Abstracts
Résumé
Les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) sont en France un terreau fertile aux tensions de rôle. Cet article s’intéresse aux causes et aux conséquences des tensions de rôle de leurs personnels. Les résultats de notre étude de cas permettent non seulement d’identifier ces dernières mais aussi de repérer l’articulation de trois formes de tensions décrites dans la littérature. Trois facteurs d’influence les favorisent : la prévalence d’une logique économique dans une structure à visée sociale, l’intensification du travail et l’insuffisance de communication. Les conséquences, quant à elles, portent sur la performance, la santé et les comportements au travail.
Mots-clés :
- tensions de rôle,
- communication interpersonnelle,
- EHPAD,
- intensification du travail
Abstract
In France, nursing homes are a breeding ground for role strain. This article focuses on the causes and consequences of role strain among their staff. The results of our case study allow us not only to identify these strain but also to pinpoint the articulation of three forms of role strain described in the literature. Three influencing factors favour them: the prevalence of an economic logic in a structure with a social purpose, the intensification of work and the lack of communication. The consequences, for their part, concern performance, health and behaviour at work.
Keywords:
- role strain,
- interpersonal communication,
- nursing homes,
- work intensification
Resumen
Las residencias de ancianos en Francia son un caldo de cultivo para las tensiones de rol. Este artículo se centra en las causas y consecuencias de las tensiones de rol entre su personal. Los resultados de nuestro estudio de caso permiten no sólo identificar estas tensiones, sino también la articulación de tres formas de tensión descritas en la literatura. Tres factores influyentes las fomentan: la prevalencia de una lógica económica en una estructura con finalidad social, la intensificación del trabajo y una comunicación insuficiente. Las consecuencias, por su parte, afectan al rendimiento, la salud y el comportamiento en el trabajo.
Palabras clave:
- tensiones de rol,
- comunicación interpersonal,
- residencias de ancianos,
- intensificación del trabajo
Article body
Les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) français sont actuellement confrontés à « une crise de légitimité particulièrement sévère » (Jager, 2019, p. 288) avec notamment la médiatisation de scandales de maltraitance institutionnelle, et la perte de sens dans le travail médico-social qui peut s’expliquer par les transformations du secteur et l’émergence des tensions de rôle (Sabouné & Goujon-Belghit, 2018). Ces dernières, présentes dans tout type d’organisations, ont fait l’objet d’une littérature abondante ces dernières années en raison de leurs conséquences délétères sur les organisations (Royal & Brassard, 2010; Djabi et al., 2019; Rivière et al., 2019).
Les tensions de rôle naissent quand un individu est confronté à des attentes de rôle qui sont trop ambigües ou incompatibles entre elles (Rivière et al., 2019). Le rôle se définit comme un ensemble d’attentes vis-à-vis du comportement d’un individu (Fogarty, 1992). L’entrelacement d’un système d’attentes plus ou moins explicites peut générer des ambiguïtés et des tensions, au niveau individuel, collectif et organisationnel. Kahn et Katz (1966) ont ainsi mis en évidence tout un système de rôles, comprenant un ensemble d’activités ou de comportements attendus de la part d’un individu qui, outre ses propres attentes, doit répondre à celles des autres émetteurs de rôle. Il s’agit ici de savoir comment les salariés appréhendent et réagissent à leur système de rôle lorsqu’il leur semble discordant, c’est-à-dire que les informations reçues paraissent contradictoires (Pratt & Doucet, 2000). De fait, la littérature montre qu’une exposition continue à différents signaux et sources d’informations non concordants peut engendrer un certain nombre d’oppositions (Ashforth et al., 2014). Des tensions de rôle, prenant la forme de conflits, d’ambiguïtés ou de surcharge de rôle peuvent alors se développer (Kelloway & Barling, 1990). Pour autant, la littérature n’étudie pas l’articulation entre ces trois formes de tensions. Par conséquent, pour combler ce gap, notre article pose la question de recherche suivante : dans quelle mesure les tensions de rôle observables dans une organisation s’articulent entre elles ?
Les tensions de rôle ont fait l’objet d’études approfondies dans divers secteurs : la grande distribution (Commeiras et al., 2009), le commerce (Borgi, 2002), les télécommunications (Djabi et al., 2019) ou le secteur public hospitalier (Rivière et al., 2019). A notre connaissance les spécificités des EHPAD, n’ont jamais été investiguées. Paradoxalement, aucune recherche académique n’a à notre connaissance été réalisée sur cette question, dans un secteur qui fait pourtant face à de graves difficultés de recrutement et de fidélisation de personnels liées notamment à la dégradation du bien-être des personnels et à des rémunérations peu stimulantes (Sabouné, 2022). Dès lors, l’objectif de recherche de cet article est de déterminer quelles sont les tensions de rôle perçues par les personnels d’EHPAD, leurs causes et leurs conséquences.
Pour tendre vers cet objectif, une recherche qualitative a été menée dans un EHPAD privé à but non-lucratif français, équivalent des centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) québécois (Aubry, 2012). La France comme le Québec connaissent un processus actuel de vieillissement de leurs populations. Cette révolution démographique est d’ampleur mondiale (Sandron, 2020). Les problématiques du troisième-âge, et notamment l’encadrement des maisons de retraite médicalisées, suscitent donc l’intérêt des législateurs nationaux. En France, les réformes successives du secteur médico-social ont un double objectif : l’amélioration de la qualité de la prise en charge et l’optimisation des coûts de fonctionnement. Ces logiques s’avèrent pourtant difficilement conciliables (Sabouné & Montargot, 2017). A cela s’ajoute une dépendance cognitive et physique accrue par le vieillissement des personnes accueillies en établissement, tant au Québec qu’en France (Clément & Lavoie, 2013), qui contribue à l’intensification du travail du personnel soignant (Aubry, 2012; Iborra & Fiat, 2018). Dès lors, les professionnels de la dépendance connaissent de nombreuses pressions. Dans un secteur où la rationalisation budgétaire fait de plus en plus loi en se confrontant aux logiques médico-sociales du personnel, l’identification des causes et conséquences des tensions de rôle constitue un enjeu primordial pour entretenir la motivation et la santé au travail des personnels, améliorer la qualité des soins et la performance organisationnelle (Sabouné & Goujon-Belghit, 2018; Sabouné, 2022). Pour répondre à notre problématique, nous identifions donc les sources et les conséquences des tensions de rôle dans l’établissement investigué. La première partie de cet article présente le cadre théorique concernant les tensions de rôle et le secteur médico-social, la deuxième précise la démarche méthodologique, à savoir une étude de cas unique. La troisième partie présente les résultats et la quatrième les discute.
Les EHPAD, un terreau fertile aux tensions de rôle
Les tensions de rôle : entre conflits, ambiguïtés et surcharge de rôle
Un rôle est attribué à un individu par les institutions et les agents en interaction directe avec lui. Il peut être défini comme un ensemble de comportements et de réactions affectives attendus de la part d’un individu occupant une place donnée dans un système social (Fogarty, 1992). Pour Herrbach (2000), il correspond à la position d’un individu, nommé également personne focale (Kahn et al., 1964), qui est lié aux autres par les attentes exprimées à son égard. Cette personne focale gère les attentes et les prescriptions sociales par rapport au comportement qu’elle doit adopter dans une certaine situation.
En fonction de ses valeurs personnelles ou de son cadre de référence, un individu peut percevoir une tension de rôle, qui possède un caractère éminemment subjectif et émerge du rapport qu’une personne focale entretient avec les différents rôles qu’elle endosse, c’est-à-dire de la perception des différents rôles qu’elle est amenée à jouer. Cette tension de rôle peut se révéler à l’occasion d’au moins deux demandes simultanées et incompatibles dans le cadre du travail prescrit (Kahn et al., 1964). Elle génère des situations ambigües et des conflits (Djabi & Perrot, 2016). Pour Royal et Brassard (2010, p. 27), elle correspond à « un sentiment qu’éprouve une personne dans une situation où il lui est difficile, voire impossible, de répondre à toutes les attentes de façon satisfaisante tant à ses yeux qu’aux yeux des personnes qui les formulent ». En effet, les partenaires professionnels du salarié formulent à son égard des « attentes de rôles » plus ou moins explicites ou compatibles (Katz & Kahn, 1966). Si ces attentes (ou une partie de celles-ci) entrent en contradiction avec ses valeurs ou les tâches qu’on lui a confiées ou qu’elles dépassent ses compétences, la personne focale sera alors confrontée à une tension de rôle (Perrot, 2004) générée par la difficulté de transmission simultanée de rôles qui s’opposent (Katz & Kahn 1966).
Les tensions de rôle recouvrent conflits, ambiguïtés et surcharge de rôle qu’il convient de décrire (Kelloway & Barling, 1990). Il faut également remarquer que les personnes situées aux frontières organisationnelles ou à l’interface entre plusieurs sous-systèmes organisationnels sont plus particulièrement exposées aux tensions de rôle. C’est notamment le cas de la position inconfortable de « marginal-sécant », qui doit connecter et concilier deux mondes sociaux distincts (Worms, 1999).
Dans l’éventail des tensions de rôle, le conflit de rôle correspond à une situation où l’individu doit faire face à des attentes de rôle incompatibles entre elles (Rizzo et al., 1970). Katz et Kahn (1966) distinguent quatre conflits de rôle de natures différentes :
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« intra-émetteur » : l’individu est dans l’impossibilité de répondre aux attentes de l’émetteur;
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« inter-émetteur » : l’individu est soumis à des attentes contradictoires;
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« inter-rôle » : l’individu subit un conflit entre deux rôles;
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« individu-rôle » : les attentes de l’individu entrent en conflit avec celles des partenaires professionnels, avec la nature du travail ou plus globalement son environnement de travail.
De même, l’individu peut être confronté à une ambiguïté de rôle relative à un déficit d’information nécessaire pour bien occuper une position dans l’organisation. L’ambiguïté de rôle est cependant protéiforme et afférente à la tâche en elle-même, aux objectifs fixés, au processus de travail, aux comportements de rôle attendus ou bien encore à l’évaluation de la performance. Pour Perrot (2004), cette ambiguïté se révèle caractéristique d’une incertitude de l’individu, concernant ses activités et comportements attendus par son ensemble interactionnel. Elle constitue un obstacle à la bonne gestion et conduit le salarié à éprouver du cynisme, faisant apparaître les choix organisationnels incohérents, peu fiables et fondés sur un intérêt caché.
Enfin, des tensions transversales provoquant une surcharge de rôle, apparaissent quand l’individu doit faire face à un nombre élevé d’attentes de rôle. Celles-ci dépassent alors ses capacités de réalisation, sont trop nombreuses et excèdent ses ressources disponibles (Loubès, 1997). Auparavant, incluse dans les conflits de rôle et mesurée comme telle (Kahn et al., 1964; Rizzo et al., 1970), la surcharge de rôle est aujourd’hui appréhendée comme un construit particulier (Örtqvist & Wincent, 2006; Commeiras et al., 2009; Djabi et al., 2019).
Identifier les tensions de rôle et leurs causes au sein d’une organisation devrait permettre aux managers de mettre en place des actions managériales pour tenter de les réguler ou de réduire leur intensité pour éviter leurs conséquences délétères (stress, mal-être, absentéisme, etc.), notamment dans un secteur où le bien-être au travail des personnels est déterminant de la performance de l’organisation et de la qualité de la prise en soins des résidents (Sabouné, 2022), comme les EHPAD. Ces établissements connaissent des transformations profondes depuis une vingtaine d’années.
Les nouvelles logiques de fonctionnement des EHPAD
Les tensions de rôle sont le fruit d’attentes contradictoires, ambigües et excessives (Djabi et al., 2016), particulièrement prégnantes dans les organisations publiques. En effet, les réformes du secteur public, inspirées d’un courant dénommé New Public Management (NPM), sont porteuses de nombreuses injonctions paradoxales (ex. amélioration de la qualité versus réduction des coûts) (Mériade, 2017). Dès lors, ce secteur est un terreau fertile aux tensions de gouvernance publique (TGP) (Bartoli et al., 2011). Les TGP correspondent à un sentiment d’inconfort des managers rencontrés quand ils font face à des principes, pratiques ou outils de gestion qui, malgré le fait qu’ils soient contradictoires (ou perçus comme tels), doivent coexister dans une même organisation (Bennani et al., 2021). Quand les réformes remettent en question les objectifs, les procédures et les instruments des organisations publiques, elles accentuent ce sentiment d’inconfort (Bartoli et al., 2011), et sont à l’origine de tensions de rôle (Rivière et al., 2019).
Mais pourquoi détailler les spécificités du secteur public quand on s’intéresse à des EHPAD pourtant majoritairement privés ? Même privés, les EHPAD sont financés sur deniers publics et subissent les effets de nombreuses réformes publiques. Le secteur médico-social, auquel les EHPAD appartiennent, ne cesse de connaître des évolutions : 2002, 2005, 2009, 2015 sont des années qui ont marqué le fonctionnement des EHPAD en matière de financement, de fonctionnement, d’encadrement ou encore de priorités stratégiques (Loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale par exemple) (Bauduret, 2017). Pourtant, les effets délétères des vagues successives de changements sont connus : trop nombreux, trop fréquents, trop importants, trop dispersés ou trop vagues, l’excès de changement conduit à un syndrome d’épuisement organisationnel (Alis & Fergelot, 2012). Parmi ces réformes, certaines ont engendré des transformations profondes des EHPAD, en imposant de nouveaux objectifs et logiques de fonctionnement (Sabouné & Goujon-Belghit, 2018). Ce rythme effréné de réformes s’explique en raison d’une évolution des besoins socio-démographiques qui inquiète et qui met la gestion de la dépendance sur le devant de la scène publique. Les différentes lois ont accentué une gouvernance multi-acteurs du secteur médico-social, source de complexité pour les établissements. Lieu de vie mais aussi lieu de soin, les EHPAD sont des structures hybrides. Cette hybridité se reflète dans le partage des compétences entre l’Etat et les conseils départementaux, affirmée dès 1983.
Les multiples réformes, guidées par une quête d’efficience, sont donc venues opérer une « complète refondation du secteur social et médico-social » (Bauduret, 2017, p. 20). Ainsi, comme dans un hôpital, les impératifs sociaux de ces établissements cohabitent avec une exigence de rentabilité (Mériade, 2018). Toutefois, l’accent mis sur la performance et la rationalisation des ressources questionne l’essence même des métiers du soin et de l’accompagnement fondés sur des principes de bientraitance, de solidarité et d’équité (Sabouné, 2021) et amènent les personnels à s’interroger sur le sens de leurs actions (Mériade et al., 2019). Ainsi, l’introduction de nouvelles logiques gestionnaires dans les EHPAD, bien que généralement envisagées comme une nécessité managériale (Bartoli et al., 2011) tend à accroître les contraintes organisationnelles, psychologiques et physiques (Drees, 2016; Sabouné, 2022). Dans ce contexte, les personnels de l’EHPAD expriment des besoins de soutien social pour faire face à des conflits de valeurs et à des ambiguïtés de rôle qui influent sur leur santé et comportement au travail (Sabouné, 2021).
Une étude de cas unique dans un ehpad à but non-lucratif
Les maisons de retraites françaises appelées EHPAD, ont pour mission principale de préserver la santé des résidents, de leur redonner le goût de vivre et de les accompagner pour qu’ils continuent à échanger avec leurs concitoyens de tout âge et à se sentir utiles. Dans ce but, environs 7 200 EHPAD offrent à des personnes âgées de plus de 60 ans en perte d’autonomie des prestations médicales et sociales comprenant la prise en soins, l’hébergement, la restauration et l’entretien.
La direction régionale d’une Fondation, qui gère une vingtaine de structures médico-sociales dans le sud de la France, nous a autorisés à réaliser notre recherche dans l’un de ses établissements, présentant un climat social délétère et très tendu se traduisant par des conflits, des ambiguïtés et des surcharges de rôle. Dans ce contexte, le directeur régional rencontré lors d’une réunion préparatoire au lancement de notre projet de recherche a indiqué que les personnels étaient en souffrance, en perte de sens et de motivation. Il lui semblait donc urgent d’identifier les sources de ces dysfonctionnements.
L’EHPAD concerné possède une capacité d’accueil de 65 lits et emploie une quarantaine de salariés pour un total de 31,84 équivalents temps plein, soit un taux d’encadrement de 49 %. Cet établissement a été choisi en raison des forts signes de tensions de rôle présents. Il fonctionne en effet en sous-effectif dans la mesure où le taux d’encadrement moyen est de 62,8 % (Marquier et al., 2016). Les personnels de cet EHPAD sont donc exposés à une charge de travail intense.
Pour traiter notre problématique, nous avons réalisé une étude cas unique (Yin, 2017) car elle procure, grâce à un cas réel et contemporain, une connaissance détaillée particulièrement propice à l’étude des mécanismes sociaux, dans leur singularité et leur complexité (ibid.). Le caractère exploratoire et la visée compréhensive de notre recherche justifient également notre orientation qualitative (Hlady-Rispal, 2002).
Pour étudier en profondeur des phénomènes organisationnels complexes, comme l’identification des causes des tensions de rôle, il s’est avéré nécessaire d’accumuler une grande quantité de données, en combinant plusieurs techniques de collecte (Hlady-Rispal, 2002). Dans cette perspective, deux sources d’évidence ont été mobilisées : entretiens semi-directifs et réunions du comité du pilotage de notre projet de recherche. Cette diversification des sources d’évidence facilite l’enrichissement, la mise en question, le contrôle et la vérification des données (Yin, 2017). L’étude empirique à proprement parler a duré 13 mois. Elle a été découpée en trois principales phases de recueil des données, de natures différentes et complémentaires.
Tout d’abord, nous avons réalisé 19 entretiens semi-directifs afin de comprendre quelles tensions de rôle existent en EHPAD, d’identifier leurs causes et de caractériser leurs conséquences, avec la direction de l’EHPAD et tous les membres de l’équipe opérationnelle en CDI (cf. tableau 1).
Tableau 1
Composition de l’échantillon
La littérature sur les tensions de rôle, ainsi que l’entretien avec le directeur régional et la première réunion du comité de pilotage, nous ont permis de bâtir notre guide d’entretien et de définir les thèmes à aborder : les sources de tensions de rôle, les conséquences des tensions de rôle, l’écart entre l’activité prescrite et l’activité réelle, les conséquences d’un changement de management du supérieur hiérarchique sur les tensions de rôle, l’effet de la communication interpersonnelle sur les tensions de rôle. Sur une période de 11 mois et d’une durée moyenne de 58 minutes, tous les entretiens ont été enregistrés à l’aide d’un dictaphone et ont été réalisés dans l’établissement. Nous nous sommes appuyés sur la méthode d’analyse de contenu thématique préconisée par Miles et Huberman (2005) pour traiter les données collectées (cf. tableau 2) : a) codification des données au début, à mi-chemin et à la fin de l’étude (conflit de rôle, ambiguïté de rôle et surcharge de rôle identifiés, source des tensions de rôle, conséquences des tensions de rôle); b) matrice de comptage des codes afin de ressortir les acteurs citant de manière récurrente les termes ou les phrases représentatives des codes; c) méta-matrice regroupant les entretiens et les thèmes abordés.
Tableau 2
Extrait de grille de codage
Ensuite, il nous a paru nécessaire, dès le début de la recherche et en complément des entretiens individuels, d’interagir de manière plus collective avec les acteurs de l’EHPAD. Dans ce but, nous avons constitué un comité de pilotage de notre projet de recherche composé de représentants de toutes les fonctions de l’EHPAD : la directrice, l’infirmière diplômée d’Etat coordinatrice (IDEC), le médecin coordonnateur, la psychologue coordinatrice, l’assistante de direction, deux infirmiers diplômés d’Etat (IDE), deux aides-soignants (AS), deux agents de service hôtelier (ASH). Ce comité de pilotage s’est réuni quatre fois, avant la réalisation des entretiens et après le 6ème, 12ème et 18ème entretien. Ces rencontres nous ont permis de présenter, à partir de la deuxième réunion, les premiers résultats des entretiens réalisés avant chaque réunion afin d’apporter un éclairage sur les tensions de rôle des acteurs et d’orienter la discussion sur le travail des participants. Le tableau 3 présente les objectifs de chacune de ces quatre réunions.
Tableau 3
Les objectifs des quatre réunions du comité de pilotage
Identification de tensions de rôle multiniveaux, de leurs causes et de leurs conséquences
Le constat de tensions de rôle multiniveaux en EHPAD
De nombreuses tensions de rôle émergent de l’analyse des résultats, et se retrouvent aux différents niveaux hiérarchiques de l’établissement étudié.
En ce qui concerne la directrice de l’EHPAD, elle connait des conflits de rôle intra-émetteurs et inter-émetteurs. Les conflits de rôle intra-émetteurs apparaissent quand l’individu est dans l’incapacité de répondre à des attentes de la part d’un même émetteur. En l’espèce, l’émetteur est le directeur régional. Selon ce dernier, un directeur d’EHPAD devrait montrer l’exemple à ses collaborateurs, communiquer sur les stratégies et les difficultés de l’établissement afin de responsabiliser, mobiliser ses équipes et les rendre garantes du bon fonctionnement de l’EHPAD. La directrice de l’établissement, de son côté, souhaite disposer d’une vision stratégique globale, à court, moyen et long terme, afin de mieux organiser son travail, déployer les stratégies et oeuvrer dans le même sens que la direction régionale. Toutefois, sa charge de travail administratif l’empêche d’entreprendre les démarches nécessaires à la mise en place d’une organisation du travail adaptée, qui lui faciliterait la tâche, et qui répondrait aux exigences du directeur régional. Ce conflit de rôle entre les attentes du directeur régional relatives à la direction d’établissement et ses exigences en matière administrative est porteur d’ambiguïté de rôle pour la directrice d’EHPAD. En effet, elle est dans l’incertitude concernant les activités et les comportements attendus par son ensemble interactionnel. De surcroît, ce travail administratif s’ajoute aux différents rôles de la directrice d’établissement : en résulte une surcharge de rôle qui l’empêche aussi de répondre aux attentes de rôle exprimées par ses collaborateurs, liées à l’animation d’équipe (écoute, communication, reconnaissance, etc.). Pour ce qui est des conflits de rôle inter-émetteurs, la directrice d’établissement connait aussi des injonctions paradoxales de la part de différents émetteurs : qualité des soins attendue par les familles des résidents, renforts humains et matériels souhaités par les collaborateurs, efficience économique exigée par la direction régionale et les autorités de tutelle. La directrice connait enfin des conflits inter-rôle entre son rôle de gestionnaire de l’établissement qui doit veiller à la performance économique de son établissement et répondre à de nombreuses injonctions, et son rôle d’animatrice d’équipe qui doit développer une relation de proximité avec ses collaborateurs et améliorer la performance sociale de l’EHPAD.
L’IDEC incarne la figure du manager intermédiaire dans les EHPAD. Elle est donc en position de marginal-sécant puisqu’elle a la responsabilité de la bonne marche de l’équipe opérationnelle dans son unité et est donc le trait d’union entre les salariés opérationnels et la directrice d’EHPAD. De par ses fonctions, l’IDEC se révèle être un acteur-pivot confronté à des attentes contradictoires provenant de différents émetteurs. Dès lors, elle est soumise à des conflits de rôle inter-émetteurs. Son rôle est jugé comme peu confortable : « l’IDEC est entre le marteau et l’enclume, elle se fait écrabouiller à chaque fois » (médecin coordonnateur). En effet, l’IDEC doit assurer la bonne gestion de son service, en respectant les logiques économiques imposées par la direction. Elle effectue un contrôle administratif serré et une traçabilité des activités de soins. Ces activités administratives chronophages de l’IDEC sont perçues par l’équipe opérationnelle comme une dérive administrative qui entre en conflit avec le coeur d’activité du métier d’accueil en EHPAD, à savoir les soins apportés à des personnes âgées dépendantes. Pour le directeur régional, l’IDEC devrait tout d’abord endosser un rôle de leader de l’équipe de soin, s’assurer du respect des bonnes pratiques professionnelles et animer son équipe. Pourtant, la forte charge administrative qui pèse sur l’IDEC la conduit à être moins disponible pour son équipe, tout en n’ayant qu’une vision parcellaire de la stratégie de l’organisation. Cette vision parcellaire trouve son origine dans un manque de discussion et une absence de coordination avec la directrice de l’EHPAD faute de temps pour travailler ensemble : « Je ne savais pas où elle allait, elle ne savait pas où moi j’allais, ce que je faisais, ce qu’était notre rôle à chacune » (IDEC). Entre les nombreuses attentes des différents émetteurs, équipe opérationnelle-direction régionale versus direction de l’établissement, des contradictions apparaissent et viennent nourrir des conflits de rôle inter-émetteurs. Mais les conflits de rôle résident aussi entre les différents rôles de l’IDEC : à la fois soignante, manager et contrôleur, ces rôles entrent en conflit, ce qui donne lieu à des conflits de rôle inter-rôles. L’IDEC connait aussi des conflits intra-émetteurs. Elle est en effet dans l’impossibilité de satisfaire d’une part les attentes de ses supérieurs hiérarchiques liées à l’animation d’équipe et l’amélioration de la qualité des soins et d’autre part, les besoins socio-affectifs et matériels des soignants. Ainsi, ces derniers déplorent que la logique économique prévale sur les activités au coeur du métier, les soins, et y voient une dérive du système qui entraîne leur frustration et leur surmenage. Ils dénoncent la myopie de leurs supérieurs hiérarchiques et leur incapacité à prendre des décisions qui les soulageraient et renforceraient la qualité de soin. « Le manager quand il décide d’aller du côté financier ou matériel, il se libère de toute la tension qui émane du terrain » (IDE1). Toutes ces diverses attentes de rôle, exprimées par différents émetteurs, sont nombreuses, et leurs priorités sont difficilement conciliables. « Je ne savais même plus quelles étaient les priorités. Il y avait les papiers qui m’attendaient et les réponses dont j’avais besoin […] l’équipe, les résidents, les fins de vie très en demande pour qu’on les écoute […] les entretiens avec les familles, les médecins, les partenaires aussi. Ça fait une montagne de choses » (IDEC).
Enfin, l’équipe opérationnelle connait des ambiguïtés de rôle importantes qui provoquent des incertitudes liées au contenu de ses activités et entraînent des conflits de rôle intra-émetteurs et inter-émetteurs. Ces ambiguïtés de rôle sont particulièrement dénoncées dans l’articulation entre le rôle des agents de service hôtelier (ASH) et des aides-soignants (AS). Les AS appellent de leurs voeux une clarification de leurs propres rôles et de celui des ASH. « Ce n’est pas son rôle ? Alors c’est quoi son rôle ? Là vraiment elle sert à quoi l’ASH, si ce n’est pas de nettoyer la table ? » (AS3). De surcroit, la vague de rationalisation du secteur médico-social a été porteuse de surcharges de rôle importantes. En effet, depuis que la réduction des coûts et l’augmentation de la charge de travail se sont imposées dans ces établissements, l’équipe opérationnelle dispose d’encore moins de temps pour réaliser ses tâches « Quand on nous demande de faire encore plus que ce que l’on ne peut faire, ça ne devient plus possible » (AS1). Ce rythme intenable est évoqué par l’ensemble des acteurs. Il apparait en effet que les cadences de travail imposées induisent une surcharge de rôle qui les empêche de répondre de manière satisfaisante à leur mission d’aide aux résidents ayant besoin de soins médicaux, d’une assistance pour les actes de la vie quotidienne et de relations socio-affectives de qualité. Cette surcharge de rôle ne permet en effet pas d’écouter et de rassurer suffisamment les résidents, faute de temps. « On travaille avec des êtres humains; le jour où il (le résident) a besoin de parler on lui dit “attendez, je suis désolé, mais je n’ai pas fini mes douches”. Du coup on a l’impression de ne pas bien faire son travail » (ASH4). Les conflits de rôle proviennent d’un sentiment de mal effectuer son travail, de le bâcler au détriment du temps relationnel avec le résident et sa famille. Or, pour les acteurs, les relations socio-affectives sont de première importance et les bâcler laisse entrevoir une forme d’inhumanité. Et ce, même si, « ce n’est pas facile de travailler avec des personnes âgées, c’est pesant. Moi, quasiment toutes les semaines, je présente des condoléances aux familles. Donc ce n’est pas facile. On est des êtres humains quand même ça nous touche » (infirmière 2). Tisser et entretenir les liens socio-affectifs à l’occasion de la prise en charge des résidents apparait ainsi central, et prioritaire pour éviter des conflits de rôle intra-émetteurs chez les soignants.
Enfin, nous constatons que tous les acteurs de l’EHPAD subissent des conflits individu-rôle en raison de nombreuses injonctions imposées par l’Etat, la logique de productivité et l’intensification du travail. En effet, ces facteurs d’influence empêchent les professionnels de l’EHPAD, notamment les salariés opérationnels, d’assurer un accompagnement et des soins de qualité. Ils ont souvent le sentiment du travail bâclé.
Maintenant que nous avons identifié différentes formes de tensions de rôle, nous allons détailler leurs conséquences.
Les conséquences des tensions de rôle en EHPAD
Les tensions de rôle identifiées influent sur la performance individuelle, la santé au travail et les comportements de tous les acteurs de l’EHPAD.
En ce qui concerne la directrice de l’EHPAD, les tensions de rôle qu’elle subit sont à l’origine de nombreuses conséquences négatives sur sa santé au travail. Par exemple, la surcharge de rôle entraine un état élevé de stress : « je vis dans un stress tout le temps de ce que je n’ai pas pu faire » (directrice), qui s’accompagne d’une importante fatigue physique et d’insomnies. La surcharge de rôle implique également des difficultés à se déconnecter complètement du travail à la maison. Ainsi, la directrice elle-même concède devoir rapporter régulièrement du travail chez elle afin de mener à bien sa mission. De surcroît, cette surcharge de rôle nuit à la performance dans ses différents rôles de directrice d’établissement, notamment en délaissant son rôle managérial : « je ne joue pas ma fonction vue que je ne suis pas très présente et je n’ai pas de relai sur place. Donc j’ai l’impression que j’éteins un peu les incendies » (directrice). La surcharge de rôle conduit donc la directrice d’EHPAD à négliger certains de ses rôles vis-à-vis de ses collaborateurs, ce qui a un effet négatif sur la qualité de la communication entre le niveau stratégique et le niveau opérationnel de l’EHPAD : « elle avait à gérer ses mails, ses machins, son côté administratif tout ça et elle ne pouvait pas peut-être faire autrement, même pour moi elle était inaccessible » (IDEC). Cette indisponibilité de la directrice a été à la source d’ambiguïtés de rôle pour l’IDEC et d’un manque de coordination dommageable à la qualité du service rendu aux résidents.
Les tensions de rôle constatés chez l’IDEC ont conduit à la dégradation de sa santé au travail. En effet, elles ont provoqué un état de stress chronique (burnout) de l’IDEC qui s’est « faite manger » par un travail caractérisé par l’urgence permanente. Cette surcharge de rôle a eu des conséquences sur la qualité du travail fourni, « c’était que du bricolage » (IDEC), et sur la qualité du management. La surcharge de rôle, combiné à l’ambiguïté du rôle du manager intermédiaire l’a conduit à délaisser son rôle managérial : « Les équipes demandaient une présence […] avant que je parte je n’étais quasiment plus du tout dans les couloirs, j’étais dans mon bureau et je gérais les problématiques qui s’amoncelaient sur mon bureau et il fallait que j’y réponde. Et [les équipes] ont eu l’impression qu’on les avait abandonnées. » (IDEC). La gestionnarisation de l’activité de travail de l’IDEC a été à l’origine d’intentions de départ : « je pensais à faire autre chose » (IDEC).
Enfin, les tensions de rôle subies par l’équipe opérationnelle ont été à l’origine d’une dégradation de sa santé au travail se traduisant par du stress et de la fatigue. De surcroit, ces tensions de rôle s’avèrent à l’origine de conflits, notamment entre les AS et les ASH : « c’est un conflit un peu permanant depuis tout ce temps » (AS1). La surcharge de rôle, provoquée par une réduction des effectifs, vient-elle aussi alimenter la fatigue et une baisse de la motivation des équipes opérationnelles. Les ambiguïtés de rôle ont aussi nuit à la qualité de la prise en soins des résidents. A ne plus savoir quel était les rôles des différents membres de l’équipe opérationnelle, certaines tâches étaient négligées. Par exemple, il ressort de l’étude que les chambres ne sont pas toujours nettoyées avant l’arrivée d’un nouveau résident, faute d’avoir prévenu les ASH. Elles nuisent en conséquence au bon fonctionnement des équipes, à l’image de l’EHPAD et à la qualité de la prise en charge des résidents. Ces ambiguïtés de rôle conduisent une partie de l’équipe opérationnelle à dévaloriser une fonction primordiale dans les EHPAD : celle des ASH. « Il y a toujours cette notion de « le ménage ce n’est pas important, c’est moins important que le soin » (ASH5).
Par ailleurs, la surcharge de rôle constatée parmi l’équipe opérationnelle a engendré du « stress par rapport au temps » et une souffrance éthique : « dès fois, on rentre chez nous, et l’on se dit que l’on n’a pas bien travaillé » (AS2). Dans ce contexte, les départs sont nombreux et les nouveaux recrutés ne sont pas directement opérationnels. Il faut donc les intégrer, les former. « Ça prend du temps pour accueillir quelqu’un, lui expliquer le fonctionnement » (ASH5). De surcroit, cette surcharge pèse sur l’équilibre vie professionnelle et vie privée. Ainsi, afin de pallier les absences, la direction est conduite à appeler des opérationnels lors de leurs jours de repos. Ces sollicitations sont parfois perçues comme une forme de « harcèlement moral » (ASH3), qui les insécurise.
L’insuffisance de communication à l’origine des tensions de rôle
Les résultats montrent aussi que les tensions de rôle et leurs conséquences résultent principalement d’un manque d’échange entre les salariés opérationnels et la direction de l’établissement.
Tout d’abord, nous avons constaté que la suppression de certains espaces d’échange et de discussion informels a donné lieu à une intensification des tensions de rôle présentes au sein de l’EHPAD. En effet, la réduction des effectifs a amené une augmentation subie de la productivité au détriment du climat de travail. Par exemple, la pause collective du matin permettant de prendre le café entre équipes, de favoriser le soutien social des collègues de travail et des managers, de partager en toute convivialité leurs pratiques professionnelles et d’échanger sur les missions et les rôles respectifs de chaque fonction a été supprimée. Pourtant, ces réunions informelles sont des outils nécessaires à la clarification du rôle de chaque fonction de l’EHPAD et à la régulation des conflits de rôle : “Il faut savoir que 80 % de leur temps même en pause, [les opérationnels] le passent à parler des résidents et de leur travail plus que de leur vie personnelle” (IDEC). Véritable lieu de communication entre les équipes, ces réunions informelles sont des outils de transmission d’informations importantes pour assurer la qualité de la prise en soins des résidents et favoriser un collectif de travail agréable. Leur suppression a été à l’origine de nombreuses tensions de rôle.
Par ailleurs, l’IDEC déplore l’absence de réunions formelles favorisant la communication ascendante et permettant de clarifier le rôle de chaque fonction et de réorganiser le travail afin de faire face aux tensions de rôle : « Je pense qu’il y a un gros problème de communication mais aussi d’organisation, c’est-à-dire qu’il n’y a aucune planification, on ne sait rien » (IDEC). Par ailleurs, une aide-soignante pointe à l’occasion le remplacement par la directrice d’EHPAD des dispositifs de communication orale de face à face par des outils de communication écrite, rejetés par les soignants : « Les filles maintenant quand elles veulent lui parler, elles doivent faire des petits mots. Donc, c’est bizarre » (AS5). En effet, le secteur médico-social reste de tradition orale (Sabouné & Montargot, 2017). Les opérationnels expriment de ce fait le besoin d’échanger de face à face et régulièrement avec la direction de l’EHPAD sur les difficultés rencontrées au travail afin de pouvoir mieux gérer leurs tensions de rôle : « Déjà une réunion par trimestre, obligatoire pour tous les corps de métier, pour demander comment ça va dans la maison, qu’il n’y ait pas ce manque de communication qui dure des mois » (AS2).
Discussion des résultats
Cette étude révèle toute la pertinence de s’intéresser aux causes et conséquences des tensions de rôle dans les EHPAD. En effet, l’étude de ces dernières permet de comprendre comment les personnels appréhendent et réagissent à leur système de rôle lorsqu’il leur semble discordant. Dans le secteur sanitaire, les réformes managériales ont intensifié les tensions de rôle des cadres de santé (Rivière et al., 2019; Rivière, 2022). Il n’est donc pas étonnant de constater que les EHPAD constituent des terreaux fertiles aux tensions de rôle : la rationalisation et la gestionnarisation, présentes dans l’ensemble du champ médico-social, venant nourrir un entrelacement d’attentes contradictoires (Desmarais & Abord de Châtillon, 2010). La rationalisation vient mécaniquement provoquer des surcharges de rôle, que l’on retrouve à tous les niveaux de l’EHPAD : de la direction à l’équipe opérationnelle. Le principe de « faire toujours plus avec toujours moins » se heurte au quotidien des salariés, qui négligent alors des aspects de leur travail, notamment dans leur relation avec le résident. Une souffrance éthique apparaît : les opérationnels n’ont plus le sentiment de bien faire leur travail en raison de la « pression du pendule » (Iborra & Fiat, 2018, p. 20).
Chaque salarié de l’EHPAD, qu’il soit en poste opérationnel ou d’encadrement, se trouve au coeur d’un ensemble d’attentes de rôle plus ou moins explicites et parfois contradictoires exprimées par ses partenaires professionnels, auxquelles il doit faire face. Dès lors, les trois formes de tensions de rôle identifiées dans la littérature ont été retrouvées aux différents niveaux de l’organisation. Cet élément nous amène à inviter la communauté scientifique à adopter une approche multi-niveau des tensions de rôle. Pour ce qui est de l’ambiguïté de rôle, nos résultats nous invitent à questionner la potentielle diffusion de cette forme de tension de rôle. En effet, les fortes ambiguïtés de rôle présentes au sein de la direction semblent s’être propagées à l’équipe opérationnelle.
Apports théoriques
Les apports de cet article concernent les causes, les conséquences et l’articulation entre les trois types de tensions de rôle dans le secteur des EHPAD (cf. tableau 4).
Tableau 4
Les tensions de rôle en EHPAD : causes, articulations et conséquences
Tout d’abord, cette recherche permet d’identifier trois facteurs d’influence, de nature organisationnelle, qui favorisent les tensions de rôle en EHPAD : la prévalence d’une logique économique dans une structure à visée sociale, l’intensification du travail et l’insuffisance de communication. En France, le vieillissement de la population a entraîné une augmentation notable de la dépense publique en matière de dépendance des personnes âgées (Delouette & Nirello, 2017). Pour cette raison, le référentiel guidant la politique publique dans le secteur de la dépendance se base sur une logique économique. Il vise, dans un grand contexte d’austérité, à maîtriser et à réduire les dépenses (Collet-Berling, 2020). Les EHPAD sont donc actuellement soumises à des pressions externes, qui ont une incidence sur leur fonctionnement interne. Ainsi, l’orientation du secteur de la dépendance vers une logique financière, au détriment de la qualité des soins engendre des conflits de valeurs parmi les soignants et leurs managers (Sabouné, 2022). Ces conflits s’expliquent par le manque de moyens et l’attribution d’une valeur économique à des actions sociales et solidaires (Delouette & Nirello, 2017; Sabouné & Montargot, 2017). Notre étude permet de constater que la logique économique dans un EHPAD nourrit des tensions de rôle, comme l’ont démontré également des études dans le secteur public hospitalier (Adriaenssens et al., 2017; Ceccato, 2019; Rivière, 2022). En effet, la rationalisation des dépenses et des coûts provoque dans l’EHPAD des conflits de rôle intra-émetteurs, inter-émetteurs, inter-rôle et individu rôle.
Notre recherche confirme le constat selon lequel les changements liés au NPM entraînent une surcharge de travail (Hoggett et al., 2006; Newman & Lawler, 2009; Abord de Chatillon & Desmarais, 2012). En effet, la raréfaction des moyens humains, financiers et matériels, engendrée par la prévalence de la logique économique conduit à l’intensification du travail. Cette dernière favorise des conflits de rôle intra-émetteurs et inter-émetteurs qui causent stress, fatigue, et conflits, et démotivent les salariés. Ce facteur provoque aussi des surcharges de rôle, comme dans le secteur public hospitalier (Shirom et al., 2010; Rivière, 2019; Rivière, 2022). Elles bouleversent l’équilibre vie professionnelle – vie privée, limitent la capacité des salariés à se déconnecter de leur travail et augmentent le sentiment de mal faire leur travail. Enfin, notre recherche démontre que l’insuffisance de communication est principalement liée à l’intensification et la complexification du travail qui empêchent les acteurs de l’EHPAD d’échanger sur les attentes de rôle. Ce déficit génère, par conséquent, des ambigüités de rôle. Ainsi, l’intensification du travail administratif des managers engendrée par la formalisation excessive éloigne ces derniers de leurs collaborateurs et réduit considérablement les interactions et les échanges entre eux (Detchessahar, 2011; Sabouné, 2022). Le Schéma 1 montre l’articulation entre les trois facteurs d’influence identifiés.
Le principal apport de cet article concerne l’articulation entre les trois formes de tensions de rôle. En effet, les résultats nous ont permis de constater que dans l’EHPAD étudié, certains conflits de rôle sont provoqués non seulement par des facteurs d’influence mais aussi par des surcharges et des ambiguïtés de rôle. Ainsi, la surcharge de rôle amène les personnes qui ont des fonctions d’encadrement à délaisser l’aspect managérial à moyen et long terme de leur emploi pour se focaliser sur la réalisation des activités administratives et financières. La surcharge les conduit à la pratique d’un management purement opérationnel de l’urgence. Véritables « managers pompiers », sautant de feu en feu, ils répondent uniquement aux priorités du moment, sans être capables de prendre du recul ou d’animer le travail de leurs équipes. Dès lors, la rationalisation va de pair avec la gestionnarisation : plus la charge de travail administratif des managers augmente, plus ces derniers délaissent leur rôle managérial pour répondre à l’urgence quotidienne, et ce faisant se cantonnent au volet gestionnaire de leur travail. Ils deviennent alors des managers empêchés (Detchessahar, 2011), et se concentrent sur un travail bureaucratique. C’est toute la difficulté des acteurs-pivots soumis à de nombreuses attentes contradictoires (Worms, 1999; Rivière et al., 2019). Dans ce cas, la surcharge de rôle génère chez les managers de l’EHPAD des conflits inter-rôle (animation d’équipe/activités administratives par exemple) et intra-émetteurs (difficultés de répondre aux attentes de proximité relationnelle et de reconnaissances exprimées par les salariés opérationnels par exemple). La surcharge de rôle empêche également les équipes opérationnelles de répondre aux attentes de rôle de leurs supérieurs hiérarchiques et des résidents liées à la qualité de la prise en charge. Leur travail semble souvent être bâclé. La surcharge génère ainsi des conflits inter-rôle (cf. schéma 2), dans la mesure où ces équipes éprouvent des difficultés à concilier leur rôle de soignants responsables de la santé et du bien-être des résidents et leur rôle de salariés, qui doivent remplir des objectifs organisationnels liés à la performance de l’établissement.
Schéma 1
Articulations entre les trois facteurs d’influence
Schéma 2
Articulations entre surcharge de rôle et conflits de rôle
Cette recherche a montré aussi que lorsque les attentes de rôle des partenaires professionnels paraissent ambiguës pour les acteurs de l’EHPAD, ces derniers sont dans l’impossibilité d’y répondre, générant ainsi des conflits intra-émetteurs. En effet, pour répondre ou satisfaire des attentes, il faut tout logiquement qu’elles soient exprimées de manière explicite. Les ambigüités de rôle dans le secteur des EHPAD engendrent aussi des conflits inter-rôle (cf. schéma 3) dans la mesure où des attentes de rôles paraissent parfois contradictoires surtout quand elles sont imposées sans expliquer la complémentarité entre elles, comme l’injonction de faire « plus avec moins » par exemple, la plus citée lors des entretiens avec les acteurs de l’EHPAD. Dans ce cas précis, il semble nécessaire d’expliquer aux professionnels de ce secteur pourquoi il est nécessaire de réduire les dépenses tout en maintenant des soins de qualité. Ce travail pédagogique pourrait en effet éviter des ambigüités de rôle et donc des conflits inter-émetteurs. A notre connaissance, aucune recherche ne s’est intéressée à l’articulation entre les trois formes de tensions de rôle. Des études complémentaires sont donc nécessaires pour valider nos résultats concernant l’articulation entre surcharge, ambigüité et conflits de rôle.
Schéma 3
Articulations entre ambiguïtés de rôle et conflits de rôle
Le troisième et dernier apport de notre recherche concerne les conséquences des tensions de rôle. Nos résultats viennent confirmer celles identifiées sur un plan académique. La relation entre les tensions de rôle et le stress, déjà bien assise dans la littérature (Djabi et al., 2019; Rivière et al., 2019; Örtqvist & Wincent, 2006), est ainsi confirmée par nos résultats : plus les tensions de rôle sont importantes, plus les salariés se décrivent comme stressés. Nous confirmons aussi les liens entre tensions de rôle et intentions de départ, déjà investigués auparavant (Djabi et al., 2019; Borgi, 2002). Dans le secteur public hospitalier, l’étude des conséquences des tensions de rôle a suscité de nombreux travaux depuis le début des années 2000 (Ganster et al., 2001; Colle & Moisson, 2007; Shirom et al., 2010; Ruiller, 2012; Rivière, 2019). Ces travaux démontrent que les tensions de rôle ont des effets négatifs sur le bien-être et la qualité de vie au travail, notamment en termes de stress (Rivière, 2019) et de burnout (Ruiller, 2012). Notre recherche réalisée dans le secteur des EHPAD confirme les résultats de ces travaux et identifie d’autres conséquences négatives, d’une portée organisationnelle : altération de la qualité de la prise en soins, dégradation de l’image de l’EHPAD, détérioration de la qualité de la relation managériale, manque de communication ou encore de coordination. Toutes ces conséquences délétères pour les organisations semblent incompatibles avec les exigences toujours plus hautes des autorités de tutelle (Agences régionales de santé et Conseils départementaux), des résidents et de leurs familles. La régulation des tensions de rôle identifiées chez tous les acteurs de l’EHPAD est donc urgente afin d’assurer une meilleure prise en soins des résidents et d’améliorer l’attractivité et la marque employeur de l’établissement. En effet, le secteur des EHPAD français, comme le secteur sanitaire, éprouve des difficultés à recruter et à fidéliser des soignants.
Implications managériales
En suivant les pas des travaux de Loubès (1997) et de Royal et Brassard (2010), notre recherche réaffirme l’importance de la communication formelle et informelle dans la clarification des attentes de rôle et la régulation des tensions de rôle. Etant donné le contexte mouvant des EHPAD, les salariés et leurs managers devraient être conscients que leurs rôles et leurs objectifs personnels peuvent changer et évoluer dans le temps, générant des implications sur la façon dont leurs obligations et engagements réciproques étaient compris. Le développement d’outils et de dispositifs de communication de face à face, formels et informels, par la direction de l’EHPAD nous semble donc nécessaire. Ceux-ci devraient permettre de raviver un management de proximité enseveli sous l’urgence, en extriquant la direction et les managers intermédiaires de leur quotidien, afin de les amener à une discussion avec les équipes centrées sur l’identification des rôles et des responsabilités de chacun. En outre, les échanges sur les perceptions de chaque salarié, à la fois sur son métier et sur celui des autres devraient permettre aux acteurs de l’EHPAD de construire une vision commune, partagée par chaque poste. Ces discussions et échanges devraient ainsi limiter les ambiguïtés et les différents types de conflits de rôle présents au sein de l’établissement en menant une réflexion collective sur les actions à mettre en place pour y faire face. En outre, la création de nouveaux espaces d’échange et de discussion sur le travail (analyse des pratiques professionnelles, groupes de paroles, pauses collectives, etc.) devrait permettre un décloisonnement des logiques qui cohabitent au sein d’une structure et améliorer la compréhension de l’articulation entre ces logiques, ce qui donne une vision stratégique à l’ensemble des acteurs qui y participent. Les discussions formelles et informelles entre les différentes fonctions de l’EHPAD devraient aussi permettre de recentrer l’activité première du travail sur le coeur de métier des EHPAD, en cohérence avec les valeurs portées par les soignants : la qualité de la prise en soins des résidents.
Toutefois, notre recherche démontre que le manque d’effectifs, de temps et d’argent sont des obstacles à l’amélioration de la communication au sein de l’établissement. Nous conseillons donc la direction de l’EHPAD de créer des espaces de discussion durables et centrés sur l’activité de travail. Pour que ces espaces soient viables et durables, ceux-ci doivent toutefois s’inscrire dans la culture organisationnelle, ce qui sous-tend une volonté politique de la direction régionale de permettre une réelle discussion sur le travail, et non une simple traduction de décisions impératives.
Par ailleurs, un profil se dégage comme particulièrement exposé aux tensions de rôle dans notre étude : celui des personnes en situation de marginal-sécant, qui subissent des tensions de rôle inhérentes à leur position frontalière, en cohérence avec les études antérieures (Loubès, 1997; Commeiras et al., 2009). C’est précisément le cas de la directrice de l’EHPAD et de l’IDEC dans cette recherche. Ce profil subit des tensions inter-émetteurs qui sont particulièrement importantes dans l’EHPAD que nous avons étudié, au croisement des logiques médico-sociales et des logiques économico-financières. L’identification et la régulation des tensions de rôle de ces profils devrait ainsi faire l’objet d’une attention toute particulière. Ceci est particulièrement vrai pour les managers du secteur médico-social puisque la gestion des tensions de rôle doit constituer une compétence clé du manager, afin de protéger lui-même et ses collaborateurs des contradictions et des pressions émanant des partenaires professionnels.
Conclusion
Cette recherche avait pour objectif d’identifier les tensions de rôle, leurs causes et leurs conséquences dans le secteur des EHPAD français, afin d’aider les dirigeants de ces établissements à mettre en place des actions managériales adaptées pour tenter de les réguler et éviter ses conséquences délétères. Dans ce but, nous avons réalisé une étude de cas unique dans un EHPAD à but non-lucratif. Deux sources d’évidence ont été mobilisées : entretiens individuels et réunion du comité de pilotage du projet de recherche. Les résultats ont permis de comprendre comment les acteurs de l’EHPAD appréhendent et réagissent à leur système de rôle lorsqu’il leur semble discordant. Les trois formes de tensions de rôle identifiées dans la littérature, surcharge, conflits et ambiguïtés, ont été retrouvées aux différents niveaux hiérarchiques de l’EHPAD. Cette étude a permis également d’identifier trois facteurs d’influence qui favorisent leur émergence dans ce secteur : la prévalence d’une logique économique dans une structure à visée sociale, l’intensification du travail et l’insuffisance de communication. Cette recherche a permis également d’identifier des articulations entre les trois types de tensions de rôle. Dans l’établissement investigué, des conflits de rôle ont été provoqués non seulement par des facteurs d’influence, mais aussi par des surcharges et des ambigüités de rôle. Ainsi, les surcharges de rôle ont provoqué des conflits intra-émetteurs et inter-rôle chez les professionnels de l’EHPAD, et les ambigüités des conflits inter-émetteurs et inter-rôle. Les conséquences des tensions paraissaient considérables non seulement sur les plans individuel comme le montrent des recherches antérieures, mais aussi sur les plans relationnel et organisationnel comme le pointe la présente recherche : stress, perte de motivation et de sens, dégradation de la qualité de la prise en soins, altération de la qualité de la relation managériale, clivages entre équipes, etc.
La mise en place de nouveaux outils de communication de face à face adaptés semble nécessaire pour identifier les rôles de chaque fonction, en vue de limiter les ambiguïtés et les conflits de rôle présents au sein de l’établissement. Identifier les tensions de rôle, clarifier le rôle de chaque acteur de l’organisation sont certes nécessaires, mais dans une logique de performance sociale et économique, il convient de les réguler. Ce travail exploratoire présente toutefois des limites, qui sont propres aux recherches qualitatives, mais qui pourraient être levées par de futures recherches complémentaires afin de pouvoir généraliser nos résultats (articulation entre ambiguïté, surcharge et confits de rôle, etc.). Il nous semble donc nécessaire de réaliser, dans le continuum de cette recherche, des études complémentaires dans d’autres EHPAD et secteurs, afin d’étudier plus en profondeur l’articulation entre les trois types de tensions de rôle et pour vérifier si chaque type de conflits de rôle est provoqué avec la même intensité par des ambigüités et surcharges de rôle.
Nous tenons à préciser que les résultats de cette recherche sont applicables uniquement dans la structure étudiée et ne sont donc pas représentatifs, au regard de l’atypisme de l’établissement.
Appendices
Notes biographiques
Khaled Sabouné, Maître de Conférences en Sciences de Gestion à l’Institut de Management public et gouvernance territoriale (IMPGT) d’Aix-Marseille Université où il gère la relation avec le monde socio-professionnel et le Master Management des établissements sanitaires et sociaux. Il est membre du Centre d’études et de recherche en gestion d’Aix-Marseille (CERGAM, EA 4225). Ses recherches actuelles portent sur le management des ressources humaines dans le secteur sanitaire et social. Elles concernent notamment la santé au travail, le contrat psychologique, les paradoxes organisationnels et les tensions de rôle.
Nathalie Montargot est Professeure Associée à Excelia Business School. Elle détient un Doctorat en Sciences de Gestion dirigé par le Professeur Jean-Marie Peretti, centré sur l’intégration des jeunes à faible capital scolaire dans l’hôtellerie-restauration. Elle est attachée aux laboratoires de recherche CERIIM d’Excelia Business School et au CEREGE de l’Université de Poitiers. Ses thèmes de recherche académique portent sur le changement organisationnel, la diversité et l’inclusion. Ses travaux ont été publiés dans des revues scientifiques nationales et internationales.
Mathilde Dougados, Doctorante en Sciences de Gestion à l’Institut de Management public et gouvernance territoriale (IMPGT) d’Aix-Marseille Université, et membre du Centre d’études et de recherche en gestion d’Aix-Marseille (CERGAM, EA 4225). Elle est actuellement Attachée temporaire d’enseignement et de recherche à l’Univetsité Paris Panthéon-Assas. Elle réalise une thèse intitulée : Favoriser une relation vertueuse entre système d’engagement au travail et santé au travail des magistrats français avec des facilitateurs de ressources : l’apport de la théorie de la conservation des ressources. Ses thèmes de recherche sont relatifs aux comportements organisationnels et à la santé au travail.
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Appendices
Biographical notes
Khaled Sabouné, Senior Lecturer in Management Sciences at the Institute of Public Management and Territorial Governance (IMPGT) of Aix-Marseille University, where he manages the relationship with the socio-professional world and the Master’s degree in Management of health and social establishments. He is a member of the Aix-Marseille Center for Studies and Research in Management (CERGAM, EA 4225). His current research focuses on human resources management in the health and social sector, including health at work, the psychological contract, organizational paradoxes and role strain.
Nathalie Montargot is an Associate Professor at Excelia Business School. She holds a PhD in Management Sciences directed by Professor Jean-Marie Peretti, focusing on the integration of young people with little educational capital in the hotel and catering industry. She is attached to the CERIIM research laboratories of Excelia Business School and to the CEREGE of the University of Poitiers. Her academic research themes are organisational change, diversity and inclusion. Her works have been published in national and international scientific journals.
Mathilde Dougados, PhD student in Management Sciences at the Institute of Public Management and Territorial Governance (IMPGT) of Aix-Marseille University, and member of the Center for Studies and Research in Management of Aix-Marseille (CERGAM, EA 4225). She is currently a temporary teaching and research associate at the University of Paris Panthéon-Assas. She is writing a thesis entitled: Fostering a virtuous relationship between work engagement system and occupational health of French magistrates with resource facilitators: the contribution of resource conservation theory. Her research topics are related to organizational behavior and health at work.
Appendices
Notas biograficas
Khaled Sabouné, Profesor titular de Ciencias de la Gestión en el Instituto de Gestión Pública y Gobernanza Territorial (IMPGT) de la Universidad de Aix-Marsella, donde dirige la relación con el mundo socioprofesional y el Máster en Gestión de establecimientos sanitarios y sociales. Es miembro del Centro de Estudios e Investigación en Gestión de Aix-Marsella (CERGAM, EA 4225). Sus investigaciones actuales se centran en la gestión de los recursos humanos en el sector sanitario y social, en particular en la salud laboral, el contrato psicológico, las paradojas organizativas y las tensiones de rol.
Nathalie Montargot es profesora asociada en Excelia Business School. Posee un doctorado en Ciencias de la Gestión dirigido por el profesor Jean-Marie Peretti, centrado en la integración de jóvenes con escaso capital educativo en el sector de la hostelería y la restauración. Está adscrita a los laboratorios de investigación CERIIM de Excelia Business School y al CEREGE de la Universidad de Poitiers. Sus temas de investigación académica son el cambio organizativo, la diversidad y la inclusión. Sus trabajos se han publicado en revistas científicas nacionales e internacionales.
Mathilde Dougados, doctoranda en Ciencias de la Gestión en el Instituto de Gestión Pública y Gobernanza Territorial (IMPGT) de la Universidad de Aix-Marsella, y miembro del Centro de Estudios e Investigación en Gestión de Aix-Marsella (CERGAM, EA 4225). Actualmente es ayudante temporal de enseñanza e investigación en la Universidad de París Panthéon-Assas. Está escribiendo una tesis titulada: Fomentar una relación virtuosa entre el sistema de compromiso laboral y la salud laboral de los magistrados franceses con facilitadores de recursos: la contribución de la teoría de la conservación de recursos. Sus temas de investigación están relacionados con el comportamiento organizativo y la salud laboral.
List of figures
Schéma 1
Articulations entre les trois facteurs d’influence
Schéma 2
Articulations entre surcharge de rôle et conflits de rôle
Schéma 3
Articulations entre ambiguïtés de rôle et conflits de rôle
List of tables
Tableau 1
Composition de l’échantillon
Tableau 2
Extrait de grille de codage
Tableau 3
Les objectifs des quatre réunions du comité de pilotage
Tableau 4
Les tensions de rôle en EHPAD : causes, articulations et conséquences