Si, en première approche, on définit l’entrepreneuriat du luxe comme celui qui vise l’exploration et l’exploitation d’opportunités d’affaires intenses en savoir-faire, alors on obtient une opposition entre activités tirées par les hautes technologies « High tech » et celles poussées vers ces savoirs indissociables des acteurs qui les portent ou « Human tech ». Cette opposition est factice et va à l’encontre même d’une transversalité des disciplines pour la conduite des organisations. Autrement dit, et c’est bien le propos même de ce dossier spécial, notre enjeu vise à défricher un (nouveau ?) champ – l’entrepreneuriat du luxe – en mettant à profit l’ensemble des recherches pouvant éclairer les activités du luxe, c’est-à-dire des activités marquées par des exigences de haute qualité, d’excellence, de singularité, voire dans certain cas d’unicité. Les idées d’affaires qui en résultent peuvent avoir lieu aussi bien dans des nouvelles entreprises quelquefois à fort potentiel, que dans de grandes ou moyennes entreprises installées mais qui font preuve d’un dynamisme entrepreneurial vigoureux : une créativité, une proactivité et une certaine dose de prise de risque. Quel est l’intérêt du « luxury entrepreneurship » comme nouveau champ d’études ? Il est multiple : L’idée est donc d’identifier l’apport des recherches actuelles en sciences de gestion à la compréhension des dynamiques à l’oeuvre dans les activités de luxe et de soulever un certain nombre d’interrogations avec l’ambition de les transformer en pistes de recherche sur l’entrepreneuriat du luxe. Le « saut créatif » que nous souhaitons amener vient de nos horizons différents de travail : consultant, universitaire et chercheur en école de commerce mais surtout, francophone et international. D’où le choix d’avoir rédigé une partie de ce texte en anglais, la traduction lui faisant, selon nous, perdre de son efficacité. L’appel à contributions pour ce dossier a suscité une quinzaine de propositions, parmi lesquelles quatre ont été retenues. Elles reflètent bien les fertilisations croisées entre nos domaines. Merci aux évaluateurs et aux auteurs pour les murissements apportés dans ce champ encore nouveau ! Qu’est-ce que les recherches en entrepreneuriat, en marketing et en gestion stratégique des P.M.E nous apprennent sur l’entrepreneuriat du luxe ? Un certain nombre de spécificités nous semblent pouvoir être dégagées. Elles portent sur : La littérature entrepreneuriale sur les réseaux a fourni de nombreuses recherches (Larson et Starr, 1993, Hoang et Antoncic, 2003, Julien et al., 2004). Elles permettent d’envisager les types de réseaux, leurs étapes de construction et les questions de leur coordination. Ces enseignements généraux peuvent s’appliquer aux réseaux d’entrepreneurs du luxe. Cependant une question particulièrement aiguë pour les activités de luxe demeure : dans un réseau, et particulièrement ceux liés à un territoire, comment se différencier et continuer à innover ? La tentation de l’isomorphisme ne fait pas bon ménage avec la recherche d’un avantage concurrentiel durable. Nos collègues du marketing répondent par la marque. Mais quid des nouvelles entreprises dont la marque n’est pas encore installée ? Et surtout de la myriade de fournisseurs et sous-traitants plus ou moins « cachés » sans lesquels les entreprises de luxe ne pourraient pas fonctionner ? Comment peuvent-elles démarrer ou se maintenir : en étant mimétiques pour être acceptées ou en se différenciant pour trouver leur place ? Ce dilemme « être différent » ou « être le même » prend un sens fort en luxe. À cet égard, une recherche récente sur un cluster de meubles en Chine fournit des pistes de réponses (Tan et al., 2013). En combinant recherche qualitative et quantitative, les chercheurs arrivent à la conclusion suivante : les firmes périphériques ont tendance à se comporter de la même …
Appendices
Bibliographie
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