L’environnement et le fonctionnement des universités françaises se trouvent bouleversés par des facteurs liés à des contraintes gouvernementales financières, l’internationalisation, la compétition, l’adaptation aux besoins économiques et sociaux, la transformation des modes de gouvernance et de financement. Les universités françaises sont ainsi passées à l’heure de la compétition mondiale et du nouveau management public (Mouline, 2018). De nombreux chercheurs plaident alors pour la mise en place d’un nouveau modèle économique pour les universités françaises. En effet Au-delà de la réalisation des objectifs que les universités se sont fixés, elles doivent aussi avoir un pilotage efficace, une direction institutionnelle renforcée, une gestion par les résultats (Mazouz, 2017) : concevoir, décider, mettre en oeuvre, suivre, mesurer, évaluer et améliorer de manière continue. Quand les chercheurs parlent d’un nouveau modèle économique des universités, une question se pose : en quoi consiste l’ancien modèle qui serait révolu ? La réponse réside dans ce qu’il est convenu d’appeler le modèle de Humboldt (Renault, 1995; De Meulemeester, 2011) : Dans le tourbillon des réformes subies ou voulues par les universités, ce modèle redevient d’actualité : « le modèle Humboldt ou l’université rêvée » (De Meulemesster, 2011), « l’université humboldienne, une université de réputation mondiale » (Martin, 2012), « les réformes de l’enseignement supérieur européen : le cauchemar de Humboldt ? », (Chaix, 2018), « Réformer l’université demeure une ardente nécessité : non contre elle, mais avec elle, dans une acceptation renouvelée et réconciliée de la valeur de la « liberté » et de ses déclinaisons épistémologiques » (Cornu, 2018), etc. Si le rôle des universités ne doit en aucun cas être remis en cause (production et transmission des connaissances, contribution à la croissance économique), elles doivent toutefois s’adapter au nouvel environnement dans lequel elles évoluent. La construction du nouveau modèle économique des universités doit ainsi tenir compte de ce nouvel environnement et nécessite que soient précisées les hypothèses de base de ce modèle. La première hypothèse implique une reconsidération totale des relations entre l’Etat et les universités. Dans le modèle de Humboldt, l’Etat protège les universités et leur accorde les financements dont elles ont besoin. Dans le nouveau modèle économique que nous préconisons, l’Etat, même s’il est tenté de réduire sa contribution financière dans un contexte restreint, doit rester un acteur clé de l’écosystème universitaire : un Etat stratège conscient de la contribution des universités et des défis qu’elles doivent relever (1.). La deuxième hypothèse suppose un changement profond dans le mode de gouvernance et le fonctionnement des universités. Un management nouveau et efficace permettant de piloter, prévoir, programmer et, in fine, de mettre en place une gestion par les résultats (2.). Cette reconsidération du rôle de l’Etat doit tenir compte de la contribution croissante des universités à la richesse des nations, de la révision de la politique contractuelle et de la prise en compte du temps et du long terme notamment dans les programmes de recherche impliquant les pouvoirs publics, les universités et le monde socio-économique. Dans le cadre de la théorie de la croissance endogène, le rôle et la contribution des universités à l’accroissement de la richesse d’une nation, de l’emploi et de l’innovation (Railean, Curbatov, Gay, 2012) doivent être pris en compte par les pouvoirs publics et les collectivités territoriales. Une récente étude a montré que les dix-huit universités de la Curif (Coordination des universités de recherche intensive française, 724 000 étudiants) ont contribué à hauteur de 39,4 milliards d’euros et 320 000 emplois à l’économie française en 2016. L’étude précise également qu’un euro de valeur ajoutée brute générée par les activités directes des universités de la Curif contribue à hauteur de cinq …
Appendices
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