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L’ouvrage « Management et Finances publiques – Les Marqueurs du New Public Management » (L’Harmattan, Paris, 2019), que j’ai eu le plaisir de préfacer, est le fruit d’une rencontre entre deux spécialités et deux spécialistes, l’un en Management public (David Huron, Secrétaire général de l’AIRMAP),et l’autre gestionnaire (Jacques Spindler, ancien Directeur de l’IAE de Nice) spécialisé en Finances publiques. Ce livre original croise deux domaines de recherche qui ont une certaine tendance à s’ignorer alors même que le management du financement des administrations publique est au coeur du pilotage de l’action publique.
Cet ouvrage, a la rare particularité d’effectuer une approche comparative européenne, car chaque chapitre fait l’objet d’une section portant sur les quatre pays européens que sont l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni. Il est par ailleurs extrêmement documenté sur le plan de l’analyse juridique, de l’analyse financière et du management.
Il aborde de façon originale par une approche internationale comparée les “marqueurs” du New Public Management (NPM) que sont les notions de “Performance”, de “Responsabilisation” et d’“Externalisation” dans les administrations publiques centrales (APUC), locales (APUL) et de Sécurité sociale (ASSO). Appliquée d’abord à la France, cette distinction, opérée par le système européen des comptes (SEC), a facilité la comparaison avec d’autres grands pays voisins comme l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni, dans la lignée des recherches conduites par Christopher Pollitt et Gerhart Bouckaert. Sans faire l’apologie, loin de là, du NPM, nos auteurs montrent comment les finances publiques ont été influencées, plus ou moins directement, par la logique managériale, sans se départir complètement de la rationalité bureaucratique.
Si la recherche de la performance (Partie 1) s’appuie sur l’idée, parfois simpliste, que l’efficacité ne peut être atteinte qu’en appliquant les méthodes du secteur privé, allant jusqu’à adhérer à l’idée néolibérale de privatisation des services publics, il n’en demeure pas moins qu’elle a contribué en France, avec la Loi Organique relative aux Lois de Finances (LOLF) du 1er août 2001, à passer d’une culture budgétaire de moyens à une logique de résultats. Au delà du descriptif de cette nouvelle présentation du budget avec notamment les “Projets Annuels de Performance” (PAP), les “Rapports Annuels de Performance” (RAP), et les multiples indicateurs de performance (apparemment trop nombreux), les promoteurs de l’ouvrage ont cherché à montrer les points positifs de cette nouvelle architecture. Un des exemples qu’ils donnent est la création du logiciel Chorus qui a permis d’assurer la cohérence de l’ensemble du processus budgétaire, de la loi de finances votée par le parlement jusqu’au paiement au fournisseur et de la programmation jusqu’au bilan. Mais encore faut-il, points négatifs, que cette logique comptable conduise, au-delà de la performance financière, rendent les décideurs plus responsables. Ils montrent que la vision strictement comptable de la performance du NPM doit tenir compte, pour devenir un système universel de “gestion par les résultats” (GPR) de la façon dont s’exerce le pouvoir, s’organise le travail, se coordonne les activités etc.
La partie 2 est axée sur la mise en place des principes de responsabilisation et de reddition des comptes ou accountability - qui s’est traduite par la création de centres de responsabilité et d’agence d’évaluation. Nos auteurs rappellent à ce sujet qu’il existe un lien très étroit entre responsabilité et gestion comme l’indique l’expression française de “redevabilité” traduction fidèle de l’accountability. est peut-être celle qui correspond le mieux au vocable anglais. L’ouvrage fait référence à la loi de programmation des finances publiques pour la période 2018-2022 qui a rappelé le « principe de responsabilisation voulu par le Gouvernement, afin de donner aux ministres une pleine visibilité et responsabilité sur l’ensemble de leurs moyens… ». En d’autres termes, et plus généralement, le responsable public doit chercher à déterminer si son administration s’est donné les moyens de pérenniser sa performance par une politique des ressources humaines à long terme, l’investissement dans les nouvelles technologies et la gestion des connaissances. La conclusion de cette deuxième partie, reprend les trois piliers de cette stratégie de finance publique : la transparence, l’autonomie et le contrôle. Ce contrôle fait référence non pas à un contrôle au sens juridique du terme, mais à celui d’“accountability” qui suppose une responsabilité accrue au regard de l’amélioration de la performance publique.
Dans la partie 3 les auteurs abordent la question de l’externalisation comme voie de la flexibilité des organisations publiques. Cette notion est examinée dans le cadre public par recours aux analyses de la théorie des coûts de transaction, de la théorie de l’agence et de la théorie des ressources. L’externalisation au sens du NPM puise ses racines dans ces différentes approches. Toutes les entités publiques qui ont fait appel à l’externalisation, sont étudiées au regard de cette conception composite. Si l’externalisation est devenue progressivement un outil de management, c’est parce qu’elle a permis de minimiser les coûts de production de certains administrations publiques. Mais cette pratique s’est traduite par un certain nombre de conséquences fâcheuses, en termes d’investissement collectif : le recours systématique aux Partenariats Public-Privé (PPP) a amené nombre d’institutions publiques à multiplier la réalisation d’importantes infrastructures, sans se rendre compte du coût réel de leur décision.
La conclusion générale pose la question de savoir si les finances publiques françaises et des pays voisins ont été influences par le NPM ? La réponse semble plutôt positive aux auteurs en ce qui concerne le Royaume-Uni. Elle leur paraît beaucoup plus nuancée pour la France et les autres nations examinées, qui dans un modèle de réformes, que certains désignent sous le terme d’“État néo-wébérien”, pour reprendre une expression utilisée par Christopher Pollitt et Gerhart Bouckaert, ont emprunté quelques-uns des outils du NPM, sans pour autant renoncer aux vertus du “Vieux Management Public” ou administration bureaucratique, à savoir l’indépendance à l’égard des pressions politiques et du monde des affaires, la légalité et l’esprit du service public. …
Pour conclure nous pourrons qu’être d’accord avec les auteurs lorsqu’ils soulignent que le bon management ne peut pas se réduire à de simples gains chiffrés. C’est l’une des réserves les plus importantes adressées, qu’ils formulent à l’égard du NPM et de sa tendance à vouloir tout évaluer par des chiffres.