Comptes rendus

Hébert, V. (2021). L’anglais en débat au Québec. Mythes et cadrage. Presses de l’Université Laval[Record]

  • Jean-Christophe Miljours

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  • Jean-Christophe Miljours
    Université d’Ottawa

La question de la langue au Québec a fait à travers le temps l’objet de maints débats. Un exemple est celui du débat public ayant entouré l’annonce du gouvernement Charest en 2011 de l’implantation d’un programme d’anglais intensif à l’école primaire. Certains Québécois, en faveur de ce projet, insistaient sur l’importance de l’apprentissage de l’anglais dans un contexte de globalisation. D’autres citoyens s’y opposaient par crainte que ce programme nuise à la réussite des élèves et à la pérennité du français. Cet exemple de débat sur la langue en est un, parmi plusieurs, traités par Virginie Hébert dans son ouvrage de sociologie qualitative L’anglais en débat au Québec. Mythes et cadrage (2021). Cet ouvrage, issu des travaux de la thèse de l’auteure, offre une analyse des discours médiatiques tenus sur la langue anglaise et son enseignement depuis le Régime anglais afin de mettre en lumière le rapport historique conflictuel des Québécois à cette langue. Pour procéder à son analyse discursive, l’auteure, en plus de mobiliser l’abondante littérature scientifique existante sur le sujet, examine divers documents pertinents, tels des articles de journaux, des lettres d’opinions, des billets de blogue, des discours, des allocutions, des communiqués, des rapports, des mémoires, des monographies ainsi que des reportages télévisés. Hébert se dote d’un cadre conceptuel pour traiter ce capital de lectures. Dans le sillage des travaux d’Erving Goffman (1974), l’auteure utilise le concept de cadrage (ou cadre) qui, dans l’optique du présent ouvrage, renvoie à « la manière dont les acteurs politiques et médiatiques présentent, ou “mettent en récit”, les différents enjeux qui façonnent l’actualité, en sélectionnant certains aspects de la réalité pour les rendre plus saillants, afin de promouvoir une définition et une interprétation particulière d’un problème social » (p. 3), en l’occurrence le problème linguistique. De ce premier concept en découle un deuxième dont Hébert fait usage, c’est-à-dire celui de métacadre qui se veut un assemblage de cadres accentuant les effets de cadrage sur les esprits. Enfin, reprenant notamment les travaux du sociologue Gérard Bouchard (2014), l’auteure a également recours au concept de mythe non pas ici entendu au sens de mensonge, mais plutôt de « représentations collectives, porteuses de certaines idéologies et qui, au terme d’un long processus de mythification, sont érigées au rang de “vérités sacrées” par une société donnée » (p. 2). Le lien qui unit ce dernier concept aux autres peut se résumer au fait que les mythes agissent comme cadres implicites, leur conférant ainsi de puissants effets de cadrage, expression d’une légitimité difficilement contestable. Du chapitre 2 au chapitre 10, Hébert met en lumière l’évolution dans le temps du débat sur la langue anglaise au Québec. Le chapitre 2 présente spécifiquement les fondations historiques de ce débat. Il faut, nous dit l’auteure, remonter aussi loin qu’à la fin du XVIIIe siècle pour identifier ce qui s’avèrera le point zéro des querelles linguistiques incessantes au Québec, soit la ratification de l’Acte constitutionnel de 1791. Si déjà avant cette date les Canadiens français subissaient l’influence grandissante de la langue anglaise, soutenue par le mythe colonial britannique de l’époque faisant l’éloge de sa supériorité et de sa destinée universelle, la question linguistique ne put devenir progressivement l’objet d’un réel débat public qu’après l’adoption de cette loi. Effectivement, l’adoption de cette loi fut à l’origine d’un espace de débat public, soit l’Assemblée législative où l’antagonisme linguistique trouva écho dans la presse d’opinion naissante. Au chapitre 3, l’auteure expose le contexte historique dans lequel s’est par la suite inscrite cette nouvelle législation. S’il est vrai que l’Acte constitutionnel entraine dès la fin du XVIIIe siècle « la formation d’une …

Appendices