Abstracts
Résumé
Cette recherche répond à un problème managérial presque banal dont la réponse est souvent — et à tort — construite à partir du bon sens : Devrais-je mentionner la date de fondation de ma marque (DFM) ou entreprise sur mon logotype et plus généralement la communiquer, notamment lorsque celle-ci est ancienne ? Une analyse qualitative comparative sur ensembles flous montre que communiquer la DFM ne conduit pas toujours à une attitude positive du consommateur envers la marque. La présence de la DFM sur le logotype peut même être dommageable pour certaines marques.
Mots-clés :
- fsQCA,
- date de fondation,
- patrimoine de marque
Abstract
This research addresses a rather ordinary managerial problem whose answer is often—and wrongly—built from common sense: Should I mention my brand’s date of establishment on my logotype and more generally communicate it, especially when it is old? A fuzzy-set qualitative comparative analysis shows that communicating the establishment date does not always lead to a positive attitude of the consumer towards the brand. The presence of the establishment date on the logotype can even be harmful for some brands.
Keywords:
- fsQCA,
- date of establishment,
- brand heritage
Resumen
Esta investigación responde a un problema de gestión bastante corriente y cuya respuesta se construye a menudo -y erróneamente- a partir del sentido común: ¿Debo mencionar la fecha de establecimiento de mi marca en mi logotipo y comunicarla de manera más general, sobre todo cuando es antigua? Un análisis cualitativo comparativo de conjuntos difusos muestra que comunicar la fecha de establecimiento no siempre conduce a una actitud positiva del consumidor hacia la marca. La presencia de la fecha de creación en el logotipo puede ser incluso perjudicial para algunas marcas.
Palabras clave:
- fsQCA,
- fecha de establecimiento,
- patrimonio de marca
Article body
Communiquer la date de fondation d’une marque (DFM) lorsque celle-ci commence à être ancienne entraîne-t-il nécessairement une amélioration de l’attitude des consommateurs envers cette marque ?
Alors que les responsables de marque s’efforcent au quotidien d’améliorer l’évaluation de leur marque par les consommateurs (i.e., attitude envers la marque), il est un élément d’information utilisé depuis longtemps en marketing mais peu étudié comparé à sa large utilisation : la date de fondation de la marque (notée DFM ci-après). De nombreux managers de marques et chefs de TPE/PME ont en effet souvent recours à une heuristique de jugement qui relierait l’âge à la compétence (i.e., si je suis âgé on me percevra comme plus crédible et compétent). Ainsi, faire apparaître la DFM sur son logo est quasiment une évidence pour beaucoup d’entreprises lorsque la marque est établie sur le marché depuis longtemps. Considérée comme un signal d’héritage, la DFM peut directement et/ou indirectement affecter l’attitude des consommateurs envers la marque (Boistel, 2016; Pizzi & Scarpi, 2019), par exemple en développant des associations positives à la marque comme la fiabilité (Pecot et al., 2018). Plus généralement, les consommateurs ont tendance à afficher une attitude plus positive envers les marques pourvues d’un héritage en raison du lien fort que le patrimoine favorise entre l’histoire d’une marque d’un côté, et sa légitimité et son authenticité perçues de l’autre (Rose et al., 2016; Wiedmann et al., 2011). Cependant une DFM ancienne ne produit pas systématiquement un effet positif linéaire (Pecot & Merchant, 2022). Aussi, la littérature actuelle ne clarifie pas dans quelles situations précises la DFM est susceptible d’avoir la plus grande influence — ou aucune influence — sur les perceptions du consommateur et son attitude, notamment parce que la DFM est souvent examinée de manière isolée. Par exemple, Huaman-Ramirez et al. (2020) identifient une liste d’associations liées à la perception d’ancienneté d’une marque et leur effet sur l’attachement à la marque et sur le capital marque. Dans un registre similaire, Pizzi et Scarpi (2019) ont analysé l’influence de la DFM sur les attitudes des consommateurs à l’égard de la marque. Malgré l’intérêt de ces études dans la compréhension de la DFM et de ses effets, celles-ci ne permettent pas de comprendre si c’est la présence en soi de la DFM sur le logotype qui aurait un effet ou, plutôt, son association conjointe avec d’autres caractéristiques liées à la marque ou à la catégorie de produit. La littérature ne permet pas non plus de savoir si toutes les marques ont besoin d’afficher leur date de fondation pour récolter les effets positifs de leur patrimoine, ou si la date de fondation pourrait être une caractéristique sans valeur pour les consommateurs dans certaines circonstances, voire même une caractéristique négative. Par exemple, Pecot et Merchant (2022) observent dans certains cas un effet négatif de la longévité de la marque sur la qualité perçue sans parvenir à l’expliquer. En d’autres termes, les conditions limites de l’effet de la DFM sur l’attitude des consommateurs sont encore peu explorées et les contributions actuelles rapportant les effets de la DFM ne nous permettent pas de répondre à une question managériale simple : Devrais-je communiquer la date de fondation de ma marque ?
Pour répondre à cette question, cette recherche s’intéresse aux situations dans lesquelles la présence de la DFM sur un logotype, combinée à d’autres variables liées à la marque et à la catégorie de produit (i.e., familiarité avec la marque, prototypicalité, risque perçu et traditionnalité perçue de la catégorie de produit), est utile ou non pour le développement d’une attitude positive envers la marque. S’appuyant sur une étude qualitative préliminaire et une Analyse Qualitative Comparée — plus communément appelée par son nom anglais Qualitative Comparative Analysis (notée QCA ci-après), les résultats de cette recherche mettent en avant trois configurations spécifiques des variables considérées ci-dessus, menant de manière égale à une attitude positive envers la marque, et dans lesquelles la DFM n’a pas toujours la même importance. Des recommandations managériales, présentées en fin d’article, sont suggérées sous forme d’arbre de décision.
Revue de littérature
La dfm comme signal de patrimoine de marque
La date de fondation d’une marque représente un des signaux les plus explicites pour communiquer sur le passé d’une marque (Pecot et al., 2018; Pizzi & Scarpi, 2019). Le passé d’une marque se reflète en partie dans le patrimoine de marque, c’est-à-dire une dimension de l’identité de la marque construite à partir de son passé, sa longévité, ses valeurs fondamentales, l’utilisation de symboles et, en particulier, la conviction que l’histoire de la marque a un rôle à jouer dans ce qu’elle est aujourd’hui (Urde, Greyser, & Balmer, 2007). La littérature sur le patrimoine de marque s’est concentrée sur les avantages pour les marques de signaler leur patrimoine aux consommateurs lorsque celui-ci est pertinent et riche (i.e., une histoire riche qui permet de comprendre le présent et l’avenir de la marque), ainsi que sur les interprétations de ce patrimoine par les consommateurs (Pecot & de Barnier, 2017; Rose et al., 2016; Scarpi, 2021). Selon Hakala, Lätti et Sandberg (2011), le terme patrimoine renvoie généralement à la notion d’héritage, à l’idée de transmission de valeurs comme de savoir-faire. D’autres recherches en marketing ont montré que les consommateurs s’appuient sur différents éléments pour évaluer le patrimoine d’une marque, comme l’âge réel de la marque (Urde, Greyser, & Balmer, 2007), sa communication (Ballantyne, Warren, & Nobbs, 2006), la forme et l’apparence de l’emballage du produit (Orth, Rose, & Merchant, 2019), et même l’âge de l’endosseur (Huber et al., 2013). La mise en avant d’un patrimoine de marque a de nombreux avantages, comme une perception accrue d’authenticité, de distinction, de fiabilité, de qualité, mais également plus de cohérence, de clarté et de crédibilité concernant l’univers de marque (Hakala et al., 2011; Pecot et al., 2018; Rose et al., 2016; Wiedmann et al., 2011).
Effet de la dfm en presence d’autres caracteristiques de la marque ou de la categorie de produit
Comme mentionné plus haut, la DFM, en tant qu’indicateur de patrimoine, est susceptible de développer de nombreuses associations positives chez les consommateurs, créant ainsi des conditions favorables à une attitude positive envers la marque. Le patrimoine de marque a en particulier l’avantage de développer chez le consommateur une perception de crédibilité de la marque (i.e., le sentiment du consommateur que la marque possède à la fois la capacité et la volonté d’offrir ce qu’elle promet), perception considérée comme décisive dans le développement d’une attitude positive envers la marque et son achat (Erdem & Swait, 1998).
Cependant, une marque peut paraître crédible et développer une attitude positive chez le consommateur par l’intermédiaire d’autres indicateurs que ceux l’associant à un patrimoine de marque (e.g., garantie spécifique, prix élevé, prototypicalité… — Dutta et al., 2022; Rao & Bergen, 1992; Scarpi, Pizzi, & Raggiotto, 2019). Aussi la force du signal envoyé par la présence de la DFM sur un logotype peut être plus ou moins importante en fonction de la familiarité du consommateur avec la marque, du risque perçu par ce dernier ou encore de la catégorie de produit dans laquelle la marque concoure (Bettman, 1974; Erdem, Swait & Louviere, 2002; Erdem, Swait & Valenzuela, 2006). En conclusion, il est difficile de déterminer si la présence d’une DFM sur un logotype est nécessaire ou toujours bénéfique dès lors qu’une marque est suffisamment ancienne, ou bien si d’autres caractéristiques de la marque ou de sa catégorie de produit, comme celles développées ci-dessous et conduisant également à une attitude positive envers la marque, ont une incidence sur l’effet de la DFM sur un logotype.
Dfm et caracteristiques de la marque
DFM et prototypicalité
La prototypicalité d’une marque fait référence au degré de similarité entre une marque et sa catégorie de produit (Veryzer & Hutchinson, 1998). Autrement dit, une marque (ou un produit) prototypique est perçue comme la meilleure représentante de sa catégorie en partageant le plus grand nombre de caractéristiques avec sa catégorie respective. Une marque prototypique est généralement préférée par les consommateurs, notamment en situation d’incertitude, car elle est plus facile à identifier et facilite le processus de décision en demandant un effort cognitif moindre (Loken & Ward, 1990; Scarpi, Pizzi, & Raggiotto, 2019). En cela, la prototypicalité d’une marque est susceptible de jouer un rôle similaire à celui de la DFM en signalant un rôle de référence dans la catégorie de produit et en facilitant la perception de cohérence de la marque sur la durée — et donc, in fine, modifier l’importance de l’effet de la DFM sur l’attitude envers la marque. Il existe en effet des situations pour lesquelles la DFM et la prototypicalité peuvent être remplacées l’une par l’autre. C’est par exemple le cas lorsque de nouveaux produits entrent sur le marché : Si la prototypicalité joue un rôle important dans l’acceptation d’un nouveau produit (Creusen & Schoormans, 2005; Hekkert, Snelders & Van Wieringen, 2003), une marque ancienne qui conçoit un nouveau produit tout en respectant son héritage est également perçue comme crédible pour proposer ce produit — qui sera alors mieux évalué par le consommateur (Spiggle, Nguyen & Caravella, 2012).
DFM et familiarité
La familiarité du consommateur vis-à-vis d’une marque est depuis longtemps considérée comme un facteur d’amélioration de l’attitude envers la marque (e.g., Laroche, Kim, & Zhou, 1996). En cas de non-familiarité avec la marque, le manque d’information détenue par le consommateur peut affecter l’attitude envers la marque, mais également accentuer le risque perçu (Mieres, Martin & Gutierrez, 2006). Dans ce cas, la présence de la DFM sur un logotype en tant que signal extrinsèque au produit ou clé perceptuelle pour le consommateur (Erdem, Swait & Valenzuela, 2006; Richardson, Dick et Jain, 1994), est susceptible de servir d’indicateur de qualité, de diminuer l’incertitude de l’achat et de réduire ainsi le risque perçu (Zeithaml, 1988). Par exemple, Desai, Kalra, et Murthi (2008) montrent que la longévité d’une marque, lorsqu’elle est connue du consommateur, diminue la perception de risque et conduit à être préférée car plus facilement perçue comme étant de qualité et fiable, donc crédible. Enfin, la familiarité joue un rôle de modérateur dans l’effet qu’un logotype de marque peut avoir sur l’attitude envers ce même logotype (Morgan, Fajardo & Townsend, 2021). Plus exactement, un logotype mettant en avant du texte (par exemple une DFM) est plus efficace qu’un logotype privilégiant une image auprès des consommateurs pas ou peu familiers avec la marque. Dès lors, la présence de la DFM sur un logotype semble avoir un effet minoré lorsque la marque est familière.
DFM et caracteristiques de la categorie de produit
DFM et traditionnalité perçue
Le concept de traditionnalité représente l’ensemble des pratiques construites collectivement qui finit par devenir le référent d’une identité et d’un patrimoine collectifs que les gens partagent au fil des années (Turner, 1997; Hobsbawm & Ranger, 1983). Bien que proche du concept d’authenticité qui possède une dimension de continuité (Morhart et al., 2015), le concept de traditionnalité est préféré dans cette recherche car le terme d’authenticité est à la fois plus contesté (Beverland & Farrelly, 2010) et peu étudié lorsqu’il s’agit d’une catégorie de produit et non d’un produit marqué ou d’une marque particulière (e.g., Grayson & Martinec, 2004; Zhang & Merunka, 2015). De plus, comme le souligne les travaux de Gonzàlez-Hémon (2018), la perception d’authenticité facilite celle de traditionnalité mais n’est pas une composante de celle-ci.
Au coeur du concept de traditionnalité est l’idée qu’une marque ne peut réussir dans une catégorie de produit traditionnelle sans respecter des pratiques construites collectivement et institutionnalisées au fil des années (Gonzàlez-Hémon, 2018). Ainsi, de la même manière que l’authenticité perçue d’une marque améliore l’attitude envers la marque du fait de l’imaginaire développé autour de la marque (i.e., un processus de production plus artisanal, un respect des traditions, ou encore des ingrédients plus naturels — Beverland, 2005; Napoli et al., 2014), la perception de traditionnalité d’une catégorie de produit est susceptible de modifier les perceptions du consommateur vis-à-vis d’une marque appartenant à cette catégorie de produit (Fernandez-Ferrin et al., 2018). La perception de traditionnalité de la catégorie de produit peut donc jouer un rôle important dans le développement de l’attitude envers la marque, notamment lorsqu’elle est associée à une DFM qui ancre la marque dans un passé. En particulier, la DFM pourrait améliorer l’attitude envers la marque dès lors qu’il y a congruence entre la traditionnalité perçue d’une catégorie de produit et une DFM ancienne qui signalerait un respect des traditions présentes dans la catégorie de produit.
DFM et risque perçu
L’aversion au risque entraîne les consommateurs à modifier leurs comportements (Rao & Bergen, 1992). Par exemple, comme nous l’avons vu plus haut avec l’achat de produits nouvellement mis sur le marché, les consommateurs ont tendance à sélectionner des produits présentant une plus grande congruence avec les normes de la catégorie (i.e., le produit marqué le plus prototypique) pour contrebalancer l’effet négatif du risque (Campbell & Goodstein, 2001). De manière générale, la perception de risque liée à un achat est un facteur déterminant de prise en compte des signaux envoyés par la marque, telle que la DFM (Erdem & Swait, 1998). En conséquence, un signal envoyé par la marque, par exemple en communiquant son patrimoine de marque à travers une DFM, n’aura pas la même force selon que le consommateur perçoit un risque ou non à l’achat du produit associé à la marque.
En conclusion, la littérature laisse apparaitre un ensemble complexe de relations entre la DFM, les caractéristiques de la marque et celles de la catégorie de produits. Plus précisément, la présence de la DFM pourrait être une condition nécessaire, mais non suffisante, pour améliorer de manière significative l’attitude des consommateurs envers la marque. En effet, nous avons vu que la traditionnalité perçue de la catégorie de produit, le risque perçu, la familiarité des consommateurs avec la marque ou encore la prototypicalité de la marque sont tous susceptibles de jouer un rôle dans la formation d’attitudes positives envers la marque sans être systématiquement associés à la présence d’une DFM sur le logotype. Aussi, la littérature sur les différentes variables présentées ci-dessus ne soutient pas l’idée qu’elles interagissent comme la simple somme de leurs effets de manière linéaire. Il s’agit plutôt d’un ensemble complexe de relations, dans lequel c’est l’interaction de multiples conditions possibles qui peut influencer l’attitude d’un consommateur envers une marque.
En nous basant sur la théorie de la complexité (Woodside, 2014) et la littérature présentée ci-dessus, la recherche qui suit entend donc identifier différentes combinaisons d’attributs liés à la marque ou à la catégorie de produit (DFM, traditionnalité perçue de la catégorie, risque perçu, prototypicalité du produit marqué, familiarité avec la marque) menant à une attitude positive envers la marque, tout en déterminant si la DFM contribue, par sa présence ou absence de ces combinaisons, au développement d’une attitude positive envers la marque.
Méthodologie
Etude qualitative preliminaire
Afin de mieux préparer le design de l’étude, d’identifier d’éventuelles variables indépendantes supplémentaires à inclure dans la QCA, et de définir le calibrage des mesures pour l’analyse, les connaissances préalables présentées ci-dessus ont été enrichies par sept entretiens semi-directifs. Les questions posées lors des entretiens visaient à identifier les éléments qui amènent les participants à évaluer une DFM comme récente ou ancienne, et à quel moment la DFM a une importance sur l’attitude envers la marque et l’intention d’achat. Les entretiens ont duré entre 40mn et 85mn, avec des participants hommes et femmes âgés de 22 à 61 ans (quatre hommes et trois femmes). Sept entretiens ont été considérés suffisants car les informations extraites du contenu du dernier entretien répétaient principalement ce qui avait été trouvé dans la littérature antérieure ou dans les six autres entretiens — principe de saturation.
Les résultats confirment que, dans certains cas, les consommateurs utilisent la DFM pour évaluer la marque car, en tant qu’élément signalant un patrimoine de marque, elle contribue à la qualité, la clarté ou la crédibilité perçues de la marque (Pecot et al., 2018). Les résultats mettent également en évidence deux éléments clés dans les réponses des participants, résultats qui ont permis un meilleur calibrage des mesures. Tout d’abord, l’étude a identifié un biais cognitif qui amène les participants à réagir aux dates de la même manière qu’ils réagissent aux prix en centimes impairs : les participants déforment la distance temporelle entre deux dates lorsque l’une des deux dates se situe dans une décennie ou un siècle précédent. Par exemple, une marque créée en 2009 est perçue comme plus ancienne qu’une marque créée en 2010, tandis que les marques créées en 2005 ne sont pas vraiment perçues comme plus anciennes que les marques créées en 2006. La distance temporelle est également modifiée dans l’esprit des participants lorsqu’ils comparent deux marques établies au cours de deux siècles différents : une marque qui affiche fièrement 1897 comme DFM est perçue comme beaucoup plus ancienne qu’une marque de la même catégorie de produits établie en 1900 (comparée à deux marques établies en 1902 et 1905). Deuxièmement, la catégorie de produits à laquelle appartient la marque joue un rôle essentiel dans les réponses des participants. La DFM est évaluée différemment par les participants selon que 1) la marque appartient à une catégorie de produits considérée comme ancienne ou récente, 2) la marque appartient à une catégorie de produits offrant des produits durables ou consommés rapidement, 3) la marque appartient à une catégorie de produits perçue comme innovante ou traditionnelle, et 4) la marque appartient à une catégorie de produits perçue comme reposant sur une accumulation de connaissances difficile à rattraper.
Analyse qualitative comparee ou qualitative comparative analysis (qca)
Une QCA d’ensembles flous (ou fuzzy set QCA ou encore fsQCA) utilise la théorie des ensembles flous et l’algèbre de Boole pour mettre à jour un ensemble de lois dans lesquelles la présence ou l’absence de certaines variables, ou combinaisons de variables, induit l’apparition du phénomène étudié — ici notre variable dépendante indiquant une attitude positive envers la marque.
Conception et collecte des données et mesures
Six cents répondants nord-américains ont été recrutés sur Amazon M-Turk et invités à participer à une enquête sur Qualtrics. Dix-sept d’entre eux n’ont pas passé le contrôle d’attention, ce qui a donné un échantillon total utilisable de 583 répondants (âge médian = 30 ans; 63 % d’hommes). La tâche consistait pour les participants à regarder les logotypes de marques qui apparaissaient sur la page, puis à répondre à quelques questions sur ces marques.
Le choix des stimuli a été décidé après la réalisation de l’étude qualitative préliminaire. Cette étude préliminaire ayant mis en évidence le rôle essentiel de la longévité des catégories, de la longévité des produits, des catégories fondées sur la tradition et sur la connaissance, quatre catégories de produits et services ont été sélectionnées : les vêtements, l’huile d’olive, les produits financiers (les banques), et la haute technologie. Quatre marques par catégorie — pour un total de 16 marques — avec des logos plus ou moins modernes visuellement ont été sélectionnées et pré-testées sur un échantillon nord-américain distinct de 30 répondants, afin de prendre en compte les différents niveaux de familiarité avec les marques et différentes DFM (récentes et anciennes) au sein d’une même catégorie. L’ancienneté perçue de la DFM a été déterminée par la longévité de la catégorie et le biais de distance temporelle mises en évidence lors de l’étape qualitative préliminaire. Au final, les DFM se situaient entre 1865 et 2010. Pour chaque marque, une version du logotype avec et sans DFM a été réalisée, comme le montre l’Image 1. Le logotype sans DFM a servi de référence pour les effets. Au total, un tiers des stimuli affichait une DFM ancienne, un tiers une DFM récente et un tiers aucune DFM.
Les participants ont été exposés de manière aléatoire à l’une des 16 conditions expérimentales selon un plan d’expérience inter-sujets 4 (catégorie : huile d’olive, vêtements, banque, électronique) × 2 (DFM : absente vs présente) × 2 (DFM : récente vs ancienne). Après avoir été exposés au logotype de la marque, les répondants ont été interrogés sur leur familiarité avec la marque (Kent & Allen, 1994), le risque perçu (Laroche et al., 2004), la traditionnalité de la catégorie de produits de la marque (adaptée de Napoli et al., 2014), la perception de prototypicalité de la marque (Loken & John, 1993) et l’attitude envers la marque (Berger & Mitchell, 1989), à l’aide d’échelles de Likert.
Fiabilité et validité des échelles de mesure
La fiabilité était satisfaisante pour toutes les échelles, le coefficient alpha de Cronbach se situant entre.87 (traditionnalité) et.97 (risque). La validité des échelles a été vérifiée par une analyse factorielle confirmatoire (χ2/df = 3,08; CFI = 0,96; RMSEA = 0,052; Byrne, 2010).
Procédure
Nous avons d’abord étudié la présence de cas contradictoires, comme suggéré par Woodside (2014), qui permet de valider l’intérêt d’une fsQCA et la moindre utilité d’une analyse de régression plus classique. En effet, une relation complexe entre variables laisse apparaître un nombre significatif de cas (i.e., 20 % de cas ou plus) où les effets des variables X sur Y sont négatifs même si l’effet total de la relation X → Y est positif (Woodside, 2014). Comme le rappellent Scarpi et al. (2018), ces cas ont généralement tendance à être ignorés dans les modèles linéaires, d’autant plus que les méthodes symétriques se concentrent sur la façon dont les valeurs élevées de la variable indépendante prédisent les valeurs élevées de la variable dépendante. La QCA étant une technique asymétrique où les causes des valeurs élevées de Y pourraient différer des causes des faibles valeurs de Y, une taille d’effet principal entre X et Y peut être importante et positive même s’il existe des cas allant à l’encontre de l’effet principal (Hsiao et al., 2015). Conformément aux suggestions de Woodside (2014), une analyse par quintile a été effectuée. Dans notre cas, cette analyse a consisté à trier les cas et les distribuer, pour chaque variable indépendante, dans cinq groupes correspondant à cinq niveaux d’attitude envers la marque (5 étant une attitude très favorable envers la marque). Cette analyse permet de savoir quelle proportion de cas va à l’encontre de l’effet principal. Plus cette proportion est importante, plus cela signifie que la variable indépendante ne permet pas à elle seule de développer une attitude positive envers la marque (effet principal attendu) et que les relations entre les variables sont asymétriques. Des analyses de régression seraient alors peu utiles, contrairement à une fsQCA.
Les résultats de l’analyse des cas contradictoires montrent que l’effet principal est confirmé pour la prototypicalité (cas contradictoires positifs = 7,72 %; total des cas contradictoires = 12,69 %). En revanche, l’effet principal n’est pas confirmé pour les autres variables, notamment la DFM — dont nous voyons la répartition des cas contradictoires dans le Tableau 1 ci-dessous. Nous retrouvons ainsi 18,70 % de cas contradictoires positifs et négatifs pour l’effet de la familiarité avec la marque sur l’attitude envers la marque, et encore plus de cas contradictoires pour la traditionnalité (cas contradictoires positifs = 7,53 %; total des cas contradictoires = 21,00 %) et le risque (cas contradictoires positifs = 3,77 %; total des cas contradictoires = 38,08 %).
La présence relativement élevée de cas contradictoires suggère que ni la familiarité avec la marque ni la DFM ne sont suffisants à elles seules pour créer des changements positifs dans les attitudes des consommateurs envers la marque, pas plus que la traditionnalité perçue de la catégorie ou l’absence de risque perçu. Autrement dit, la DFM et tout autre attribut individuel sélectionné pour cette étude peuvent contribuer positivement ou négativement aux changements d’attitudes des consommateurs envers la marque en fonction de la présence ou de l’absence simultanée des autres attributs indépendants. Des configurations d’attributs ou conditions sont donc nécessaires.
Nous avons ensuite examiné les différentes configurations possibles de variables indépendantes (i.e., traditionnalité perçue de la catégorie, risque perçu, prototypicalité, familiarité avec la marque) qui entraîneraient des changements dans l’attitude des consommateurs envers la marque. Pour examiner ces relations, une QCA a été menée avec l’algorithme de Quine-McCluskey (Ragin, 2008), et un ensemble de tâches séquentielles, développées en Annexe 1, ont été suivies (Fiss, 2011; Ordanini, Parasuraman, & Rubera, 2014; Pappas & Woodside, 2021). Ces tâches ont consisté en des mesures d’appartenances au périmètre des configurations possibles, un tri et une minimisation des conditions et/ou configurations de conditions à l’aide d’une table de vérité dont un extrait est présenté dans le Tableau 2 ci-dessous, et des mesures de cohérence et de couverture pour chaque configuration de la solution et pour la solution dans son ensemble.
Résultats de la QCA
Solution a trois configurations
Les résultats montrent une solution globale satisfaisante avec trois configurations, présentées dans le Tableau 3, pour une couverture de .63 et une cohérence globale de .94 (Pappas & Woodside, 2021). Cela indique qu’une proportion acceptable du résultat est couverte par les trois configurations.
En examinant les configurations individuelles en détail, la configuration 1 (TRAD*PROTO) représente le cas dans lequel une marque appartenant à une catégorie de haute traditionnalité est perçue comme prototypique de sa catégorie. Dans cette configuration, la présence de la DFM n’est pas nécessaire pour générer une attitude positive envers la marque. La configuration 2 (DFM*~RISK*TRAD*~PROTO) combine la présence de la DFM avec l’absence de prototypicalité et de risque perçu. Cette configuration signifie que des changements positifs dans l’attitude envers la marque sont générés par la présence de la DFM pour les marques qui ne présentent pas de risque élevé et qui, bien qu’opérant dans une catégorie de haute traditionnalité, ne sont pas perçues comme prototypiques de cette catégorie. Enfin, la configuration 3 (~DFM*~RISK*FAM*PROTO*~TRAD) montre que des changements positifs dans l’attitude envers la marque sont générés par l’absence nécessaire de la DFM, lorsque la marque est familière, perçue comme prototypique, dans une catégorie peu risquée et non perçue comme traditionnelle. Les configurations 1, 2 et 3 montrent qu’il existe des stratégies différentes voire opposées dans l’utilisation de la DFM pour les marques présentes dans une catégorie perçue comme traditionnelle. Plus précisément, l’utilisation de la DFM pour les marques d’une catégorie perçue comme traditionnelle dépend directement de leur prototypicalité, tandis que les marques de catégories perçues comme non traditionnelles prennent un risque à utiliser la DFM, notamment lorsque le risque perçu est faible et que la marque est familière des consommateurs. Enfin, alors qu’il était suggéré d’après la littérature que l’affichage d’une DFM pourrait éventuellement réduire la perception de risque, il est intéressant de noter que les trois configurations n’indiquent aucun rôle déterminant de la DFM lorsque le risque perçu est élevé.
L’identification de multiples conditions suffisantes décrites ci-dessus soutient l’équifinalité. En d’autres termes, la présence ou l’absence de différentes conditions peut produire le même résultat (i.e., attitude positive envers la marque) en fonction de la manière dont elles sont combinées entre elles. La présence de toutes les variables indépendantes considérées pour cette étude dans l’ensemble des configurations montre d’une part l’identification correcte des variables indépendantes de la littérature, puisque toutes sont nécessaires et que leur combinaison est suffisante pour des niveaux élevés d’attitude envers la marque. D’autre part, elle confirme la complexité du phénomène en montrant que les effets de la DFM peuvent se manifester dans différentes conditions et configurations de ces conditions.
Analyse post hoc : robustesse et validite predictive
Des études antérieures ont souligné que la procédure de calibration pouvait être potentiellement exposée à la subjectivité du chercheur, dans ses choix de seuils à retenir (Ordanini, Parasuraman, & Rubera, 2014). Différentes méthodes ont été proposées pour tester la robustesse des résultats d’une QCA, qui peuvent être résumées en deux indications principales : 1-tester si des décisions de calibration légèrement différentes conduisent à des résultats comparables (Schneider & Wagemann, 2012), à condition que des points de croisement alternatifs semblent plausibles, ce qui n’est pas toujours le cas (Fiss, 2011); 2— imposer un seuil de cohérence (i.e., consistency en anglais) plus strict de.8 plutôt que de.75 (Ordanini, Parasuraman, & Rubera, 2014). D’autre part, il a été montré qu’une grande partie de la sensibilité des solutions d’une QCA provient de la manière dont l’ensemble des restes logiques (identifiés par le signe ~ dans cet article) se comporte lorsque l’échantillon est petit, mais ne pose pas de problème lorsqu’on utilise de grands échantillons (Cooper & Glaesser, 2016). Bien que la présente étude utilise un grand échantillon, nous nous sommes assurés de la robustesse des résultats en suivant les recommandations d’Ordanini, Parasuraman et Rubera (2014), à savoir sélectionner un seuil de cohérence de.8 (Tableau 3).
Implications managériales
Cette étude s’est intéressée aux conditions dans lesquelles la mention de la DFM joue un rôle significatif dans le développement d’une attitude positive envers la marque, et dans quels cas il n’est pas utile de la mentionner, voire dommageable, du fait de la présence d’autres indicateurs ou caractéristiques de la marque ou catégorie de produit. Si cette recherche répond au souhait de la communauté académique de mieux comprendre les facteurs d’efficacité d’un logotype de marque (Cian et al., 2014; Hagtvedt, 2011), elle apporte surtout une réponse claire aux responsables et propriétaires de marque. Aussi, elle suggère plus largement de ne pas penser les caractéristiques a priori positives d’une marque ou d’une catégorie de produit comme nécessairement accumulatives et produisant des effets bénéfiques pour la marque de manière linéaire.
Concernant la présence ou non de la DFM sur un logotype, les différentes stratégies de marque présentées dans la Figure 1 ci-dessous diffèrent selon que 1) la marque est en concurrence dans une catégorie de produits perçue comme traditionnelle, 2) la marque est prototypique, ou 3) est familière ou non pour les consommateurs.
DFM inutile — configuration 1
Lorsque la catégorie de produit est traditionnelle et que la marque est prototypique, la DFM peut être affichée mais n’améliore pas ostensiblement l’attitude envers la marque. C’est le cas par exemple de la marque de thé britannique Twinings, qui n’affiche pas — dans la plupart des pays — sa DFM de 1706, bien que le logo de sa marque soit le plus ancien au monde à être utilisé sans interruption. De la même manière, une marque française de savon naturel comme Fer à Cheval, créée en 1856, n’a pas besoin d’afficher sa DFM aux consommateurs américains, car l’apparence du produit et ses ingrédients font du savon Fer à Cheval le prototype du savon végétal.
DFM utile — configuration 2
Lorsque la catégorie de produit est traditionnelle et que la marque n’est pas prototypique de la catégorie, l’affichage de la DFM améliore l’attitude envers la marque. Dans ce cas, la présence de la DFM agit comme une garantie : puisque la catégorie de produits nécessite un savoir-faire (par exemple, parce qu’elle est perçue comme traditionnelle) mais que la marque n’est pas prototypique, une DFM ancienne indique que la marque n’est probablement pas sur le marché par accident et qu’elle est donc crédible sur son marché grâce à son histoire. Cette « garantie » signalée aux consommateurs atteint toutefois ses limites : en effet, lorsque le risque perçu lié à l’achat est important, une DFM ne suffit plus à développer une attitude positive.
La configuration 2 s’applique en particulier aux marques qui innovent et/ou tentent de « briser les règles » dans les catégories traditionnelles, comme étudiées par Pantin-Sohier, Lancelot-Miltgen et Camus (2015). Par exemple, de nombreuses marques historiques de bières lançant des systèmes de brassage innovants, comme la bière italienne Pedavena — créée il y a 120 ans — pourraient suivre la configuration 2, mais aussi un chocolatier français qui utiliserait de l’huile d’olive ou du piment dans ses confiseries, ou encore des universités qui affichent fièrement leur ancienne DFM tout en soulignant le caractère innovant de leur approche pédagogique. Pour ces marques, la DFM est utile, qu’elles soient connues ou non des consommateurs.
Enfin, la présence de la DFM peut également être utile pour les marques qui entrent sur un nouveau marché. Par exemple, une marque de savon végétal comme Dr. Bronner’s — qui a récemment fait son apparition dans certains pays européens — a intérêt à afficher son logo sur les nouveaux marchés étrangers lorsqu’elle vend du savon liquide, qui n’est pas prototypique (un savon naturel prototypique serait, à l’image du savon de Marseille, sous forme de pain ou de cube, par exemple).
DFM dommageable — configuration 3
Lorsque la catégorie de produit n’est pas traditionnelle et que la marque est à la fois prototypique de la catégorie et familière, l’affichage de la DFM a une influence négative sur l’attitude envers la marque. Par exemple, d’après les résultats de cette étude, les marques de piles Energizer (DFM : 1896) ou Duracell (DFM : 1924) détériorerait l’attitude des consommateurs à l’égard de leurs marques si elles affichaient leur DFM. Il en est de même pour Nokia (DFM : 1865) dans le secteur de la téléphonie. Il est donc conseillé aux marques se trouvant dans ce cas de ne pas communiquer sur un patrimoine de marque, mais plutôt, par exemple, sur la qualité des produits offerts (à travers une garantie spécifique, une origine géographique…), ou encore une personnalité de marque différenciante et positive.
Appendices
Annexe
annexe 1. Les Tâches Séquentielles de la QCA
L’utilisation de la QCA implique des tâches séquentielles qui sont détaillées dans cette annexe (Fiss, 2011; Ordanini, Parasuraman, & Rubera, 2014; Pappas & Woodside, 2021). Pour commencer, des mesures d’appartenances au périmètre des configurations possibles (i.e., property space) ont été développées. Cette QCA a un périmètre à 5 conditions (DFM, traditionnalité perçue de la catégorie, risque perçu, prototypicalité du produit marqué, familiarité avec la marque) et 25 soit 32 configurations logiques possibles dans lesquelles les conditions peuvent être présentes ou absentes. Comme les variables mesurées ne sont pas dichotomiques, les mesures d’appartenance ont été calculées en utilisant une approche de calibrage par ensemble flou (i.e., fuzzy set), qui permet aux scores d’appartenance de varier en fonction de leur degré d’appartenance à un ensemble, allant de 1 (appartenance totale à l’ensemble) à 0 (non-appartenance totale à l’ensemble), avec des niveaux d’appartenance intermédiaires entre les deux (Ragin, 2008). Afin de traiter les informations provenant des mesures à items multiples des échelles utilisées dans l’étude, les items des échelles ont été transformés en un score moyen pour chaque échelle. Ensuite, la distribution des scores moyens pour chaque échelle a été utilisée pour obtenir les seuils permettant de diviser les données en n centiles, où n indique le nombre de points d’échelle des échelles originales. Les valeurs correspondant au deuxième, au point médian et aux n-1 centiles sont utilisées comme seuils pour respectivement : la non-appartenance totale, le point de croisement et l’appartenance totale à l’ensemble. Enfin, les valeurs originales sont centrées sur le point de croisement et transformées en odds ratio, dont le logarithme népérien conduit à la mesure d’appartenance souhaitée entre 0 et 1 (Ragin, 2008). Notons que, si l’attitude envers la marque et les autres variables (traditionnalité perçue de la catégorie, risque perçu, prototypicalité du produit marqué, familiarité avec la marque) ont été mesurées à l’aide d’échelles et calibrées selon cette procédure, la DFM a été manipulée de manière expérimentale et donc calibrée comme étant totalement dans l’ensemble (i.e., appartenance totale) lorsqu’elle est ancienne et totalement en-dehors (i.e., non-appartenance totale) lorsqu’elle est absente, tandis que le point de croisement était la DFM récente. À cette fin, la coupure entre les DFM récentes et anciennes était basée sur la longévité de la catégorie et la distorsion de la distance temporelle mises en évidence dans l’étape qualitative préliminaire.
La tâche suivante a consisté à trier et minimiser les conditions et/ou configurations de conditions à l’aide d’une table de vérité. Trier les configurations de conditions consiste à ne conserver que les configurations et conditions qui induisent une attitude positive envers la marque. Nous avons donc identifié quelles conditions et configurations de conditions étaient nécessaires et/ou suffisantes au développement d’une attitude positive envers la marque. Une condition (ou configuration de conditions) nécessaire signifie que celle-ci est nécessairement présente dès lors que l’attitude envers la marque est positive. Une condition (ou configuration) suffisante signifie que celle-ci suffit au développement d’une attitude positive envers la marque, mais il peut y avoir d’autres conditions également suffisantes — et donc interchangeables (Ragin, 2008). La table de vérité dépend en partie des choix du chercheur, notamment concernant la fréquence minimale à retenir pour qu’une configuration soit conservée, ou encore le seuil de cohérence (i.e., consistency threshold) à retenir pour ces configurations. Compte tenu de la taille de l’échantillon de modélisation (n = 583) et de la littérature existante qui suggère de retenir une fréquence au moins égale à trois pour la conservation d’une configuration (Fiss, 2011; Ordanini, Parasuraman, & Rubera, 2014), seules les configurations affectant l’attitude envers la marque et expliquées par au moins cinq cas de l’échantillon ont été incluses dans l’analyse. Dans la continuité des études précédentes, nous avons fixé un seuil de cohérence de .8 (Fiss, 2011; Pappas & Woodside, 2021). Être en-dessous de ce seuil signifie que la configuration de conditions ne contribue pas assez au développement d’une attitude positive envers la marque.
Générer une table de vérité implique de choisir un des trois types d’analyse dont va dépendre la solution. L’analyse produisant une solution dite intermédiaire a été choisie. Il est important de noter que, quelle que soit la solution choisie parmi les trois disponibles (i.e., conservative, parcimonieuse, ou intermédiaire), les résultats ne peuvent pas se contredire car toutes les solutions sont identifiées à partir d’une même table de vérité. Par exemple, la solution conservative est un sous-ensemble de la solution intermédiaire, tout comme cette dernière est un sous-ensemble de la solution parcimonieuse. L’intérêt de la solution intermédiaire est qu’elle prend en compte les théories existantes et connaissances du chercheur pour générer une solution. La table de vérité, en partie présentée dans le Tableau 2, reprend les configurations et conditions retenues pour une nouvelle analyse.
Pour terminer, les mesures de cohérence et de couverture sont prises en compte pour chaque configuration de la solution et pour la solution dans son ensemble. La mesure de cohérence pour une configuration ou une solution permet de s’assurer que les cas appartiennent à cette configuration ou à cette solution, mais dans une moindre mesure ou à niveau égal que leur appartenance au résultat souhaité, ici l’attitude positive envers la marque. Les couvertures de la solution, brute, ou unique, font référence à la proportion de cas appartenant au résultat souhaité (attitude positive envers la marque) qui s’explique respectivement par la solution, les configurations de la solution, ou une configuration particulière. Dans son interprétation, cette mesure de la couverture est similaire à un R². Selon la littérature, la cohérence de la solution doit être supérieure à .8 et la couverture supérieure à .5 (Pappas & Woodside, 2021). Aussi, il est important de noter que l’on peut obtenir une configuration avec une cohérence élevée (proche de 1), avec une faible couverture (en dessous de .5). Cela ne signifie pas que la configuration n’est pas pertinente, et n’est donc pas à rejeter si elle permet d’expliquer un phénomène (Ragin, 2008).