Comptes rendus

Carbonneau, J.-R. (2023). Fédéralisme et légitimation des langues minoritaires : le cas de la Lusace et des pays catalans. Presses de l’Université de Québec[Record]

  • Nazaire Joinville

…more information

  • Nazaire Joinville
    Université Sainte-Anne

Les communautés linguistiques en situation minoritaire font l’objet d’une importante littérature dans le champ de la sociolinguistique. Cependant, force est de constater que rares sont les chercheurs dont les intérêts de recherche portent sur les minorités linguistiques en Allemagne et/ou en Espagne, particulièrement sur l’étude comparative des Sorabes et des catalanophones, qui sont les plus importantes minorités linguistiques dans ces deux grands États de l’Europe. Pour combler ce vide, Jean-Rémi Carbonneau vient de publier chez les Presses de l’Université du Québec, Fédéralisme et légitimation des langues minoritaires : les cas de la Lusace et des pays catalans. Issu de sa thèse de doctorat, le sujet que traite Carbonneau dans cet ouvrage serait inédit. D’ailleurs, a-t-il précisé, il ne connait « pas de travaux comparant les fédéralismes allemand et espagnol sous l’angle des minorités » (p. 8). Pour introduire son ouvrage qui se compose de cinq chapitres, l’auteur fait référence au grand spécialiste en politique linguistique, Jean Laponce (1984, 2001), avec ses réflexions sur la situation des langues minoritaires dans le monde et surtout son concept de niche territoriale qui est la réduction de la libre confrontation entre les concurrents de force inégale. C’est « le moyen institutionnel le plus prometteur pour assurer la survie et l’épanouissement d’une langue minoritaire » (p. 3). « Quels sont les facteurs expliquant la décision ou non d’octroyer à des minorités des institutions autonomes sur une base territoriale, et quelles sont les conditions historiques, politiques et sociétales de la mise en oeuvre de cette décision? » (p. 4). Voilà la question qui anime la recherche de Carbonneau. Pour répondre à cette question, le chercheur a réalisé une étude comparative de l’Allemagne et l’Espagne, « deux systèmes fédéraux occidentaux qui ont été touchés historiquement par le problème de l’érosion des langues minoritaires » (ibid.). Dans sa recherche, l’auteur s’intéresse aux relations historiques existant entre non seulement la majorité nationale de ces deux États européens, à savoir le staatsvölker allemand et le castillan, mais aussi les langues minoritaires, c’est-à-dire celles parlées par les Sorabes de la région de Lusace en Allemagne et celles des pays catalans en Espagne. À partir de pistes théoriques, le premier chapitre, intitulé Les contraintes sur les langues minoritaires dans les états modernes (p. 13-77), permet au lectorat de mieux comprendre les conflits linguistiques existant dans les États modernes, qui aboutissent à l’érosion des langues minoritaires. Dans ce chapitre qui ouvre une fenêtre sur la dynamique des langues sur les territoires, l’auteur montre que les questions linguistiques et le pouvoir politique sont indissociablement liés. D’ailleurs, d’une part, il affirme que les concepts de majorité et minorité « reflètent toujours des relations de pouvoir » (p. 21) et, d’autre part, il laisse croire que « [t]oute intervention sur l’environnement linguistique est de nature politique et implique l’idée de gouverne des langues au moyen d’un régime » (p. 29). Au terme de ce chapitre, l’auteur présente ses quatre hypothèses de recherche, qui ont été formulées à partir d’autant de concepts : contrainte institutionnelle, traditions étatiques, légitimation politique et normalisation linguistique. Depuis ses quatre hypothèses, l’auteur se penche sur les relations conflictuelles existant entre l’État et les minorités citées précédemment. La méthodologie de Carbonneau est constituée de diverses sources : enquêtes de terrain dans les deux États en question, consultations des résultats de recensements et d’enquêtes linguistiques et entretiens semi-directifs avec 37 spécialistes des questions linguistiques en Lusace ainsi que dans les pays catalans. Dès les deuxième et troisième chapitres, La résilience sorabe face à la construction de l’État-nation allemand (p. 79-131) et l’État espagnol et les pays catalans (p. 133-184), l’auteur …

Appendices