Abstracts
Résumé
L’objectif de cet article est de proposer un cadre conceptuel permettant de penser l’articulation entre la standardisation et la flexibilité au sein des organisations à travers le prisme des routines organisationnelles et de leurs artefacts. Notre démarche consiste à organiser différentes contributions dialoguant peu entre elles au sein d’un cadre intégrateur. Le cadre proposé est fondé sur le développement des concepts d’inscription et d’affordance. Il permet non seulement de penser les artefacts dans leur imbrication avec les situations sociales au sein desquelles ils sont conçus et utilisés mais également de prendre en compte leurs formes matérielles.
Mots-clés :
- dynamique des routines,
- artefacts,
- socio(-)matérialité,
- inscription,
- affordance,
- assemblage socio(-)matériel
Abstract
This article aims to introduce a conceptual framework to account for the interplay between standardization and flexibility within organizational contexts. This framework focuses on this interplay through the perspective of organizational routines and their artifacts. It allows to make connections between various contributions that were so far relatively independent. We stress how the concepts of inscription and affordance are useful to consider how artifacts are intricately woven into the social fabric of their design and usage contexts, without neglecting their material forms.
Keywords:
- routine dynamics,
- artifacts,
- socio(-)materiality,
- inscription,
- affordance,
- socio(-)material assemblage
Resumen
El objetivo de este artículo es presentar un marco conceptual para dar cuenta de la interacción entre la estandarización y la flexibilidad en contextos organizativos. Este marco se enfoca en dicha interacción a través de la perspectiva de las rutinas organizativas y sus artefactos. Ello permite establecer vínculos entre diversas contribuciones hasta ahora relativamente independientes. Destacamos la utilidad de los conceptos de inscripción y affordance para examinar cómo los artefactos están íntimamente entrelazados con el tejido social de sus contextos de diseño y uso, aunque sin descuidar sus formas materiales.
Palabras clave:
- dinámica de rutinas,
- artefactos,
- socio(-)materialidad,
- inscripción,
- affordance,
- ensamblaje socio(-)material
Article body
Les organisations sont fréquemment soumises à deux pressions contradictoires, l’une en faveur d’une standardisation des pratiques, l’autre en faveur de leur flexibilité (Cyert & March, 1963; Nelson & Winter, 1982). Dans les organisations internationales, le besoin de standardisation s’explique notamment par un souci de cohérence des processus et des actions – réalisés par des acteurs dispersés géographiquement – avec les objectifs communs et l’intérêt général du groupe. La standardisation appelle une reproduction le plus à l’identique possible de ces actions par tous les acteurs. La pression pour la flexibilité résulte quant à elle de la nécessité pour l’organisation de s’adapter à la pluralité culturelle entre les différentes entités du groupe ainsi qu’à la diversité et l’évolution des environnements locaux. Cette pression implique que les actions puissent varier selon les situations. La tension entre standardisation et flexibilité des pratiques fait écho à la problématique générale du contrôle et de l’autonomie au sein des relations entre siège et filiales des organisations internationales (voir par exemple Beddi, 2013). Cette tension fait également l’objet de questionnements plus particuliers en matière de gestion des ressources humaines internationales (voir par exemple Apista, 2020), de marketing international (voir par exemple Prime & Usunier, 2018) ou encore de transfert de connaissances et de pratiques (voir par exemple Jonsson & Foss, 2011; D’Adderio, 2014). La gestion de ces objectifs contradictoires constitue alors un enjeu important du management international.
La relation entre standardisation et flexibilité est au coeur de recherches plus fondamentales (moins appliquées) portant sur le concept de routines organisationnelles (voir par exemple Turner & Rindova, 2012; D’Adderio, 2014; Spee et al., 2016; Salvato & Rerup, 2018). Communément définies comme des « patterns répétitifs et reconnaissables d’actions interdépendantes portées par de multiples acteurs » (Feldman & Pentland, 2003, p. 95), les routines organisationnelles sont envisagées dans les théories organisationnelles les plus reconnues comme « le principal moyen par lequel les organisations accomplissent une grande partie de ce qu’elles font » (ibid., p. 94)[1]. Elles sont omniprésentes dans l’organisation et constituent ainsi les micro-fondations de l’activité et de la performance organisationnelle (Nelson & Winter 1982; Dosi et al., 2000; Salvato & Rerup, 2011; Felin et al., 2012; Pentland et al., 2012; Deroy, 2014; Versailles & Foss, 2019). Une des tendances les plus marquantes de la dernière décennie au sein de ce champ de recherche consiste à intégrer à l’analyse des routines un certain nombre de considérations issues du tournant matériel emprunté par les sciences sociales en général (Mukerji, 2015) et la théorie des organisations en particulier (de Vaujany & Mitev, 2016). En effet, un ensemble croissant de contributions de premier plan se focalise désormais sur le rôle que jouent les artefacts dans la dynamique de la routine (voir Baldessarelli et al., 2022; D’Adderio, 2021). Les artefacts apparaissent comme un élément clé pour comprendre et gérer la tension entre standardisation et flexibilité au sein des routines organisationnelles (Turner & Rindova, 2012; D’Adderio, 2014; Spee et al., 2016).
L’utilisation du concept de routine organisationnelle est aujourd’hui relativement répandue au sein de la littérature s’intéressant au management international. La revue de littérature semi-systématique réalisée par Schmidt & Milena Santamaria-Alvarez (2022) relève 616 articles utilisant le terme « routine » dans les principaux journaux consacrés au management international. Les recherches mobilisant le concept de routine vont croissant (voir par exemple Prashantham & Floyd, 2012; Verbeke, 2013; Sinkovics et al., 2018) et sont appelées à se développer encore davantage, suivant l’idée que les phénomènes organisationnels d’ordre macro sont enracinés dans des caractéristiques organisationnelles d’ordre micro (Contractor et al., 2019; Foss & Pedersen, 2019).
Cet article a pour objectif de proposer un cadre conceptuel permettant de penser l’articulation entre la standardisation et la flexibilité au sein des organisations à travers le prisme des routines organisationnelles et de leurs artefacts. Ce cadre conceptuel s’adresse à la fois aux chercheurs et chercheuses non spécialistes de la théorie des routines mais aussi aux spécialistes de cette théorie en permettant une lecture intégrative des contributions portant sur le rôle des artefacts au sein des routines organisationnelles. Notre démarche consiste, à travers une analyse conceptuelle des travaux existants, à organiser différentes contributions dialoguant peu entre elles au sein d’un cadre intégrateur. Le cadre proposé est fondé sur le développement des concepts d’inscription et d’affordance. Ces concepts sont particulièrement pertinents pour penser les artefacts dans leur imbrication avec les interactions sociales, au sein desquelles ils sont conçus et utilisés, mais également pour prendre en compte les formes matérielles de ces artefacts, rarement intégrées dans les analyses.
Cet article est organisé en cinq sections. Nous commençons par situer notre propos en précisant les définitions des routines et des artefacts que nous retenons (section 1). Ensuite, à partir de la contribution de D’Adderio (2011), nous proposons un cadre conceptuel articulant ce que l’autrice identifie comme deux mécanismes du rôle des artefacts dans la dynamique des routines : l’inscription et l’affordance (section 2). Nous caractérisons alors respectivement plus en détails ces deux mécanismes (sections 3 et 4) ainsi que les interactions sociales dont ils dépendent (section 5) en instaurant un dialogue entre différentes contributions empiriques sur le rôle des artefacts dans la dynamique des routines.
La dynamique des routines organisationnelles et le rôle des artefacts
Traditionnellement, les routines ont été théorisées comme des séquences d’actions stables, réalisées de façon quasiment automatique, permettant de répondre à la pression de standardisation qui s’exerce sur l’organisation (March & Simon, 1958; Cyert & March, 1963; Nelson & Winter, 1982; Cohen et al., 1996; Dosi et al., 2000). Dans cette vision traditionnelle la pression à la flexibilité est gérée par des activités et des processus diamétralement opposés favorisant davantage la réflexion et l’autonomie. Au début des années 2000, Feldman et Pentland (2003) initient un tournant théorique – l’approche de la dynamique des routines – qui va stimuler un grand nombre de contributions s’attachant à montrer que les routines sont intrinsèquement stables et flexibles. Ce courant considère que les routines contribuent à gérer non seulement la pression à la standardisation mais aussi la pression à la flexibilité.
Inspirés par les théories de la pratique (Bourdieu, 1980; Giddens, 1984), Feldman et Pentland (2003) conceptualisent les routines comme des systèmes génératifs ayant une structure interne et une dynamique propre (Feldman & Pentland, 2008; Pentland & Feldman, 2005). La structure interne de la routine est définie comme étant composée d’un aspect ostensif et d’un aspect performatif. L’aspect ostensif correspond aux patterns (abstrait ou virtuel) de la routine[2] : ce qui est similaire entre les différentes occurrences d’une même routine (Cohen, 2007). L’aspect ostensif renvoie ainsi à la stabilité de la routine, au moins pour une période donnée (vision synchronique). L’aspect performatif correspond aux performances concrètes et situées d’une même routine qui ne sont jamais véritablement identiques d’une occurrence à une autre. En effet, il y a toujours une certaine variété dans l’action qui permet d’exclure que deux occurrences sont strictement similaires (Cohen, 2007). Cela suppose que reproduire la même routine implique des ajustements permanents. L’aspect performatif renvoie alors à la flexibilité de la routine. Ces deux aspects entretiennent une relation de récursivité à l’origine de la dynamique de la routine. Selon le prisme à travers lequel est analysée la routine, cette dynamique peut prendre deux formes conceptuellement différentes, bien qu’interreliées, (Howard-Grenville, 2005; Cohen, 2007; Dittrich et al., 2016), que nous qualifions de micro-dynamique et de dynamique d’évolution.
La micro-dynamique correspond à l’énaction, par les acteurs, de l’aspect ostensif dans les performances. La notion d’énaction mobilisée ici est empruntée à Weick pour signifier que « lorsque les gens agissent, ils génèrent [bring into existence] des événements et des structures [qui n’existaient pas avant l’action] et les mettent en mouvement » (1988, p. 306). Aussi, énacter un ostensif signifie le mettre en mouvement, ou dit autrement le faire exister par l’action. Le courant de la dynamique des routines suppose que les acteurs, souvent réflexifs et informés, fournissent un effort dans l’énaction de l’ostensif, dans le sens où ils sont constamment en train de réinterpréter les situations et fondent leurs comportements en fonction de ces interprétations et de leurs évolutions (Pentland & Rueter, 1994). Ainsi, les performances routinières ne sont pas réalisées de façon aussi automatique et irréfléchie que ce que la littérature le laissait penser jusqu’alors. En outre, les pressions à la standardisation et à la flexibilité qui s’exercent sur l’organisation s’incarnent au sein des patterns ostensif et pèsent sur les performances (Turner & Rindova, 2012; Spee et al., 2016; LeBaron et al., 2016). L’effort d’énaction génère donc des performances à la fois standardisées (action ou séquences d’actions répétées d’une occurrence à l’autre) et flexibles (actions ou séquences d’actions variant d’une occurrence à l’autre). Notons que, selon les tâches à réaliser, les patterns ostensifs sont orientés vers plus ou moins de standardisation ou de flexibilité, les performances relatives peuvent ainsi être plutôt standardisées ou plutôt flexibles (Danner-Schröder & Geiger, 2016).
La dynamique d’évolution renvoie à une lecture plus diachronique de la routine. Elle correspond à la modification de l’aspect ostensif dans le temps. Cela signifie que ce qui est similaire entre les différentes occurrences d’une même routine change dans le temps. Dans cette perspective temporelle nous pouvons alors parler de flexibilité de l’ostensif. Cela revient à intégrer durablement dans l’aspect ostensif des variations produites dans les performances. Ces variations peuvent émerger des improvisations opérées par les acteurs lors de la réalisation avec effort de la routine, c’est-à-dire lors de la micro-dynamique (Feldman, 2000; Feldman & Pentland, 2003). Elles peuvent également provenir de processus plus délibérés issus d’une intention explicite de modifier la routine (Bucher & Langley, 2016). Dans les deux cas c’est la répétition effective dans le temps de nouvelles actions (émergentes ou intégrées) dans les performances qui mène à une évolution de l’ostensif.
La plupart des travaux menés au sein du courant initié par Feldman et Pentland (2003) se sont concentrés, durant les premières décennies, sur le rôle des humains dans la dynamique de la routine. En démontrant que c’est par leur engagement (avec effort) dans la réalisation de la routine que celle-ci a le potentiel d’être flexible, ces travaux ont réhabilité le rôle de l’agentivité humaine dans le fonctionnement des routines. Au fil des années, un nombre croissant de contributions souligne la nécessité de prendre en compte le rôle des artefacts à côté de celui des humains dans la dynamique des routines (Howard-Grenville, 2005; Pentland & Feldman, 2005; Rerup & Feldman, 2011).
L’artefact[3] est ici défini, en suivant Gagliardi (1990, p. 3), selon trois caractéristiques. Premièrement il est « un produit de l’action humaine qui existe indépendamment de son créateur » (ibid.). Notons que, ce qui compte n’est pas le fait que certains artefacts existent tels quels à l’état naturel et que d’autres soient transformés physiquement par un travail humain. Une pierre peut devenir un presse-papier sans aucun travail de transformation physique. La transformation s’opère parce qu’une conscience humaine la vise et la construit en tant que presse-papier. Deuxièmement, l’artefact est « intentionnel, il a pour but de résoudre un problème ou satisfaire un besoin » (ibid.). Par exemple le presse-papier a une fonction dans le cadre de l’activité humaine – il est destiné à être posé sur des feuilles de papier pour éviter qu’elles ne se dispersent – contrairement à la pierre. Troisièmement, il est « perçu par les sens » (ibid.). La perception « par les sens » renvoie à la dimension matérielle de l’artefact. Dans la lignée de Leonardi, nous définissons la matérialité comme les « propriétés d’un artefact qui ne changent pas d’un moment à l’autre ou à travers différents lieux » (2012, p. 29) et nous la distinguons de la physicalité (Leonardi, 2010; Leonardi et al., 2012; Chiapello & Gilbert, 2016). En effet, s’il y a souvent un substrat physique (support d’affichage, support papier, support informatique, etc.) qui participe de la présence matérielle de l’artefact, la matérialité ne peut être uniquement réduite à celui-ci (Chiapello & Gilbert, 2016). Par exemple, un logiciel de traitement de texte est un artefact dont le substrat physique est un support informatique (l’ordinateur) qui participe à, mais ne se confond pas avec, sa matérialité qui se constitue également des différents boutons et fonctions disponibles sur l’écran (c’est-à-dire les éléments avec lesquels l’acteur humain interagit).
Les artefacts sont omniprésents dans les organisations (fournitures, procédures formalisées, base de données, outils numériques, etc.). Certains semblent jouer un rôle particulièrement important dans la dynamique des routines : les représentations artefactuelles des routines (D’Adderio, 2011), telles que les règles formelles, les procédures ou encore les checklists. Ces artefacts ont la particularité de capturer et réifier une partie des représentations ostensives des personnes qui les conçoivent afin de prescrire les comportements (Cacciatori [2012] qualifie ces artefacts de « spécifiques » aux routines[4]). De plus ils contiennent des représentations formalisées sous forme de langage (verbale, mathématique ou visuelle) des actions à entreprendre (Cacciatori [2012] qualifie ces artefacts de « parlants »[5]). Les contributions analysées dans les sections suivantes ont cela de commun qu’elles portent toutes sur de tels artefacts[6].
D’Adderio (2011) suggère que la prise en compte du rôle de tels artefacts dans la dynamique de la routine est essentielle. Elle plaide alors pour une « petite révolution Copernicienne » (2011, p. 198) consistant à mettre les artefacts (en particulier ceux de type représentations artefactuelles des routines), au « centre des routines et de la théorie des routines » (ibid.). Son plaidoyer a stimulé un certain nombre de contributions empiriques de premier plan, suggérant que la petite révolution Copernicienne escomptée par l’autrice est bien amorcée (voir les références citées par D’Adderio, 2021). Cependant, un cadre complet expliquant la façon dont les artefacts jouent un rôle dans la dynamique de la routine reste encore à être produit. C’est ce que nous proposons de réaliser dans cet article en articulant deux notions centrales de l’appareillage conceptuel fournie par D’Adderio (2011).
La contribution centrale de D’Adderio (2011) : construction d’un cadre conceptuel
D’Adderio (2011) part du constat que la théorie des routines a longtemps pensé les artefacts de façon trop simpliste et radicale, c’est-à-dire, soit comme déterministe, soit comme n’ayant que peu de conséquence sur les pratiques. Dans la perspective des premiers travaux évolutionnistes, l’artefact représente et détermine la routine (Cohen et al., 1996; Nelson & Winter, 1982). Cette conception renvoie à ce que Lorino (2002) qualifie de « théorie positiviste des outils » car « elle suppose qu’existe une réalité objective, indépendante du regard du sujet, et accessible à la connaissance, en l’occurrence à la représentation par les outils » (ibid. p. 6). Ici, l’artefact, créé à partir des données “réelles” de l’action, représenterait fidèlement la routine organisationnelle tout en induisant, de manière déterministe, des actions spécifiques de la part des acteurs, contribuant ainsi à reproduire la routine. Ce point de vue suppose que les acteurs organisationnels suivent les prescriptions des artefacts de façon relativement machinale et irréfléchie : finalement les artefacts et les routines peuvent être assimilés. D’Adderio (2011) qualifie cette vision de perspective du cadrage (framing view).
Les premiers travaux s’inscrivant dans l’approche de la dynamique des routines prennent le contre-pied de cette perspective et tendent à minorer le rôle des artefacts. Ils avancent que ces derniers sont toujours interprétés par les acteurs qui ont toujours la possibilité de les contourner ou de changer la façon dont ils les utilisent. L’accent est ainsi placé sur le pouvoir des acteurs humains, et non sur celui des artefacts. Ici, dans la continuité de l’approche d’Orlikowski (2000), les artefacts sont finalement envisagés « comme de simples “traces mnésiques” instanciées par les pratiques […] [n’ayant] plus d’existence matérielle (ou même instrumentale) » (de Vaujany & Mitev, 2016, p. 140). D’Adderio qualifie cette vision de perspective du débordement (overflowing view).
L’objectif de D’Adderio (2011) est à la fois de concilier ces deux perspectives mais aussi de les dépasser afin de proposer une perspective qui rendent compte de la nature complexe des artefacts. Pour ce faire, l’autrice soutient la thèse d’une distribution de l’agentivité (capacité d’intervenir dans le cours des événements) entre les humains et les artefacts. Cela signifie que l’agentivité n’est pas uniquement détenue par les humains mais qu’elle est aussi l’affaire des artefacts. L’agentivité de l’artefact provient en grande partie du fait que « les connaissances et capacités des acteurs organisationnels sont médiées et fondamentalement transformées par [les artefacts] qu’ils utilisent dans leur travail » (D’Adderio, 2011, p. 210, l’autrice souligne). Autrement dit, les artefacts participent à la formation des intentions qui se situent en toile de fond de l’action. Ils ne sont pas de simples éléments externes utilisés par les acteurs organisationnels pour satisfaire des intentions qui émergeraient indépendamment de la matérialité du monde. D’Adderio (2011) rejoint alors les postulats des approches socio(-)matérielles des pratiques (issues du tournant matériel), reconnaissant une interdépendance entre les humains et les artefacts dans la production des performances sociales et routinières (Leonardi, 2012; Leonardi & Barley, 2010; Orlikowski & Scott, 2008)[7]. Dans cette perspective, l’artefact acquiert un nouveau rôle. Il est envisagé comme co-créateur des compétences, des connaissances, des intentions et in fine des actions. Pour caractériser plus précisément son rôle, D’Adderio mobilise deux notions particulières, qu’elle qualifiera plus tard de « mécanismes » (D’Adderio, 2014) : l’inscription et l’affordance.
La notion d’inscription est empruntée à Akrich (1992) et mobilisée pour mieux comprendre l’agentivité de l’artefact. D’Adderio (2011) soutient que si les artefacts n’ont pas d’intentions en soi ils portent tout de même des intentions qui ont été préalablement inscrites en eux. La forme que prennent les artefacts (leurs propriétés matérielles) n’est alors pas neutre. Elle reflète des normes, des connaissances, des objectifs et des hypothèses et a pour dessein d’orienter les actions des utilisateurs et utilisatrices[8]. Les artefacts peuvent alors refléter, via leurs inscriptions, des intentions orientées vers la standardisation et/ou la flexibilité (Turner & Rindova, 2012; Danner-Shröder & Geiger, 2016) pour répondre aux pressions correspondantes qui s’exercent sur les pratiques.
Les différents acteurs qui gravitent autour de la routine (personnes participant à la routine, managers, personnes qui conçoivent l’artefact, etc.) vont avoir tendance à essayer d’inscrire les artefacts de leur représentation ostensive (subjective) afin d’orienter les actions dans le sens de leur vision du monde. Les intentions inscrites in fine sont alors le résultat d’une sélection opérée via un processus de confrontation et de négociation entre ces différents acteurs. Comme le note D’Adderio (2011), aucun acteur ne sort totalement victorieux de la négociation (bien que les relations de pouvoir impliquent que certains seront plus gagnants que d’autres). Les artefacts sont alors des patchworks capturant des fragments de représentations ostensives portés par différents acteurs et reflétant des intentions diverses (orientées vers la standardisation ou la flexibilité). Ces intentions, visant à motiver l’action sont assimilables à la notion de règle en théorie des organisations, telle que définie dans les travaux emblématiques de Reynaud : les règles « énonce[nt] les actions à déclencher, en fonction des conditions définies » toutefois elles « ne dictent pas les comportements » (1998, p. 472). Ces règles sont traduites sous une forme matérielle incorporée aux artefacts.
D’Adderio (2011) a recours à la notion d’affordance pour éviter de tomber dans une vision déterministe ou réductionniste qui voudrait que les acteurs réagissent d’une façon spécifique à un artefact (Hutchby, 2001, p. 450). Les affordances sont des potentialités d’actions perçues par les acteurs organisationnels. Ce concept permet de soutenir que « l’artefact n’offre pas simplement une orientation passive » (2011, p. 214). Il offre une orientation active dans le sens où l’orientation inscrite est toujours interprétée par les utilisateurs et utilisatrices, puis énactée ou non. Selon leurs perceptions et leurs interprétations, les acteurs pourront décider de contourner l’artefact ou bien de l’utiliser en agissant de façon plus ou moins congruente avec l’inscription.
Les perceptions et interprétations des acteurs dépendent des inscriptions artefactuelles mais aussi plus largement des éléments hétérogènes constituant la situation sociale au sein de laquelle l’artefact est utilisé (Pinch & Bijker, 1984; Jarzabkowski & Pinch, 2013). Les affordances sont donc en partie socialement construites. En ce sens elles dépendent également du contexte d’utilisation de l’artefact, c’est-à-dire des groupes sociaux, des communautés de pratiques et des réseaux de relations dans lesquels cet artefact est encastré, des apprentissages des acteurs qui l’utilisent ou encore des ressources que ces derniers ont à leur disposition par exemple. Aussi, les perceptions et interprétations des acteurs ne sont pas non plus entièrement libres. Elles s’inscrivent dans un contexte organisationnel qui a tendance à favoriser l’utilisation de l’artefact dans le sens de ses inscriptions[9]
Au final, l’articulation des notions d’inscription et d’affordance permet d’avancer que les artefacts ne sont pas sans conséquences sur les actions même s’ils ne déterminent pas totalement la réalisation des actions des routines. Et cela notamment en raison de leur ancrage au sein d’un assemblage socio(-)matériel composé (1) des interactions sociales participant à inscrire les artefacts (donc à leur donner une forme matérielle), (2) de la forme matérielle à partir de laquelle les acteurs vont percevoir des actions à réaliser et (3) des interactions sociales qui interviennent dans la formation de cette perception et dans son énaction (ou non).
Figure 1
Cadre d’analyse du rôle des artefacts dans la dynamique de la routine organisationnelle
Version traduite de la Figure 4c de D’Adderio, 2011, p. 224 à laquelle nous avons ajouté les chiffres.
D’Adderio (2008, 2011) propose de représenter la place centrale des artefacts à travers la Figure 1. Selon nous cette figure fonde les bases d’un cadre conceptuel permettant l’analyse du rôle des artefacts dans la dynamique des routines. À partir des développements théoriques exposées dans les deux premières sections, il est possible de suggérer l’interprétation suivante de la Figure 1 :
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Cadrage : les artefacts cadrent les performances au sens où ils participent à faire converger les affordances et les performances effectives avec les intentions inscrites.
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Débordement : les performances quotidiennes débordent plus ou moins du cadre, au sens où les affordances et les performances effectives sont sensiblement différentes des intentions inscrites. Cela pourrait conduire à un recadrage des performances via l’artefact (voir D’Adderio, 2008), à la pérennisation de nouvelles affordances ou à l’incorporation de nouvelles inscriptions dans l’artefact.
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Co-constitution ostensif/artefact : les artefacts sont constitués de l’ostensif au sens où des fragments de représentations ostensives y sont inscrits. L’ostensif est constitué par les artefacts dans le sens où les patterns de la routine dépendent de la représentation qu’en donne les artefacts.
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Micro-dynamique de la routine : énaction de l’aspect ostensif dans les performances, c’est-à-dire faire exister l’ostensif par l’action et le mettre en mouvement.
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Dynamique d’évolution de la routine : survenue de variations dans la façon dont est performée la routine, impliquant, lorsqu’elles se pérennisent dans le temps, une modification des patterns ostensifs.
Le mécanisme d’inscription sous-jacent au rôle des artefacts dans la dynamique de la routine
Les apports récents de la littérature qui s’est intéressée au rôle des artefacts dans la dynamique des routines permettent d’enrichir la compréhension du mécanisme d’inscription. En particulier ces apports permettent d’identifier la nature des inscriptions et dans quelle mesure celles-ci contribuent à générer des performances permettant de répondre aux pressions de standardisation ou de flexibilité.
C’est tout d’abord l’étude empirique de Danner-Schröder et Geiger (2016) qui permet d’introduire une précision notable sur la nature des inscriptions. Cette étude porte sur cinq routines impliquées dans le secours de victimes au sein de zones sinistrées par des tremblements de terre. Trois de ces routines répondent à un fort besoin de standardisation : la routine d’installation du camp de secouristes, la routine de tri des sites d’intervention et la routine de signalisation[10]. Les deux autres répondent plutôt à une intention orientée vers la flexibilité : la routine de recherche des victimes et la routine de secours des victimes[11]. L’analyse de ces routines suggère que ce sont des inscriptions artefactuelles de nature différente qui permettent de soutenir les intentions orientées vers la standardisation et la flexibilité.
Les artefacts qui accompagnent les routines répondant à un fort besoin de standardisation fournissent des procédures qui décrivent de manière détaillée le flux de travail à accomplir. Les inscriptions apportent ainsi des informations précises non seulement sur les tâches à réaliser, mais également sur la façon d’effectuer ces tâches (en donnant, par exemple, pour la routine d’installation du camp, un plan indiquant l’emplacement exact de la tente de secours dans le camp). Pour reprendre les termes de Danner-Schröder et Geiger, ces inscriptions encodent des templates d’actions. Les templates d’actions correspondent à une façon de faire précise (Baden-Fuller & Winter, 2005) : quelles actions réaliser et comment les combiner. Les inscriptions qui encodent des templates d’actions encouragent la standardisation des performances en invitant à un alignement, le plus exact possible, des comportements des acteurs avec les règles inscrites dans l’artefact. Ces inscriptions invitent également à la mise en place de comportements permettant de protéger le template d’actions. Par exemple, lors de la réalisation de la routine d’installation du camp de secouristes, les acteurs ont réalisé des actions non prévues pour empêcher que la routine ne soit perturbée, comme éconduire une personne qui venait leur demander de l’aide immédiatement. Quelques variations sont alors introduites dans le flux de travail, toutefois il convient de noter qu’elles permettent ici d’éviter les déviations dans la mise en oeuvre du template. En somme, lorsque le besoin de standardisation est prédominant l’artefact incorpore une intention orientée vers la standardisation en inscrivant un template d’actions. Cette inscription soutient des performances standardisées et quelques performances flexibles pour protéger ce template. Cette définition des templates comme intégrant de façon claire les différentes actions à réaliser, et permettant ainsi de reproduire le plus fidèlement possible la façon de faire, renvoie à ce que Reynaud (1998, 2001, 2005) en théorie des organisations qualifie de « règles prêtes-à-l’emploi » (1998, p. 472) que l’on peut aussi qualifier de règles (relativement) fermées dans le sens où elles ont vocation à laisser peu de place à l’interprétation des acteurs qui les énactent.
Les artefacts qui aident à la mise en oeuvre des routines répondant à un fort besoin de flexibilité fournissent, quant à eux, des lignes directrices concernant ce que les secouristes doivent être en mesure d’accomplir. Par exemple, les artefacts définissent les tâches que les secouristes doivent être en mesure d’exécuter, telles que couper une poutre en acier, utiliser un marteau pneumatique ou encore utiliser un équipement acoustique pour détecter les victimes. Selon Danner-Schröder et Geiger (2016), ces inscriptions encodent des principes d’actions. Les principes d’actions correspondent aux raisons de faire les actions, ils donnent un sens général aux actions (Baden-Fuller & Winter, 2005). Les inscriptions qui encodent des principes d’actions sont plus susceptibles d’orienter les performances de la routine vers la flexibilité, puisque, si elles spécifient les objectifs et les principales actions à réaliser, elles ne spécifient pas précisément quand, dans quel ordre et comment réaliser ces actions. Par exemple, l’article décrit une situation dans laquelle un secouriste s’introduit en rampant dans un entrepôt effondré et, suite à sa propre évaluation de la situation, décide d’utiliser un marteau pneumatique pour casser un mur qui bloque le chemin et de prendre un tuyau d’oxygène estimant que l’environnement est sous-oxygéné. Le caractère suffisamment ouvert des principes permet ainsi aux acteurs de la routine d’inventer leurs propres façons de faire (templates) pour gérer les situations spécifiques qu’ils rencontrent, des façons de faire qui sont donc par nature flexibles. En somme, lorsque le besoin de flexibilité est prédominant l’artefact incorpore une intention orientée vers la flexibilité en inscrivant un principe d’actions. Cette inscription soutient une certaine standardisation au niveau des actions à réaliser tout en accompagnant la réalisation de performances flexibles puisque ces actions sont toujours combinées de façon différentes. Les principes d’actions peuvent être assimilées à ce que Reynaud qualifie de « règles interprétatives » (1998, p. 472) que l’on peut aussi qualifier de règles (relativement) ouvertes au sens où elles ont vocation à laisser beaucoup de place à l’interprétation des acteurs au moment de leur énaction dans la pratique.
En complément de ce travail sur la nature des inscriptions, une précision intéressante peut être tirée du travail de Glaser (2017) à propos de la formalisation des règles à inscrire. Cet article s’intéresse au processus de conception des artefacts mobilisés dans les routines organisationnelles. Plus précisément, l’étude porte sur la conception d’un logiciel générant aléatoirement des plannings de patrouilles policières au sein d’une gare, prenant la forme d’instructions langagières. Elle montre notamment que deux types d’instructions ont été incorporés dans ce logiciel durant sa conception.
Un premier type d’inscription prescrit, par exemple, à l’agent de police d’examiner des quais de la gare spécifiques dans un ordre précis pour repérer une éventuelle activité criminelle (Glaser, 2017, p. 2136). Ces instructions langagières (ou groupes de mots) sont définies par l’auteur comme relativement concrètes. En effet, elles mobilisent un groupe de mots qui dénote des référents relativement précis et permanent dans le monde (on pourrait par exemple imaginer l’instruction relativement concrète : « examiner les quais de la Gare de Lyon dans l’ordre suivant : quais 1, 2, 3, 4 du Halle 2, quais A, B, C, D du Halle 1 »). Ces instructions détaillées donnent une direction précise aux participants de la routine, ne laissant pas véritablement de place à l’interprétation humaine dans la décision des actions à entreprendre. À la lumière des conclusions précédentes nous pouvons alors avancer que ces instructions matérialisent une règle fermée.
Un second type d’inscription indique, par exemple, à l’agent de police de déambuler dans la gare (ibid.). Ces instructions langagières (ou groupes de mots) sont qualifiées de plus abstraites. Le groupe de mots mobilisé dénote un ensemble de référents plus vaste. Ils peuvent alors signifier différentes choses pour des personnes différentes ou à différents moments (on pourrait par exemple imaginer l’instruction relativement abstraite suivante « déambuler dans la gare de Lyon ») et ainsi être opérationnalisées de manière distincte par les différents agents de police. Ces instructions donnent une direction minimale aux participants de la routine et font reposer une partie de la décision des actions à entreprendre sur le jugement humain. Plus de place est laissée à l’interprétation humain, aussi nous pouvons considérer que ces instructions matérialisent une règle ouverte.
Au final, depuis la contribution de Glaser, il est possible d’établir un lien entre, d’une part, la nature fermée ou ouverte des règles sous-jacentes à l’inscription et, d’autre part, le caractère concret ou abstrait du langage utilisé pour les formaliser. En substance, une règle fermée se matérialise par un langage plutôt concret, tandis qu’une règle ouverte se matérialise par un langage plutôt abstrait. Cette précision est particulièrement utile pour étudier les artefacts « parlants », dans lesquels les inscriptions sont, par définition, largement matérialisées sous forme de langage (verbal, mathématique ou visuel).
Pour conclure, deux apports principaux peuvent être tirés quant au mécanisme d’inscription sous-jacent aux rôles des artefacts dans la dynamique des routines. D’une part, il est possible de différencier deux types de règles inscrites dans les artefacts, lesquelles ont des conséquences différentes sur les performances des routines. Les règles fermées favorisent la standardisation des performances et les règles ouvertes favorisent leur flexibilité. D’autre part, nous pouvons relever différents types de langage à même de matérialiser ces règles. Les règles fermées sont matérialisées par un langage concret et les règles ouvertes sont matérialisées par un langage abstrait. Ces apports sont mobilisés dans la figure 2 pour préciser le schéma initial de D’Adderio (2011) présenté plus haut (figure 1). Les artefacts, au centre de la dynamique de la routine, incorporent des intentions orientées vers la flexibilité ou la standardisation en inscrivant des combinaisons « règle/langage ». Les combinaisons prennent une forme différente selon que l’ostensif renvoie à une intention prédominante de standardisation (règle fermée/langage concret) ou à une intention prédominante de flexibilité (règle ouverte/langage abstrait). Les performances seront alors respectivement plutôt standardisées (congruentes avec une intention de standardisation) ou plutôt flexibles (congruente avec une intention de flexibilité).
Figure 2
Cadre d’analyse du rôle des artefacts dans la dynamique de la routine organisationnelle, enrichi des apports sur le mécanisme d’inscription
Le mécanisme d’affordance sous-jacent au rôle des artefacts dans la dynamique de la routine
Si la pertinence du concept d’affordance a été soulevée pour aborder le rôle des artefacts dans la dynamique de la routine (D’Adderio, 2011, 2014; Goh et al., 2011; Leonardi, 2011), celui-ci n’a été que très peu mobilisé. Quelques travaux, qui n’ont pas nécessairement utilisé la notion d’affordance en tant que telle mais se sont intéressés au rôle des artefacts dans les performances des routines, apportent tout de même indirectement un premier niveau de résultats. Ils permettent d’identifier certaines conditions nécessaires pour que les affordances suscitent des performances congruentes avec les inscriptions, ainsi que certaines caractéristiques favorisant la création de ces conditions.
Une première condition identifiable grâce au travail de Bapuji et al. (2012) concerne la compréhension des affordances. Comprendre les affordances signifie ici percevoir la ou les intentions inscrites dans un artefact ainsi que les actions associées attendues. L’article postule en outre que ces dernières seront mieux comprises – et ainsi potentiellement mises en oeuvre dans les performances – si l’inscription est claire et interprétée sans ambiguïté par les utilisateurs et utilisatrices de l’artefact. L’étude empirique développée dans l’article corrobore ce postulat. Elle consiste à comparer l’effet de deux ensembles d’artefacts sur l’efficacité d’une routine de changement de serviettes dans un hôtel grâce à une expérimentation de terrain. La routine est considérée comme étant efficace lorsqu’elle répond à l’objectif de diminuer le nombre de serviettes lavées chaque jour, tout en proposant un service de nettoyage qui ne nuit pas à la satisfaction des clients et des clientes. Ces derniers et ces dernières n’étant pas directement en contact avec le personnel de ménage, la communication entre les deux groupes se fait par l’intermédiaire des artefacts. Les deux ensembles d’artefacts comparés sont les suivants :
Les résultats de l’étude suggèrent que l’ensemble le plus efficace est le second car son interprétation est plus claire : les clients et les clientes sont susceptibles de percevoir plus clairement l’intention de « changer une serviette » lorsqu’elle est inscrite dans l’environnement par la mise à disposition d’une panière à linge plutôt que par l’indication de la baignoire car la panière est dédiée à cette action alors que la baignoire ne l’est pas. L’interprétation est également plus évidente pour le personnel de ménage car la panière à linge n’a pas d’autre interprétation possible que celle de « changer la serviette » qui s’y trouve. Finalement il n’y a pas d’ambiguïté d’interprétation car il y a peu d’interprétations possibles.
Nous pouvons comprendre de ce résultat que lorsqu’un artefact transmet des actions sans ambiguïté – donc en restreignant le champ des interprétations ou encore, dans notre vocabulaire, en restreignant les affordances potentielles – celles-ci auront plus de chance d’être comprises et ainsi mises en oeuvre dans les performances. En mettant en lien ce résultat avec les conclusions de la section précédente nous pouvons avancer que le deuxième ensemble d’artefacts matérialise une règle fermée (car il laisse peu de place à l’interprétation des acteurs) et que les performances qu’il suscite sont plutôt standardisées. À travers cette étude, Bapuji et al. (2012) réaffirment l’importance de l’inscription et soulignent que celle-ci doit être claire pour que les actions associées attendues soient comprises. Une question peut toutefois être soulevée : qu’en est-il de la clarté de l’inscription et de la compréhension des affordances lorsque la règle inscrite dans les artefacts est plus ouverte, autrement dit lorsque les interprétations et les actions attendues sont multiples pour favoriser la flexibilité des performances ?
Une deuxième condition, introduite par l’étude de Goh et al. (2011), concerne la désirabilité des affordances. Cette étude porte sur l’implémentation d’un système de documentation informatisé (SDI) en introduisant des artefacts tels que des tablettes électroniques et des ordinateurs sur chariots, pour remplacer une documentation papier, constituée de dossiers et de feuilles de suivi. Cette documentation a pour fonction principale de suivre les traitements, les progrès et l’état de santé des patients et des patientes. Elle est au coeur de la réalisation de deux routines hospitalières : une routine de « tour » (échange d’informations entre tout le personnel soignant d’un service) et une routine de consultation. Les résultats de l’étude montrent que les affordances suscitées par un artefact peuvent être associées à une symbolique (des impressions)[12] plus ou moins positive, qui influe sur la désirabilité des affordances et in fine sur l’énaction de ces affordances dans la pratique. Plus précisément les résultats établissent que les impressions positives ont tendance à renforcer la désirabilité des affordances en les associant à des résultats valorisés. Elles augmentent alors la probabilité de leur énaction dans la pratique. Par exemple, la possibilité offerte par le SDI de pouvoir surveiller certaines informations en temps réel et d’intervenir à distance est perçue très positivement par les médecins, ce qui les motive à s’emparer de ce nouvel artefact. Les impressions négatives, a contrario, semblent augmenter la probabilité d’un évitement de l’artefact. Par exemple, le temps relativement long de chargement des annotations est perçu négativement par le personnel soignant, ce qui constitue un frein dans l’utilisation du SDI et favorise son contournement partiel (retour à l’utilisation de documents papiers)[13].
Ces résultats de Goh et al. (2011) peuvent être rapprochés de ceux de Royer et Daniel (2019) qui s’intéressent au rôle d’un artefact légal encadrant les routines de sanctions du personnel de soin au sein de maisons de retraite. Royer et Daniel (2019) montrent que, selon les situations, les affordances suscitées par l’artefact paraissent plus ou moins désirables, notamment quant à leurs conséquences en matière de conflits avec le personnel. Leur étude révèle également que, lorsque les affordances paraissent trop indésirables l’artefact est partiellement contourné. En effet, dans ce cas les recommandations légales ne sont pas suivies à la lettre par la direction. Par exemple le motif invoqué pour sanctionner la personne est légèrement différent du motif « réel » afin de diminuer sa sanction et des actions complémentaires sont mise en place pour compenser cette diminution.
Une troisième condition, l’acceptation des affordances, déjà suggérée par Lazaric et Denis (2005), est donnée à voir dans l’étude de Cacciatori (2012). L’autrice analyse l’introduction de différents artefacts (un classeur Excel, une base de données Microsoft Access et une procédure de réponse aux appels d’offres), au sein d’un bureau d’étude en conception technique, crées pour supporter l’élaboration d’une nouvelle routine de réponse à des appels d’offre. Elle constate que ces artefacts ne sont pas mobilisés par tous les acteurs, ne permettant pas l’émergence de la nouvelle routine. Selon Cacciatori cet échec peut être expliqué par le fait que ces artefacts cristallisent le point de vue d’une seule communauté d’acteurs, or différentes communautés doivent collaborer pour réaliser cette routine. Les affordances suscitées par les inscriptions artefactuelles ne sont pas acceptables pour les autres communautés parce qu’elles ne sont pas alignées avec leurs intérêts, lesquels sont intimement liés à leurs objectifs et leurs représentations ostensives. Cacciatori (2012) souligne ainsi l’importance de l’acceptation des affordances par tous les acteurs de la routine (ou du moins une large majorité) pour que celles-ci soit effectivement énactées dans la pratique.
En définitive, à ce jour les travaux mettent en évidence au moins trois conditions contribuant à ce que les affordances suscitent des performances congruentes avec les inscriptions : la compréhension, la désirabilité et l’acceptation des affordances. Ces apports sont mobilisés dans la figure 3 pour préciser la figure 2 : les performances auront tendance à être plus congruentes avec les intentions inscrites lorsque les affordances de celles-ci sont compréhensives, désirables et/ou acceptables. Les articles informent sur certaines caractéristiques favorisant la création de ces conditions (clarté de l’inscription, impression positive des affordances, alignement des affordances et des intérêts). Ces résultats mériteraient toutefois d’être consolidés et développés.
Les interactions sociales supports des inscriptions et des affordances
D’Adderio (2011, 2014) suggère que les interactions sociales, dans lesquelles sont encastrés les artefacts de la routine, rendent possible, soutiennent et renforcent les mécanismes d’inscription et d’affordance. Ce tout forme un assemblage socio(-)matériel qui supporte la dynamique de la routine[14]. En effet, puisque les inscriptions sont le résultat d’arrangements sélectifs issus des interactions entre différents membres de l’organisation (participant ou non à la mise en oeuvre de la routine), elles sont le résultat d’un processus social que nous qualifions de processus d’inscription. Par ailleurs, la compréhension, la désirabilité ou l’acceptation des affordances ne vont pas de soi. Elles sont aussi des constructions sociales résultant en grande partie d’interactions entre les acteurs organisationnels. Aussi, c’est à travers ces interactions sociales que se joue la congruence entre l’intention inscrite dans l’artefact et les performances de la routine. Nous désignons les interactions qui participent à la construction et au maintien de cette congruente par l’expression processus d’affordance. Un nombre restreint de travaux sur le rôle des artefacts dans la dynamique des routines – pour certains déjà discutés ci-dessus – permettent de repérer des apports intéressants à mettre en lien avec les processus d’inscription et d’affordance[15].
Le processus d’inscription
Les quelques travaux empiriques qui ont porté un intérêt aux interactions sociales impliquées dans la conception ou la modification des artefacts des routines mettent tout d’abord en avant le rôle de ces interactions dans la négociation et la sélection des inscriptions à incorporer dans les artefacts (D’Adderio, 2014; Glaser, 2017). Ces travaux semblent également suggérer que ces interactions se déroulent souvent dans le cadre de dispositifs organisationnels en marge de la réalisation de la routine stricto sensu. Ces dispositifs font partie du contexte au sein duquel la routine évolue et suppose la mise en oeuvre d’un processus relativement délibéré. Prenons pour exemple l’étude de D’Adderio (2014) qui analyse le processus à travers lequel des modifications sont introduites au sein d’artefacts mobilisés pour plusieurs routines dans une entreprise de fabrication d’électronique. Elle montre que ces modifications sont discutées et décidées au travers de dispositifs (tels qu’une procédure de demande de modifications techniques ou un comité d’examen des demandes) prévus par l’organisation et dédiés au recueil, à la négociation et à la sélection des idées. Elle souligne, cependant, que le caractère délibéré du processus n’implique pas un engagement automatique des membres de l’organisation dans sa mise en oeuvre. Dans son cas d’étude, l’engagement est rendu possible par l’intégration préalable, par les membres de l’organisation, de l’idée qu’il est nécessaire de faire évoluer leurs routines dans le temps (notamment pour faire face aux évolutions rapides du secteur).
Figure 3
Cadre d’analyse du rôle des artefacts dans la dynamique de la routine organisationnelle, enrichi des apports sur le mécanisme d’inscription et le mécanisme d’affordance
L’étude de Glaser (2017), déjà évoquée, analyse également un processus délibéré visant à modifier des routines (de patrouilles policières) en modifiant leur artefact (création d’un logiciel générant des plannings aléatoirement). Ce travail empirique étudie en profondeur les actions impliquées dans la conception de l’artefact. Il montre que ces actions consistent à discuter des routines à différents niveaux de compréhension (leur grammaire d’actions opérationnelle, leurs hypothèses sous-jacentes, la distribution de l’agentivité entre les acteurs et l’artefact et l’évaluation des résultats produits) pour in fine déterminer la nature et la forme des inscriptions à incorporer à l’artefact. Par exemple, pour la routine de patrouille anti-terroriste, les discussions ont notamment porté sur l’agentivité à accorder aux acteurs (dans notre conceptualisation cela revient à discuter de la nature ouverte ou fermée de la règle à inscrire), ce qui a permis de déterminer le niveau d’abstraction requis pour formaliser les instructions à incorporer dans l’artefact.
L’article de Goh et al. (2011), présenté dans la section précédente, suggère que le processus d’inscription peut aussi résulter du débordement (performances qui débordent du cadre prescrit par les inscriptions). L’enclenchement de ce processus n’est pas toujours décidé de l’extérieur, il peut être induit par l’utilisation de l’artefact. L’article montre en effet que les acteurs de la routine peuvent s’engager dans une exploration des qualités ou capacités de l’artefact (en particulier lorsque les impressions des affordances sont positives) lors de son utilisation. Cette exploration peut conduire à repérer de nouvelles affordances, lesquelles peuvent à leur tour déboucher sur l’intégration de nouvelles inscriptions dans l’artefact. Par exemple, l’étude montre qu’en explorant l’artefact (SDI) les médecins identifient une nouvelle possibilité d’utilisation pour la formation des internes (non prévue par la conception). Cela les conduit, par la suite, à solliciter l’ajout de différentes fonctionnalités améliorant les qualités pédagogiques de l’artefact. Ce résultat est particulièrement intéressant. D’une part, il permet d’appréhender le débordement dans une perspective d’enrichissement de l’utilisation de l’artefact et pas uniquement dans une perspective de contournement. D’autre part, il permet d’envisager l’émergence du processus d’inscription comme un phénomène qui peut être plus endogène, résultant directement des pratiques quotidiennes des acteurs de la routine. Toutefois, les modalités de mise en oeuvre ce processus plus endogène restent encore largement à développer.
Le processus d’affordance
Quelques travaux permettent d’enrichir notre compréhension du processus d’affordances. Comme pour le processus d’inscription, ces travaux soulignent le rôle de certains dispositifs organisationnels en marge de la réalisation de la routine et dédiés au processus d’affordance. Par exemple dans l’étude de D’Adderio (2014), un comité nommé « l’échec n’est pas une option » est créé pour inciter à la congruence des performances avec les inscriptions en influençant la volonté des acteurs de les énacter. L’incitation consiste à sensibiliser les membres de l’organisation à l’importance du respect des actions prescrites par les inscriptions et aux implications (pour l’organisation ou pour eux-mêmes) de leurs actions dans le cas de déviations vis-à-vis des performances attendues.
Dans le cas analysé par Danner-Schroder et Geiger (2016), les dispositifs dédiés au processus d’affordance sont des formations pratiques. Ces dernières consistent en des entrainements à la réalisation des routines en suivant les instructions renseignées dans les artefacts. Elles sont également l’occasion d’un partage d’expériences entre les acteurs. L’entrainement et le partage d’expériences ont accompagné l’alignement entre les intentions inscrites dans les artefacts et les performances en permettant le développement d’un knowing (un savoir-faire incarné) sur les routines, par l’apprentissage. Cet article est particulièrement intéressant car il montre que l’objectif et les modalités d’apprentissage sont différents selon qu’il s’agit d’apprendre à performer une règle fermée ou une règle ouverte. Lorsqu’il s’agit d’apprendre à performer une règle fermée, l’entrainement et surtout le partage d’expériences consistent à apprendre à suivre scrupuleusement la procédure et à savoir pourquoi il est important de la suivre. Par exemple, des expériences sont partagées pour sensibiliser aux conséquences d’une déviation du standard. Ce résultat peut être rapproché de celui de D’Adderio (2014) évoquant l’incitation par la sensibilisation. Par ailleurs, lorsqu’il s’agit d’apprendre à performer une règle ouverte, le partage d’expériences et surtout l’entrainement consistent à apprendre à réaliser un répertoire de tâches (par exemple, couper une poutre en fer ou utiliser un marteau pneumatique), puis apprendre à sélectionner et combiner les tâches du répertoire à exécuter en fonction de la situation.
Enfin, Goh et al. (2011) relèvent le rôle du leadership individuel dans la désirabilité des affordances. Leur étude montre que l’avis et les comportements des acteurs qui constituent des figures d’autorité, tels que des médecins au sein d’une équipe de soins, jouent sur la désirabilité des affordances car ils ont un fort pouvoir d’influence sur les perceptions des autres acteurs de la routine.
Au final, la prise en compte des processus d’inscription et d’affordance permet d’enrichir la Figure 3 d’une perspective processuelle (cf. Figure 4) permettant une meilleure compréhension du rôle des artefacts dans la micro-dynamique de la routine et dans l’articulation entre la micro-dynamique et la dynamique d’évolution de la routine. Le processus d’affordance supporte le rôle des artefacts dans la micro-dynamique de la routine en favorisant la création et le maintien des conditions (compréhension, désirabilité, acceptation) essentielles à l’élaboration d’affordances congruentes avec les inscriptions et à leurs énactions effectives. Le processus d’inscription joue quant à lui un rôle clé dans l’articulation entre la micro-dynamique et la dynamique d’évolution de la routine. L’enclenchement de ce processus peut être exogène à la routine ou émerger de façon plus endogène (c’est pourquoi il est représenté par deux flèches distinctes sur la Figure 4). Dans les deux cas, il participe à créer ou modifier des artefacts qui, une fois intégrés dans la pratique et soutenus par le processus d’affordance, introduisent des variations dans les performances des routines fortement susceptibles de se pérenniser dans le temps et ainsi de modifier les patterns ostensifs. Les travaux mobilisés dans cette section permettent de dégager des premières contributions sur les modalités de mise en oeuvre de ces processus, qui mériteraient d’être développées dans de futurs travaux empiriques.
Figure 4
Cadre d’analyse du rôle des artefacts dans la dynamique de la routine organisationnelle, enrichi des apports sur le mécanisme d’inscription, le mécanisme d’affordance et les interactions sociales supports de ces mécanismes
Conclusion
L’objectif de cet article était de proposer un cadre conceptuel permettant de penser l’articulation entre la standardisation et la flexibilité au sein des organisations à partir des travaux récents sur le rôle des artefacts dans la dynamique des routines. Il ressort de notre analyse conceptuelle que le type de pression à gérer (standardisation versus flexibilité) influencent les intentions à incorporer dans les artefacts qui, à leur tour, influencent le type de règles à inscrire (ouvertes versus fermées) et le langage utilisé pour les matérialiser (abstrait versus concret). Ces inscriptions sont façonnées au travers d’interactions sociales constituant le processus d’inscription. Les performances seront congruentes avec les intentions inscrites à condition que les affordances suscitées par ces dernières soient comprises, désirables et acceptées. La satisfaction de ces conditions dépend en partie d’interactions sociales, constituant le processus d’affordance.
Ce cadre conceptuel suggère plusieurs pistes de recherche pour de futures études empiriques. Tout d’abord, il s’agirait bien évidemment d’examiner, au sein d’une même étude empirique, comment les mécanismes et processus d’inscription et d’affordance s’articulent pour gérer simultanément les pressions à la standardisation et à la flexibilité au sein des routines. Un même ensemble d’artefacts peut-il gérer simultanément ces deux pressions ou différents ensembles d’artefacts sont-ils nécessaires (et dans ce cas comment s’articulent-ils) ? Ensuite, les conditions contribuant à ce que les affordances suscitent des performances congruentes avec les inscriptions ne sont-elles pas inter-reliées ? Et si oui, comment ? De plus, alors qu’elles semblent être importantes, la littérature n’établit pas de relations spécifiques entre le type d’inscription incorporé dans les artefacts (orienté vers la standardisation ou la flexibilité des performances) et ces conditions. Est-ce que ces conditions ont la même importance lorsqu’il s’agit de mettre en oeuvre des performances plutôt standardisées ou plutôt flexibles ? De façon plus générale, l’intégration d’une pression à la standardisation dans une routine nécessite-t-elle des processus d’inscription ou d’affordance spécifiques, différents de ceux nécessaires à l’intégration d’une pression à la flexibilité ? Par ailleurs, la question de savoir comment le processus d’inscription agit sur les performances des routines est encore à explorer. Enfin, le processus d’inscription endogène semble particulièrement intéressant à étudier pour aller plus avant dans la compréhension du rôle des artefacts dans la dynamique des routines.
Appendices
Note biographique
Savéria Cecchi est chercheuse en science de gestion. Ses travaux s’inscrivent dans le champ de la théorie des organisations et s’intéressent aux dynamiques organisationnelles, à la socio-matérialité et aux routines organisationnelles en privilégiant les approches par les théories de la pratique et les méthodologies qualitatives (études de cas, ethnographies, entretiens, etc.). Elle est membre de la chaire ESoPS (Économie Sociale, Protection et Société) de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et occupe actuellement une position de chercheuse postdoctorale au sein du projet « Decommissioning Management and Leadership for Safety Education » co-financé par l’Europe et supporté par l’Université Côte d’Azur, SKEMA Business School et Karlsruhe Institut für Technologie.
Notes
-
[1]
Feldman & Pentland (2003) citent notamment les théories développées par March & Simon (1958); Cyert & March (1963); Thompson (1967) et Nelson & Winter (1982).
-
[2]
Les représentations ostensives des acteurs de la routine (voire même de ses observateurs) peuvent être différentes (Feldman & Pentland, 2003). Néanmoins l’aspect ostensif existe « par-dessus et au-dessus des points de vue subjectifs » (Dionysiou & Tsoukas, 2013, p. 184).
-
[3]
Les travaux qui s’intéressent aux artefacts en sciences sociales utilisent parfois indifféremment le terme « artefact » (Rafaeli & Vilnai-Yavetz, 2004; Vilnai-Yavetz & Rafaeli, 2006), « outil » (Chiapello & Gilbert, 2013, 2016) ou « objet » (Blandin, 2002; Nicolini et al., 2012). Si nous utilisons le terme artefact dans ce travail, nous ne nous interdisons pas de faire référence aux travaux qui utilisent les deux autres termes. Bien souvent ces concepts se superposent, se recoupent ou sont tout à fait interchangeables.
-
[4]
Les artefacts « spécifiques » s’opposent aux artefacts « génériques » (tels que le mobilier ou un logo) qui contraignent moins directement et moins fortement l’action des personnes qui performent la routine (Cacciatori, 2012).
-
[5]
Les artefacts « parlants » s’opposent aux artefacts « silencieux » correspondant plutôt à des fournitures, des vêtements, des infrastructures matérielles ou des outils qui ne contiennent pas de représentations visuelles ou textuelles des connaissances, tels qu’une table, un marteau ou un stéthoscope.
-
[6]
L’analyse qui suit n’est donc pas une revue exhaustive de la littérature, dans laquelle d’autres types d’artefacts sont parfois évoqués (voir D’Adderio, 2021, pour une revue quasi-exhaustive de la littérature).
-
[7]
L’utilisation de parenthèses entourant le tiret dans « socio(-)matérialité » renvoie aux différentes positions ontologiques adoptées par les chercheuses et chercheurs : la position relationnelle — de la « sociomatérialité » (sans tiret) — ou substantialiste — de la « socio-matérialité » (Jones, 2013). Nous ne nous positionnons pas au sein de ce débat dans ce papier.
-
[8]
Notons d’ailleurs que l’intention sous-jacente à l’inscription artefactuelle peut, dans certains cas, être performée indépendamment des intentions des acteurs qui mobilisent cet artefact. Par exemple, l’intention de se repérer dans le temps en fonction de la position de la terre par rapport au soleil qui est inscrite dans le calendrier Grégorien est bien performée par les usages contemporains de ce calendrier, sans nécessairement que les acteurs connaissent cette intention.
-
[9]
D’Adderio (2011) identifie au moins trois explications à cette tendance. Tout d’abord, étant enchevêtrés dans un réseau dense de relations organisationnelles les artefacts peuvent être difficiles à éviter. Par exemple, le contournement d’un artefact peut avoir des conséquences négatives pour l’acteur organisationnel : son travail pourrait ne pas être pris en compte, ou des sanctions pourraient être appliquées pour ce manquement. Alors ce dernier aura tendance à mobiliser l’artefact et à se conformer au comportement prescrit par l’inscription. Ensuite, le rejet, l’évitement ou la modification d’un artefact nécessitent un déploiement de ressources (temps et compétences) qui ne sont que peu disponibles. Ainsi, le plus souvent, les agents n’ont pas la possibilité de faire sans les artefacts. Enfin, les artefacts font généralement partie de l’environnement habituel des acteurs et, en tant que tels, ils sont rarement questionnés donc souvent incontestés. En effet, les acteurs ont une propension à utiliser les outils, logiciels ou fournitures disponibles dans leur environnement de travail, sans questionner leurs intentions sous-jacentes.
-
[10]
Ces routines sont explicitement identifiées par les acteurs comme étant standardisées et devant être standardisées. En outre, elles exhibent un faible taux de variations au niveau des performances.
-
[11]
Ces routines sont identifiées par les acteurs comme étant flexibles et devant être flexibles. Elles exhibent un taux de variation important dans les performances.
-
[12]
Pour développer cette idée leur analyse mobilise le concept d’« expression symbolique » emprunté à Markus et Silver (2008). Ce concept renvoie aux impressions des utilisateurs et utilisatrices vis-à-vis du message sous-jacent véhiculé par l’artefact.
-
[13]
L’article rappelle tout de même que les impressions ne sont pas figées et peuvent radicalement se transformer au cours de l’utilisation d’un artefact.
-
[14]
La notion d’assemblage socio(-)matériel est reprise par D’Adderio et Pollock (2020) et récemment présentée, par D’Adderio (2021), comme une des principales pistes de recherche à investir pour aller plus avant dans la compréhension du rôle des artefacts dans la dynamique de la routine.
-
[15]
Le lien entre les artefacts et les interactions sociales n’est évidemment pas une thématique nouvelle qui serait propre à la littérature sur les routines organisationnelles. Il a été largement traité dans les travaux s’intéressant à la conception des artefacts ou à leur ergonomie. La particularité de la littérature sur les routines est de s’intéresser au rôle des interactions sociales supportant le rôle des artefacts dans la dynamique de la routine.
Bibliographie
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- Apista, S. M. (2020). Vers un transfert total des responsabilités aux cadres locaux dans les filiales de multinationales en Afrique : Innovation managériale ou réduction des coûts liés à l’expatriation ? In F. Goxe, N. Prime, & M. Viegas-Pires (Eds.), La recherche en management international : Continuité et rupture (pp. 47–80). Magnard-Vuibert.
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Appendices
Biographical note
Savéria Cecchi is a researcher in organization studies. Her research interests include organizational dynamics, socio-materiality and organizational routines with an emphasis on practice-based theories and qualitative research methods (cases studies, ethnography, interviews, etc.). She is member of the ESoPS chair (Économie Sociale, Protection et Société [social economy, welfare protection and society]) of the Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne and is currently a post-doctoral fellow in the “Decommissioning Management and Leadership for Safety Education” project, co-funded by Europe and supported by Université Côte d’Azur, SKEMA Business School and Karlsruhe Institut für Technologie.
Appendices
Nota biográfica
Savéria Cecchi es investigadora en estudios de organización. Sus intereses de investigación se centran en las dinámicas organizativas, la socio-materialidad y las rutinas organizativas, con especial atención a los enfoques basados en teorías de la práctica y los métodos de investigación cualitativos (estudios de casos, etnografía, entrevistas, etc.). Es miembro de la cátedra ESoPS (Économie Sociale, Protection et Société [economía social, protección y sociedad]) y actualmente es becaria posdoctoral en el proyecto «Decommissioning Management and Leadership for Safety Education», cofinanciado por Europa y apoyado por la Université Côte d’Azur, SKEMA Business School y Karlsruhe Institut für Technologie.
List of figures
Figure 1
Cadre d’analyse du rôle des artefacts dans la dynamique de la routine organisationnelle
Figure 2
Cadre d’analyse du rôle des artefacts dans la dynamique de la routine organisationnelle, enrichi des apports sur le mécanisme d’inscription
Figure 3
Cadre d’analyse du rôle des artefacts dans la dynamique de la routine organisationnelle, enrichi des apports sur le mécanisme d’inscription et le mécanisme d’affordance
Figure 4
Cadre d’analyse du rôle des artefacts dans la dynamique de la routine organisationnelle, enrichi des apports sur le mécanisme d’inscription, le mécanisme d’affordance et les interactions sociales supports de ces mécanismes