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Le professeur A. Mouline a rédigé pour la revue Management International un texte d’opinion sur « Les universités françaises à l’heure de la compétition mondiale et du Nouveau Management Public »[1]. Pour notre part, nous allons consacrer notre texte à la grande course des Centres Hospitaliers Universitaires français (CHU) dans le cadre de la recherche et de l’innovation médicales. Les liens contractualisés entre les CHU et les universités sont obligatoires en France, les Centres Hospitaliers deviennent des CHU par la signature d’une convention constitutive avec l'université de son territoire à composantes médicales (faculté de Médecine et faculté de pharmacie, et parfois faculté d’odontologie). Les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg (HUS) constituent avec l’Unistra (la nouvelle université de Strasbourg créée en janvier 2009 par la fusion de l’université Louis Pasteur, l’université Marc Bloch et l’université Robert Schumann), le Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Strasbourg. La loi santé de 2009 a précisé le contexte d’élaboration et le périmètre de ces conventions constitutives. De plus, elles doivent être en cohérence avec les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) des CHU signés avec leur tutelle régionale (Agence Régionale de Santé, ARS) et les Contrats Etat-Région, CPER, (équipements et immobilier) des universités. Elles doivent être révisées tous les cinq ans.

Ce lien institutionnel entre le CHU et son université de référence signifie que la mission « recherche et innovation » est fortement liée[2] Si la mission des soins des CHU avec les trois dimensions reconnues : établissement de santé de proximité, de recours et d’excellence est très importante et constitue une très grande partie de l’activité des équipes et du budget, les deux autres missions, c’est-à-dire l’enseignement et la recherche, doivent être en forte connexion (en phase) avec l’université de référence, donc sa stratégie et certaines de ses structures. Depuis de nombreuses années, cette connexion se réorganise et se développe car les universités mettent en place des politiques de site universitaire[3], c’est-à-dire un périmètre de coopérations institutionnelles, scientifiques et aussi économiques. Cette coopération est la traduction d’une vision stratégique, de moyen terme ou long terme, intégrée et décloisonnée entre les différents acteurs sur un territoire géographique. Son positionnement dans les classements s’illustre par des points forts, c’est-à-dire des facteurs clés de succès dont : le potentiel scientifique et académique dans les disciplines du site. Les positions des établissements d’enseignement supérieur sont repérées par les classements, le cabinet Shanghai Ranking Consultancy classe 4 000 universités dans le monde selon 52 disciplines ou bien le classement bibliométrique mondial de Leiden.

Les CHU, en raison de leur convention constitutive avec leur université de référence, sont impactés par la « grande course des universités » en raison des liens très importants entre les deux organisations publiques. Les recompositions en cours qui sont d’ailleurs amplifiées par de nombreuses actions de la puissance publique via les actions thématiques du Programme d’Investissement d’Avenir (PIA)[4], ont pour objectif de créer un groupe d’universités françaises de niveau international.

Ces différents programmes PIA doivent en fait permettre le développement d’universités de recherche à rayonnement mondial. Ils s’articulent ainsi :

  • des outils structurants par des laboratoires labellisés comme des Labex[5] (laboratoires d’excellence), des Equipex (équipements d’excellence), des grandes infrastructures de recherche[6] (c’est-à-dire des équipements qui structurent la recherche, elles sont des « lieux d’excellence, ils attirent les meilleures équipes de recherche qui y trouvent les instruments nécessaires à leurs travaux, mais aussi la masse critique scientifique et technique susceptible de donner une visibilité internationale rapide à leurs résultats. La qualité de service qu’elles offrent garantit une forte attractivité pour des chercheurs étrangers et en fait des lieux de formation de scientifiques, ingénieurs et techniciens, qui contribuent à la réputation de la France. La forte sélection, basée sur l’excellence, des projets soumis par les utilisateurs potentiels participe à ce rayonnement international »[7]);

  • des instituts localisés sur les sites : Instituts Convergences (organismes à vocation de recherche pluridisciplinaire), les Instituts Hospitaliers Universitaires (IHU) qui sont selon le secrétariat du PIA des « vitrines de l’excellence française hospitalo-universitaire, des lieux de recherche et d’expérimentation où sont réunis recherche, soins, formation et valorisation », et les Instituts Carnot (2006) qui ont été reconduits et amplifiés par la création d’une phase préparatoire (tremplin Carnot), dans ce cadre, il s’agit de labelliser des recherches partenariales entre les laboratoires de recherche publique des établissements d’enseignement supérieur et des entreprises;

  • des labels de structures de site : avec les IDEX (initiatives d’excellence, l’action, dotée de plus de 7 milliards d’euros, vise à faire émerger une dizaine de pôles d’enseignement supérieur et de recherche de rang international, capables de rivaliser avec les meilleures universités du monde. Les sites sélectionnés ont « un rayonnement mondial disposant d’une puissance et d’un impact scientifiques de tout premier plan dans de larges champs de la connaissance ») et les I-SITES (Initiatives Science, Innovation, Territoires, Economie), l’action a pour but de sélectionner des atouts de même niveau scientifique que les IDEX, mais ceux-ci sont concentrés sur quelques thématiques;

  • enfin les outils consacrés à la valorisation de la recherche publique ont connus de nombreuses évolutions[8]. Le PIA a créé de nouvelles structures à la fois dans le cadre de la recherche partenariale (huit IRT sur le territoire, Instituts de Recherche Technologique) et dans le cadre des transferts de technologie (quatorze SATT, Sociétés d’Accélération du Transfert Technologique et France Brevet, structure d’investissement de l’Etat). Les IRT ont pour objectif « de poursuivre et de renforcer la compétitivité par la recherche industrielle dans des filières technologiques stratégiques et la structuration d’écosystèmes puissants et performants d’innovation et de croissance autour de pôles de compétitivité en intégrant dans une même structure les acteurs publics et privés » et les SATT sont chargées de la valorisation issue des laboratoires, donc de « sélectionner les avancées scientifiques pouvant déboucher sur une activité économique, de s’assurer de leur protection juridique et de financer les premières étapes qui mènent de la recherche fondamentale à un produit ou à une idée exploitable en termes économique, sous forme de licence concédée à une entreprise ou de création de start-up par les chercheurs »[9].

Dans le cadre de la recherche médicale, les CHU ont une politique de recherche centrée sur la recherche clinique (recherche appliquée) et la recherche translationnelle[10]. Ils ont réalisé, dans le cadre du continuum recherche appliquée/soins, 127 premières mondiales depuis 1958[11], ils font 78 % des essais cliniques (140 000 patients chaque année à travers 2 500 études), et ils ont répertorié 170 000 publications depuis 2007[12]. Une dimension moins connue, et en forte croissance, se situe dans le domaine des innovations avec des créations de start-up et la valorisation via des brevets et les licences (très souvent en lien avec les laboratoires de l’université, partenaire institutionnel).

Le groupe des CHU est hétérogène aussi bien pour les soins que pour la recherche. Les cinq premiers CHU (AP-HP (Paris), HCL (Lyon), AP-HM (Marseille), Bordeaux et Toulouse) concentrent 42 % de l’activité totale des CHU. Au-delà de la dizaine de CHU qui effectuent la plupart des activités d’expertise et de recours, les autres sont de taille plus faible avec une activité qui se distingue assez peu d’autres établissements hospitaliers publics ou des cliniques privées[13]. Les indicateurs (publications, modèle SIGAPS, et inclusions auprès des patients, modèle SIGREC) pour la mission « recherche et innovation » illustrent aussi l’existence de résultats très différents entre les CHU et une forte concentration sur un groupe leader (l’AP-HP[14] et Lyon, Marseille, Lille, Bordeaux, Toulouse). L’hétérogénéité du groupe des universités partenaires avec des composantes médicales reflétant des stratégies différentes avec des forces différentes (facteurs clés de succès), impacte aussi le classement des CHU.

L’objet de ce texte est d’une part,à partir des variables explicatives du modèle de la recherche et de l’innovation dans les CHU, d’étudier les stratégies des CHU dans cette « grande course » à la recherche et à l’innovation médicales, donc aux classements nationaux et internationaux et d’autre part de comprendre l’impact de la « la grande course des universités »[15] et des stratégies des grands organismes de recherche (INSERM[16] département des sciences de la vie du CNRS, CEA...[17]).

Notre analyse démontrera que les recommandations de la Cour des comptes française contenues dans les rapports de 2017 et 2018, (désigner des « CHU leaders » et des « CHU en connexion » avec ceux-ci, c’est-à-dire créer des réseaux avec tête de pont), se construisent déjà par les fortes modifications de l’environnement national et international des universités (fusions d’universités, développement des communauté d’universités et d’établissements...), des évolutions du management des établissements publics d’enseignement supérieur, enfin des modifications des textes réglementaires des universités (par exemple, la possibilité de créer des EPSCP expérimental, établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel). Le texte examinera les stratégies spécifiques, (les facteurs clés de succès), des CHU afin de rester en phase avec leur université de référence (et souvent leur site universitaire) pour être dans le groupe de tête de la recherche et de l’innovation médicales.

1. La construction du positionnement des CHU en recherche et innovation

1.1. La mission « recherche et innovation »

La France est un pays où de très nombreuses innovations médicales, souvent en première activité mondiale, sont réalisées, où les publications scientifiques médicales sont très importantes, où les essais cliniques réalisés sont importants[18] où ils existent des grands organismes scientifiques très bien positionnés et très connus dans le monde (Institut Pasteur, Institut Gustave Roussy, Institut Curie...), où de belles start-ups proposent des actions médicales de pointe comme dans les thérapies génétiques contre le cancer ou bien des médicaments capables de lutter contre le plus grand fléau du XXI e siècle (selon l’OMS), la résistance aux antibiotiques, où des centres d’excellences se construisent par l’action des pouvoirs publics comme le domaine des maladies neurodégénératives à Lille avec le LiCEND créé en 2016 (Lille Centre of Excellence for Neurodegenerative Disordeers) ou bien la French Clinical Research Infrastructure Network (intitulée F-CRIN) créé en 2012 (plateforme support en appui des investigateurs et des promoteurs académiques, hospitaliers et industriels[19]).

Dans ce cadre, les trente-deux CHU occupent une place centrale dans le système hospitalier de soins en France comme l’indique les chiffres clés : 28 % des lits et 23 % des places installées dans les hôpitaux français, 380 000 séjours et 40 % des séjours d’hospitalisation publique en 2017, 400 000 personnels dont 100 000 médecins avec 18 millions de consultations et leur poids économique est estimé à 60 milliards d’euros[20].

L’activité des CHU s’exprime à travers trois missions actées par les textes réglementaires : soins, enseignement et recherche. Les soins recouvrent à la fois la dimension hôpital de proximité pour leur territoire de santé, mais aussi une dimension hôpital de recours et de référence (via des structures labélisées[21]) pour leur région, et souvent sur tout le territoire français et même à l’international. Les deux autres missions sont centrées d’une part sur la formation des professionnels de santé (les étudiants médecins, près de 180 000 avec des stages appliqués) et les personnels paramédicaux, près de 40 000 élèves (via les Ecoles et Instituts) et d’autre part sur la mission « recherche et innovation ».

Dans le cadre de la recherche, les CHU ne réalisent pas directement de recherche fondamentale (travaux théoriques et expérimentaux sur les mécanismes du vivant), mais des praticiens hospitaliers (PH titulaires et non titulaires) affectés à temps plein au CHU peuvent participer à des travaux scientifiques dans les Unité Mixte de Recherche (UMR) des EPST (Etablissements Publics à caractère Scientifique et Technologique) et même y être détachés à mi-temps (contrats d’interface hospitaliers[22]). Les CHU ne peuvent pas être tutelles de ces UMR. Ce sont les universités ou les grands organismes nationaux de recherche. Les CHU se concentrent sur la recherche clinique (recherche plus appliquée) et sur la recherche translationnelle (interface entre recherche fondamentale et appliquée).

Les CHU ont créé le CNCR en 2005 (Comité National de Coordination de la Recherche clinique) afin de se positionner comme un acteur de la recherche biomédicale en collaboration avec les grands organismes nationaux de recherche et contractualiser au nom des établissements pour des projets structurants au plan national ou international. Le CNCR est d’ailleurs présent au conseil d’administration d’AVIESAN[23] (Alliance Nationale pour les sciences de la vie et de la santé, créée en 2009).

Ces trois missions des CHU sont bien sûr liées et doivent se réaliser en synergie. Il faut signaler qu’une nouvelle mission transversale aux trois autres se développe via la loi de la loi de « Modernisation de notre système de santé » de janvier 2016 (complétée par la loi de 2019). La première loi a créé des Groupes Hospitaliers de Territoire (GHT) où le CHU est le coordonnateur de la GHT de son territoire de santé et doit conventionner (conventions d’association) avec les autres GHT de sa région sur les activités hospitalo-universitaires (enseignement, recherche, recours et démographie médicale). Cette nouvelle mission permet aux CHU de construire de nouvelles configurations (relations partenariales).

Les CHU ont un poids économique non négligeable sur leur territoire, comme les universités, leurs partenaires institutionnels. De nombreux CHU ou regroupements (sous forme de groupements de coopération sanitaire, GCS) ont fait réaliser des études pour illustrer cette situation[24]. Les études ont mis en valeur les impacts (ou effets) économiques directs (dépenses des établissements : salaires et charges, achats, investissements et impôts locaux), les impacts économique indirects (patients, étudiants, déplacements) et les impacts induits (effet multiplicateur calculé sur les deux variables citées). Ce multiplicateur permet d’illustrer ce mécanisme économique bien connu « les dépenses des uns font les revenus des autres ». Pour le CHU de Saint-Etienne, les calculs de la Chambre de Commerce et d’Industrie a démontré que pour chaque euro dépensé le multiplicateur était de 1.8, soit 2,3 fois le nombre de salariés de l’établissement. Les calculs pour le CHU de Nice démontrent un impact de trois fois son budget (avec les investissements). L’étude du CHU de Nice permet des comparaisons intéressantes pour une période identique : l’impact total de l’établissement est de 1.456 milliards contre 316 millions pour le port de Nice et 7 milliards pour l’aéroport.

1.2. Le modèle « recherche et innovation » 

Les CHU sont des acteurs économiques en participant à la création de richesse comme producteurs de soins, mais aussi « dans la production de connaissances nouvelles et de transmission de connaissance, donc d’entretien du capital humain par la formation; les connaissances nouvelles participent au processus d’innovation, lui-même facteur de croissance économique »[25].

Comme le signale le rapport 2017 de la Cour des comptes[26] la recherche clinique au sein de ces établissements a changé de dimension au cours des vingt dernières années et le groupe des établissements de santé a connu de fortes évolutions : apparition d’un groupe de CHU leaders et stagnation des autres, poids croissant en soins et en recherche des Centres de Lutte Contre le Cancer ( l’institut Gustave Roussy, 8e des établissements de santé en recherche)[27], croissance du poids d’autres établissements publics et privés comme le groupement de la Générale de santé (privé), l’Hôpital Foch à Paris, le Centre Hospitalier de Versailles, le Centre Hospitalier de Saint-Anne à Paris.

« L’autonomie croissance des CHU dans la recherche clinique se manifeste autant dans la montée des structures de soutien à la recherche que dans l’élaboration progressive de leurs politiques de recherche » (...) « compte tenu de la prise en compte de critères d’activité scientifique pour l’allocation des crédits MERRI (missions d'enseignement, de recherche, de référence et d'innovation), la recherche représente désormais pour les établissements un enjeu stratégique mais également financier »[28] via les crédits des SIGAPS (publications) et des SIGREC (inclusions de patients).

Les CHU ont organisé, suite à la circulaire de 1993 qui a été revue en 2007, des délégations à la recherche clinique et à l’innovation (DRCI) afin de piloter et de gérer les moyens d’appuis. Ils ont aussi développé des actions internes en direction des jeunes séniors ou des praticiens confirmés de l’établissement (hospitalo-universitaires ou praticiens hospitaliers) : - différents appels d’offres (par exemple pour les jeunes chercheurs ou pour des projets d’innovation), - une organisation de forts soutiens (réglementation, montage des dossiers, gestion financière, surveillance et contrôle de la qualité des essais cliniques...) et - une organisation décentralisée pour certains CHU au niveau des pôles médicaux (Bordeaux) ou dans le cadre d'une organisation régionale (Bretagne, Rennes et Brest). Les essais à promotion industrielle sont développés car au-delà des publications possibles (crédits SIGAPS), ils permettent aux équipes, via les surcouts et les « bonus »[29], de donner une marge de manoeuvre financière (temps de personnels de recherche) aux services médicaux. De plus, certains établissements ont une politique active via des contrats d’interface hospitaliers car ils acceptent de financer le temps de travail (50 %) des chercheurs dans les structures de l’hôpital (Nancy).

Selon notre analyse, les différents dispositifs des CHU ne sont pas discriminants pour expliquer la hiérarchie entre eux. La qualité des projets présentés et retenus (ressources et compétences des praticiens universitaires et non universitaires, c'est-à-dire praticiens hospitaliers) et surtout la valorisation des résultats obtenus semblent plus intéressantes. Dans le cadre de l’évaluation HCERES (Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur) de la politique de recherche de l’AP-HP, il a été indiqué aux experts que ces politiques internes de soutien et d’accompagnement portent leurs effets plusieurs années après d’une part via les nominations (candidatures aux Conseils Nationaux des Universités (CNU) pour devenir professeur des universités-praticiens hospitaliers), et d’autre part les porteurs de projets innovants candidatent aux appels d’offres nationaux sur des programmes de recherche ou bien sur des labels (PIA) et ils obtiennent très souvent des résultats positifs[30].

2. Les facteurs clés de succès des CHU afin d'être dans le groupe des leaders de la recherche et de l’innovation

2.1. Les deux niveaux retenus pour comprendre le positionnement

Notre étude des différentes situations, des résultats aux appels d’offres du PIA et des classements des CHU dans la « grande course » à la compétition nationale et internationale, nous permet de proposer le tableau à la page suivante avec deux niveaux d’analyse. Le premier représente la base de la dimension recherche et innovation des CHU. Les outils signalés sont rencontrés dans pratiquement tous les CHU (la situation des CHU d’outre-mer est un peu particulière). Le second illustre les facteurs clés pour être dans le groupe des leaders. Ce n’est pas seulement la quantité de ces outils ou structures qui doit être comptabilisée, mais la dynamique créée par les couples : acteurs/outils/structures et acteurs entre eux. Il existe une condition essentielle sur le site hospitalo-universitaire pour les CHU afin d'être au second niveau : être en phasage dynamique entre les partenaires concernés dont bien sûr les laboratoires (UMR) et les structures de l’université de référence.

Pour construire ce tableau de synthèse, nous avons examiné toutes les facteurs qui permettent d’expliquer et toutes les dynamiques en cours. Il se dégage bien une hiérarchie.

Le schéma ci-dessous expose les quatre piliers de cette compétition : Unités de recherche/ plateformes/ infrastructures/ structures et partenariats.

2.2. Les partenariats

Notre analyse des différentes situations hospitalo-universitaires (HU) rencontrées et des stratégies des sites, nous permet d’énoncer que les partenariats entre les différents acteurs du site (et en dehors du site) sont un des piliers clés du positionnement et des classements. Les CHU doivent être présents dans ce cadre stratégique. Pour le projet COMET (COllection de tissus METaboliques humains), nous avons le CHU de Montpellier, l’Université, la SATT et l’entreprise Servier. Pour la plateforme nationale ECELLFRANCE (plateforme nationale pour la médecine régénératrice basée sur les cellules souches mésenchymateuses adultes), nous avons le CHU de Grenoble ou bien pour PGT (Consortium préindustriel des vecteurs de Thérapie Génétique), le CHU de Nantes. Pour l’INGESTEM (infrastructure nationale d’ingénierie des cellules souches et des tissus), le CHU de Montpellier.

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Synthèse de la dynamique du positionnement

Synthèse de la dynamique du positionnement

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Tableau 1

Les deux niveaux explicatifs des facteurs clés de succès[31]

Les deux niveaux explicatifs des facteurs clés de succès31
Source : d’après l’auteur

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Dans le cadre des partenariats, l’examen des actions démontre aussi une forte implication des organismes de recherche nationaux à la fois dans la dynamique du site et dans les liens que le site (ou des structures de celui-ci) peut développer en utilisant des accords-cadres ou des conventions comme : Inserm et le fonds MSDAvenir (soutien à Marseille Immunopôle, 2016), Inserm et Dassault Systèmes (alliance dans le dimension numérique dans le domaine de la recherche biomédicale, 2016), CNRS, Inserm, CHU Lille, université de Lille II, Institut Pasteur, (« Lille Centre of Excellence for Neurodegenerative Discorders », 2015, avec une structure contenant un Labex, deux Equipex, deux FHU et huit équipes Inserm ou CNRS). Les acteurs des sites et les sites organisés (gouvernance) ne peuvent donc que bénéficier de ces accords ou partenariats.

Pour la valorisation, les UMR sont gérées par les SATT (à partir du moment où l’université est déclarée tutelle) ou par l’Inserm. La filiale de valorisation Inserm Transfert a organisé de nombreux programmes comme le développement d’innovations thérapeutiques en 2016 (accélérateur innovantes en phase clinique), c’est-à-dire jusqu’à la première preuve de concept d’un produit thérapeutique en clinique humaine.

Nous avons recensés dans le tableau 2, des exemples d’axes des stratégies développées par les grands organismes.

Dans le cadre des partenariats, les collectivités territoriales tiennent aussi une place importante. Nous pouvons citer pour illustrer : le Pacte métropolitain d’innovation, (Métropole Montpellier pour accélérer le développement de la filière santé, Montpellier Capital Santé : diffusion des innovations, talents et ville santé de demain), le Pôle recherche mondiale sur le diabète, (Métropole européenne de Lille, 2018), des Fonds d’investissement ou d’innovation, (Région Centre-Val de Loire : reproduire un anticancéreux naturel, projet de R/D collaboration avec Norwich RU).

La situation du projet d’IHU de Toulouse (porté par le CHU, l’Inserm, l’Université et le Conseil régional) sur « la prévention, le vieillissement en santé et la médecine rejuvénative », et qui n’a pas été retenu par le jury international dans la seconde et dernière vague IHU, illustre bien un choix stratégique du Conseil régional et des autres partenaires. Il a été décidé de développer ce projet et de créer un bio campus et la région flèche 57 millions sur dix ans pour un bâtiment et des actions de soutien à la recherche et à l’innovation. Il sera ainsi plus facile d’obtenir un autre label du PIA en présentant une structure qui fonctionne et qui a des résultats.

Tableau 2

Les actions des grands organismes nationaux de recherche

Les actions des grands organismes nationaux de recherche
Source : d’après l’auteur

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Tableau 3

Les actions des grands organismes nationaux de recherche[32]

Les actions des grands organismes nationaux de recherche32
Source : d’après l’auteur

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La dimension partenariat industriel est de plus active pour les CHU et elle est un facteur discriminant dans les classements « recherche et innovation ». Dans le cadre des pôles de compétitivité, lancés en 2005, le secteur de la santé en compte sept (sur les 71). Par exemple, Medicen Paris Région qui a réalisé sur dix ans des investissements pour 1.4 milliard d’euros (468 millions d’aides publiques) dans 257 projets collaboratifs et qui a permis d’aboutir à la mise sur le marché de plus de 100 solutions thérapeutiques ou produits. Les sept pôles dont décidé de se constituer en réseau (2018), ils représentent 1300 adhérents dont 1 000 PME et 5 milliards d’euros de projets labellisées. L’action RHU du PIA (Recherche Hospitalo-Universitaire en santé) a permis un « soutien à des projets de recherche innovant en santé et de grande ampleur dans le domaine de la santé » où les secteurs académique, hospitalier et industriel sont concernés. Plus précisément, il s’agit, comme le précise le secrétariat du PIA, de « parier sur le translationnel et la capacité des équipes hospitalo-universitaires et de leur établissement à construire des partenariats gagnants-gagnants avec des industriels ». Cette action PIA a permis de développer de nombreux programmes (24 lauréats de 2015 à 2017 avec 184 millions pour le PIA et 137 pour les partenaires privés) : le CHU de Brest (avec l’Inserm comme porteur du projet) a obtenu un RHU pour son projet de prothèse de genou connectée ou bien le CHU de Rouen un RHU sur l’amélioration des connaissances sur le rétrécissement aortique et le développement de nouvelles thérapeutiques ou le CHU de Nantes sur des maladies cardiovasculaires et leurs facteurs de risque.

Les appels d’offres ou les appels à manifestation d’intérêt offrent des opportunités de rapprochement entre des équipes de CHU, des laboratoires de recherche des universités et des entreprises. L’AAP « expérimentations d’innovations numériques » de Bretagne (projets d’expérimentation de produits ou services innovants accompagnés par une technopole bretonne), l’AAP DigitalForLife de Bretagne (challenges pour l’accélération du digital dans l’ouest permet mobiliser des sponsors pour répondre aux problématiques d’établissements de santé). Les SATT sont aussi des acteurs du partenariat, par exemple, la SATT Nord a signé un accord avec Sanofi Genzyme pour la recherche contre la sclérose en plaques (université de Lille. CHU et Inserm). La SATT Toulouse Tech Transfert, le CHU et l’entreprise Aviitam s’allient pour lutter contre l’obésité pédiatrique (transfert de technologie).

En guise de conclusion : quelques questions pour de futurs publications dans MI

Nos développements mettent en valeur des thèmes qui pourraient faire l’objet de futurs articles dans Management International.

D’abord les CHU comme les universités sont des organisations très intéressantes et représentatives pour les chercheurs en management public, ils les caractérisent d’organisations pluralistes publiques[33]. Celles-ci ont des caractéristiques qui se prêtent à des publications. Elles ont : - une vision formulée par les responsables nationaux (c’est-à-dire extérieure à l’organisation); - des missions définies par les lois et précisées par la réglementation; - des instances comprenant des parties prenantes extérieures et de nombreuses parties prenantes internes puissantes; - une approche de la tutelle nationale basée sur l’efficience et l’efficacité qui implique des règles et qui créent ou qui modifient les modes d’organisation et de fonctionnement de l’organisation pluraliste; - enfin un processus de changement organisationnel basé sur la transformation globale radicale, rapide où le moment et l’ampleur ne sont pas choisis par le directeur de l’organisation[34].

Dans le cadre des reconfigurations en cours pour les universités et aussi les CHU, l’examen des différentes lois et textes d'applications doivent permettre de revisiter le concept d’organisation pluraliste publique. Les universités sont concernées par la loi LRU de 2007 (loi relative aux libertés et responsabilités des universités) et de 2013 (loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche), par les stratégies structurantes dans le cadre de la « grande course » des universités[35] afin de construire des grandes universités de recherche au niveau international (ou des grands campus). Les CHU sont concernés par les lois de 2009, de 2016 et de 2019 avec les différents textes d’application.

Ensuite le management des sites hospitalo-universitaires en construction ou en développement est aussi un sujet intéressant pour des publications. Le site est une zone de coopérations institutionnelles, scientifiques et économiques. Il est la traduction d’une vision stratégique, de moyen terme ou long terme, intégrée et décloisonné entre les différents acteurs sur un territoire. Son positionnement dans les classements s’illustre par des points forts qui sont souvent des facteurs clés de succès : potentiel scientifique et académique avec les disciplines. Sur un site, zone de coopérations, de nombreux partenariats existent donc, c’est l’effet richesse du site entre des acteurs pour la réalisation de projets de recherche ou d’innovation.

Des questions se posent donc : comment manager ces grands sites avec des multi-acteurs et multi-tutelles (ministères et agences), et avec quelle gouvernance ? comment gérer les structures créées par les programmes du PIA (IDEX et I-SITE, Instituts, IHU...) dans le cadre des structures existantes et des sites ? Comment construire une dynamique recherche et avec quels partenariats élargis (entreprises et collectivités territoriales) ? comment entrainer une dynamique recherche/enseignement sur les sites au niveau des multi-acteurs de l’enseignement supérieur ?

Les sites doivent rendre plus lisibles au niveau national et international le paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche français. La loi de 2013 a conduit à structurer une carte universitaire et scientifique nouvelle autour d‘un nombre limité de sites[36], mais quelle stratégie pour les sites non (ou peu) structurés et avec très peu de structures ou outils du PIA (Instituts, I-SITE, plateformes...)[37] ? En fait, comment éviter des zones universitaires très disparates sans remettre en cause l’émergence et le développement de zones leaders mondiaux ?

Enfin nous pouvons aussi nous interroger sur la notion de campus d’innovation (mission lancée par la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation en 2018) dans le cadre de la création et le développement des grandes universitaires françaises de recherche. Pour la ministre, « la vocation du campus d’innovation est d’étendre les surfaces de contact entre la recherche, la formation et l’entreprise, car c’est là, à la lisière de ces mondes résolument différents dans leurs pratiques et leurs modes de pensée, que les idées neuves éclosent et mûrissent ».

Les universités, les CHU, et autres les partenaires doivent donc mener une réflexion sur la conception et les développements de ces campus qui sont des écosystèmes complets d’innovation. Il s’agit d’un sujet qui mérite d’être étudié.