; si la marge de sécurité entre un dosage thérapeutique et toxique est mince ; si le médicament entraîne ou peut entraîner des effets secondaires indésirables ou graves ; si des expériences cliniques ont révélé le développement de souches résistantes ou d’une dépendance ; s’il a entraîné des effets toxiques chez les animaux ou repose sur des concepts pharmacologiques récents ; ou si son utilisation peut camoufler d’autres malaises, le médicament sera habituellement qualifié de médicament d’ordonnance[96]. Ces facteurs permettent aisément de comprendre pourquoi la consommation de ces médicaments est assujettie à l’obtention d’une prescription auprès d’un médecin capable de poser le bon diagnostic, d’identifier les options thérapeutiques disponibles et de faire un choix en fonction des caractéristiques individuelles du patient.
Concernant spécifiquement l’article C.01.044 RAD, deux objectifs le sous-tendent : l’objectif lointain de protection de la santé publique et l’objectif immédiat de protection de la population contre l’influence négative de la publicité. Ces deux objectifs doivent nécessairement se lire conjointement, puisque l’objectif de protection contre l’influence de la PDMO ne prend son sens que lorsque les impacts nuisibles de la PDMO sur la santé publique sont considérés. Nous proposons donc de formuler ainsi l’objectif de l’article C.01.044 RAD : la protection des Canadiens contre l’utilisation inconsidérée des médicaments d’ordonnance comme conséquence d’une publicité directe mentionnant l’usage thérapeutique. Cet objectif revêt, comme nous le démontrons dans les prochaines lignes, un caractère réel et urgent.
Tout d’abord, la jurisprudence canadienne a souvent reconnu que la diffusion d’informations fausses, inexactes, trompeuses ou inintelligibles constituait un objectif urgent et réel lorsque ces informations avaient ou risquaient d’entraîner des conséquences néfastes[97]. L’arrêt le plus probant en l’espèce est Thomas Lipton, dans lequel la Cour provinciale de l’Ontario a jugé urgent et réel l’objectif de l’article 3 LAD visant à protéger le public contre les maux associés à la publicité de margarine présentée comme ayant un usage thérapeutique sur les maladies du coeur[98]. La Cour a craint que, prise à sa face même, la publicité puisse entraîner des gens vulnérables à consommer de la margarine en tant qu’autotraitement ou à retarder une consultation ou un traitement médical. A fortiori, nous croyons que la protection du public contre la publicité directe des médicaments d’ordonnance, dont l’usage peut avoir de bien plus grandes conséquences sur la santé que la consommation excessive de margarine, est un objectif urgent et réel. La prescription du médicament d’ordonnance par un intermédiaire compétent, alors que la margarine est en vente libre, n’est pas un argument probant puisque, comme nous le verrons sous peu, la publicité influence tant le comportement des médecins que des patients. Considérant que les destinataires de la PDMO ne sont pas des spécialistes à même d’évaluer les prétentions publicitaires relatives à l’usage thérapeutique d’un médicament, l’objectif est réel et urgent.
Par ailleurs, l’objectif de protection contre la consommation inconsidérée de médicaments, dans une optique de protection de la santé publique, a déjà été qualifié d’urgent et réel dans un obiter dictum de la Cour suprême dans l’affaire Ciba-Geigy Canada Ltd. c. Apotex Inc., qui traitait d’une action en commercialisation trompeuse (passing-off) entre deux compagnies pharmaceutiques :
De telles dispositions législatives et réglementaires sont compréhensibles. Les médicaments vendus sur ordonnance contiennent des substances médicinales qui, si elles sont bénéfiques à petites doses, peuvent devenir néfastes pour la santé, sinon fatales, en plus grosse quantité. Il est alors normal que la société, dans un but de protection du citoyen, limite l’accès à de tels produits. La pertinence de l’utilisation est déterminée par un professionnel […] Que dès lors, la publicité, du moins au sens où on l’entend couramment, ne soit pas totalement libre se comprend facilement. Il serait d’ailleurs tout à fait illogique d’un côté de donner au consommateur des informations comparables à celles qu’il peut obtenir sur un produit de consommation ordinaire tout en l’empêchant, d’un autre côté, de se procurer librement ce produit[99].
Pour réussir à démontrer l’urgence et la réalité de l’objectif formulé plus tôt, encore faut-il démontrer que la PDMO risque d’avoir des conséquences néfastes[100]. Cette preuve peut inclure des notions de droit comparé, des données socio-économiques ou de sciences sociales ainsi que des éléments de connaissance judiciaire[101]. Elle n’a pas à établir scientifiquement l’influence indue de la publicité, mais elle doit démontrer, par prépondérance des probabilités, les conséquences appréhendées. Nous concentrons tout de même ici notre attention sur la preuve à caractère scientifique, puisque nous revenons sur les preuves indirectes à l’étape du lien rationnel.
Un bilan systématique des études de l’impact de la PDMO a été publié en 2005[102]. L’intérêt de ce bilan systématique n’est pas à négliger : les auteurs ont répertorié deux mille huit cent cinquante-trois études sur la PDMO réalisées entre 1987 et 2004, ils ont évalué les méthodes de recherche de chacune de ces études et ont sélectionné les seules études permettant d’établir des liens de causalité. À ce titre, ils ont tenu compte des essais contrôlés randomisés, des études contrôlées par cohortes, des études contrôlées avant-après et des études transversales contrôlées[103]. En fait, ils ont insisté sur l’existence d’un groupe témoin, afin d’assurer que l’effet étudié sur les coûts ou les comportements ne découle pas d’influences autres que la PDMO. Ils ont en conséquence refusé les études non-contrôlées et les sondages d’opinion.
Quatre études seulement correspondaient aux modèles établis. La première analyse l’influence d’une campagne publicitaire de recherche d’aide, c’est-à-dire sans mention de marque, mais avec invitation au consommateur à s’informer auprès de son médecin à propos d’un traitement nouveau de la migraine[104]. L’étude a été menée en 1993, dans quatre régions des États-Unis, avant, pendant et après la campagne publicitaire. Les résultats de l’étude révèlent qu’une campagne publicitaire de recherche d’aide provoque de nouvelles ordonnances. La seconde étude, menée aux États-Unis, démontre quant à elle que l’accroissement des dépenses mensuelles en PDMO entraîne une augmentation des diagnostics relatifs aux affections traitées par les médicaments publicisés et une augmentation des prescriptions des médicaments annoncés[105]. La troisième étude examine les effets d’une campagne publicitaire de recherche d’aide et de rappel télévisée en 2000 et 2001 aux Pays-Bas et financée par un fabricant antifongique[106]. L’analyse couvre cent cinquante cabinets de médecins et plus de quatre cent soixante-dix mille patients. Les résultats indiquent que les ordonnances du médicament en question ont plus que doublé dans le premier mois de la campagne publicitaire et que, au bout de deux années de campagne, le taux de prescription du médicament est passé de sept à dix ordonnances pour mille patients. Les auteurs de cette étude notent que
[t]he effects on work load in primary care of the lay media marketing medicinal products for cosmetic indications which cannot be treated with over the counter drugs should not be underestimated. Several synchronous campaigns like this would cause a serious adverse impact on general practitioners’ workloads and costs. This may affect patients who need care for more serious problems[107].
La quatrième étude se base sur des questionnaires complétés par des patients préalablement à leur consultation médicale et par des médecins à l’issu de cette consultation[108]. L’expérience a été tenue dans soixante-dix-huit cabinets de médecins en soins primaires à Sacramento aux États-Unis, où la PDMO est permise, et à Vancouver au Canada. Les patients de Sacramento se sont davantage déclarés exposés à la PDMO et 7% d’entre eux ont demandé à leur médecin un médicament faisant l’objet d’une publicité, comparativement à 3% des patients canadiens. Par ailleurs, 75% des patients, américains ou canadiens, réclamant un médicament annoncé recevaient une ordonnance en conséquence. Les patients demandant un médicament précis avaient dix-sept fois plus de chances de quitter le médecin avec une nouvelle ordonnance en main.
Les résultats de ces quatre études conviennent que la publicité des médicaments d’ordonnance, qu’elle soit sous forme directe, de rappel ou de recherche d’aide, entraîne une augmentation des diagnostics et des ordonnances du médicament annoncé. En 2006, ce bilan systématique a été actualisé et élargi pour couvrir l’ensemble des études de langue anglaise publiées entre 1987 et mai 2006[109]. Dix-neuf études, sur un total de mille sept cent soixante-quatorze, dont trois des quatre études présentées ci-haut, ont été retenues et correspondaient aux critères d’analyse épidémiologique et économétrique ainsi qu’aux exigences méthodologiques permettant d’établir un lien de causalité. Cette revue a à nouveau démontré que la PDMO a pour conséquences l’augmentation du nombre de consultations médicales[110] et de prescriptions[111], surtout des médicaments ayant fait l’objet de publicité[112]. Une de ces dix-neuf études pousse d’ailleurs l’analyse plus loin[113] : elle repose sur l’utilisation de patients types — donc d’acteurs — qui ont rencontré cent cinquante-deux médecins, au cours de deux cent quatre-vingt-dix-huit visites, en prétendant avoir des symptômes, soit de dépression clinique (donc nécessitant une prescription d’antidépresseurs), soit d’inadaptation (c’est-à-dire, de stress passager lié à un événement extérieur ne requerrant pas la prescription d’antidépresseurs). Les acteurs qui demandaient à leur médecin un antidépresseur précis, le Paxil, se le sont vu prescrire dans 53% des cas lorsque la dépression était simulée et dans 55% des cas lorsque l’inadaptation était prétendue. Ainsi, les chances d’obtenir une ordonnance, pour les patients simulant l’inadaptation, étaient multipliées par treize lorsqu’ils demandaient le Paxil et par six lorsqu’ils faisaient une demande générale d’antidépresseurs. Les demandes de médicaments, précises ou générales, multiplient donc les cas de médicalisation inutile.
La prescription inconsidérée de médicaments comme conséquence d’une PDMO et son danger pour la santé publique peuvent également être déduits du simple bon sens. En effet, suivant le médecin chercheur Joel Lexchin, si 75% des patients obtiennent le médicament demandé[114], cela signifierait pour les adeptes de la PDMO que les trois quarts des patients ont, en plus d’avoir posé le bon diagnostic à leur égard, sélectionné le bon traitement, statistiques que les médecins eux-mêmes ont de la difficulté à atteindre[115] ! Cette conclusion est à sa face même absurde et la logique nous dicte qu’une partie de ces prescriptions est inutile ou ne correspond pas adéquatement au profil individuel du patient. Le simple fait que la PDMO publicise directement auprès du patient l’usage d’un médicament en tant qu’option thérapeutique, sans égard à ses caractéristiques individuelles, à son historique médical personnel et familial ou aux traitements alternatifs, éveille les soupçons.
Rappelons surtout que la consommation de médicaments d’ordonnance peut avoir des effets négatifs sur la santé, même si la prescription est juste, en raison de la nature même du produit prescrit, qui peut causer des réactions adverses et des effets secondaires. En dépit des précautions et des restrictions à la vente prévues dans la LAD, environ dix mille réactions adverses dues aux médicaments (RAM) sont répertoriées chaque année au Canada et celles-ci ne représentent qu’une infime partie des RAM[116]. L’influence exercée par la PDMO étend de façon injustifiée ce danger aux patients pour lesquels la prescription s’avère inadéquate ou inutile. Cette influence est d’autant plus pernicieuse que les médicaments publicisés sont généralement des médicaments nouveaux visant à traiter des troubles médicaux répandus et nécessitant des traitements à long terme[117], ce qui assure une rentabilité à l’investissement. Or, un médicament nouvellement approuvé par Santé Canada est considéré comme étant encore en phase d’expérimentation, en phase IV, durant laquelle sont réalisées des études d’innocuité, de mortalité et de morbidité[118]. Au moment de la commercialisation d’un médicament, les réactions adverses advenant chez moins d’une personne sur mille huit cents ne sont pas détectées[119]. Une étude démontre que 20% des médicaments approuvés entre 1975 et 1999 aux États-Unis ont été retirés du marché ou ont fait l’objet d’avertissements sérieux et que la moitié de ces retraits ont eu lieu moins de deux ans suite à leur commercialisation[120]. L’information relative au profil sécuritaire d’un nouveau médicament étant fragmentaire[121], lorsque la commercialisation est jointe à la publicité du médicament, cela élargit de façon dangereuse le spectre des patients qui constituent en réalité le dernier groupe test[122]. Pensons au Vioxx, un médicament dont la commercialisation a été approuvée en 1999 au Canada et aux États-Unis et qui a été fortement prescrit[123] et publicisé au sud de la frontière[124], avant d’être subséquemment retiré du marché pour des raisons sécuritaires en 2004[125]. Bien qu’il soit impossible de quantifier le nombre de prescriptions reliées à la PDMO massive dont ce médicament a été l’objet, cette publicité, jointe à un mécanisme déficient de surveillance post-approbation[126], est probablement responsable de la mort d’un grand nombre de victimes. À la face de ces résultats, aux États-Unis, les compagnies pharmaceutiques elles-mêmes sont désormais en faveur de l’implantation d’un moratoire sur la PDMO dans les premiers temps suivant l’approbation d’un médicament[127]. Cet aveu en dit long sur les effets négatifs de la PDMO sur la santé publique.
Pour conclure sur la présentation des études et des données, nous soutenons que cette preuve scientifique démontre le lien entre la PDMO, l’augmentation des consultations, des ordonnances et des mauvais diagnostics. À la lecture des études et de la jurisprudence en la matière, il nous semble clair que l’interdiction de PDMO est justifiée par un objectif urgent et réel, en raison des conséquences sur la santé publique qu’elle vise à prévenir, soit l’influence comportementale des médecins et des patients sur la prescription et la consommation de médicaments d’ordonnance, qui sont par leur nature même susceptibles d’avoir des effets néfastes sur la santé.
C. La proportionnalité des moyens employés par le législateur fédéral
Maintenant qu’ont été démontrées l’urgence et la réalité de l’objectif de protection contre la consommation inconsidérée de médicaments menaçant la santé publique et découlant de la PDMO, il est temps de procéder à l’analyse du second critère du test de Oakes.
1. La rationalité du lien entre les objectifs et les moyens
À cette première étape du critère de la proportionnalité, le gouvernement doit démontrer que l’interdiction totale de PDMO est rationnellement liée à l’objectif de protection des Canadiens contre l’utilisation inconsidérée des médicaments d’ordonnance comme conséquence d’une PDMO.
L’exigence d’un lien rationnel signifie que «les mesures adoptées doivent être soigneusement conçues pour atteindre l’objectif en question [et] ne doivent être ni arbitraires, ni inéquitables, ni fondées sur des considérations irrationnelles»[128]. La principale difficulté liée à ce critère est celle de déterminer la nature de la preuve nécessaire pour étayer la rationalité du lien. À cet égard, la Cour suprême a reconnu qu’une démonstration scientifique n’est pas essentielle et qu’une preuve par la logique et la raison, voire même le bon sens, suffit lorsque la mesure gouvernementale vise la modification d’un comportement humain qui se porte peu à une évaluation scientifique ou l’empêchement d’un préjudice difficilement quantifiable[129]. De la sorte, le risque, en cas d’incertitude scientifique ou empirique, ne repose pas entièrement sur les épaules du gouvernement. En matière d’effets néfastes d’une activité expressive, la Cour suprême a d’ailleurs jugé suffisante la démonstration d’une influence importante de l’information inexacte, par opposition à une preuve scientifique de l’influence indue[130].
Dans le cas qui nous intéresse, il existe un lien rationnel entre la PDMO et le préjudice appréhendé d’utilisation inconsidérée de médicaments d’ordonnance. Nous avons déjà présenté les études à caractère scientifique qui démontrent l’impact de la PDMO sur l’augmentation des ordonnances erronées. En elles-mêmes, ces études suffisent pour que le gouvernement ait eu une appréhension raisonnée du préjudice et que le lien rationnel soit établi. D’ailleurs, nous sommes d’autant plus convaincues de cette position que de nombreuses preuves indirectes viennent la conforter. À ce titre, nous abordons la situation dans les autres États industrialisés, la documentation internationale et la jurisprudence américaine.
Tout d’abord, il est révélateur que tous les États industrialisés, à l’exception des États-Unis et de la Nouvelle-Zélande, interdisent la publicité directe des médicaments d’ordonnance[131]. En Nouvelle-Zélande, un exercice de révision du régime légal est d’ailleurs présentement en cours : une consultation publique a eu lieu en 2000 et 2001 et la majorité des répondants s’est prononcée pour le renforcement de la législation[132]. Un processus similaire a eu lieu en 2006[133], mais aucune mesure législative n’a encore été annoncée. Les conclusions de la remise en question de la législation néo-zélandaise témoignent de l’influence du courant international en faveur de l’interdiction de PDMO. En Australie, alors que la PDMO est interdite, le gouvernement a mis en branle en 2000 un processus de réexamen de la législation. Les recommandations qui en ont découlées sont à l’effet de maintenir l’interdiction de PDMO, sauf pour la comparaison des prix[134]. Pour ce qui est de l’Union européenne, la PDMO y est prohibée[135]. De surcroît, le Parlement européen a refusé d’entériner une proposition de la Commission européenne visant à créer une exception à l’interdiction de PDMO relativement au VIH/SIDA, au diabète et à l’asthme[136]. En outre, l’Organisation mondiale de la santé recommande que la publicité des médicaments d’ordonnance s’adressant au grand public soit interdite[137].
Finalement, la jurisprudence américaine relative à la règle de la responsabilité délictuelle de l’intermédiaire compétent atteste également du lien rationnel entre la PDMO et la menace à la santé publique. Cette règle a été endossée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Hollis c. Dow Corning Corp.[138]. Elle constitue une exception à l’obligation de mise en garde des fabricants envers les consommateurs, obligation particulièrement élevée en matière de produits médicaux[139]. Ainsi, «dans le cas d’un produit à forte teneur technique, destiné à être utilisé uniquement sous la surveillance d’experts»[140], c’est au médecin de transmettre l’information sur les risques. La responsabilité du fabricant n’est engagée que s’il a omis de transmettre correctement ces risques au professionnel de la santé.
Or, l’application de cette règle fait actuellement l’objet d’une remise en question aux États-Unis lorsque le produit pharmaceutique au coeur du litige a fait l’objet de publicité directe au consommateur par le fabricant. Les mêmes arguments que ceux justifiant l’interdiction canadienne de PDMO sont ici invoqués pour justifier la création d’une nouvelle exception à la règle de l’intermédiaire compétent[141] : la transmission d’informations standardisées par le fabricant par le véhicule publicitaire interfère avec la relation patient-médecin, qui est au fondement même de la règle de l’intermédiaire compétent, en plus d’occulter l’individualité de chaque patient[142].
Quelques tribunaux ont déjà tranché et statué que la PDMO sape les fondements de la règle de l’intermédiaire compétent en influençant la relation patient-médecin[143], dont la Cour suprême du New Jersey qui, en 1999, dans l’arrêt Perez v. Wyeth Laboratories, s’est ouvertement prononcée en établissant une exception claire à la règle lorsqu’il y a eu publicité directe[144]. La nouvelle exception à la règle de l’intermédiaire compétent en droit américain ne fait pas encore l’unanimité, le débat ayant présentement cours au sein de la doctrine[145]. Des associations juridiques américaines[146] et des tribunaux américains s’étant penchés sur les effets de la PDMO témoignent toutefois de la rationalité du lien existant entre l’interdiction canadienne actuelle et la protection de la santé publique.
En résumé, nous avons démontré le lien rationnel existant entre la PDMO et la menace à la santé publique comme conséquence d’une utilisation inconsidérée de médicaments. Autant les preuves scientifiques que les preuves fondées sur la raison et la logique édifient une appréhension raisonnée du préjudice à la santé. Examinons donc maintenant si la mesure choisie par le gouvernement, à savoir une interdiction complète de PDMO, constitue une atteinte minimale à la liberté d’expression constitutionnellement protégée.
2. L’interdiction de PDMO : une atteinte minimale à la liberté d’expression
C’est à l’étape de l’atteinte minimale que la conception des rôles respectifs des pouvoirs judiciaire et législatif ressurgit dans toute sa quintessence. Dans l’arrêt Oakes, la Cour suprême avait formulé de façon très sévère le fardeau de preuve du gouvernement, qui devait démontrer que la mesure contestée portait «le moins possible»[147] atteinte au droit protégé constitutionnellement. Or, elle a rapidement compris qu’un tel test entraînerait l’invalidation de toutes les mesures contestées[148]. Afin d’éviter un tel résultat, la notion même d’atteinte minimale doit donc comporter un degré minimal de retenue du pouvoir judiciaire à l’égard des décisions du législateur.
D’emblée, notons que les enseignements de la jurisprudence des dernières vingt-cinq années ne sont pas clairs et constants dans l’établissement du degré de retenue judiciaire à adopter afin de faciliter le respect de l’exigence de l’atteinte minimale[149].
Ainsi, dans l’arrêt Irwin Toy, la Cour suprême indique que la retenue est requise lorsque la loi contestée vise à arbitrer entre des groupes différents. Dans un tel cas, le législateur, vu sa fonction représentative, est le mieux placé pour «trouver le point d’équilibre entre [les exigences de] groupes concurrents [en fonction de] l’évaluation de preuves scientifiques contradictoires et de demandes légitimes mais contraires quant à la répartition de ressources limitées»[150]. L’élaboration des politiques incombe donc aux représentants élus et les tribunaux ne sont pas des spécialistes en cette matière. Il y aurait donc, selon l’arrêt Irwin Toy, deux fondements à la retenue judiciaire : la nécessité de médiation entre des intérêts divergents et la présence d’une preuve sociale complexe et contradictoire[151]. Dans cette affaire, la Cour suprême a spécifié qu’elle «n’adoptera[it] pas une interprétation restrictive de la preuve en matière de sciences humaines, au nom du principe de l’atteinte minimale, et n’obligera[it] pas les législatures à choisir les moyens les moins ambitieux pour protéger des groupes vulnérables»[152]. Elle considère donc que l’exigence d’atteinte minimale est rencontrée si le législateur a choisi une des diverses solutions raisonnables qui s’offrent à lui[153].
Depuis, et à l’exception de l’affaire JTI-MacDonald en 2007, dans laquelle a été effectué un retour aux deux fondements de l’arrêt Irwin Toy[154], la Cour suprême a modifié cette approche plus mécanique permettant de déterminer le degré de retenue requis au profit d’une méthode plus flexible qui consiste en une mise en balance de tous les éléments contextuels pertinents[155]. Ces éléments incluent bien entendu la nécessité de soupeser les intérêts de groupes opposés et l’impossibilité de mesurer scientifiquement le préjudice, mais également la vulnérabilité du groupe que le législateur cherche à protéger, la crainte de préjudice entretenue par ce groupe et la valeur sociale ou morale de l’activité supprimée[156].
La question des fondements de la retenue judiciaire demeure donc en suspens[157]. Nous croyons toutefois que la résolution de cette question aura peu d’impact sur l’issue de notre question. Suivant les enseignements d’Irwin Toy dans un premier temps, la question de la PDMO appelle une certaine retenue de la part du tribunal. En effet, le gouvernement est le mieux placé pour arbitrer entre les intérêts divergents des consommateurs, des patients et des compagnies médiatiques, pharmaceutiques et publicitaires. Il est aussi en position privilégiée pour évaluer la preuve sociale complexe basée sur l’étude du comportement humain. Dans un deuxième temps, même suivant les arrêts Thomson Newspapers, M. c. H. et autres, une certaine retenue est indiquée dans le traitement de la question qui nous préoccupe. En effet, non seulement l’interdiction de PDMO découle de la médiation entre intérêts divergents et d’une décision basée sur des preuves sociales complexes, mais également, cette interdiction cherche à assurer la protection d’un groupe vulnérable, les personnes malades et les consommateurs potentiels de médicaments d’ordonnance. Elle concourt aussi à limiter les coûts du système de santé public et vise une forme d’expression qui se situe à mi-chemin entre les valeurs de la Charte canadienne et ses frontières. Peu importe donc les enseignements que les tribunaux suivront dans l’affaire CanWest, ils devront nécessairement faire montre de retenue devant la décision du législateur.
Mentionnons finalement qu’il faut se garder de voir dans la retenue judiciaire un substitut à la preuve de la justification. Malgré la souplesse avec laquelle sont appliqués les principes de l’arrêt Oakes, l’État conserve son obligation de démontrer que la restriction des droits est raisonnable et justifiable[158]. Il s’agira donc pour le gouvernement de démontrer qu’il était raisonnablement fondé, sur des éléments de preuve solides, de conclure que l’interdiction de PDMO est la mesure portant le moins possible atteinte à la liberté d’expression considérant l’objectif de protection de la santé publique.
En l’espèce, il existe bel et bien de tels éléments de preuve solides, à caractère scientifique, qui viennent démontrer que l’interdiction réglementaire de PDMO est une atteinte minimale à la liberté d’expression. Cette preuve sociale se fonde sur une méthodologie éprouvée. Celle-ci étaie la valeur des conclusions, confirmées d’une étude à l’autre[159], de l’influence de la PDMO sur le nombre de consultations médicales et de prescriptions parfois inadéquates ou inutiles de médicaments d’ordonnance ayant une dangerosité inhérente et particulièrement aiguë lorsqu’ils sont nouvellement commercialisés. De surcroît, cette preuve est appuyée par de nombreux autres éléments tirés du droit comparé et de la logique.
L’abondance de ces éléments de preuve distingue à nos yeux la décision à prendre concernant l’interdiction réglementaire de PDMO de celle prise par la Cour suprême dans RJR-MacDonald relativement à l’interdiction de publicité du tabac. Dans cette affaire, la Cour suprême a conclu, à la majorité, que l’absence quasi totale de preuve pour étayer la thèse du gouvernement lui était fatale. En conséquence, la majorité des juges a conclu que le gouvernement n’avait pas été en mesure de démontrer qu’une interdiction partielle n’atteindrait pas les objectifs aussi efficacement que l’interdiction totale visant à la fois la publicité de style de vie, la publicité informative et la publicité préférentielle[160]. Par contre, comme l’a observé la juge McLachlin dans JTI-MacDonald en 2007[161], la Cour suprême aurait été prête à reconnaître, même au regard de la faible preuve présentée, que l’interdiction de publicité de style de vie (mais non de la publicité informative et de la publicité préférentielle) constituait une atteinte minimale[162]. Au vu de ces remarques, nous croyons que l’interdiction de PDMO résisterait à une analyse similaire.
En effet, bien qu’elle soit quasi totale[163], c’est-à-dire qu’elle ne permette que la publicité comparative de prix, l’interdiction réglementaire de PDMO n’en est pas moins justifiée. Premièrement, il importe de rappeler que le régime actuel n’empêche pas l’émission de messages de recherche d’aide, ni la diffusion d’information sur les choix de traitement et de prévention des maladies, toutes deux susceptibles de favoriser l’atteinte de l’objectif de protection de la santé publique. En conséquence, l’atteinte à la liberté d’expression du public canadien, incluant son droit à recevoir l’information, est minimale, d’autant plus que l’interdiction le protège d’une influence indue pouvant avoir des conséquences néfastes pour sa santé.
Deuxièmement, et contrairement à la situation confrontant la Cour suprême dans l’arrêt RJR-MacDonald, il existe, relativement à la PDMO, des éléments de preuve établissant qu’un règlement moins attentatoire serait moins efficace que l’interdiction actuelle pour atteindre l’objectif. En effet, si nous examinons les modes alternatifs à l’interdiction de PDMO, nous concluons que seule l’interdiction actuelle de toute forme de publicité, sauf celle de comparaison des prix, permet de préserver l’intégrité propre à la relation patient-médecin et à l’acte de prescription, intégrité garante de la santé publique.
Le mode alternatif le plus susceptible d’être soulevé par CanWest Media Works et par les partisans de la PDMO est sans nul doute la légalisation de celle-ci, accompagnée d’un contrôle a priori du contenu des publicités, sous forme d’une autorisation de diffusion émise par une agence gouvernementale, un organe indépendant ou l’industrie elle-même. En obligeant les compagnies pharmaceutiques à vulgariser l’ensemble des risques associés à la consommation des médicaments d’ordonnance et à dévoiler les alternatives thérapeutiques, l’objectif gouvernemental de protection de la santé publique pourrait être sauf, voire même favorisé par l’éducation du public relativement aux maladies et traitements disponibles. Or, il n’en est rien, précisément en raison de la nature du produit publicisé.
Ce mode alternatif suppose tout d’abord qu’il est possible de vulgariser tous les risques relatifs à un médicament d’ordonnance. Selon un auteur américain pourtant favorable à la PDMO, cette tâche peut s’avérer impossible : «[r]educing the complexities of the medical/pharmaceutical/legal jargon involved to make all of these necessary warnings understandable to persons with no medical training is a burden impossible to meet»[164]. En effet, le caractère hautement technique du médicament d’ordonnance est une considération primordiale. Les destinataires de la PDMO ne seraient pas soumis à une publicité concernant un produit de consommation ordinaire, mais à des médicaments dont la dangerosité et la complexité exigent l’intervention d’intermédiaires compétents dans le choix et la vente, respectivement les médecins et les pharmaciens. À cela s’ajoute la vulnérabilité du public cible de la PDMO, dont la capacité à apprécier de façon rationnelle l’information est diminuée. Finalement, en plus de la difficulté relative à la vulgarisation des risques, il importe de tenir compte des contraintes posées par les modes de publicité télévisuelle et écrite, qui limitent la quantité d’information pouvant être transmise adéquatement[165].
Par ailleurs, la PDMO propose à ses destinataires un seul médicament comme option thérapeutique, alors que le médicament d’ordonnance, par sa nature, implique une évaluation par le médecin et le choix de la meilleure alternative thérapeutique en fonction des caractéristiques individuelles du patient. L’idée d’un contrôle a priori des publicités mentionnant l’ensemble des risques pour la santé respecte donc la nature du médicament d’ordonnance dans la seule mesure où toutes les alternatives thérapeutiques peuvent être et sont également publicisées. Cela est évidemment faux puisque la publicité des médicaments d’ordonnance est fondée sur des motifs commerciaux et non médicaux. Ainsi, les médicaments d’ordonnance les plus publicisés sont ceux qui ont récemment été brevetés et qui concernent des affections chroniques répandues. En bref, ceux qui rapportent le plus! Comme le dit fort bien Steve G. Morgan, «[e]conomictheory and historical experience indicates that the marketplace for ideas created by consumer directed drug advertisements would be imbalanced and biased»[166]. Puisque la contribution de la PDMO à un marché des idées ne peut qu’être limitée et tendancieuse, son interdiction est loin de porter une atteinte fatale à l’un des fondements de la liberté d’expression. Au contraire, cette réglementation constitue une atteinte minimale.
Tous ces biais dans l’appréciation des publicités portant sur des médicaments d’ordonnance, si complètes et scientifiques soient-elles au plan du contenu, démontrent qu’il est impossible de protéger la santé publique en permettant la PDMO. À ce sujet, nous avons examiné plusieurs études systématiques dont les conclusions démontrent que le public, influencé par la PDMO, consulte davantage les médecins, demande les médicaments spécifiques qui ont été publicisés et obtient plus souvent la drogue souhaitée. Cette influence sur le diagnostic et la prescription a pour conséquence une consommation inconsidérée de médicaments pouvant mettre en danger la santé publique. Ainsi, seule l’interdiction actuelle de PDMO permet d’atteindre l’objectif du législateur fédéral et de prévenir toute influence inadéquate de la publicité.
La pratique des publicités de rappel ne peut davantage constituer un mode alternatif moins attentatoire à la liberté d’expression commerciale. L’étude comparative entre des patients de Sacramento et de Vancouver menée par Barbara Mintzes et al. démontre que la publicité de rappel actuellement permise par Santé Canada a les mêmes effets que la PDMO intégrale permise aux États-Unis. En effet, les patients canadiens de l’étude ont demandé à leur médecin le médicament contraceptif Alesse, qui n’a fait l’objet d’aucune publicité chez nos voisins du Sud et qu’aucun Américain n’a demandé[167]. Nous savons par ailleurs que ce médicament a fait l’objet d’une intense campagne publicitaire au Canada[168]. Permettre la publicité de rappel ne pourrait donc favoriser l’atteinte de l’objectif de protection de la santé publique tout en portant une atteinte moindre à la liberté d’expression.
D’un côté pratique, mentionnons que les États-Unis ont présentement un système de contrôle a posteriori du contenu des publicités sur les médicaments d’ordonnance et que celui-ci présente des déficiences majeures en raison d’un manque de ressources humaines. De 1999 à 2001, quatre-vingt-huit lettres d’infractions à la réglementation sur le contenu ont été expédiées, alors que pour la seule année 2002, le nombre de publicités à examiner avait été chiffré à trente-quatre mille pour à peine cinq agents[169] ! La tâche est donc colossale et nécessiterait encore plus de ressources financières dans le cadre d’un système de contrôle a priori.
Ces considérations financières et administratives ne peuvent à elles seules valoir, mais rappelons que la légalisation de la PDMO aurait aussi pour conséquence une hausse des coûts des systèmes de santé et d’assurance-médicaments, évaluée entre 3 et 6,4 milliards de dollars[170]. En effet, nous avons vu que plusieurs études démontrent que la PDMO augmente le nombre de prescriptions et de consultations médicales. Or, au Canada, ces coûts seraient absorbés en grande partie par le système de santé public et par les régimes publics d’assurance-médicaments[171]. En 2004, le Comité permanent de la santé s’est d’ailleurs dit convaincu «de la véracité des données de recherche indiquant que la publicité de médicaments sur ordonnance s’adressant directement au consommateur contribue à l’augmentation de ces coûts»[172]. Il a de plus été démontré que la PDMO vise en majeure partie les médicaments récemment brevetés dont le prix est supérieur aux médicaments plus anciens ou génériques, ce qui constitue un autre facteur d’augmentation des coûts[173].
Selon la Cour suprême, «des considérations financières sont pertinentes pour déterminer la norme de révision à respecter dans l’application du critère de l’atteinte minimale»[174]. En l’espèce, les régimes concernés sont des programmes gouvernementaux de prestations sociales et, tenant compte de la situation de crise du secteur de la santé, reconnue comme un facteur contextuel important en 2007 dans l’arrêt de la Cour suprême Health Services and Support[175], ainsi que de l’ampleur des sommes en jeu, il est impossible de faire abstraction de la réalité budgétaire et de la nécessité de contrôler les coûts[176]. Cela invite donc les tribunaux à faire preuve de déférence judiciaire envers le seul moyen dont bénéficie le gouvernement fédéral pour éviter cette hausse des coûts, mais surtout pour protéger la santé publique[177].
En guise de remarques finales, rappelons qu’outre les États-Unis et la Nouvelle-Zélande, tous les autres États industrialisés interdisent la PDMO. L’interdiction n’est donc pas disproportionnée en fonction des mesures adoptées dans d’autres pays[178] et correspond de surcroît à celle prônée par l’Organisation mondiale de la santé[179].
En conclusion, l’interdiction de PDMO constitue une atteinte minimale au paragraphe 2b) de la Charte canadienne, car elle est la seule mesure permettant d’atteindre aussi efficacement l’objectif de protection de la santé publique. Les études systématiques sur les effets de la PDMO démontrent que la légalisation totale ou partielle de la PDMO ont toutes deux une influence inadéquate sur la relation patient-médecin susceptible de mettre en danger la santé publique.
3. La proportionnalité entre les effets bénéfiques et néfastes
L’arrêt Oakes imposait, comme troisième critère du test de la proportionnalité, l’analyse de l’équilibre entre les effets de la mesure restrictive et l’objectif poursuivi[180]. Par la suite, ce troisième critère a été modifié par la Cour suprême dans les arrêts Dagenais c. Société Radio-Canada[181] et Thomson Newspapers[182] : il est alors devenu celui de la proportionnalité entre les effets bénéfiques et les effets préjudiciables de la mesure.
En l’espèce, les effets préjudiciables de l’interdiction de PDMO sont principalement à caractère monétaire. Il est en effet possible que les compagnies pharmaceutiques, publicitaires et médiatiques perdent certains profits en raison de l’interdiction de la PDMO. L’appât du gain est d’ailleurs le motif du recours en inconstitutionnalité de CanWest Media Works[183]. Par contre, la Cour suprême a déjà reconnu que la Charte canadienne ne doit pas devenir l’instrument «dont se serv[en]t les plus favorisés pour écarter des lois dont l’objet est d’améliorer le sort des moins favorisés»[184]. Considérant la protection constitutionnelle moindre accordée à la liberté d’expression commerciale et cette mise en garde, nous soutenons que de tels intérêts pécuniaires ne devraient pas faire le poids face aux conséquences bénéfiques de l’interdiction de PDMO sur la santé publique.
Certains soutiendront également que l’interdiction de PDMO prive le consommateur d’informations à même d’aiguiser sa conscience quant à son état de santé et de favoriser les visites préventives chez le médecin permettant d’obtenir des diagnostics à un stade moins avancé de la maladie. Vu le caractère technique et scientifique des informations transmises par la PDMO, l’ignorance du consommateur en matière médicale et la nécessité d’un intermédiaire compétent — le médecin — entre le consommateur et le produit, cet effet néfaste de l’interdiction de PDMO est très discutable. Surtout, mentionnons que la publicité n’est pas un médium neutre de transmission d’information et qu’elle diffuse souvent des messages tendancieux ou incomplets. Par ailleurs, le préjudice lié à la privation d’information du consommateur semble fort mince, puisque que le régime actuel permet les annonces de recherche d’aide et la diffusion d’informations neutres, qu’elles soient présentées par une compagnie pharmaceutique ou par un organisme de sensibilisation[185]. Ces publicités, qui rappellent au patient l’existence d’un problème de santé sans l’associer à un médicament précis, constituent sans nul doute une source d’information beaucoup plus fiable et utile pour le public que la PDMO. L’interdiction de PDMO ne laisse donc pas le consommateur dans la torpeur de l’ignorance. En contrepartie de ses effets négatifs, l’interdiction de PDMO permet de contrôler les coûts des systèmes de soins de santé et d’assurance-médicaments contre la hausse qui résulterait d’une surmédicalisation de la société et de l’utilisation croissante des médicaments plus coûteux qui sont publicisés.
En résumé, puisque nous rejetons en majeure partie l’argument suivant lequel la PDMO a une valeur informative significative pour les «consommateurs» de médicaments, la mise en balance des effets négatifs liés aux intérêts mercantiles des compagnies et des effets positifs liés à la santé des Canadiens nous amène à la conclusion que l’exigence de proportionnalité est respectée[186]. Les effets bénéfiques de l’interdiction de PDMO sur la protection de la santé publique surpassent de loin ses effets néfastes sur les revenus des compagnies médiatiques et pharmaceutiques.
Conclusion
En conclusion, nous croyons que l’interdiction totale de PDMO prescrite à l’article C.01.044 RAD est constitutionnelle. D’une part, elle représente une atteinte à la liberté d’expression commerciale des compagnies pharmaceutiques et des sociétés médiatiques, qui ne peuvent s’adresser directement au consommateur autrement que par la publicité comparative de prix ou par le biais de messages de recherche d’aide. D’autre part, l’interdiction de PDMO restreint la liberté d’expression des consommateurs, qui sont privés d’information sur les médicaments d’ordonnance.
Toutefois, cette atteinte se justifie dans le cadre d’une société libre et démocratique. Protéger les Canadiens contre les effets préjudiciables de la PDMO sur la santé publique est un objectif dont la réalité et l’urgence sont attestées par les résultats de plusieurs études et revues systématiques. Ces dernières concluent en effet à une corrélation entre la PDMO et l’augmentation des prescriptions des médicaments publicisés. Au vu de cette preuve sociale, il existe un lien rationnel entre l’interdiction de PDMO et l’objectif visant à prévenir l’influence de telles publicités sur la relation entre le patient et le médecin, l’acte de prescription et ultimement la santé du patient. Certes, le véhicule choisi par le gouvernement fédéral est une prohibition quasi absolue de publicité aux consommateurs. Ce véhicule se justifie toutefois par la particularité du produit publicisé : les risques d’utilisation des médicaments d’ordonnance exigent l’intervention d’un intermédiaire compétent, le médecin, dans le choix de recourir ou non à un médicament d’ordonnance et dans la sélection du médicament approprié. L’atteinte est minimale, car aucun autre mode alternatif ne permettrait l’atteinte de cet objectif ambitieux. Au surplus, les tribunaux doivent faire preuve de déférence lorsque le législateur agit comme médiateur entre les intérêts de groupes opposés et qu’il a pris une décision résultant de l’analyse d’une preuve sociale complexe. Finalement, les effets négatifs qui résultent de l’interdiction de PDMO se calculent essentiellement, de l’aveu même de CanWest Media Works, en termes économiques[187] et ne font pas le poids face aux effets bénéfiques de celle-ci sur la protection de la santé publique.
Rappelons que nous avons interprété l’article C.01.044 RAD comme interdisant toute publicité de médicaments d’ordonnance, y compris les publicités de rappel. Notre conclusion finale quant à la constitutionnalité de cette disposition aurait pu être différente si nous avions plutôt retenu l’interprétation officielle de Santé Canada[188]. En jugeant licites les publicités de rappel, nous aurions métamorphosé notre prémisse de départ et ainsi modifié en profondeur l’analyse du test de Oakes, à commencer par l’exigence du lien rationnel. Cela nécessiterait évidemment une nouvelle analyse, à laquelle nous ne nous sommes pas livrées, bien que certains de nos commentaires s’appliqueraient sans doute a pari à cette autre réflexion.
Également, la validité constitutionnelle de l’interdiction de PDMO ne signifie pas pour autant que le système actuel soit parfait. Si nous croyons que la nature même du médicament d’ordonnance est incompatible avec la publicité directe aux consommateurs, nous sommes en accord avec CanWest Media Works pour dire que la transmission d’une meilleure information au patient sur les médicaments a des retombées positives sur la prévention et le traitement[189]. Loin de nous l’idée de nier les bienfaits de la transition d’une médecine paternaliste vers l’implication accrue du patient, qui a le droit d’être renseigné et de participer au processus décisionnel entourant son état de santé[190]. Or, cette information doit provenir d’un véhicule neutre à même de présenter une information objective sur les risques, les bénéfices ainsi que les alternatives thérapeutiques. Tant nos élus fédéraux[191] que des organismes et professionnels de la santé[192] en arrivent à cette conclusion. Le maintien du régime actuel ne devrait donc pas se doubler d’un immobilisme et des efforts doivent être accomplis aux plans de la sensibilisation, de la prévention et de l’information.
De plus, et il s’agit là d’une réflexion très pragmatique et utilitariste, l’interdiction de PDMO est bénéfique pour les fabricants, en ce qu’elle maintient la règle de l’intermédiaire compétent qui les protège de toute responsabilité directe envers les consommateurs pour dommages corporels reliés à la consommation de médicaments d’ordonnance. Si la PDMO était permise, nul doute qu’un lourd fardeau retomberait sur les épaules des fabricants, qui auraient alors pour obligation de transmettre et de vulgariser des «renseignements clairs, complets et à jour concernant les dangers inhérents à l’utilisation normale»[193] des médicaments d’ordonnance. Nous avons déjà mentionné qu’un auteur considère cette tâche comme étant impossible[194]. De l’avis d’autres auteurs, une telle impossibilité révèle que certains médicaments dont les risques ne peuvent être vulgarisés ne devraient tout simplement pas pouvoir faire l’objet de publicité aux États-Unis, où la PDMO est présentement permise[195]. Quoi qu’il en soit, les difficultés reliées à la reconnaissance d’une telle obligation de renseignement et les développements jurisprudentiels américains dont nous avons traité précédemment démontrent que les compagnies pharmaceutiques ont peut-être plus à perdre qu’à gagner avec la PDMO et que son interdiction ne leur est pas aussi préjudiciable qu’il paraît[196]. Par contre, les compagnies médiatiques telles que CanWest Media Works, ont, elles, tout à gagner d’une légalisation de la PDMO !
Surtout, souvenons-nous que la publicité destinée aux consommateurs n’est qu’un seul des deux axes de la publicité des médicaments d’ordonnance et que les médecins et autres professionnels de la santé ont tout autant avantage à recevoir une information objective. Il serait donc intéressant de poursuivre la recherche sous cet angle en examinant le système actuel de publicité faite aux médecins. Ce système, géré à la fois par le Conseil consultatif de publicité pharmaceutique[197] en ce qui concerne les publicités écrites et par les compagnies de recherche pharmaceutique du Canada[198] relativement aux représentations pharmaceutiques et aux dons, est sujet à bien des critiques[199]. Il serait par conséquent essentiel de le reconsidérer dans le but d’établir un plan d’action concerté susceptible d’assurer la diffusion d’une information objective tant aux patients qu’aux professionnels de la santé.
Appendices
Remerciement
Les auteures désirent remercier Me Mathieu Gagné pour d’enrichissantes discussions sur le sujet, le professeur Pierre-Claude Lafond pour leur avoir suggéré l’idée originale de l’article, le professeur Thierry Bourgoignie pour son soutien, ainsi que le professeur Hugo Cyr pour ses encouragements.
Notes
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[*]
Les opinions exprimées dans cet article sont uniquement celles des auteures et n’engagent aucunement la Cour. Pour une réflexion complémentaire sur le sujet par les mêmes auteures, voir «La publicité des médicaments d’ordonnance : étude comparative des régimes canadien et américain» dans Thierry Bourgoignie, dir., Propos autour de l’effectivité du droit de la consommation, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2008.
-
[1]
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11 [Charte canadienne].
-
[2]
Voir Peter W. Hogg, Constitutional Law of Canada, Toronto, Thomson & Carswell, 2006 à la p. 749 [Hogg].
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[3]
Selon le site Internet de CanWest Media Works, les journaux détenus par ce groupe sont lus hebdomadairement par près de 4,8 millions de personnes, alors que près de 100% de la population canadienne anglophone aurait accès à ses stations de télévision. Voir CanWest Media Works, «The Company», en ligne : CanWest MediaWorks <http://www.canwestmediaworks.com/>.
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[4]
CanWest Media Works v. Canada (A.G.), [2006] 152 A.C.W.S. (3e) 804, 2006 CanLII 37405 (C.S. Ont.) ; CanWest Media Works v. Canada (A.G.), 2007 ONCA 567, 227 O.A.C. 116.
-
[5]
Ces intervenants se sont d’ailleurs regroupés en une coalition agissant à titre d’intervenant au litige : CanWest MediaWorks v. Canada (A.G.), 2006 CanLII 37258 (C.S. Ont.).
-
[6]
Voir Barbara Mintzes et Rosanna Baraldi, «La publicité directe aux consommateurs des médicaments d’ordonnance : Quand la protection de la santé n’est plus une priorité» (2006-2007), en ligne : Action pour la protection de la santé des femmes <http://www.whp-apsf.ca/fr/documents/ pdmo_pr.html> [Action pour la protection de la santé des femmes, «La PDMO»] ; Union des consommateurs, «La publicité des médicaments d’ordonnance ? Parlez-en à votre député» (2006), en ligne : Union des consommateurs <http://www.consommateur.qc.ca/union/PubRxNON.htm> [Union des consommateurs, «La PDMO ?» ] ; Barbara Mintzes, «Publicité directe aux consommateurs des médicaments d’ordonnance au Canada : Quelles en sont les conséquences sur la santé publique ?» (janvier 2006), en ligne : Conseil canadien de la santé <http://www.healthcouncilcanada.ca/docs/papers/2006/hcc_dtc-advertising_200601_f_v6.pdf> [Mintzes, «PDMO au Canada»].
-
[7]
En autorisant la PDMO, la Food and Drug Administration des États-Unis vise à favoriser ces effets présumés de la publicité. Voir Richard A. Hansen et Marcus Droege, «Methodological Challenges Surrounding Direct-to-Consumer Advertising Research — The Measurement Conundrum» (2005) 1 Research in Social and Administrative Pharmacy 331 à la p. 344.
-
[8]
Voir Santé Canada, «Renouveau de la législation — Document de référence : Publicité directe des médicaments d’ordonnance» (2003) aux pp. 5-7 [non publié] [Santé Canada, «Renouveau de la législation»].
-
[9]
Voir CanWest Media Works v. Canada (A.G.) [Jugement non rendu] (23 décembre 2005) Toronto 05-CV-303001PD2 (affidavit de Arturo Duran, 22 décembre 2005 aux para. 8, 12-13) (C.S. Ont.) [CanWest Media] [Affidavit de Arturo Duran]. Les dépenses des compagnies pharmaceutiques américaines en matière de PDMO connaissent d’ailleurs une augmentation constante, passant de 11,4 milliards de dollars américains en 1996 à 29,9 milliards en 2005, faisant ainsi l’envie des publicitaires canadiens. Voir Julie M. Donohue, Marisa Cevasco et Meredith B. Rosenthal, «A Decade of Direct-to-Consumer Advertising of Prescription Drugs» (2007) 357 New Eng. J. Med. 673 à la p. 675.
-
[10]
Alliance pour l’accès à l’information médicale, «Résultats du sondage Ipsos-Reid : le public canadien est solidement en faveur de la publicité directe aux consommateurs des médicaments sur ordonnance» (31 janvier 2002), en ligne : Association canadienne des radiodiffuseurs <http://www.cab-acr.ca/french/research/02/ipsoread_dtca_jan3102.pdf>. Ce sondage a été mené en 2002 auprès d’un échantillon aléatoire de mille cinq cent trois Canadiens. Les résultats sont précis à plus ou moins 2,5%, 95% du temps. Selon ce même sondage, 53% des Canadiens croyaient que la PDMO était légale au pays.
-
[11]
Nous n’avons recensé que deux articles juridiques concernant la constitutionnalité de l’interdiction des PDMO : Jennifer L. Gold, «Paternalistic or Protective ? Freedom of Expression and Direct-to-Consumer Drug Advertising Policy in Canada» (2003) 11:2 Health Law Review 30 [Gold, «Paternalistic or Protective»] ; Rhonda R. Shirreff, «For Them to Know and You to Find Out : Challenging Restrictions on Direct-to-Consumer Advertising of Contraceptive Drugs and Devices» (2000) 58 U.T. Fac. L. Rev. 121.
-
[12]
Loi sur les aliments et drogues, L.R.C. 1985, c. F-27, art. 3 [LAD] ; Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., c. 870, art. C.01.044 [RAD].
-
[13]
Voir notamment R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103, 26 D.L.R. (4e) 200 [Oakes avec renvois aux R.C.S.].
-
[14]
Santé Canada, «Renouveau de la législation», supra note 8 à la p. 5.
-
[15]
LAD, supra note12, art. 2.
-
[16]
Voir Santé Canada, «Distinction entre les activités publicitaires et les autres activités» (1996), en ligne : Santé Canada à la p. VI <http://www.hc-sc.gc.ca/dhp-mps/alt_formats/hpfb-dgpsa/pdf/advert-publicit/actv_promo_vs_info-fra.pdf>.
-
[17]
Supra note 12, art. 3. Cet article est ainsi libellé :
Il est interdit de faire, auprès du grand public, la publicité d’un aliment, d’une drogue, d’un cosmétique ou d’un instrument à titre de traitement ou de mesure préventive d’une maladie, d’un désordre ou d’un état physique anormal énumérés à l’annexe A ou à titre de moyen de guérison.
-
Il est interdit de vendre à titre de traitement ou de mesure préventive d’une maladie, d’un désordre ou d’un état physique anormal énumérés à l’annexe A, ou à titre de moyen de guérison, un aliment, une drogue, un cosmétique ou un instrument :
représenté par une étiquette ;
dont la publicité a été faite auprès du grand public par la personne en cause.
-
[18]
Par extension, les allégations mentionnant des synonymes ou des sous-ensembles des maladies listées à l’annexe A et celles concernant les signes et symptômes des maladies de cette même liste enfreindraient cette disposition[0].
-
[19]
Le libellé de l’article 3 actuel est donc identique à celui introduit par An Act respecting Food, Drugs, Cosmetics and Therapeutic Devices, L.C. 1953, c. 38, art. 3, à l’exception de l’ajout de l’alinéa 3 concernant les produits anticonceptionnels de la Loi modifiant la Loi des aliments et drogues et la Loi sur les stupéfiants, ainsi que, par voie de conséquence, le Code criminel, L.C. 1968-69, c. 41, art. 2.
-
[20]
Règlement modifiant certains règlements pris en vertu de la Loi sur les aliments et drogues (projet 1539), D.O.R.S./2007-288 ; Règlement modifiant l’Annexe A de la Loi sur les aliments et drogues et le Règlement sur les instruments médicaux (projet 1539), D.O.R.S./2007-289.
-
[21]
(1989), 51 C.C.C. (3e) 104, 26 C.P.R. (3e) 385 (C.P. Ont.) [Thomas Lipton avec renvois aux C.C.C.]. La constitutionnalité de cette disposition a également été confirmée dans l’affaire R. c. Compagnie Easy-Ac Product & Service Ltd. (20 décembre 1990), Hull 550-01-005409-885, [1991] SOQUIJ AZ-91031207 (C.Q. crim. & pén.), conf. par (7 juin 1991), Hull 550-36-000003-911, J.E. 91-1379, SOQUIJ AZ-91021496 (C.S.), conf. par (27 septembre 1993), Montréal 500-10-000307-916 (C.A.), autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, 23874 (31 mars 1994), demande de réexamen de la requête pour autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, 23874 (8 septembre 1994) au sujet de la publicité d’un aliment comme traitement du cancer. Les motifs du jugement sont toutefois peu élaborés.
-
[22]
RAD, supra note 12, art. C.01.041.
-
[23]
Santé Canada, «Campagnes de publicité comprenant des messages avec ou sans mention de marque» (novembre 2000), en ligne : Santé Canada <http://www.hc-sc.gc.ca/dhp-mps/alt_formats/hpfb-dgpsa/pdf/advert-publicit/advert-pub_camp_final_2005-08-fra.pdf> [Santé Canada, «Avec ou sans mention de marque»].
-
[24]
Ces trois organismes se fondent tous sur un même document de Santé Canada, qui ne donne quant à lui aucune référence à l’appui de cette affirmation. Voir Comité permanent de la santé, «Dans l’armoire à pharmacie : Premier rapport sur la dimension santé des médicaments sur ordonnance» (avril 2004), en ligne : Comités de la Chambre des communes à la p. 12 <http://cmte.parl.gc.ca/cmte/CommitteePublication.aspx?COM=8791&SourceId=213559&SwitchLanguage=1> [Comité permanent de la santé, «Dans l’armoire à pharmacie»] ; Action pour la protection de la santé des femmes, «La PDMO», supra note 6 ; Union des consommateurs, «La PDMO ?», supra note 6.
-
[25]
Act respecting Food, Drugs, Cosmetics and Therapeutic Devices, supra note 19.
-
[26]
D.O.R.S./53-212, art. 14.
-
[27]
RAD, supra note 12, mod. par D.O.R.S./78-424, art. 5.
-
[28]
Cette formulation a été introduite par le D.O.R.S./93-202, art. 7.
-
[29]
Voir Mathieu Gagné, Le droit des médicaments, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2005 à la p. 316.
-
[30]
Ibid.
-
[31]
Voir Pierre-André Côté, Interprétation des lois, 3e éd., Montréal, Thémis, 1999 à la p. 691.
-
[32]
Ibid. aux pp. 692-693.
-
[33]
Selon cette approche, que nous adoptons, la «règle du sens clair des textes» n’est jamais une fin en soi et l’interprète doit chercher le sens d’une disposition en recourant à toutes les méthodes d’interprétation et en pondérant leurs résultats lorsque ceux-ci divergent. Voir ibid. aux pp. 318-321. Cette approche est celle du «principe moderne d’interprétation» suivant Ruth Sullivan, Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, 4e éd., Markham (Ont.), Butterworths, 2002 aux pp. 1-3. Elle a été endossée par la Cour suprême dans Re Rizzo & Rizzo Shoes Ltd., [1998] 1 R.C.S. 27 aux para. 40-41, 154 D.L.R. (4e) 193.
-
[34]
Voir Denis Lemieux, Le contrôle judiciaire de l’action gouvernementale, Brossard (Qc), Publications CCH, 2007 à la p. 1453 : un tribunal n’est pas lié par l’interprétation administrative qui constitue de surcroît une source extrinsèque.
-
[35]
425 U.S. 748, 96 S.Ct. 1817 (1976) [Virginia].
-
[36]
L.C. 1960, c. 44, art. 1d). Bien que l’application faite par les tribunaux de la Déclaration canadienne des droits fusse estimée timide, il fut reconnu qu’elle pouvait fonder une déclaration d’invalidité ou justifier l’octroi d’une compensation. Voir R. c. Drybones, [1970] R.C.S. 282, 9 D.L.R. (3e) 473 ; Hogan c. La Reine, [1975] 2 R.C.S. 574, 48 D.L.R. (3e) 427 ; Hogg, supra note 2 aux pp. 732, n. 22-23, 737, n. 49 pour la jurisprudence à ce sujet.
-
[37]
Selon les tenants de cette théorie, la loi constitutionnelle de 1867 imposerait des limites à la souveraineté parlementaire en garantissant implicitement certains droits fondamentaux par le biais de son préambule. Voir Hogg, ibid. aux pp. 722-725.
-
[38]
La plupart des régimes provinciaux ont vu le jour durant les années 1970, mais ne couvraient alors que certains segments de la population tels que les bénéficiaires de l’aide sociale et les personnes âgées. Voir Linda Tennant, «L’expérience canadienne des régimes publics d’assurance-médicaments», dans Conférence sur les approches nationales de l’assurance-médicaments, Saskatoon, 18 au 20 janvier 1998, Santé Canada, Rapport par Karen Graham, Ottawa, Santé Canada, 1998, 18. Par exemple, celui du Québec a été créé en 1970 et ne couvrait alors que les bénéficiaires de l’aide sociale. Sept ans plus tard, il couvrait en plus toutes les personnes âgées de 65 ans et plus. Voir Louise Blain, L’assurance-médicaments : les conséquences de la mixité du régime sur l’accès équitable aux médicaments, mémoire de maîtrise en droit social et du travail, Université du Québec à Montréal, 2000 à la p. 40 [non publié]. En 1996, trois provinces avaient établi un régime dit universel. Voir Québec, Comité d’experts sur l’assurance-médicaments, L’assurance-médicaments : des voies de solution, Québec, Ministère de la Santé et des Services Sociaux, 1996 aux pp. 33-35. En 2001, deux provinces ne couvraient toujours que les citoyens âgés à faible revenu alors que dans toutes les autres, les personnes de plus de 65 ans étaient couvertes. À cette époque, seules six provinces offraient un régime universel moyennant une franchise variable. Voir Ake Blomqvist et Jing Xu, L’assurance-médicaments au Canada : enjeux et options, Ottawa, Santé Canada, 2001 à la p. 13.
-
[39]
Bien que le principe de précaution ne soit pas expressément prévu dans la LAD ou le RAD, il est au coeur de l’action de Santé Canada en ce qui a trait aux médicaments d’ordonnance. En effet, l’homologation d’un médicament au Canada est soumise à un processus d’approbation en deux étapes : les essais cliniques et la présentation. Leur aboutissement est l’émission d’un avis de conformité aux seuls médicaments dont l’innocuité, l’efficacité et la qualité sont jugées suffisantes eu égard aux avantages et aux risques potentiels de la drogue. La présentation d’une drogue nouvelle doit notamment contenir «des preuves substantielles de l’efficacité clinique de la drogue», «les rapports détaillés des épreuves effectuées en vue d’établir l’innocuité de la drogue nouvelle» et la déclaration des contre-indications et des effets secondaires. Voir RAD, supra note 12, art. C.08.002 ; Santé Canada, «Démarche d’homologation des médicaments», en ligne : Santé Canada <http://www.hc-sc.gc.ca/dhp-mps/homologation-licensing/system/map-carte/index-fra.php>. Ce système de gestion des risques constitue l’instrument d’une politique sociale et économique qui adopte implicitement une approche de précaution. Tout comme l’homologation des médicaments, leur publicisation, régie par le même cadre législatif et réglementaire, est susceptible d’avoir des effets sur la santé publique. Voir CanWest Media, supra note 9, (preuve de la défenderesse, affidavit de Joel Lexchin) au para. 77, en ligne : Canadian Health Coalition <http://www.healthcoalition.ca/dtca2007-3.pdf> [Affidavit de Joel Lexchin].
-
[40]
La comparaison concerne les régimes canadien et américain. Voir Mintzes, «PDMO au Canada», supra note 6 aux pp. 17-18.
-
[41]
Ibid. à la p. 8.
-
[42]
Voir supra note 21.
-
[43]
Voir par ex. R. c. Guignard, 2002 CSC 14, [2002] 1 R.C.S. 472 aux para. 19-21, 209 D.L.R. (4e) 549 [Guignard] ; R. c. Sharpe, 2001 CSC 2, [2001] 1 R.C.S. 45 au para. 21, 194 D.L.R. (4e) 1 [Sharpe] ; R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697 aux pp. 762-764, 61 C.C.C. (3e) 1 [Keegstra] ; Irwin Toy Ltd. c. Québec (P.G.), [1989] 1 R.C.S. 927 à la p. 968, 58 D.L.R. (4e) 577 [Irwin Toy] ; Edmonton Journal c. Alberta (P.G.), [1989] 2 R.C.S. 1326 à la p. 1336, 64 D.L.R. (4e) 577 [Edmonton Journal] ; SDGMR c. Dolphin Delivery Ltd., [1986] 2 R.C.S. 573 aux pp. 583-586, 33 D.L.R. (4e) 174 [Dolphin Delivery].
-
[44]
Les termes «expression commerciale» n’ont pas de signification en droit constitutionnel canadien et ils sont utilisés par la doctrine et la jurisprudence par simple souci de commodité pour qualifier un type d’expression qui vise essentiellement à vendre des biens et services et dont la publicité et les activités promotionnelles sont les formes les plus pures. Voir Ford c. Québec (P.G.), [1988] 2 R.C.S. 712[0] aux pp. 754-755, 54 D.L.R. (4e) 577 [Ford] ; Elizabeth L. McNaughton et Christopher M. Goodridge, «The Canadian Approach to Freedom of Expression and the Regulation of Food and Drug Advertising» (2003) 58 Food & Drug L.J. 521 à la p. 524 ; Keith Dubick, «Commercial Expression : A “Second-Class” Freedom ?» (1996) 60 Sask. L. Rev. 91 à la p. 92 ; Robert J. Sharpe, «Commercial Expression and the Charter» (1987) 37 U.T.L.J. 229 à la p. 230.
-
[45]
(1985), 16 D.L.R. (4e) 489 aux pp. 536-38, 50 O.R. (2e) 118 (C. div. Ont.).
-
[46]
Supra note 44.
-
[47]
Ibid. à la p. 767.
-
[48]
Supra note 43.
-
[49]
Une telle interprétation généreuse vise à donner un plein effet aux droits garantis par la Charte canadienne. Voir Hunther c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145 à la p. 156, 11 D.L.R. (4e) 641.
-
[50]
Voir Keegstra, supra note 43.
-
[51]
Voir Dolphin Delivery, supra note 43.
-
[52]
Voir Renvoi relatif à l’article 193 et à l’article 195(1)c) du Code criminel (Man.), [1990] 1 R.C.S. 1123, 56 C.C.C. (3e) 65 [Renvoi relatif à la prostitution avec renvois aux R.C.S.].
-
[53]
Voir R. c. Butler, [1992] 1 R.C.S. 452, 89 D.L.R. (4e) 449 [Butler avec renvois aux R.C.S.].
-
[54]
Voir R. c. Lucas, [1998] 1 R.C.S. 439[0], 157 D.L.R. (4e) 423 [Lucas avec renvois aux R.C.S.].
-
[55]
Voir Thomson Newspapers c. Canada (P.G.), [1998] 1 R.C.S. 877, 159 D.L.R. (4e) 385 [Thomson Newspapers avec renvois aux R.C.S.].
-
[56]
Voir Libman c. Québec (P.G.), [1997] 3 R.C.S. 569, 151 D.L.R. (4e) 385 [Libman avec renvois aux R.C.S.].
-
[57]
Voir Renvoi relatif à la prostitution, supra note 52 à la p. 1185, juge Lamer : la criminalisation d’un comportement ayant un contenu expressif n’exclut pas automatiquement celui-ci de la protection du paragraphe 2b) de la Charte canadienne.
-
[58]
Voir Canada (P.G.) c. JTI-MacDonald, 2007 CSC 30, [2007] 2 R.C.S. 610, 281 D.L.R. (4e) 589 [JTI-MacDonald avec renvois aux R.C.S.] ; Irwin Toy, supra note 43 ; Rocket c. Collège royal des chirurgiens dentistes d’Ontario, [1990] 2 R.C.S. 232, 71 D.L.R. (4e) 68 [Rocket avec renvois aux R.C.S.][0] ; RJR-MacDonald Inc. c. Canada (P.G.), [1995] 3 R.C.S. 199, 127 D.L.R. (4e) 1 [RJR-MacDonald avec renvois aux R.C.S.] ; Renvoi relatif à la prostitution, ibid. ; Ford, supra note 44; Guignard, supra note 43.
-
[59]
Charte canadienne, supra note 1, art. 1.
-
[60]
Supra note 13.
-
[61]
Voir par ex. Pierre Blache, «The Criteria of Justification Under Oakes : Too Much Severity Generated Through Formalism» (1991) 20 Man. L.J. 437 ; Norman Siebrasse, «The Oakes Test : An Old Ghost Impeding Bold New Initiatives» (1991) 23 R.D. Ottawa 99 ; Errol P. Mendes, «In Search of a Theory of Social Justice : The Supreme Court Reconceives the Oakes Test» (1990) 24 R.J.T. 1.
-
[62]
Voir R. c. Wholesale Travel Group, [1991] 3 R.C.S. 154 à la p. 256, 84 D.L.R. (4e) 161 [Wholesale Travel] ; Keegstra, supra note 43 aux pp. 734-738 ; R. c. Edwards Books and Art Ltd., [1986] 2 R.C.S. 713 aux pp. 768-769, 794-795, 35 D.L.R. (4e) 1 [Edwards Books] ; États-Unis d’Amérique c. Cotroni ; États-Unis d’Amérique c. El Zein, [1989] 1 R.C.S. 1469 aux pp. 1489-1490, 48 C.C.C. (3e) 193 ; RJR-MacDonald, supra note 58 («[L]e critère formulé dans l’arrêt Oakes doit être appliqué avec souplesse, compte tenu du contexte factuel et social de chaque cas particulier» au para. 132).
-
[63]
Voir par ex. Comité pour la République du Canada c. Canada, [1991] 1 R.C.S. 139 aux pp. 192, 246, 77 D.L.R. (4e) 385 ; Wholesale Travel, ibid. aux pp. 190-191, 225 ; Rocket, supra note 58 aux pp. 232, 246-247 ; R. c. Seaboyer, [1991] 2 R.C.S. 577 à la p. 647, 83 D.L.R. (4e) 193 ; Young c. Young, [1993] 4 R.C.S. 3 aux pp. 98, 124, 108 D.L.R. (4e) 193 ; R. c. L. (D.O.), [1993] 4 R.C.S. 419 à la p. 438, 85 C.C.C. (3e) 289 ; Comité paritaire de l’industrie de la chemise c. Sélection Milton, [1994] 2 R.C.S. 406 à la p. 445, 4 C.C.E.L. (2e) 214 ; R. c. Jones, [1994] 2 R.C.S. 229 à la p. 288, 114 D.L.R. (4e) 645 ; Dunmore c. Ontario (P.G.), 2001 CSC 94, [2001] 3 R.C.S. 1016 au para. 49, 207 D.L.R. (4e) 193 [Dunmore].
-
[64]
Supra note 43.
-
[65]
Ibid. à la p. 1356.
-
[66]
Thomson Newspapers, supra note 55 aux para. 87-88.
-
[67]
Voir Barbara Billingsley, «Oakes at 100 : A Snapshot of the Supreme Court’s Application of the Oakes Test in Social Policy v. Criminal Policy Cases» (2006) 35 Sup. Ct. L. Rev. (2e) 347 aux pp. 355, 369.
-
[68]
Il est largement reconnu que «[l]e degré de protection constitutionnelle peut varier selon la nature de la forme d’expression en cause» : Thomson Newspapers, supra note 55 au para. 91. Voir aussi Edmonton Journal, supra note 43 aux pp. 1355-1356 ; Sharpe, supra note 43 au para. 181, juges L’Heureux-Dubé, Gonthier et Bastarache ; Rocket, supra note 58 aux pp. 241-242, 247 ; Keegstra, supra note 43 aux pp. 760, 765 ; RJR-MacDonald, supra note 58 aux para. 71-75, 132 ; Libman, supra note 56 au para. 60 ; Lucas, supra note 54 au para. 34.
-
[69]
Voir Rocket, ibid. ; Irwin Toy, supra note 43 à la p. 976 ; RJR-MacDonald, ibid. aux para. 170-171. Contra Guignard, supra note 43 au para. 21.
-
[70]
Lucas, supra note 54 à la p. 442.
-
[71]
Keegstra, supra note 43 à la p. 763.
-
[72]
Voir Dubick, «Commercial Expression», supra note 44 à la p. 26.
-
[73]
Guignard, supra note 43 au para. 21.
-
[74]
Rocket, supra note 58 à la p. 242. La distance de l’expression ayant un but économique de «l’essence de la garantie de la liberté d’expression» est aussi soulignée dans le Renvoi relatif à la prostitution, supra note 52 à la p. 1136, juge en chef Dickson.
-
[75]
Richard Moon, «Justified Limits on Free Expression : The Collapse of the General Approach to Limits on Charter Rights» (2002) 40 Osgoode Hall L.J. 337 aux pp. 354-355.
-
[76]
Rocket, supra note 58 à la p. 247.
-
[77]
Michael L. Rothschild, Advertising : From Fundamentals to Strategies, Lexington, D.C. Health, 1987 à la p. 8, tel que cité dans RJR-MacDonald, supra note 58 au para. 76, juge La Forest.
-
[78]
Voir Irwin Toy, supra note 43 à la p. 987 ; Sharpe, supra note 43 au para. 169, juges L’Heureux-Dubé, Gonthier et Bastarache ; Butler, supra note 53 aux pp. 464, 505 ; Wholesale Travel, supra note 62 aux pp. 233-234 ; RJR-MacDonald, ibid. aux para. 66, 76. Voir aussi Thomas Lipton, supra note 21 à la p. 121.
-
[79]
Voir Mansi B. Shah et al., «Direct-to-Consumer Advertising and the Patient-Physician Relationship» (2005) 1 Research in Social and Administrative Pharmacy 211 à la p. 218.
-
[80]
Union des consommateurs, Action pour la protection de la santé des femmes, «Rapport minoritaire : Groupe de travail externe sur l’article 3 et l’annexe A» (8 décembre 2003) aux pp. 3-4 [non publié].
-
[81]
Pour illustrer ce propos, nous reprenons un exemple cité par Mathieu Gagné, supra note 29 aux pp. 297-299. Dans l’affaire Canada (P.G.) c. Beurre Hoche Canada (5 décembre 1996), Kamouraska (Rivière-du-Loup), 250-72-000145-961, J.E. 97-435 (C.Q. crim & pén.), une publicité a été jugée trompeuse car elle mentionnait que le produit contenait 85% moins de cholestérol que le beurre ordinaire. Si la proposition n’était pas mensongère au plan scientifique, le produit contenait autant de gras saturé que le beurre et les deux termes portaient à confusion pour les consommateurs qui croyaient acheter un produit moins nocif pour la santé.
-
[82]
Rocket, supra note 58 à la p. 248.
-
[83]
Oakes, supra note 13 à la p. 106.
-
[84]
Voir Antoine Bigenwald, «L’évaluation des objectifs législatifs en vertu de l’article premier de la Charte canadienne des droits et libertés» (1994) 35 C. de D. 779 aux pp. 812-820 ; Sujit Choudhry, «So What Is the Real Legacy of Oakes ? Two Decades of Proportionality Analysis under the Canadian Charter’s Section 1» (2006) 34 Sup. Ct. L. Rev. (2e) 501 aux pp. 509-510. L’auteur souligne par contre que certaines décisions récentes reviennent à une application plus stricte de ce premier critère. Voir Figueroa c. Canada (P.G.), 2003 CSC 37, [2003] 1 R.C.S. 912, 227 D.L.R. (4e) 1 ; R. c. Advance Cutting and Coring Ltd., 2001 CSC 70, [2001] 3 R.C.S. 209, 205 D.L.R. (4e) 385.
-
[85]
R. c. Whyte, [1988] 2 R.C.S. 3 à la p. 21, 51 D.L.R. (4e) 481.
-
[86]
Renvoi relatif à la prostitution, supra note 52 à la p. 1190, juge Lamer.
-
[87]
Voir Bigenwald, «L’évaluation des objectifs législatifs», supra note 84 à la p. 800 ; Luc Huppé, «Quelques objectifs législatifs suffisamment importants aux fins de l’article 1 de la Charte» (1991) 51 R. du B. 294 à la p. 295.
-
[88]
Voir Bigenwald, «L’évaluation des objectifs législatifs», ibid. à la p. 801.
-
[89]
Voir Sauvé c. Canada (Directeur général des élections), 2002 CSC 68, [2002] 3 R.C.S. 519 aux para. 19-23, 218 D.L.R. (4e) 577 [Sauvé].
-
[90]
RJR-MacDonald, supra note 58 aux para. 143-146.
-
[91]
Voir R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295 aux pp. 334-336, 18 D.L.R. (4e) 321 (rejet de la théorie de l’objet changeant). Voir aussi Butler, supra note 53 à la p. 494 ; R. c. Zundel, [1992] 2 R.C.S. 731 à la p. 761, 95 D.L.R. (4e) 102 [Zundel]. La dissidence des juges Cory et Iacobucci dans cette dernière affaire redéfinit quant à elle un objectif législatif périmé (ibid. aux pp. 814-819).
-
[92]
Gold, «Paternalistic or Protective», supra note 11 aux para. 13-17.
-
[93]
Voir Hogg, supra note 2 à la p. 843. Voir aussi Irwin Toy, supra note 43 à la p. 984.
-
[94]
Irwin Toy, ibid. aux pp. 984 et s.
-
[95]
Edmonton Journal, supra note 43 à la p. 1343 ; Butler, supra note 53 à la p. 492 ; Zundel, supra note 91 aux pp. 764, 777.
-
[96]
Voir Santé Canada, «Renouveau de la législation — Document de référence. Médicament d’ordonnance (Annexe F)» (18 juin 2003) aux pp. 22-23 [non publié].
-
[97]
Dans l’arrêt Irwin Toy, supra note 43 à la p. 987, la protection des enfants, un groupe particulièrement vulnérable, contre les techniques de séduction et de manipulation de la publicité a été qualifiée d’objectif urgent et réel. Selon l’arrêt Rocket, supra note 58 à la p. 248, la protection de consommateurs vulnérables qui ne sont pas des spécialistes contre la publicité irresponsable et trompeuse de services dentaires constitue aussi un objectif réel et urgent. Finalement, dans l’arrêt RJR-MacDonald, supra note 58 au para. 66, juge La Forest, dissident et aux para. 144-146, juge McLachlin, tant la majorité que la minorité a reconnu le caractère réel et urgent de l’objectif sous-tendant l’interdiction de publicité et de promotion des produits du tabac. La majorité a toutefois cru nécessaire de reformuler l’objectif de protection de la santé publique contre les effets préjudiciables de la publicité, qu’elle jugeait trop large.
-
[98]
Thomas Lipton, supra note 21 à la p. 123 : «[t]he objective of protecting our society from the significant ills associated with the advertising in question».
-
[99]
Ciba-Geigy Canada Ltd. c. Apotex, [1992] 3 R.C.S. 120 à la p. 151, 95 D.L.R. (4e) 385.
-
[100]
Notons que la majorité de la Cour suprême, dans l’affaire Irwin Toy, supra note 43, a éludé complètement cette question. Elle a en effet jugé que la protection des enfants contre la publicité constituait un objectif urgent et réel sans même identifier et analyser le préjudice qui pouvait découler d’une telle publicité. Dans sa dissidence, le juge McIntyre souligne d’ailleurs que le tort que la publicité fait subir aux enfants n’a pas été démontré (ibid. à la p. 1007).
-
[101]
Bigenwald, «L’évaluation des objectifs législatifs», supra note 84 à la p. 785.
-
[102]
Simon Gilbody, Paul Wilson et Ian Watt, «Benefits and Harms of Direct to Consumer Advertising : A Systematic Review» (2005) 14 Quality and Safety in Health Care 246.
-
[103]
Ibid. à la p. 247. Voir aussi Mintzes, «PDMO au Canada», supra note 6 à la p. 40. L’auteure fournit des définitions de ces différentes méthodes d’études :
Essais contrôlés randomisés à double insu (en double aveugle) : Il s’agit d’un plan d’expérience où les gens sont affectés à deux groupes de comparaison ou groupes témoins et plus. La randomisation vise à éliminer les biais ou les différences systématiques entre ces groupes [...] Études contrôlées par cohortes : Il s’agit de suivre et de comparer dans le temps deux groupes et plus ayant des expositions différentes à une intervention [...] Études contrôlées avant-après : Il s’agit de comparer deux groupes analogues et plus avant et après une intervention. [...] Études transversales contrôlées : On compare à un moment quelconque deux groupes et plus ayant des degrés différents d’exposition.
-
[104]
Lisa R. Basara, «The Impact of a Direct-to-Consumer Prescription Medication Advertising Campaign on New Prescription Volume» (1996) 30 Drug Information Journal 715.
-
[105]
Woodie M. Zachry III et al., «Relationship Between Direct-to-Consumer Advertising and Physician Diagnosing and Prescribing» (2002) 59 American Journal of Health System Pharmacy 42.
-
[106]
Geert W’t Jong, Bruno H.Ch. Stricker et Miriam C.J.M. Sturkenboom, «Marketing in the Lay Media and Prescriptions of Terbinafine in Primary Care : Dutch Cohort Study» (2004) 328 British Medical Journal 931.
-
[107]
Ibid. à la p. 931.
-
[108]
Barbara Mintzes et al., «How Does Direct-to-Consumer Advertising (DTCA) Affect Prescribing ? A Survey in Primary Care Environments With and Without Legal DTCA» (2003) 169 Canadian Medical Association Journal 405 [Mintzes et al., «How Does DTCA Affect Prescribing ?»] ; Barbara Mintzes et al., «Influence of Direct to Consumer Pharmaceutical Advertising and Patients’ Requests on Prescribing Decisions : Two Site Cross Sectional Survey» (2002) 324 British Medical Journal 278.
-
[109]
CanWest Media, supra note 9, (preuve de la défenderesse, affidavit de Steve G. Morgan) aux para. 73 et s., en ligne : Canadian Health Coalition <http://www.healthcoalition.ca/dtca2007-2.pdf> [Affidavit de Steve G. Morgan].
-
[110]
Cinq études sur cinq arrivaient à ce résultat, ibid. au para. 50.
-
[111]
Onze études sur douze arrivaient à ce résultat, ibid.
-
[112]
Cinq études sur six arrivaient à ce résultat, ibid.
-
[113]
Richard L. Kravitz et al., «Influence to Patients’ Requests for Direct-to-Consumer Advertised Antidepressants : A Randomized Controlled Trial» (2005) 293 Journal of the American Medical Association 1995. Cette étude a été publiée après le bilan systématique de 2005, mais elle répond aux critères de sélection de Gilbody, Wilson et Watt, «Benefits and Harms», supra note 102.
-
[114]
En se fondant sur les résultats de l’étude de Mintzes et al., «How Does DTCA Affect Prescribing ?», supra note108.
-
[115]
Affidavit de Joel Lexchin, supra note 39 au para. 43. Ce chercheur croit donc que les médecins cèdent aux pressions et aux attentes des patients (ibid. aux para. 88-89). La demande du patient serait la raison la plus fréquemment offerte par les médecins pour des prescriptions se révélant inappropriées. Voir Rebecca K. Schwartz, Stephen B. Soumerai et Jerry Avorn, «Physicians Motivations for Nonscientific Drug Prescribing» (1989) 28 Soc. Sci. Med. 577 à la p. 582.
-
[116]
Affidavit de Joel Lexchin, ibid. aux para. 25-26.
-
[117]
Voir ibid. au para. 43 ; Meredith B. Rosenthal et al., «Promotion of Prescription Drugs to Consumers» (2002) 346 New Eng. J. Med. 498 à la p. 503 ; Barbara Mintzes et al., «Évaluation des effets, sur le système de santé, de la publicité des médicaments de prescription orientée directement vers le consommateur (PODC). Tome 1 : Résumé» (février 2002), en ligne : Centre For Health Services and Policy Research — University of British Columbia à la p. 3 <http://www.chspr.ubc.ca/files/publications/2002/dtca-v1Fr-resume.pdf> [Mintzes, «Évaluation des effets de la PODC»] ; National Institute for Health Care Management, «Prescription Drugs and Mass Media Advertising. Research Brief», en ligne : NIHCM à la p. 3 <http://www.nihcm.org/~nihcmor/pdf/DTCbrief.pdf>.
-
[118]
Santé Canada, «Ligne directrice à l’intention des promoteurs d’essais cliniques : Demandes d’essais cliniques» (juin 2003), en ligne : Santé Canada à la p. 5 <http://www.hc-sc.gc.ca/dhp-mps/alt_formats/hpfb-dgpsa/pdf/prodpharma/ctdcta_ctddec-fra.pdf>.
-
[119]
Voir Affidavit de Joel Lexchin, supra note 39 au para. 58.
-
[120]
Sydney Wolfe et al., «Timing of New Black Box Warnings and Withdrawals for Prescription Medications» (2002) 287 Journal of the American Medical Association 2215, en ligne : Public Citizen <http://www.citizen.org/publications/release.cfm?ID=7171#r8>.
-
[121]
Voir par ex. Éditorial, «Le Vioxx : leçons pour Santé Canada et la FDA» (2005) 172 Canadian Medical Association Journal 7 ; Gagné, supra note 29 à la p. 91, n. 81.
-
[122]
Wolfe et al., «New Black Box Warnings», supra note 120 ; Affidavit de Joel Lexchin, supra note 39 au para. 39.
-
[123]
Vingt millions d’Américains auraient consommé du Vioxx : Affidavit de Joel Lexchin, ibid. au para. 62.
-
[124]
En 2000, le Vioxx était le médicament pour lequel les dépenses de publicité étaient les plus élevées. Voir Rosenthal et al., «Promotion of Prescription Drugs», supra note 117 à la p. 501.
-
[125]
Merck, «Merck Announces Voluntary Worldwide Withdrawal of VIOXX®» (30 septembre 2004), en ligne : Merck <http://www.merck.com/newsroom/vioxx/pdf/vioxx_press_release_final.pdf>.
-
[126]
Éditorial, «Le Vioxx», supra note 121.
-
[127]
La durée du moratoire n’est toutefois pas précisée. Voir «23 Companies Agree to PhRMA’s voluntary DTC Guidelines» Medical News Today (4 août 2005) tel que cité dans Mintzes, «PDMO au Canada», supra note 6 à la p. 16 ; PhRMA, «PhRMA Guiding Principles. Direct to Consumer Advertisements About Prescription Medicines» (novembre 2005), en ligne : PhRMA à la p. 4 <http://www.phrma.org/files/DTCGuidingprinciples.pdf>.
-
[128]
Oakes, supra note 13 au para. 70.
-
[129]
Voir RJR-MacDonald, supra note 58 aux para. 137, 153-154, juge McLachlin. Dans cette même affaire, le juge La Forest, dissident, jugeait qu’il était suffisant pour le gouvernement de démontrer qu’il avait eu des motifs de croire à l’existence d’un lien rationnel (ibid. au para. 82). Voir aussi Irwin Toy, supra note 43 à la p. 994, où le gouvernement doit être «raisonnablement fondé» d’adopter sa mesure ; Sharpe, supra note 43 au para. 85 et Butler, supra note 53 à la p. 504, où le gouvernement doit faire la preuve d’une appréhension raisonnée du préjudice ; JTI-MacDonald, supra note 58 au para. 40, où «[i]l doit à tout le moins être possible de soutenir que ces moyens [choisis par le législateur] peuvent aider à réaliser l’objet en question».
-
[130]
Voir Thomson Newspapers, supra note 55 au para. 105.
-
[131]
Voir Mintzes, «PDMO au Canada», supra note 6 à la p. 4.
-
[132]
New Zealand Ministry of Health, «Direct-to-Consumer Advertising of Prescription Medicines in New Zealand. A Discussion Paper» (novembre 2000), en ligne : Ministry of Health <http://www.moh.govt.nz> ; New Zealand Ministry of Health, «Summary of Submissions on the Direct-to-Consumer Advertising of Prescription Medicines in New Zealand Discussion Paper» (avril 2001), en ligne : Ministry of Health <http://www.moh.govt.nz>.
-
[133]
New Zealand Ministry of Health, «Direct-to-Consumer Advertising of Prescription Medicines in New Zealand : Consultation Document» (mars 2006), en ligne : Ministry of Health <http://www.moh.govt.nz> ; New Zealand Ministry of Health, «Direct-to-Consumer Advertising of Prescription Medicines in New Zealand : Summary of Submissions» (2006), en ligne : Ministry of Health <http://www.moh.govt.nz/moh.nsf/pagesmh/5147?Open>.
-
[134]
Rhonda Galbally, «National Competition Review of Drugs, Poisons and Controlled Substances Legislation : Final Report Part A» (décembre 2000), en ligne : Australian Government à la p. XVIII <http://www.tga.gov.au/docs/pdf/rdpfina.pdf>.
-
[135]
CE, Directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, [2001] J.O. L 311/67, art. 88(1), mod. par CE, Directive 2004/27/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 modifiant la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, [2004] J.O. L 136/34.
-
[136]
CE, Le Point de la session, «Code communautaire relatif aux médicaments à usage humain» (21 octobre 2002), en ligne : Parlement européen <http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+PRESS+TW-20021021-S+0+DOC+XML+V0//FR&language=FR#SECTION10>.
-
[137]
Organisation mondiale de la santé, «Critères éthiques applicables à la promotion des médicaments» (13 mai 1998), en ligne : Organisation mondiale de la santé au para. 14 <http://healthtech.who.int/tbs/promo/whozip07f.pdf>.
-
[138]
[1995] 4 R.C.S. 634, 129 D.L.R. (4e) 609 [Hollis avec renvois aux R.C.S.]. Cet arrêt a été rendu en common law, mais la règle est également appliquée en droit civil. Voir par ex. Groupe Commerce Cie d’assurances c. G.T.E. Sylvania Canada Ltée, [1995] J.Q. 621, [1995] R.R.A. 626.
-
[139]
Hollis, ibid. aux para. 23, 26.
-
[140]
Ibid. au para. 28.
-
[141]
Aux États-Unis, il existe déjà deux exceptions à la règle de l’intermédiaire compétent en matière médicale. La première concerne les campagnes de vaccination de masse et se justifie par l’absence de consultation médicale individualisée précédant la vaccination. Voir Davis v. Wyeth Laboratories, 399 F.2d 121 (9e Cir. Idaho 1968). La seconde concerne les médicaments pour lesquels la loi requiert des fabricants qu’ils informent directement les consommateurs des risques. Cette exception ne fait pas loi dans tous les États américains. Voir Jack E. Karns, «Direct Advertising of Prescription Drugs : The Duty to Warn and the Learned Intermediary Rule» (2000) 3 DePaul J. Health Care L. 273 à la p. 278. Toutefois, elle a été reconnue en ce qui concerne les contraceptifs. Voir par ex. MacDonald v. Ortho Pharmaceutical Corporation, 394 Mass. 131, 475 N.E.2d 65 (Mass. 1985). L’exception vaut aussi pour des drogues ou instruments qui, vu leur impact sur le mode de vie plutôt que sur le traitement d’une maladie, impliquent un rôle actif, voire prédominant, du patient dans l’acte de prescription. Voir notamment Edwards v. Basel Pharmaceuticals, 1997 OK 22, 65 U.S.L.W. 2680, 933 P.2d 298 (Okla. 1997), qui porte sur les timbres de nicotine. D’autres conditions telles que la calvitie ou la chirurgie plastique auraient également justifié l’application de cette exception. Voir Sheryl Calabro, «Breaking the Shield of the Learned Intermediary Doctrine : Placing the Blame Where It Belongs» (2004) 25 Cardozo L. Rev. 2241 à la p. 2255, n. 70.
-
[142]
Voir Teresa Moran Schwartz, «Consumer-Directed Prescription Drug Advertising and the Learned Intermediary Rule» (1991) 46:6 Food, Drug, Cosmetic Law Journal 829 à la p. 830.
-
[143]
Cette possibilité a été évoquée dans un obiter dictum dans Garside v. Osco Drug, 764 F.Supp. 208 à la p. 211 (D. Mass. 1991) : «[b]y advertising directly to the consuming public, the manufacturer bypasses the traditional patient-physician relationship, thus lessening the role of the “learned intermediary”».
-
[144]
Perez v. Wyeth Laboratories, 161 N.J. 1, 734 A.2d 1245 à la p. 1264 (Sup. Ct. N.J.) [Perez]. Le jugement fut rendu par une majorité de cinq juges contre deux. Notons toutefois que la même année, un jugement portant sur une réclamation similaire à l’arrêt Perez, en dommages causés par le contraceptif oral Norplant, a conclu en sens contraire et refusé de reconnaître une telle exception. Voir In re Norplant Contraceptive Prod. Liab. Lit., 165 F.3d 374 (5e Cir. 1999).
-
[145]
Pour la reconnaissance d’une exception, voir Schwartz, «Consumer-Directed Prescription Drug Aevertising», supra note 142 à la p. 845 ; Ozlem A. Bordes, «The Learned Intermediary Doctrine and Direct-to-Consumer Advertising : Should the Pharmaceutical Manufacturer Be Shielded from Liability?» (2004) 81 U. Det. Mercy L. Rev. 267 à la p. 268 ; Bradford B. Lear, «The Learned Intermediary Doctrine in the Age of Direct Consumer Advertising» (2000) 65 Mo. L. Rev. 1101 à la p. 1116. Contre la reconnaissance de l’exception, voir Craig A. Marvinney, «How Courts Interpret a Manufacturer’s Communications to Consumers : The Learned Intermediary Doctrine» (1992) 47 Food & Drug L.J. 69 à la p. 74 ; Mae Joanne Rosok, «Direct-to-Consumer Advertising of Prescription Drugs : After a Decade of Speculation, Courts Consider Another Exception to the Learned Intermediary Rule» (2000) 24 Seattle U.L. Rev. 629 aux pp. 660-661.
-
[146]
Voir par ex. American Law Institute, Restatement of the Law Third, Torts : Products Liability, St. Paul (Min.), American Law Institute Publishers, 1998 aux pp. 144 et s.
-
[147]
Oakes, supra note 13 au para. 70.
-
[148]
Ainsi, quelques mois seulement après l’arrêt Oakes, le critère a été reformulé de façon à ce que le gouvernement démontre que les mesures restreignaient le droit «aussi peu qu’il [était] raisonnablement possible de le faire» : Edwards Books, supra note 62 à la p. 772. Malgré tout, c’est à l’étape de l’atteinte minimale que la majorité des mesures contestées sont invalidées par la Cour. Voir Leon E. Trackman, William Cole-Hamilton et Sean Gatien, «R. v. Oakes 1986-1997 : Back to the Drawing Board» (1998) 36 Osgoode Hall L.J. 83 à la p. 98. En 1997, 86% des cinquante mesures gouvernementales jugées inconstitutionnelles avaient échoué à l’étape de l’atteinte minimale.
-
[149]
Voir Choudhry, «Real Legacy of Oakes», supra note 84 aux pp. 503-504.
-
[150]
Irwin Toy, supra note 43 à la p. 993. Voir aussi Sauvé, supra note 89 au para. 13 : «La retenue peut se révéler appropriée à l’égard d’une décision impliquant des principes opposés en matière politique et sociale».
-
[151]
Voir aussi McKinney c. Université de Guelph, [1990] 3 R.C.S. 229 aux pp. 317-319, juge La Forest, 76 D.L.R. (4e) 545 ; Egan c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 513 aux para. 105-108, juge Sopinka, 124 D.L.R. (4e) 609. Il a été réitéré, dans ces affaires, que la Cour devait faire preuve de retenue dans des situations où il est nécessaire de trouver le point d’équilibre entre des groupes concurrents.
-
[152]
Irwin Toy, supra note 43 à la p. 999.
-
[153]
Voir JTI-MacDonald, supra note 58 au para. 43. Certains auteurs ont d’ailleurs vu dans cette évolution jurisprudentielle l’érosion du standard de l’arrêt Oakes. Voir par ex. Peter W. Hogg, «Interpreting the Charter of Rights : Generosity and Justification» (1990) 28 Osgoode Hall L.J. 817 à la p. 819. Pour éviter cette érosion, Peter W. Hogg prescrit une interprétation suivant l’objet qui permet de réduire l’étendue d’un droit protégé et de préserver la rigueur du test de Oakes (supra note 2 aux pp. 767-769, 830-831). Voir aussi Huppé, «Quelques objectifs législatifs», supra note 87 à la p. 297 ; Christopher D. Bredt et Adam M. Dodek, «The Increasing Irrelevance of Section 1 of the Charter» (2001) 14 Sup. Ct. L. Rev. (2e) 175 à la p. 179 ; Moon, «Justified Limits on Free Expression», supra note 75 à la p. 365.
-
[154]
JTI-MacDonald, ibid. au para. 41.
-
[155]
Voir M. c. H., [1999] 2 R.C.S. 3 aux para. 126, 294-295, 304, 171 D.L.R. (4e) 577 [M. c. H. avec renvois aux R.C.S.] ; Dunmore, supra note 63 au para. 57 ; Thomson Newspapers, supra note 55. Voir aussi Choudhry, «Real Legacy of Oakes», supra note 84 à la p. 521.
-
[156]
Voir M. c. H., ibid. au para. 126. Le juge Iacobucci y admet que la présence d’intérêts divergents appelle la retenue judiciaire, mais considère que tel n’était pas le cas en l’espèce puisqu’aucun groupe ne serait défavorisé par l’invalidation de la loi. Selon le juge Bastarache, la retenue doit se justifier par les éléments contextuels, qui peuvent inclure, par exemple, la vulnérabilité du groupe que le législateur cherche à protéger, la crainte de préjudice entretenue par ce groupe et l’impossibilité de mesurer scientifiquement le préjudice en cause. Dans le cas d’espèce, il n’y avait pas lieu de faire preuve de retenue (ibid. aux para. 294-295, 304). Voir aussi Dunmore, ibid. au para. 57 : «Le degré de déférence variera selon que le législateur (1) a soupesé les intérêts des groupes opposés, (2) a défendu un groupe vulnérable ayant une crainte subjective de préjudice, (3) a opté pour une mesure dont l’efficacité ne peut être évaluée scientifiquement et (4) a supprimé une activité dont la valeur sociale ou morale est relativement minime». En l’espèce, la mise en balance de ces facteurs ne militait pas pour la déférence judiciaire et la Cour suprême a donc appliqué strictement le critère de l’atteinte minimale.
-
[157]
Les auteurs suivants divergent tous quant à leurs opinions : Choudhry, «Real Legacy of Oakes», supra note 84 à la p. 521 ; Hogg, supra note 2 à la p. 866 ; Joel Bakan et al., Canadian Constitutional Law, 3e éd., Toronto, Emond Montgomery Publications, 2002 aux pp. 773-774.
-
[158]
Voir RJR-MacDonald, supra note 58 aux para. 128-129, 134-136, juge McLachlin ; Eldridge c. Colombie-Britannique (P.G.), [1997] 3 R.C.S. 624 au para. 86, 151 D.L.R. (4e) 577 [Eldridge] ; Tétreault-Gadoury c. Canada (Commission de l’emploi et de l’immigration), [1991] 2 R.C.S. 22 à la p. 44, 81 D.L.R. (4e) 358 ; Vriend c. Alberta, [1998] 1 R.C.S. 493 aux para. 19-20, juge Iacobucci, 156 D.L.R. (4e) 385.
-
[159]
À notre avis, si dans l’avenir les conclusions des études divergeaient et démontraient une incertitude scientifique quant aux effets de la PDMO, l’appréciation du caractère minimal de l’atteinte devrait également être guidée par le principe de précaution. En effet, les fondements d’application du principe de précaution se rapprochent de ceux de la retenue judiciaire. Ce principe entre en jeu lorsqu’une preuve contestée ou à tout le moins embryonnaire démontre l’existence d’un danger pour l’environnement ou la santé humaine, sans pour autant aboutir à une certitude scientifique. Voir Philippe Kourilsky et Geneviève Vinet, «Le principe de précaution : Rapport au Premier ministre», en ligne : La Documentation française à la p. 15 <http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/004000402/0000.pdf>. La prise en compte de ce risque remet au centre du débat l’importance du politique, qui a le mandat de jauger cette preuve et de prendre une décision dans l’intérêt de la population. Voir Geneviève Cartier, «Le principe de précaution et la déférence judiciaire en droit administratif» (2002) 43 C. de D. 79 aux pp. 85-86 [Cartier, «Principe de précaution»] ; voir aussi supra note 39. Outre cette inclusion implicite du principe de précaution au sein du RAD et de la LAD, l’appel à celui-ci pourrait se fonder sur sa force normative indépendante (Cartier, «Principe de précaution», ibid. à la p. 100), qui lui permet de servir de guide dans l’exercice du contrôle judiciaire et de constitutionnalité. Voir Hélène Trudeau, «Du droit international au droit interne : l’émergence du principe de précaution en droit de l’environnement» (2002-2003) 28 Queen’s L.J. 455 aux pp. 500-527. Voir notamment 114957 Canada ltée (Spraytech, Société d’arrosage) c. Hudson (Ville), 2001 CSC 40, [2001] 2 R.C.S. 241, 200 D.L.R. (4e) 419, juge L’Heureux-Dubé. Elle reprend le développement de l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 aux para. 69-71, 174 D.L.R. (4e) 193 et semble accorder au principe de précaution une valeur normative interprétative du fait que le Canada a préconisé son inclusion dans la Déclaration ministérielle de Bergen sur le développement durable, Doc. off. AG NU, 1990, Doc. NU A/CONF.151/PC/10 au para. 7 et a intégré ce principe dans plusieurs de ses lois environnementales.
-
[160]
RJR-Macdonald, supra note 58 aux para. 163-165, juge McLachlin, au para. 191, juge Iacobucci.
-
[161]
JTI-MacDonald, supra note 58 au para. 102.
-
[162]
RJR-Macdonald, supra note 58 au para. 164, juge McLachlin, au para. 191, juge Iacobucci.
-
[163]
Les interdictions totales sont particulièrement sujettes à invalidation, par opposition aux restrictions fondées sur le temps, le lieu ou l’âge. Voir Hogg, supra note 2 aux pp. 989-990, 995.
-
[164]
L’auteur favorise à la fois la PDMO et le maintien de la règle de l’intermédiaire compétent. Il souligne le risque de création d’une brèche dans cette règle et l’importance de la colmater. Il suggère de compléter les publicités par un énoncé rappelant que le médecin est celui qui doit décider si un médicament est adéquat pour le patient. Voir Marvinney, «Manufacturer’s Communications», supra note 145 à la p. 73.
-
[165]
Ces contraintes sont prises en compte par la législation américaine, qui exige par exemple que les publicités télévisées indiquent les effets secondaires et les contre-indications majeures du médicament, tout en référant à quatre sources complémentaires d’information, dont un site Internet et une ligne téléphonique. Voir U.S. Department of Health and Human Services, Food and Drug Administration, «Guidance for Industry, Consumer-Directed Broadcast Advertisements» (août 1999), en ligne : DDMAC à la p. 2 <http://www.fda.gov/cber/gdlns/advrts.pdf>. Pour un tableau illustrant la quantité d’information pouvant être transmise suivant chaque mode de diffusion et des inquiétudes à ce sujet, voir William E. Boden et George A. Diamond, «DTCA for PTCA—Crossing the Line in Consumer Health Education?» (2008) 358 New Eng. J. Med. 2197.
-
[166]
Steve G. Morgan, «An Assessment of the Health System Impacts of Direct-to-Consumer Advertising of Prescription Medicines (DTCA). Volume V : Predicting the Welfare and Cost Consequences of Direct-to-Consumer Prescription Drug Advertising» (août 2001), en ligne : Center for Health Services and Policy Research <http://www.chspr.ubc.ca/publications?topic=11>.
-
[167]
Voir supra note108 ; Mintzes, «Évaluation des effets de la PODC», supra note 117 aux pp. 3-4.
-
[168]
Barbara Mintzes, «Publicité directe aux consommateurs des médicaments d’ordonnance — Quel que soit le problème, il y a toujours la solution du comprimé», en ligne : (2003) 3:2 Bulletin de recherche des centres d’excellence pour la santé des femmes 13 à la p. 15 <http://www.cewh-cesf.ca/PDF/RB/bulletin-vol3no2FR.pdf>. Voir aussi «Lettre de A. Bérubé, Chief, Therapeutics Products Inspection Division, Bureau of Compliance and Enforcement, Health Canada, à J. Halmost-Stark, Director, Regulatory Affairs, Wyeth-Ayerst Canada, re : Alesse Advertising Campaign (2 novembre 2000)» tel que cité dans David M. Gardner, Barbara Mintzes et Aleck Ostry, «Direct-to-Consumer Prescription Drug Advertising in Canada : Permission by Default ?» (2003) 169:5 Canadian Medical Association Journal 425 à la p. 427, n. 8.
-
[169]
É.-U., General Accounting Office, Prescription Drugs: FDA Oversight of Direct-to-Consumer Avertising Has Limitations, Washington (D.C.), The Office, 2002 aux pp. 17-24, en ligne : General Accounting Office <http://www.gao.gov/new.items/d03177.pdf>.
-
[170]
Voir Affidavit de Steve G. Morgan, supra note 109 aux para. 105-106.
-
[171]
Ibid. aux para. 30, 50. Des études retenues au plan méthodologique, une sur une conclut à l’augmentation des coûts liés aux prescriptions et trois sur trois, à l’utilisation d’autres soins de santé. Voir aussi Don E. Detmer et Peter Singleton, «Policy for Informed Patients : A European Perspective» (2004) 5:1 Harvard Health Policy Review 80 à la p. 81.
-
[172]
Comité permanent de la santé, «Dans l’armoire à pharmacie», supra note 24 à la p. 11. Des entreprises offrant des régimes d’assurance-médicaments telle que General Motors s’opposent pour cette raison à la PDMO. Voir David Noonan, «Gm’s War on Drug Costs» (26 février 2001), en ligne : Newsweek <http://www.newsweek.com/id/80575>.
-
[173]
Voir Affidavit de Steve G. Morgan, supra note 109 au para. 83 ; Rosenthal et al., «Promotion of Prescription Drugs», supra note 117 à la p. 5 ; Mintzes, «Évaluation des effets de la PODC», supra note 117 à la p. 3 ; NIHCM, «Prescription Drugs», supra note117.
-
[174]
Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale de l’Île-du-Prince-Édouard, [1997] 3 R.C.S. 3 au para. 284, [1998] 156 Nfld. & P.E.I.R. 1.
-
[175]
2007 CSC 27, [2007] 2 R.C.S. 391 au para. 144, 283 D.L.R. (4e) 40.
-
[176]
Voir Robert E. Charney et Daniel Guttman, «Is Money No Object : Can the Government Rely on Financial Considerations Under Charter Section 1» (2004) 24 Sup. Ct. L. Rev. (2e) 137 à la p. 153. Sur l’impact de l’augmentation des coûts des soins de santé sur la pratique médicale, voir Suzanne Nootens, «La relation médecin-patient et les décisions de traitement» (1990) 20 R.D.U.S. 377 aux pp. 383 et s.
-
[177]
Voir Irwin Toy, supra note 43 à la p. 990 ; Eldridge, supra note 158 au para. 85.
-
[178]
Irwin Toy, ibid. aux pp. 998-999.
-
[179]
Voir supra note 137.
-
[180]
Oakes, supra note 13 au para. 70.
-
[181]
[1994] 3 R.C.S. 835 aux pp. 887-888, 120 D.L.R. (4e) 12.
-
[182]
Supra note 55.
-
[183]
Voir Affidavit de Arturo Duran, supra note 9.
-
[184]
Edwards Books, supra note 62 à la p. 779.
-
[185]
Dans Irwin Toy, supra note 43 à la p. 1000, la Cour souligne à cette étape l’existence d’alternatives aux compagnies désirant faire de la publicité, dont la publicité éducative, qui s’apparente aux messages de recherche d’aide.
-
[186]
Par opposition, dans Rocket, supra note 58 à la p. 251, cette exigence de proportionnalité n’est pas respectée, car une partie des informations qui ne peuvent être publicisées a une valeur pour l’auditoire.
-
[187]
Affidavit de Arturo Duran, supra note 9 aux para. 12-13.
-
[188]
Voir supra note23.
-
[189]
Voir Affidavit de Arturo Duran, supra note 9 au para. 16.
-
[190]
Voir Shah et al., «Patient-Physician Relationship», supra note 79 à la 212 ; Patricia Peppin et Elaine Carty, «Semiotics, Stereotypes and Women’s Health : Signifying Inequality in Drug Advertising» (2001) 13 C.J.W.L. 326 aux pp. 341-342.
-
[191]
Comité permanent de la santé, «Dans l’armoire à pharmacie», supra note 24 à la p. 11.
-
[192]
Association médicale canadienne, «Publicité directe au consommateur» (septembre 2002), en ligne : AMC <http://policybase.cma.ca/dbtw-wpd/PolicyPDF/PD03-01F.pdf> ; Conseil du médicament du Québec, «Position du Conseil du médicament du Québec sur la réforme fédérale de la publicité sur les médicaments d’ordonnance pour permettre la publicité directe auprès des consommateurs» (29 mars 2004), en ligne : Conseil du médicament du Québec <http://www.cdm.gouv.qc.ca/site/30.66.0.0.1.0.phtml>.
-
[193]
Hollis, supra note 138 au para. 23.
-
[194]
Voir supra note 164.
-
[195]
Schwartz, «Consumer-Directed Prescription Drug Advertising», supra note 142 à la p. 843 ; Lear, «The Learned Intermediary Doctrine», supra note 145 à la p. 1116.
-
[196]
Telle est la conclusion de Karns, «Direct Advertising of Prescription Drugs», supra note 141 à la p. 275.
-
[197]
Il s’agit d’un organisme autonome. Voir Conseil consultatif de publicité pharmaceutique, «Le Code d’agrément de la publicité» (1er avril 2005), en ligne : Pharmahorizons <http://www.pharmahorizons.com/French/code_fr.pdf>.
-
[198]
Il s’agit d’un système d’autorégulation. Voir Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada, «Code de déontologie» (juillet 2007), en ligne : Canada Pharma <http://www.canadapharma.org/Pharm_comm/Code/Code%20of%20Conduct%20_FR_%20-%20JULY%202007.pdf>.
-
[199]
Affidavit de Joel Lexchin, supra note 39 aux para. 102-104.