Comptes rendus

Boudreau, A. (2023). Insécurité linguistique dans la francophonie. Presses de l’université d’Ottawa, 96 p.[Record]

  • Shayna-Eve Hébert

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  • Shayna-Eve Hébert
    Université de Moncton

Dans Insécurité linguistique dans la francophonie, la sociolinguiste acadienne, Annette Boudreau, donne un aperçu de ce qu’est l’insécurité linguistique et des études principales ayant traité de ce sujet. Cette professeure émérite de l’Université de Moncton a publié de nombreux ouvrages portant sur ce phénomène particulier vécu en français au Nouveau-Brunswick (N.-B.), notamment Dire le silence : insécurité linguistique en Acadie 1867-1970, paru en 2021. L’objectif du livre est de faire un bilan de l’insécurité linguistique. Il s’agit d’un sentiment vécu chez plusieurs francophones qui se questionnent sur la légitimité de leur français. Boudreau remonte ainsi aux années 1960 afin d’établir la trajectoire conceptuelle de l’insécurité linguistique. Cet ouvrage de 76 pages est divisé en sept chapitres : 1) « Quelques notions utiles », 2) « L’insécurité linguistique : premiers travaux, définitions, manifestations », 3) « La francophonie : terreau de l’insécurité linguistique », 4) « La diglossie et l'insécurité linguistique », 5) « Les idéologies linguistiques et l’insécurité linguistique », 6) « Se dire francophone? C’est quoi un francophone? Et qui peut l’être » et 7) « L’insécurité linguistique au Canada ». Tout d’abord, Boudreau définit ce qu’est l’insécurité linguistique : un malaise ou un sentiment de honte ressenti par une personne concernant son accent ou sa variété linguistique. Elle propose ici que l’insécurité linguistique découle soit de commentaires illégitimateurs sur sa façon de parler en français, soit du fait d’entendre des représentations linguistiques négatives à l’égard de son propre accent. Elle donne les exemples suivants : « il a un accent anglais » (p. 1) ou « ce n’est pas un vrai francophone » (p. 1). Ensuite, afin d’outiller les spécialistes qui souhaitent analyser les traces d’insécurité linguistique chez des francophones, elle présente quelques concepts importants, dont « langue standard » et « langue légitime » ainsi que « glottophobie », tels que proposés par James Costa, Pierre Bourdieu et Philippe Blanchet. Cette sociolinguiste critique également l’usage du terme « langue » dans son unicité, celui-ci étant parfois employé sans tenir compte de toutes les variétés linguistiques du français. Ensuite, Boudreau brosse un portrait des textes pionniers au sujet de l’insécurité linguistique. Elle présente la recherche du précurseur de ce concept savant d’origine anglophone, le sociolinguiste américain, William Labov, les textes de Pierre Bourdieu, sociologue français, de Michel Francard, sociolinguiste belge, ainsi que ceux de Gueunier et al. (1978) sur l’insécurité linguistique ressentie en situation diglossique, comme à La Réunion, en France. Elle revient également sur sa propre recherche pionnière en Acadie réalisée avec Lise Dubois (1991, 1992, 1993) sur l’insécurité vécue chez les jeunes des écoles francophones au N.-B. Elle fait également état des colloques L’insécurité linguistique dans les communautés francophones périphériques (1993) et Le français de référence (1999) organisés en Belgique par Francard et au cours desquels des communications ont démontré qu’un prestige peut être accordé aux formes linguistiques plus « authentiques » et plus « standardisées ». Elle décrit aussi certains symptômes manifestés chez les personnes qui vivent de l’insécurité linguistique en français, comme le fait d’effectuer de l’hypercorrection lorsqu’elles ont conscience du prestige associé à telle ou telle façon de parler qui diffère de la sienne et qui circule au sein d’un marché linguistique particulier, qu’il s’agisse d’un marché officiel ou d’un marché franc. À force d’entendre des commentaires illégitimisant ses propres pratiques linguistiques, un ou une francophone peut alors en venir à exercer l’autodépréciation linguistique envers son propre accent ou sa variété linguistique. Boudreau met également en lumière le processus de sujétion linguistique que peut éprouver une personne dans une situation de double minoration linguistique. Ainsi, elle peut le subir soit …

Appendices