Abstracts
Résumé
Cette recherche identifie les valeurs culturelles confucéennes chinoises par le biais des 45 valeurs personnelles du Schwartz Value Survey. L'enquête empirique se fonde sur six entretiens qualitatifs et une administration de 1674 questionnaires en Chine. Les 45 valeurs personnelles chinoises se positionnent correctement selon la structure théorique de Schwartz. Les valeurs dominantes en Chine sont de nature confucéenne et collectiviste. Puis, les femmes sont davantage confucéennes que les hommes. Enfin, la jeune génération adhère de plus en plus aux valeurs occidentales et individualistes. Au niveau des implications managériales, nous donnons des recommandations en marketing et GRH en Chine.
Mots-clés :
- Valeurs culturelles,
- Valeurs confucéennes,
- Chine,
- Schwartz Value Survey,
- enquête quantitative,
- politique marketing et gestion des ressources humaines
Abstract
This research identifies the Chinese Confucian cultural values through the 45 personal values of the Schwartz Value Survey. The empirical approach is based on six qualitative interviews and a final administration of 1674 questionnaires in China. The 45 personal values position correctly according to the theoretical structure of Schwartz. The prevailing personal values are Confucian and collectivistic in nature. Also, Chinese women are more Confucian than Chinese men. Finally, the young generation prefers more and more Western and individualistic values. In terms of managerial implications, we provide recommendations for marketing and HRM in China.
Keywords:
- Cultural Values,
- Confucian Values,
- China,
- Schwartz Value Survey,
- quantitative survey,
- marketing strategy and HRM
Resumen
Esta investigación identifica los valores culturales confucianos chinos a través de 45 valores personales de la “Schwartz Value Survey”. El estudio empírico se basa en seis entrevistas cualitativas y una administración final de 1674 cuestionarios en China. Un análisis factorial posiciona correctamente 45 valores personales en la estructura teórica de Schwartz. Los valores dominantes en China son de naturaleza confuciana y colectivista. Las mujeres chinas son más confucianas que los hombres chinos. Por último, la generación joven prefiere los valores occidentales e individualista. En cuanto a las implicaciones de gestión, ofrecemos recomendaciones para la comercialización y gestión de recursos humanos en China.
Palabras clave:
- valores culturales,
- valores confucianos,
- China,
- Schwartz Value Survey,
- encuesta cuantitativa,
- estrategia de marketing y gestión de recursos humanos
Article body
L’intégration mondiale accélérée de la Chine pose de sérieuses questions de management, notamment en matière de gestion des ressources humaines pour les entreprises qui y implantent des filiales, et de marketing pour celles qui visent à y développer leurs ventes. Comme elles sous-tendent les comportements, la connaissance des valeurs culturelles chinoises contribue à la réflexion sur ces questions de gestion. Pour les managers en charge des affaires en Chine, qu’il s’agisse de production, vente ou GRH, la compréhension des valeurs culturelles chinoises devient un enjeu majeur. Toutefois, depuis 30 ans, malgré son ouverture économique, relativement peu de travaux ont tenté d’identifier avec précision les valeurs culturelles en Chine. Les quelques recherches empiriques qui ont été effectuées sur ce sujet se fondent sur une diversité de listes de valeurs qu’on peut classer en deux catégories. La première mobilise des listes occidentales, telles que la Rokeach Value Survey (Tai, 2008), la liste de valeurs de Kahle (Kau et Lim, 2005), la Schwartz Value Survey (Ralston et al., 1999; Egri et Ralston, 2004; Chia et al., 2007) et les dimensions culturelles de Hofstede (Zhang et Gelb, 1996; Sun et al., 2004) ou de Triandis (Yang, 2004), tandis que la seconde développe des listes de valeurs plus spécifiques pour la Chine, comme la Chinese Value Survey (Chinese Cultural Connection, 1987), le Li et le Yi (Piron, 2006) ou encore la trilogie « confucianisme - bouddhisme - taoïsme » (Zhang et Jolibert, 2000, 2003).
Ces études empiriques démontrent que les Chinois ont globalement conservé une culture collectiviste et confucéenne (§1.1). Peut-on identifier plus précisément les valeurs culturelles confucéennes chinoises et mesurer leur importance en fonction des caractéristiques démographiques comme le sexe ou l’âge ? C’est la question de recherche centrale de cet article. Une telle identification est utile pour prendre des décisions stratégiques en direction des opérations en Chine.
Pour répondre à notre question de recherche, nous utilisons la Schwartz Value Survey (SVS) dont les 45 valeurs personnelles sont considérées comme étant multiculturelles et universelles (§1.2). Nous établissons des correspondances entre les valeurs confucéennes centrales, telles qu’elles sont verbalisées dans une littérature foisonnante, et quelques-unes des 45 valeurs personnelles de la SVS (§1.3). Nous avons administré une enquête quantitative large de 1671 questionnaires (§2.1). Des traitements statistiques fourniront des réponses à notre question de recherche en deux temps. D’abord, nous vérifions si les items de valeurs de la SVS que les répondants chinois jugent les plus importants pour eux sont ceux qui traduisent les valeurs confucéennes centrales (§2.2.1). Ensuite, notre enquête permet de mesurer s’il y a des différences dans l’importance que les Chinois accordent aux valeurs selon le sexe (§2.2.3) et la classe d’âge (§2.2.3). Enfin, une carte multifactorielle positionne les classes d’âge et le genre des répondants parmi les domaines motivationnels (validés auparavant, en annexe statistique) qu’ils jugent les plus importants dans leur vie (§2.3). Il en résulte une segmentation avec implications managériales au niveau du marketing et de la GRH qui seront développées dans la section de discussion (§2.4).
Cadre théorique
La partie théorique de cet article cadre notre sujet de recherche, qui est :« la mesure des valeurs culturelles confucéennes chinoises par la Schwartz Value Survey ». Ainsi, après un bref rappel du lien entre valeurs personnelles et culture, le §1.1 propose un résumé des recherches académiques qui tentent de mesurer empiriquement les valeurs culturelles des Chinois, soit par le biais des listes de valeurs développées pour l’Occident, soit par le biais de listes spécifiquement développées pour la Chine. Le §1.2 rappelle comment la SVS a été développée, dans les années 1980 et 1990, et spécifie sa structure théorique en dix domaines motivationnels et deux dimensions d’ordre supérieur. Enfin, dans le §1.3, nous établirons des correspondances entre les valeurs confucéennes centrales et quelques-unes des 45 valeurs personnelles répertoriées par la SVS.
Mesure des valeurs culturelles chinoises
Culture et valeurs
Il est difficile de trouver un consensus autour d’une seule définition de la culture. Hofstede considère la culture comme une programmation collective de l’esprit humain, qui permet de distinguer les membres d’un groupe d’un autre. Il est important pour notre recherche de souligner que la culture évolue sous l’effet simultané de la créativité individuelle, de l’accroissement du nombre de médias et des diffusions de productions culturelles. Tung (1996) confirme que la culture n’est pas statique et qu’elle évolue au fil du temps. Bien évidemment, les NTIC et la globalisation du 21e siècle renforcent cette tendance.
Les valeurs personnelles constituent le coeur central de la culture. Rokeach (1973) définit les valeurs personnelles comme étant des « croyances durables selon lesquelles un mode spécifique de conduite ou un but de l’existence est personnellement et socialement préférable à d’autres conduites et d’autres buts ». Dans le cadre de notre recherche, il convient de garder en tête la différence subtile entre valeurs culturelles et personnelles, souvent confondues. Les valeurs culturelles sont des idées abstraites et socialement partagées de ce qui est bon, juste et souhaitable pour une société; elles permettent de caractériser des cultures. Les valeurs personnelles sont des buts motivationnels et des principes de base dans la vie au niveau individuel (Smith et Schwartz, 1997). Dans notre revue de la littérature, la différenciation entre valeurs personnelles et culturelles est parfois transgressée.
Alors qu’ils possèdent un très grand nombre d’attitudes envers les produits, objets ou des situations spécifiques, les individus n’ont qu’un nombre restreint de valeurs personnelles, lesquelles demeurent plus stables et résistantes au changement que les attitudes (Rokeach, 1968, 1973). Toujours selon Rokeach (1968, 1973), tout individu possède les mêmes valeurs à des degrés différents qui s’organisent en systèmes. Ce point de vue est repris par Schwartz et Bilsky (1993) qui, dans leur article au titre évocateur « Vers une théorie de l’universalité du contenu et de la structure des valeurs », confirment que les êtres humains classent leurs valeurs par ordre d’importance.
Mesure des valeurs culturelles chinoises par des cadres théoriques développés pour l’Occident
Un certain nombre de travaux empiriques sur la mesure des valeurs culturelles et personnelles des Chinois, et leur influence sur des comportements, se fondent sur des cadres théoriques développés pour l’Occident. Sur la base du Value Orientation Framework de Kluckhohn et Strodtbeck (1961), Lowe et Corkindale (1998) mesurent des différences de valeurs culturelles entre Australiens et Chinois. Partant d’un échantillon de 454 Chinois de Shanghai, Taipei et Hong-Kong, Tai (2008) utilise la Rokeach Value Survey pour démontrer des liens significatifs entre les valeurs personnelles des Chinois et leur orientation pour faire du shopping. Kau et Lim (2005), sur la base de 241 questionnaires relient quatre catégories de touristes chinois aux neuf valeurs de la liste de Kahle (1983).
La dichotomie entre individualisme et collectivisme traverse les différentes classifications de valeurs, dont entre autres les dimensions de culture nationale de Hofstede et les domaines motivationnels de Schwartz (§1.2). Ralston et al. (1999) soulignent que le continuum entre individualisme et collectivisme constitue probablement le meilleur moyen pour mesurer des différences entre cultures, et particulièrement entre cultures orientales et occidentales. D’après Kagitçibasi (1997), la tendance individualiste en Occident trouve ses racines dans les idées libérales de Smith, dans l’utilitarisme de Bentham ou encore dans le rationalisme de Descartes. Outre ces idées politiques, l’Eglise chrétienne appuie la responsabilité individuelle. Au contraire, l’Orient est marqué par la philosophie collectiviste qu’on retrouve dans les enseignements de Confucius et dans les principales religions comme le taoïsme, le bouddhisme et l’hindouisme. Cependant, toutes les sociétés, orientales et occidentales, connaissent une certaine tension entre collectivisme et individualisme et l’on trouve des deux partout (Kagitçibasi, 1997). Par exemple, la recherche de Zhang et Gelb (1996) montre une tendance collectiviste chez des étudiants chinois et une tendance individualiste chez les étudiants américains. Lin et Mattila (2006) démontrent que les Taïwanais expriment leur individualisme dans la consommation, tout en étant limité par des valeurs culturelles collectivistes fondamentales.
Différentes recherches empiriques sur les valeurs en Chine se fondent sur la liste de Schwartz. Ralston et al. (1999) reprennent la liste initiale de 56 valeurs[1] de Schwartz (1992) pour étudier, sur la base d’un échantillon de 869 jeunes managers, les valeurs culturelles des Chinois de la nouvelle génération. Les auteurs retrouvent d’abord les deux axes « individualisme » et « collectivisme ». Aussi, tout comme Schwartz (1992), les 56 valeurs permettent d’identifier un axe supplémentaire spécifique pour la Chine, qu’ils qualifient tout simplement de « confucianisme », constitué d’une seule liste de valeurs correspondant toutefois aux trois domaines supplémentaires identifiés par Schwartz, soit l’harmonie sociale, le comportement vertueux interpersonnel et l’harmonie personnelle et interpersonnelle. Ralston et al. (1996), reprennent la liste des 56 valeurs de Schwartz, structurée a priori en trois dimensions, à savoir l’individualisme, le collectivisme et le confucianisme, pour mesurer des différences intraculturelles chinoises, sur la base d’un échantillon de 704 managers chinois issus de six régions différentes de la Chine. Les auteurs concluent que la Chine, malgré quelques différences entre régions, est une société confucéenne.
S’appuyant sur les 45 valeurs à équivalence multiculturelle de la SVS, Egri et Ralston (2004) comparent, d’une part, les valeurs de 774 managers chinois aux valeurs de 784 managers américains et, d’autre part, le changement dans les valeurs à travers les générations. Les auteurs constatent que les jeunes générations de Chinois sont en train d’adopter des valeurs individualistes, dont notamment les valeurs correspondant aux dimensions « ouverture au changement » et « affirmation de soi »[2]. Au contraire, les générations de Chinois plus âgés adhèrent davantage aux valeurs des dimensions « conservation » et « dépassement de soi ». Selon Egri et Ralston (2004), la Chine contemporaine se caractérise par un écart de valeurs entre générations.
Chia et al. (2007) utilisent ces mêmes 45 valeurs à équivalence multiculturelle de Schwartz, et surtout les deux dimensions d’ordre supérieur (ouverture au changement versus conservation, affirmation de soi versus dépassement de soi), pour étudier la convergence et/ou divergence des valeurs des managers de cinq pays/régions du Sud-Est asiatique que sont la Chine, Hong Kong, Taïwan, Singapour et la Corée du Sud. Les auteurs affirment d'abord qu'il existe une convergence de valeurs entre les cinq pays, qu'ils expliquent par des liens historiques et le renforcement plus récent des liens commerciaux. Ensuite, les dimensions « dépassement de soi » et « conservation » ont obtenu les meilleurs scores dans l'ensemble des cinq pays, avec cependant la Chine en tête. Les auteurs en déduisent que les valeurs confucéennes et collectivistes ont encore une forte influence dans le Sud-Est asiatique et plus particulièrement en Chine.
Mesure des valeurs culturelles chinoises par des cadres théoriques spécifiques
Certains auteurs avancent que les cadres culturels développés empiriquement sur la base de cultures occidentales sont inaptes pour mesurer les valeurs des cultures orientales. Zhang et Jolibert (2003) estiment que les dimensions « individualisme/communautarisme » s’avèrent très insatisfaisantes pour expliquer les comportements individuels en Chine. Piron (2006) pense également que les dimensions « individualisme/collectivisme » correspondent à des cadres culturels et linguistiques occidentaux et que, par conséquent, ce serait une erreur méthodologique de vouloir segmenter la population chinoise à l’aide de cet instrument culturel occidental. Mieux vaudrait utiliser les concepts de Li et de Yi, qui correspondent à des cadres culturels connus pour des Chinois (Piron, 2006). Le Yi est un principe de Confucius qui comprend des valeurs comme la moralité, la bienveillance et la justice, et se rapproche ainsi du concept de collectivisme. Le Li correspond à des valeurs utilitaires et de profit et s’apparente donc plutôt à l’individualisme. Piron (2006) explique que la tradition chinoise, mais aussi l’idéologie communiste, favorise le Yi. Les valeurs du Li, bien qu’elles aient une mauvaise connotation, progressent cependant depuis l’ouverture promue par Deng Xiaoping.
Fan (2000) va dans le même sens que Piron (2006) en montrant que la culture contemporaine chinoise comprend trois éléments : la culture traditionnelle, l’idéologie communiste et, plus récemment, des valeurs occidentales. La culture traditionnelle chinoise se fonde sur le confucianisme, le taoïsme, le bouddhisme et sur toute une série de cultures régionales. Fan (2000) souligne que le confucianisme est bien la pensée la plus influente et constitue encore la base des normes de comportement interpersonnel en Chine.
Zhang et Jolibert (2000, 2003) adoptent le cadre culturel proposé par Fan (2000), composé de la trilogie confucianisme, taoïsme et bouddhisme. En se fondant sur une analyse de la littérature et des listes de valeurs chinoises existantes, dont entre autres la Chinese Value Survey de la Chinese Culture Connection (1987), Zhang et Jolibert créent des échelles spécifiques pour mesurer les trois doctrines. A partir d’un échantillon de 188 consommatrices chinoises résidant à Beijing, les auteurs démontrent ensuite l’influence des trois doctrines sur la fréquence et la nature de l’achat de cosmétiques, segmentés en produits symboliques, naturels et utilitaires. Toutefois, Zhang et Jolibert, comme Fan (2000), reconnaissent que la politique économique d’ouverture et de réformes en Chine engendre un affaiblissement de la culture traditionnelle au profit de la culture occidentale.
Dans leur article « The Confucius connection : from cultural roots to economic growth », Hofstede et Bond (1988) stipulent que la Rokeach Value Survey est un instrument purement américain. Des non occidentaux devaient répondre à des questions formulées par des chercheurs occidentaux. Les auteurs se demandent par conséquent si les réponses obtenues reflètent réellement l’essence des cultures orientales. Cette mise en cause a abouti sur le développement de la Chinese Value Survey (CVS). Bond et un groupe de chercheurs à Hong-Kong et Taïwan, appelée la Chinese Culture Connection, ont établi une liste de 40 valeurs pour la population chinoise. La CVS a été traduite en anglais et administrée à des échantillons de 100 étudiants répartis dans 22 pays. Des analyses statistiques factorielles ont fait émerger quatre dimensions de valeurs culturelles[3], à savoir « l’intégration sociale », « la chaleur humaine », « la discipline morale » et « le dynamisme confucéen ». Les trois premières dimensions de la CVS se sont avérées corrélées avec les dimensions de Hofstede. Le « dynamisme confucéen » a été rajouté comme 5e dimension à la structure de Hofstede, sous la dénomination « orientation à long terme ». Malgré son nom qui suggère le contraire, les quatre dimensions que fait émerger la CVS ont été établies sur la base d’un échantillon international et non uniquement chinois. Toutefois, les cinq pays ayant les plus forts scores sur la dimension « dynamisme confucéen » sont, dans l’ordre, la Chine (118), Hong-Kong (96), Taïwan (87), le Japon (80) et la Corée du Sud (75). La Chine apparaît ainsi comme ayant des racines confucéennes solides.
Se référant à un échantillon de 300 touristes chinois à Hong-Kong, Wong et Lau (2001) utilisent une version simplifiée de la CVS, comportant seulement 13 valeurs. Les auteurs démontrent que les touristes chinois se situent essentiellement sur les dimensions « intégration sociale » et « dynamisme confucéen » et qu’ils préfèrent voyager en groupe, aiment être en sécurité et participent à toutes les activités proposées. Les Chinois privilégient les valeurs collectives.
Ralston et al. (1993), à partir d’un échantillon de 62 managers américains, 182 managers de Hong-Kong et 82 managers chinois de la République populaire de Chine, ainsi que Ralston et al. (1995), sur la base d’un échantillon de 82 jeunes cadres chinois à Shanghai, utilisent différents inventaires de valeurs, dont les quatre dimensions de la CVS, pour mesurer des valeurs managériales. Ces recherches concluent que les valeurs managériales en Chine évoluent dans le sens d’un individualisme grandissant, tempérées par la culture chinoise. Les auteurs parlent d’un environnement chinois paradoxal, car malgré l’introduction des valeurs occidentales, les Chinois ne renient pas leurs valeurs confucéennes et traditions morales séculaires.
Les valeurs personnelles, domaines motivationnels et dimensions d’ordre supérieur de la SVS
En se fondant sur des tests empiriques dans un grand nombre de pays culturellement différents, Schwartz et al. (1987, 1990, 1992, 1994, 1995) établissent une liste de 45 valeurs personnelles, dont la structure serait universelle, la Schwartz Value Survey (SVS). Nous utilisons dans notre recherche cette liste de 45 valeurs ayant des significations multiculturelles équivalentes. L’objectif de Schwartz était de hiérarchiser et structurer les valeurs personnelles en value types, qu’on traduit en français par domaines motivationnels, dont le nombre varie successivement de sept à onze, pour se stabiliser à dix. Schwartz (1992) explique que les 45 valeurs à signification multiculturelle équivalente se positionnent correctement dans ces dix domaines motivationnels. Aussi, dans des échantillons sous-traités, où des chercheurs locaux ont rajouté des valeurs spécifiques supplémentaires, aucun domaine motivationnel nouveau n’apparaît. Schwartz (1994) en déduit que, d’une part, les dix domaines motivationnels sont universels et, d’autre part, il n’en manque aucun.
Selon Schwartz, les domaines motivationnels représentent soit des intérêts individuels (auto-orientation, stimulation, hédonisme, accomplissement, pouvoir), soit des intérêts collectifs (bienveillance, tradition, conformité), soit les deux en même temps (universalité, sécurité). En outre, les domaines motivationnels se positionnent dans un cercle selon deux dimensions d’ordre supérieur. La première dimension oppose les valeurs conservatrices (conservation) à celles qui correspondent à une ouverture au changement (openness to change). La deuxième dimension oppose les valeurs qui correspondent au dépassement de soi (self-transcendence) à celles qui correspondent à l’affirmation de soi (self-enhancement).
La plupart des validations empiriques tentées par Schwartz dans différents pays montrent une certaine divergence par rapport à cette structure universelle. En réalité, la structure théorique des dix domaines n’est que rarement observée; 92 % des échantillons ne restituent correctement que huit domaines motivationnels sur dix. La structure des valeurs ne serait donc pas tout à fait universelle, mais une approximation raisonnable des relations entre valeurs et entre domaines motivationnels (Schwartz, 1994).
La structure théorique des valeurs en domaines motivationnels et en dimensions d’ordre supérieur est le plus souvent observée dans des pays occidentaux. Ainsi, différentes tentatives de validation de la SVS pour ce qu’on appelle Greater China , que ce soit pour Hong-Kong (Schwartz et Bilsky, 1987), la Chine continentale (Schwartz, 1992) ou Taïwan (Schwartz, 1992), n’ont pas permis de retrouver la structure universelle théorique. Selon Schwartz ces échantillons « viennent de pays qui sont un peu moins exposés à l’influence occidentale ». Sur la base d’une liste élargie de 56 valeurs (et non pas 45), Schwartz resitue pour la Chine continentale les domaines motivationnels qui servent les intérêts individuels (l’auto-orientation, la stimulation, l’hédonisme, l’accomplissement, le pouvoir). Les cinq autres domaines motivationnels sont par contre restructurés en trois nouveaux domaines spécifiques à la Chine que sont « l’harmonie sociale », « le comportement vertueux interpersonnel » et « l’harmonie personnelle et interpersonnelle ». Selon Zhigang (1990), ces trois domaines motivationnels spécifiques à la Chine correspondent aux principales religions et pensées de la culture chinoise, soit le taoïsme (harmonie sociale), le confucianisme (comportement vertueux interpersonnel) et le bouddhisme (harmonie personnelle et interpersonnelle).
Correspondances entre valeurs confucéennes et valeurs personnelles de la SVS
Qu’est-ce qu’il convient d’entendre exactement par valeurs confucéennes ? De nombreux textes écrits, de nature littéraire, sociologique, historique et même touristique, décrivent les valeurs confucéennes. Bien que ces descriptions diffèrent dans leur vocabulaire, il se dégage un consensus autour des valeurs centrales du confucianisme. Hofstede et Bond (1988) résument les quatre principes clés des enseignements de Confucius comme suit : (i) la stabilité dans la société, fondée sur des relations inégales et hiérarchiques, y compris le respect des aînés; (ii) l’harmonie dans la famille; (iii) la bienveillance envers autrui et (iv) le comportement vertueux. Hofstede (2001) décrit les sociétés confucéennes comme étant collectivistes et conservatrices qui mettent l’accent sur les obligations des individus envers le groupe. Selon Kagitçibasi (1997), les enseignements de Confucius soulignent la vertu, la loyauté, la réciprocité dans les relations humaines, la justice et la piété filiale[4]. La moralité sociale confucéenne aboutit sur des sociétés de nature collectiviste. Gong (2003) confirme que la culture chinoise possède une orientation collective et est caractérisée par des relations définies par la doctrine confucéenne, dont notamment la politesse, le respect des règles, l’obéissance, le respect de l’autorité, l’harmonie, le conservatisme, l’ordre social et la tolérance. D’après Piron (2006), le concept confucéen du Yi comprend des valeurs comme la moralité, la bienveillance, la justice et la fidélité. Selon Zhang et Jolibert (2003), le confucianisme favorise la hiérarchie familiale, l’ordre social et hiérarchique, le respect de l’autorité, la moralité, la bienveillance, la modération, la réciprocité et le contrôle de soi-même. Zhang et Jolibert (2003) indiquent également que le taoïsme enseigne que l’homme doit vivre en harmonie avec la nature et que le bouddhisme prêche la vie simple et la renonciation aux désirs. En faisant référence à la structure théorique de la SVS, Chia et al. (2007) confirment que le confucianisme correspond le plus à la dimension « dépassement de soi », dont surtout le domaine motivationnel « bienveillance », et à la dimension « conservation », dont notamment le domaine motivationnel « conformité ».
En guise de conclusion de cette courte synthèse, le Tableau 1 vise à établir des correspondances entre les valeurs confucéennes centrales et quelques-unes des 45 valeurs personnelles de la SVS, regroupées par domaines motivationnels. La colonne « nature » indique, selon la classification de Schwartz, si le domaine motivationnel retenu sert les intérêts collectifs, individuels ou les deux à la fois.
Résultats empiriques
La seconde partie de cet article est organisée en quatre sections. La première détaille notre démarche empirique (§2.1). La seconde section donne d’abord les scores moyens des items de valeurs et des domaines motivationnels. Nous soulignons ensuite des différences de moyennes en fonction du sexe et de l’âge des répondants. Après vérification et validation du positionnement des valeurs personnelles et domaines motivationnels dans un cercle suivant la structure théorique selon Schwartz, reproduite en annexe statistique, la troisième section superpose, sur une carte multifactorielle, les domaines motivationnels, le sexe et les classes d’âge des répondants (§2.3). Enfin, la dernière section de discussion (§2.4) développe les implications managériales des résultats statistiques de notre recherche dans les domaines du marketing et de la GRH.
Démarche empirique
Une enquête en trois étapes complémentaires
L’enquête empirique s’est déroulée en trois phases complémentaires. Lors d’une première phase exploratoire, nous avons conduit des entretiens qualitatifs auprès de six Chinois à Paris. Le but de ces entretiens était de traduire l’échelle de Schwartz en chinois, en y ajoutant de courtes explications. Nous avons demandé à nos interlocuteurs sinophones de remplir le questionnaire, rédigé en chinois par nos soins, en face à face. Les six répondants ont confirmé qu’ils comprenaient les 45 items de valeurs sans difficulté. Ensuite, nous avons demandé à un Chinois qui vit aux Etats-Unis d’effectuer une retraduction en anglais. Cette retraduction a correctement restitué les items initiaux de l’échelle de la SVS.
La deuxième phase empirique a consisté en un prétest quantitatif auprès d’une centaine de Chinois, dont l’objectif était de vérifier si les répondants avaient des difficultés à comprendre les items de valeurs, lesquels peuvent parfois paraître assez abstraits. Nous avons pu ainsi compléter et améliorer le questionnaire final. Sur le questionnaire, nous demandions de répondre à la question suivante : « comme principe dans votre vie, pouvez-vous évaluer l’importance des valeurs suivantes : », accompagnée de la liste des 45 valeurs personnelles. Les réponses étaient reportées sur une échelle de 7 points où : « -1 = contre ma valeur », « 0 = pas du tout important »… « 5 = très important »[6].
Nous avons programmé le questionnaire en chinois sur Internet. Le site web obligeait les répondants à valider l’ensemble de leurs réponses avant renvoi. Les réponses étaient ensuite enregistrées automatiquement dans une base de données. Nous avons incité oralement des étudiants chinois des Universités de Poitiers (15 répondants) et de Pau (30 répondants) à remplir le questionnaire en ligne. Nous avons également encouragé des étudiants chinois à répondre via nos partenaires dans les Universités de Nanchang et de Tianjin (57 répondants). Ce prétest a permis d’examiner si l’analyse de données envisagée donnait des résultats qui allaient dans le sens d’une validation de l’échelle de Schwartz. Ainsi, à partir des 102 questionnaires valides, nous avons effectué une analyse factorielle, doublée d’une classification hiérarchique sur SPSS 15.0. Les résultats allaient dans le sens d’une validation partielle de sept domaines motivationnels. Cependant, le biais dans le profil des répondants (des étudiants, dont certains vivent en France) était suffisamment important pour que nous ne tirions pas de conclusions définitives de ces analyses statistiques exploratoires. Les questionnaires du pré-test n’ont pas été inclus dans l’échantillon final.
La troisième phase empirique a consisté en une enquête menée en Chine entre mars et mai 2007. Nous avons administré en face à face une enquête dans deux grandes provinces de la Chine : celle du Shaanxi, et plus précisément dans la ville de Xi’an qui représente le nord-ouest de la Chine, et celle du Guangdong, et plus exactement dans les villes de Guangzhou, Shenzhen et Zhanjiang qui représentent le sud de la Chine. Nous avons utilisé une méthode d’échantillonnage dite « méthode empirique de convenance », en veillant cependant à différencier le profil des répondants. Lors du remplissage des questionnaires papier en face à face, nous avons veillé à ce que l’ensemble des items soient correctement remplis. Cependant, les questionnaires papier n’ont pas tous pu être contrôlés car une partie a été déposée dans une urne. Parmi les 1729 questionnaires papier que nous avons collectés, 368 étaient non valides. Parallèlement, nous avons demandé à de nombreuses connaissances et passants de remplir notre enquête sur Internet. 313 questionnaires ont été remplis en ligne. Comme nous avons utilisé des méthodes informatiques de contrôle[7], l’ensemble de ces questionnaires on-line a été correctement rempli. Nous avons donc fait l’analyse des données sur la base de 1361 questionnaires papier valides et 313 questionnaires remplis en ligne, soit 1674 questionnaires au total, sans aucune donnée manquante.
Profil de l’échantillon
Dans notre questionnaire, outre les 45 items de valeurs dont il fallait indiquer l’importance, nous avons demandé aux répondants d’indiquer leurs sexe, âge, catégorie sociale et professionnelle, ainsi que leur classe de revenus. Les tableaux numérotés de 2.1 à 2.4 fournissent une courte description statistique du profil des répondants à l’enquête finale.
Un peu plus de la moitié de l’échantillon sont des étudiants (58 %), âgés de 18 à 24 ans (62 %), qui ont moins de 1000 yuan de revenus mensuels (60 %). Nous observons une surreprésentation de répondants jeunes dans notre échantillon[8], dont il faudra tenir compte dans l’analyse des résultats statistiques. Cependant, grâce à sa grande taille, l’échantillon comporte également plus de 600 répondants qui sont actifs (41 %, employés, fonctionnaires…), âgés de plus de 25 ans (32 %) et qui gagnent plus de 1000 yuan par mois (39 %). La proportion homme – femme est de 45 – 55 %. Ces grands nombres permettent d’analyser des différences statistiques en fonction notamment des genre et classe d’âge.
Résultats univariés
Les résultats statistiques qui sont présentés et discutés dans les deux paragraphes suivants (§2.2 et §2.3) ont été calculés à l’aide du logiciel SPSS 15.0.
Scores moyens pour 45 items de valeurs et 10 domaines motivationnels
Les Tableaux 3.1 (valeurs personnelles) et 3.2 (domaines motivationnels) donnent les scores moyens, calculés à partir de notre échantillon final de 1674 Chinois ayant évalué l’importance de l’ensemble des 45 valeurs personnelles. Les moyennes sont classées dans un ordre décroissant. La troisième colonne du Tableau 3.1 reprend les domaines motivationnels d’appartenance des valeurs personnelles, tandis que la quatrième colonne du Tableau 3.1 affiche les équivalences entre les valeurs confucéennes et les valeurs personnelles (Tableau 1).
Parmi les neuf valeurs en tête du classement (Tableau 3.1), avec des scores moyens supérieurs à 5,9, il se trouve deux valeurs personnelles du domaine motivationnel « sécurité », trois du domaine motivationnel « bienveillance » et deux du domaine motivationnel « conformité ». Le Tableau 3.2 confirme que la « conformité », la « bienveillance » et la « sécurité » sont les trois domaines motivationnels les plus importants pour les Chinois. Ce classement des domaines motivationnels confirme partiellement celui de Ralston et al. (1997) selon lequel la « bienveillance » et la « sécurité » sont les deux domaines motivationnels les plus importants pour les Chinois. Cependant, Ralston et al. (1997) ne situent la « conformité » qu’en quatrième position.
La « conformité » exprime le désir des Chinois de se contrôler, de ne pas aller à l’encontre des normes existantes et de se conformer aux règles sociales. La « bienveillance » exprime le souhait des Chinois de préserver et d’améliorer le bien-être des autres. La « sécurité » traduit bien évidemment un désir de sécurité nationale, mais également le désir d’harmonie et de stabilité dans la société.
Les valeurs personnelles et domaines motivationnels en tête du classement sont de nature confucéenne, à orientation collective et se trouvent, selon la structure théorique de Schwartz, sur les dimensions « conservation » et « dépassement de soi ». De nouveau, ce positionnement confirme les statistiques de Ralston et al. (1997) qui, en comparant[9] quatre pays (Etats-Unis, Russie, Japon et Chine), donnent à la Chine les plus bas scores sur les dimensions « individualisme », « ouverture au changement » et « affirmation de soi ». Nous en concluons que la Chine demeure une société confucéenne, traditionaliste avec une culture collectiviste (Hofstede, 2001; Gong, 2003).
Parmi les neuf items de valeurs en queue de classement, trois valeurs personnelles appartiennent au domaine motivationnel « stimulation », trois au domaine motivationnel « pouvoir » et trois au domaine motivationnel « tradition ». Le Tableau 3.2 confirme que ce sont en effet les domaines motivationnels « stimulation », « pouvoir » et « tradition » qui ont le moins d’importance pour les Chinois. De nouveau, cette position en bas de classement est conforme à celle de Ralston et al. (1997), lesquels situent également les domaines motivationnels « pouvoir » et « tradition » en fin de classement. Il est à noter que ces domaines motivationnels servent les intérêts individualistes. Aussi, selon la structure de Schwartz, le domaine motivationnel « stimulation » se situe sur la dimension « ouverture au changement », alors que le domaine motivationnel « pouvoir » se positionne sur la dimension « affirmation de soi ». Ainsi, nous reconfirmons la conclusion de Ralston et al. (1997) selon laquelle la Chine est un pays collectiviste et confucéen.
Il est à noter que les tous derniers items de valeurs, « être pieux » et « acceptant sa part dans la vie », ont des scores significativement plus bas (3,1 respectivement 3,0) que les autres valeurs personnelles. Ayant une connotation religieuse assez forte, les scores bas de ces deux items suggèrent que la Chine n’est pas un pays très confessionnel et expliquent pourquoi le domaine motivationnel « tradition » est mal jugé, alors que celui-ci se situe sur la dimension « conservation », qui apparaît par ailleurs être une dimension majeure de la culture chinoise.
Il est remarquable de noter que parmi les 12 valeurs les plus importantes pour les Chinois, neuf évoquent des valeurs confucéennes. De même, parmi les 18 valeurs les moins importantes pour les Chinois, il n’y a aucune valeur confucéenne. Malgré une surreprésentation de jeunes Chinois dans notre échantillon, il semble raisonnable de confirmer que la Chine possède des racines confucéennes solides et que les Chinois ont une vue collectiviste de la société dans laquelle ils vivent.
Différences de valeurs entre les Chinois et les Chinoises
Hofstede (2001) souligne que l’importance qu’une personne accorde aux valeurs confucéennes peut varier avec l’âge, le sexe et l’exposition aux sociétés occidentales. Zhang et al. (2005), en étudiant les valeurs personnelles dans une autre société confucéenne, le Japon, confirment que les femmes japonaises sont plus conservatrices que les hommes japonais. Zhang et Jolibert (2003) expliquent que le confucianisme définit des règles spécifiques pour les femmes dont, surtout, l’obéissance aux père, mari et fils aîné, ainsi que l’obligation de respecter un ensemble de vertus, dont la moralité et le langage et un comportement approprié. Il s’agit des valeurs centrales du confucianisme. Selon Sun et al. (2004), les habitants de pays collectivistes (Chine et Japon dans leur recherche) sont davantage orientés vers l’équilibre familial, que ceux issus de pays individualistes (Grande-Bretagne et Etats-Unis). Ils sont plus généralement conservateurs dans leur attitude envers le rôle des deux sexes dans la société. Notamment, dans la recherche de Sun et al. (2004, p. 324), les Chinois et Japonais montrent des scores systématiquement plus élevés que les Américains et Britanniques sur des items spécifiques tels que « la place de la femme est à la maison » ou encore « le père devrait être le patron à la maison ».
Les Tableaux 4.1 (valeurs personnelles) et 4.2 (domaines motivationnels) montrent les différences de moyennes les plus significatives entre hommes et femmes. Une valeur t négative indique que c’est la femme qui accorde le plus d’importance à l’item; une valeur t positive indique le contraire. Les différences entre sexes sont classées par valeur t descendante. Les différences de scores les plus grandes (en valeurs absolues) sont les différences les plus marquées entre les opinions des femmes et des hommes.
Les lignes en tête du Tableau 4.1 montrent que les femmes attachent plus d’importance que les hommes aux valeurs personnelles des domaines motivationnels « universalité » (monde en paix, unité avec la nature), « bienveillance » (responsable, secourable, indulgent) et « conformité » (politesse, obéissance, honorant ses aînés). Le Tableau 4.2 confirme que la femme accorde davantage d’importance aux domaines motivationnels confucéens : « conformité », « universalité » et « bienveillance ». Les lignes inférieures du Tableau 4.1 montrent que l’homme attache plus d’importance aux valeurs personnelles des domaines motivationnels « pouvoir » (pouvoir social, autorité, richesse) et « stimulation » (audacieux, une vie excitante). Aucune de ces valeurs masculines ne représente des valeurs traditionnelles chinoises et confucéennes. Le Tableau 4.2 confirme qu'en particulier, « pouvoir » est un domaine motivationnel masculin. On peut donc confirmer les conclusions de Zhang et Jolibert (2003) et Sun et al. (2004) indiquant que les femmes chinoises sont plus traditionnelles, conservatrices et confucéennes que les hommes chinois.
Différences de valeurs selon les générations
Des recherches récentes (Fan, 2000; Zhang et Jolibert, 2003; Egri et Ralston, 2004) suggèrent que des valeurs occidentales et individualistes pénètrent lentement la société chinoise au niveau de la jeune génération. Nous avons scindé notre échantillon en cinq classes d’âge (Tableau 1.4). Grâce à une analyse de la variance (ANOVA), les Tableaux 5.1 (valeurs personnelles) et 5.2 (domaines motivationnels) montrent les différences de moyennes les plus significatives entre classes d’âge, rangées en ordre décroissant.
Le Tableau 5.2 montre que la génération la plus âgée attache davantage d’importance aux valeurs appartenant au domaine motivationnel « tradition » (acceptant sa part dans la vie, respect des traditions). La génération la plus jeune, c’est-à-dire les moins de 18 ans et la classe d’âge de 18 à 24 ans, accorde plus d’importance aux valeurs relevant du domaine motivationnel « stimulation » (une vie variée, audacieux, une vie excitante). En outre, les 18-24 ans attachent plus d’importance aux valeurs des domaines motivationnels « accomplissement » (succès, ambitieux, compétent) et « auto-orientation » (choisir ses propres buts, liberté, créativité). Ces trois domaines motivationnels, « stimulation », « accomplissement » et « auto-orientation », servent les intérêts individuels. Le Tableau 5.2 montre clairement que la jeune génération donne plus d’importance aux valeurs individuelles et occidentales que la génération plus âgée. A travers la jeune génération, les valeurs occidentales pénètrent lentement la société chinoise. Ce constat confirme celui de Yang (2004), qui observe un changement graduel dans les valeurs culturelles à Taïwan, affirmant que celui-ci s’observe aussi dans d’autres sociétés collectivistes; « par exemple, les valeurs individualistes dominent désormais dans la publicité en Chine, notamment lorsqu’elle cible de jeunes adultes urbains » (Yang, 2004, p. 78).
Bien que la jeune génération attache plus d’importance que les anciens aux valeurs occidentales, il apparaît, en étudiant le Tableau 3, que ces valeurs et domaines motivationnels apparaissent dans la seconde partie du classement général des valeurs personnelles. Les valeurs occidentales et plus individualistes les mieux notées sont celles du domaine motivationnel « accomplissement » dont surtout les valeurs personnelles compétent, succès et ambitieux.
Nous confirmons ainsi l’observation d’Egri et Ralston (2004) que la jeune génération chinoise a une tendance à se rapprocher de la jeune génération américaine sur la dimension « ouverture au changement », car, en effet, celle-ci est composée des domaines motivationnels « stimulation » et « auto-orientation ». Nous rejoignons également Ralston et al. (1999), qui concluent que la nouvelle génération chinoise affiche une tendance individualiste renforcée. Mais surtout, au vu des scores moyens dans l’ensemble (Tableau 3.1), nous souscrivons à la conclusion de Ralston et al. (1995) selon laquelle l’individualisme grandissant des jeunes Chinois est encore tempéré par la culture chinoise traditionnelle.
Correspondances entre domaines motivationnels, âge et sexe
Une carte factorielle qui superpose les domaines motivationnels, le sexe et la classe d’âge des répondants permet de confirmer et d’approfondir les différences constatées dans les Tableaux 4 et 5. Une telle carte factorielle aurait cependant plus de sens et serait plus facilement interprétable si les valeurs personnelles se positionnaient selon la structure théorique de Schwartz en dix domaines motivationnels et deux dimensions d’ordre supérieur (Figure 1). Or, nous rappelons que cette structure théorique n’a pas été observée lors des premières validations pour Hong-Kong (Schwartz et Bilsky, 1987), la Chine (Schwartz, 1992) et Taïwan (Schwartz, 1992).
Dans des recherches successives, Ralston et ses coauteurs comparent cependant des scores pour différents pays, dont la Chine fait partie à chaque fois, sur les quatre dimensions d’ordre supérieur de la structure théorique de Schwartz. Ces études se fondent sur les listes[11] de valeurs de Schwartz, qui seraient donc implicitement positionnées selon les dix domaines motivationnels en deux dimensions d’ordre supérieur (Ralston et al., 1996, 1997; Egri et Ralston, 2004; Chia et al., 2007). Nous préférons, pour cette recherche qui, à la différence de celles de Ralston et ses coauteurs (op. cit.), est monopays, contrôler si les valeurs personnelles se positionnent en effet selon la structure théorique de Schwartz et ne retenir que celles qui permettent de restituer des domaines motivationnels auxquels il est possible de donner un sens à travers la signification des valeurs. L’Annexe 1 reproduit à cet effet des analyses en composantes principales et un arbre de classification hiérarchique lesquels permettent de valider huit domaines motivationnels, composés au total de 25 valeurs personnelles (Tableau 6).
Une analyse canonique non linéaire[12], selon la procédure HOMALS sur SPSS 15.0, permet maintenant de superposer sur une même carte factorielle les huit domaines motivationnels validés (Tableau 6), les classes d'âge (Tableau 1.4) ainsi que le sexe recodé en hommes/femmes.
La carte factorielle (Figure 3) confirme nos constats du paragraphe 2.2. Le quadrant sud-ouest montre que les femmes chinoises ainsi que les jeunes de moins de 18 ans qui, on peut le supposer, vivent encore chez leurs parents, se situent sur la dimension « dépassement de soi », dont notamment le domaine motivationnel « universalité » et, dans une moindre mesure, les domaines motivationnels « bienveillance » et « conformité ». Ce positionnement féminin permet de confirmer que la femme chinoise attache beaucoup d’importance aux valeurs traditionnelles confucéennes. A l’opposé, le quadrant nord-est montre que les hommes et la classe d’âge 25-34 ans se situent sur la dimension « affirmation de soi », proche du domaine motivationnel « pouvoir ». Le quadrant sud-est confirme que la génération plus âgée, soit les 35-49 ans et les plus de 50 ans, est proche du domaine motivationnel « tradition », se positionnant ainsi plutôt sur la dimension « conservation ». A l’opposé, le quadrant nord-ouest montre que la génération des 18-24 ans se rapproche de la dimension « ouverture au changement », composée des domaines motivationnels « auto-orientation », « stimulation » et « accomplissement ». Ces domaines motivationnels sont tous à orientation individualiste. On confirme ainsi les recherches récentes qui suggèrent que les Chinois sont en passe d’adopter des valeurs occidentales, notamment au sein de la jeune génération (Fan, 2000; Jolibert et Zhang, 2003; Egri et Ralston, 2004).
Discussion
Contributions théoriques
Dans cette recherche, nous nous interrogeons en premier lieu sur la possibilité d’identifier précisément les valeurs confucéennes des Chinois par le biais des valeurs personnelles et domaines motivationnels de la Schwartz Value Survey. Si la réponse est affirmative, la seconde question de recherche consiste à savoir s’il y a des différences dans les valeurs confucéennes, mesurées par la SVS, en fonction du sexe ou de l’âge.
Afin de répondre à la première question de recherche, nous avons établi des correspondances a priori entre les valeurs confucéennes centrales et quelques-uns des 45 items de valeurs personnelles de la SVS (Tableau 1). Nos résultats montrent clairement que les domaines motivationnels les plus importants pour l’ensemble de nos 1671 répondants sont « la conformité », « la bienveillance » et « la sécurité », dont notamment les valeurs personnelles « sécurité familiale », « honnêteté », « honorant les aînés », « obéissance », « ordre social », « loyauté », « responsabilité » et « indulgence ». Il s’agit de valeurs collectivistes qui sont centrales dans le confucianisme. Au contraire, les valeurs personnelles les moins importantes pour nos répondants chinois sont celles qui appartiennent au domaine motivationnel « pouvoir », dont notamment les valeurs personnelles « pouvoir social », « image publique », « autorité », et au domaine motivationnel « stimulation », dont notamment les valeurs personnelles « audacieux », « une vie excitante » et « une vie variée ». Il s’agit de valeurs individualistes. Au niveau des dimensions d’ordre supérieur de la structure théorique de la SVS, les valeurs personnelles et domaines motivationnels les plus importants pour les Chinois se situent sur les dimensions « conservation » et « dépassement de soi » alors que les domaines motivationnels et valeurs personnelles les moins importants pour les Chinois se situent sur les dimensions « ouverture au changement » et « affirmation de soi ». Ce positionnement est conforme à celui trouvé par Ralston et al. (1997) et Egri et Ralston (2004), qui situent les Chinois sur les dimensions collectivistes, dépassement de soi et conservation. Nous confirmons également les conclusions de Zhang et Gelb (1996), qui constatent une tendance collectiviste chez les Chinois, de Ralston et al. (1996), qui parlent de la Chine comme étant une société confucéenne et de Ralston (1993) selon qui les Chinois ne nient pas leurs valeurs confucéennes.
Des tests t de différences de moyennes montrent clairement que les femmes chinoises accordent plus d’importance aux valeurs personnelles appartenant aux domaines motivationnels « bienveillance », « conformité », « sécurité » et « universalité », qui sont de nature confucéenne, collectiviste et qui se situent sur les dimensions d’ordre supérieur « dépassement de soi » et « conservation ». Au contraire, les hommes chinois attachent plus d’importance aux valeurs personnelles des domaines motivationnels « pouvoir » et « stimulation », qui sont de nature individualiste et qui se situent sur les dimensions d’ordre supérieur « ouverture au changement » et « affirmation de soi ». Conformément aux conclusions de la littérature académique (Zhang et Jolibert, 2003; Sun et al., 2004; Zhang et al., 2005), notre recherche confirme que les femmes chinoises sont davantage confucéennes, collectivistes et conservatrices que les hommes chinois, qui ont une tendance individualiste plus marquée.
Des tests ANOVA montrent clairement que les jeunes Chinois, âgés de moins de 25 ans, comparés aux générations plus âgées, donnent plus d’importance aux domaines motivationnels « stimulation », « accomplissement » et « auto-orientation », dont notamment les valeurs personnelles « une vie excitante », « une vie variée », « le choix de ses propres buts », « la liberté », « l’ambition », « l’audace » et « la créativité ». Ce sont certes des valeurs individualistes, mais surtout des valeurs propres aux jeunes adultes. Cependant, aucune de ces valeurs préférées par les jeunes Chinois n’entre dans les dix valeurs personnelles les plus importantes pour l’ensemble des Chinois, comme le démontre le Tableau 3.1. Ainsi, conformément aux observations de différents chercheurs (Yang, 2004; Egri et Ralston, 2004), notre recherche confirme que des valeurs individualistes et occidentales pénètrent lentement la société chinoise par le biais de la jeune génération, à travers un filtre épais de valeurs confucéennes traditionnelles. Il se pourrait que la politique de l’enfant unique, en vigueur depuis plus de 30 ans, ait accentué l’individualisme et l’envie de succès chez les jeunes Chinois, mais toujours dans le cadre des valeurs confucéennes traditionnelles.
Notre dernière contribution théorique a consisté à examiner si notre échantillon chinois restitue correctement la structure théorique des valeurs personnelles selon Schwartz (1992; Figure 1). Nous rappelons que différentes tentatives de validation de cette structure pour Hong-Kong (Schwartz et Bilsky, 1987), la Chine continentale (Schwartz, 1992) ou Taïwan (Schwartz, 1992) n’ont pas permis de retrouver cette structure universelle. Une purification d’items de valeurs par trois analyses en composantes principales consécutives a éliminé dix valeurs personnelles mal représentées. Une classification hiérarchique a affecté ensuite correctement 25 valeurs personnelles à huit domaines motivationnels (Tableau 6). Les huit domaines motivationnels se positionnent dans un cercle où l’on retrouve à la fois les dimensions collectivisme versus individualisme et les deux dimensions d’ordre supérieur de Schwartz. Cette validation de la structure de Schwartz à partir d’un grand échantillon de Chinois constitue une contribution théorique réelle, car, d’après nos recherches, il s’agit de la première validation de cette nature dans la littérature académique.
Implications managériales
La carte multifactorielle (Figure 3) positionne les classes d’âge et le genre des répondants parmi les huit domaines motivationnels que nous avons validés. La segmentation qui en résulte permet de proposer des implications managériales au niveau du marketing et de la GRH.
Sur le plan du marketing, et partant du constat que la jeune génération de Chinois adopte peu à peu des valeurs et idées occidentales, Gong (2003) recommande que le marketing international leur destine des publicités hédoniques. Yang (2004) confirme que la publicité en direction de jeunes adultes urbains en Chine est dominée par des valeurs individualistes. Sur la Figure 3, le positionnement des jeunes Chinois âgés de 18 à 24 ans, indique que le message marketing envers cette cible devrait être bâti sur les valeurs individualistes associées aux domaines motivationnels « accomplissement », « auto-orientation » et « stimulation », validées dans le Tableau 6, à savoir : « le succès », « la compétence », « l’ambition », « une vie variée », « une vie excitante », « l’audace », « la curiosité » et « la créativité ». Le message pourrait montrer des jeunes qui ont une vie excitante et variée, leur permettant de choisir librement leurs buts et correspondant à leurs ambitions, compétences et créativité; une vie qui les mène aux succès dont ils rêvent.
Zhang et Jolibert (2003) concluent qu’en matière de produits de luxe et haut de gamme, il est nécessaire de tenir compte de l’influence du confucianisme et du taoïsme sur les modes d’achat des femmes chinoises. Ils recommandent de lier les actions marketing à un statut social élevé, de créer des ambiances de luxe, mais également de souligner l’harmonie entre le produit et la nature. Nous trouvons qu’en effet les femmes chinoises sont fortement influencées par les valeurs confucéennes. Elles adhèrent particulièrement aux valeurs personnelles associées (Tableau 6) aux domaines motivationnels « conformité », « universalité », et « bienveillance ». En guise de synthèse, la femme chinoise cherche l’harmonie à la fois familiale, sociale et avec la nature. Elle est secourable, indulgente, loyale et responsable. Il s’agit de valeurs de dépassement de soi et collectivistes.
Enfin, les actions marketing envers les séniors en Chine, âgés de plus de 50 ans, devraient se fonder sur les valeurs traditionnelles chinoises. Tandis que la jeune génération chinoise s’ouvre aux valeurs occidentales et individualistes, les générations plus âgées adhèrent encore totalement aux valeurs séculaires chinoises, qui sont de nature collectiviste, conservatrice et confucéenne.
Lorsque des firmes multinationales occidentales établissent des filiales de production et/ou de vente en Chine, il se pose la question de la GRH des employés chinois, aussi bien à un niveau d’ouvriers d’usine et d’employés d’administration qu’à un niveau de managers chinois à qui la multinationale souhaite transférer des responsabilités de gestion. Warner (2001) prévient qu’une politique de GRH en Chine, fondée sur des valeurs individualistes occidentales, mise en place dans une perspective ethnocentrique, n’est pas compatible avec des valeurs chinoises de « dépassement de soi ». Warner (2001) pense par exemple que des systèmes de rémunération devraient coupler des incitations individualistes à des incitations collectives, en fonction des performances d’un groupe. Chia et al. (2007), confirmant qu’une politique de GRH en Chine devrait se construire sur des valeurs de « dépassement de soi », préconisent des pratiques de GRH telles que le partage des connaissances, le tutorat (mentoring) et le coaching. Enfin, Egri et Ralston (2004) pensent que le fossé entre générations, que nous confirmons dans notre recherche, doit conduire à des politiques de GRH flexibles. Par exemple, des systèmes de rémunération individualisés sont davantage compatibles avec les jeunes employés chinois qu’avec les employés plus anciens.
Nous estimons que les politiques GRH en Chine en direction des employés séniors ou féminins devraient se fonder sur des valeurs de la dimension « dépassement de soi » et sur les valeurs associées aux domaines motivationnels « universalité » (dont la paix et la justice sociale), la « bienveillance » (dont la loyauté et la responsabilité) et la « conformité » (dont l’obéissance et l’autodiscipline). Ainsi, des organisations hiérarchiques bien structurées, où les responsabilités de chacun et les systèmes de contrôle sont clairement définis, semblent convenir à ces catégories d’employés.
En revanche, pour les futurs managers chinois, a priori plutôt des hommes âgés de moins de 35 ans à qui une firme multinationale souhaite donner des responsabilités de management, les politiques de GRH devraient s’appuyer sur des valeurs plus individualistes et sur les dimensions « affirmation de soi » (pouvoir social, autorité, succès, compétence et ambition) et « ouverture au changement » (créativité, curiosité, audace, variation et stimulation). Ainsi, de jeunes cadres chinois pourraient bénéficier de plans de carrière individualisés répondant à leurs ambitions, avec une gestion des compétences, l’évaluation des performances, la rotation des postes et des formations à l’étranger.
Enfin, sur la question de convergence ou divergence des valeurs culturelles à une échelle mondiale, nous pensons qu’une convergence douce s’opère au niveau des jeunes générations. Pour cette raison, au lieu de créer des cultures d’entreprise multidomestiques, nous pensons comme Ralston et al. (1997) que les firmes multinationales sont en mesure construire une culture d’entreprise sans frontières, fondée sur des valeurs culturelles communes, surtout en direction de leurs cadres globalisés.
Conclusion
La question centrale de cette recherche a consisté à identifier d’abord les valeurs culturelles confucéennes chinoises par le biais des 45 valeurs personnelles à équivalence multiculturelle de la Schwartz Value Survey et, ensuite, de mesurer les différences en fonction du sexe et de l’âge. Pour répondre à ces questions de recherche, nous avons fait une enquête en trois étapes complémentaires : quelques entretiens qualitatifs, un pré-test d’un questionnaire auprès d’une centaine d’étudiants chinois et une administration finale en face à face de 1674 questionnaires en Chine.
Des analyses statistiques montrent d’abord que les valeurs personnelles dominantes en Chine appartiennent essentiellement aux domaines motivationnels « conformité », « bienveillance » et « sécurité », qui sont de nature confucéenne et qui ont une orientation collectiviste. Au contraire, des valeurs personnelles plus occidentales et individualistes, dont en particulier celles des domaines motivationnels « pouvoir », « stimulation » et « auto-orientation », ont une moindre importance pour les Chinois. La Chine est toujours une société confucéenne avec une culture orientée vers le collectif. Des analyses statistiques de différences de valeurs personnelles entre sexes et classes d’âge suggèrent que, d’une part, les femmes chinoises sont plus conservatrices et traditionnellement confucéennes que les hommes chinois. D’autre part, les valeurs plus occidentales et individuelles pénètrent la société chinoise au niveau de la jeune génération à travers un filtre confucéen assez épais. Une carte multifactorielle positionne les classes d’âge et le genre des répondants parmi les domaines motivationnels que les répondants chinois jugent les plus importants dans leur vie. Il en découle une segmentation avec implications managériales au niveau du marketing et de la GRH, que nous avons développées dans la section de discussion.
Cette recherche, comme toute autre, souffre de limites plus ou moins importantes. D’abord, la Chine est un immense pays, géographiquement et en nombre d’habitants. Quelques recherches récentes suggèrent qu’il y a des différences à l’intérieur même de la Chine. Bien que les répondants de notre échantillon principal résident pour moitié dans le Nord-Ouest et pour moitié dans le Sud de la Chine, nous n’avons pas examiné s’il y avait des différences intra-culturelles. La limite la plus importante de notre recherche est probablement la surreprésentation, dans notre échantillon, de jeunes Chinois âgés de moins de 24 ans. Cependant, grâce au grand nombre de répondants, nos résultats empiriques peuvent être considérés comme étant significatifs statistiquement.
Pour la recherche à venir, nous suggérons plusieurs pistes. La question du lien entre valeurs culturelles et le comportement d’achat des consommateurs chinois intéresse les professionnels du marketing. Nous reprenons l’idée de Valette Florence et al (2003) lorsqu’ils préconisent une modélisation faisant un lien indirect entre les valeurs personnelles et le comportement de consommation via la séquence valeurs personnelles, attributs d’un produit et conséquences en matière de consommation. Nous pensons que les huit domaines motivationnels, composés de 25 valeurs personnelles, que nous avons validés pour la population chinoise, peuvent constituer un élément central d’une telle modélisation. En matière de GRH, nous estimons que la question d’une stratégie de GRH flexible mérite des approfondissements, notamment avec des pratiques plus collectives, en direction des femmes ou des employés assez anciens, des pratiques plus individualisées, en direction des futurs managers chinois des filiales implantées par des multinationales occidentales. Nous suggérons une piste plus qualitative.
Appendices
Annexes
Annexe 1. Validation de la structure théorique des valeurs personnelles et domaines motivationnels suivant un cercle selon Schwartz
La validation du positionnement des valeurs personnelles en domaines motivationnels selon la structure théorique de Schwartz (1992) se fait en trois étapes. La première étape consiste à purifier les items de valeurs par trois analyses en composantes principales (ACP) successives. Un item de valeur est éliminé lorsque sa communalité[13], pour trois axes factoriels, dépasse au moins 0,40. Même si sa communalité est plus basse que 0,40, un item de valeur sera toutefois conservé lorsqu’il a une coordonnée factorielle supérieure à 0,45 sur au moins l’un des trois premiers axes factoriels. Ces mesures d’élimination peuvent être qualifiées de souples. Notre choix est d’inclure le plus grand nombre d’items de valeurs possible sans que toutefois ils polluent la validation des domaines motivationnels. Au premier tour d’analyse d'ACP, huit items de valeurs sur 45 ont été éliminés, à savoir : la faveur réciproque, un monde de beauté, l'égalité, aimant la vie, l'ordre social, préservant son image publique, la richesse et le respect des traditions. Une seconde ACP, avec les 37 items de valeur restants, a éliminé deux valeurs personnelles supplémentaires : le plaisir[14] et la liberté. La troisième ACP avec les 35 valeurs personnelles restantes n'a plus montré d’items de valeurs à éliminer. La variance expliquée du premier axe factoriel est de 29,6 % ; celle du 2e axe est de 7,9 % et celle du 3e axe de 5,0 %, soit un total de 42,5 %, ce qui constitue un très bon résultat[15]. Le 4e axe factoriel n'a pas contribué à accroître substantiellement la variance expliquée et n'a montré aucune coordonnée factorielle supérieure à 0,45.
La deuxième étape de la validation consiste à entrer les 35 valeurs personnelles issues de l'étape de la purification dans une classification hiérarchique. Les nombres qui suivent les items de valeurs dans l'arbre hiérarchique (Figure 4) correspondent à leur domaine motivationnel d'appartenance (Figure 1). La classification hiérarchique permet d'encercler les valeurs personnelles qui appartiennent aux mêmes domaines motivationnels. Ainsi, nous validons huit domaines motivationnels, composés de 25 valeurs personnelles, reproduits dans le Tableau 6 du texte principal.
Enfin, la troisième et dernière étape du processus de validation consiste à vérifier si les huit domaines motivationnels validés, composés de 35 valeurs personnelles issues de l'étape de la purification par ACP, se positionnent dans un cercle selon les deux dimensions d'ordre supérieur du modèle de Schwartz. La carte factorielle finale est représentée dans la Figure 5 qui suscite ici quelques commentaires. En premier lieu, les valeurs personnelles se positionnent plutôt correctement dans leurs domaines motivationnels théoriques d'appartenance. La carte factorielle restitue correctement huit domaines motivationnels sur 10. Deuxièmement, les quatre domaines motivationnels à intérêts individuels (auto-orientation, stimulation, accomplissement, pouvoir) se concentrent dans la partie supérieure de la carte factorielle, alors que les trois domaines motivationnels à intérêts collectifs (conformité, bienveillance, tradition) se regroupent dans sa partie inférieure. Cette opposition entre domaines motivationnels individualistes et collectivistes est conforme à la structure théorique de Schwartz. Troisièmement, les dimensions d'ordre supérieur se rejoignent selon une diagonale sud-ouest/nord-est. Il y a une opposition entre les dimensions « ouverture au changement » (auto-orientation, stimulation) et « conservation » (dont surtout le domaine motivationnel « conformité »). Par ailleurs, il y a une opposition entre les dimensions « affirmation de soi » (accomplissement, pouvoir) et « dépassement de soi » (bienveillance, universalité). Cependant, les dimensions « ouverture au changement » et « affirmation de soi », d'un côté, et « conservation » et « dépassement de soi », de l'autre, se superposent partiellement.
Annexe 2. Diagrammes de moyennes ANOVA (valeurs personnelles)
Annexe 3. Diagrammes de moyennes ANOVA (Domaines motivationnels)
Notes biographiques
Johannes Schaaper est Professeur Sénior à Kedge Business School et Habilité à diriger des recherches (HDR). Ses recherches portent, d'une part, sur les questions d'organisation et de contrôle d'une filiale qu'une firme multinationale implante à l'étranger et, d'autre part, sur le comportement du consommateur. Il enseigne principalement les méthodologies de recherche, statistiques et le management international.
Zhen Jiao est Docteur en Sciences de Gestion. Actuellement en congé maternité, elle recherche un emploi.
Notes
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[1]
La liste initiale de 56 valeurs de Schwartz se fonde au départ sur la liste des 36 valeurs instrumentales et terminales de Rokeach, que Schwartz élargit à 56 avant de la réduire à 45 valeurs à équivalence multiculturelle.
-
[2]
Voir §1.2 sur le développement de la SVS par études successives.
-
[3]
Il s'agit de valeurs culturelles, donc nationales, et non de valeurs individuelles/personnelles toutefois, Bond (1988) a procédé à une nouvelle analyse des données sur une base de valeurs individuelles et établi des parallèles entre les dimensions « intégration sociale » de la CVS, « ouverture au changement » de Schwartz et « individualisme » de Hofstede.
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[4]
La « piété filiale » se définit comme un sentiment respectueux envers ses parents.
-
[5]
Hofstede et Bond (1988); 2 = Kagitçibasi (1997); 3 = Gong (1993); 4 = Piron (2006); 5 = Zhang et Jolibert (2003); 6 = Chia, Egri, Ralston, Fu, Kuo, Lee, Li et Moon (2007).
-
[6]
Les réponses étaient ensuite entrées dans la base statistique sur une échelle allant de 1 à 7.
-
[7]
Le répondant ne pouvait valider son questionnaire qu’une fois qu’il avait entièrement répondu à toutes les questions.
-
[8]
Les questionnaires que nous avons administrés dans les universités ont été plus et mieux remplis que ceux que nous avons administrés dans la rue.
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[9]
Ralston et al. (1997) utilisent la liste SVS initiale avec 56 valeurs personnelles, regroupées toutefois en dix domaines motivationnels qui ont les mêmes intitulés que les domaines motivationnels fondés sur la liste des 45 valeurs personnelles à équivalence multiculturelle; le fait d'utiliser deux listes, certes semblables mais différentes, pourrait partiellement expliquer les différences relevées dans nos classements respectifs des domaines motivationnels.
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[10]
Les Annexes 2 (valeurs personnelles) et 3 (domaines motivationnels) reproduisent les diagrammes de moyennes qui permettent de tirer les conclusions que nous avons reportées dans les dernières colonnes des Tableaux 5.1 et 5.2.
-
[11]
Dans leurs premières recherches, Ralston et ses coauteurs utilisent la liste élargie de 56 valeurs personnelles (Ralston et al., 1996; Ralston et al. 1997) alors que dans leurs recherches plus récentes, ils utilisent la liste des 45 valeurs à équivalence multiculturelle (Egri et Ralston, 2004; Chia et al., 2007).
-
[12]
M. Tenenhaus (1994, p. 211) explique qu'une analyse canonique généralisée permet d'observer sur n individus m ensembles de variables; les variables peuvent être numériques ou nominales. Les domaines motivationnels qui entrent dans l'analyse canonique sont calculés comme des moyennes simples des scores ordinaux des valeurs personnelles qui les constituent (Tableau 6); ils sont donc de nature numérique. Les variables « âge » et « sexe » sont recodées en variables binaires (oui/non) et sont par conséquent de nature nominale.
-
[13]
Une communalité ou « variance restituée par item » est calculée comme la somme des corrélations au carré entre un item de valeur et les axes factoriels qui entrent dans l’analyse ; une corrélation entre un item de valeur et un axe factoriel est égale à sa coordonnée sur cet axe. Prenons l’item de valeur « audacieux » : sa corrélation avec le premier axe factoriel, soit sa coordonnée, est de 0,47 ; sa corrélation avec le deuxième axe est de 0,57 et, avec le troisième, de 0,08. Sa communalité est donc égale à 0,482 + 0,572 + 0,072 = 0,56.
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[14]
Les deux items de valeur « aimant la vie » et « plaisir » constituent le domaine motivationnel « hédonisme », ainsi complètement éliminé de la carte factorielle.
-
[15]
Etant donné qu'une ACP « neutre », avec 35 items, produit en moyenne une variance expliquée de (100 %/35) x 3 axes = 8,6 %, on peut considérer que 42,5 % constitue un excellent résultat.
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[16]
L'item de valeur « influent » a un second domaine motivationnel d'appartenance, qui est le « pouvoir »; sur la carte factorielle finale (Figure 4), « influent » se situe à mi-distance entre les domaines motivationnels 4 = accomplissement et 5 = pouvoir.
-
[17]
La carte factorielle selon la procédure ACP rassemble les 35 items de valeurs purifiés sur la droite du premier axe factoriel. Ce phénomène se produit lorsque toutes les variables sont ordinales (Tenenhaus, 1994). La projection factorielle se fait à partir du deuxième axe factoriel. La méthodologie d'une projection basée sur la corrélation des rangs, disponible dans SPSS sous le nom de multidimensional scaling (ALSCAL), permet d’économiser un axe factoriel et de produire une carte factorielle très lisible dans l’espace à deux dimensions. C’est cette technique que nous utilisons : une purification des items de valeurs sur la base d’une série d'ACP; les items de valeurs retenus sont ensuite positionnés par multidimensional scaling à deux dimensions.
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Appendices
Biographical notes
Johannes Schaaper is Senior Professor at Kedge Business School and Authorised to Supervise Research (HDR). His research relates, on the one hand, to the question of organization and control of subsidiaries set up abroad by multinational firms and, on the other hand, on consumer behavior. He teaches research methodology, statistics and international management.
Zhen Jiao has a Ph.D in Management Science. Currently on a maternity leave, she is seeking an employment.
Appendices
Notas biograficas
Johannes Schaaper es profesor en Kedge Business School y Autorizado Para Supervisar la Investigación (HDR). Su investigación se centra, por una parte, a las cuestiones de organización y control de las filiales establecidas en el extranjero por empresas multinacionales y, en el otra parte, el comportamiento de los consumidores. Él enseña principalmente metodologías de investigación, estadística y la gestión internacional.
Zhen Jiao cuenta con un Doctorado en Ciencias de la Gestión. Actualmente en una licencia por maternidad, ella está buscando un empleo.