Il existe plusieurs approches à l’histoire de la traduction : en fonction des idées, des concepts, des traducteurs, des traductions, etc. Mais il existe peu de monographies consacrées à des traditions nationales et encore moins à l’histoire de la traduction dans le monde arabe. Même le Liban, pourtant pays précurseur de la traduction arabe au XIXe siècle, est mal loti à cet égard. C’est dire à quel point l’ouvrage de Selwa Tawfik tombe à pic. L’ouvrage, qui comporte 271 pages, se compose de deux parties divisées en quatre chapitres. Il est doté d’une bibliographie très fournie et de plusieurs tableaux d’illustrations. Il est également précédé d’une préface du professeur Georges L. Bastin, traducteur agréé, qui met en perspective cet opus, « fruit d’une thèse de doctorat soutenue à l’Université de Montréal » sous sa direction. Même si son titre met en avant le XXe siècle (1900-2000), l’ouvrage couvre en réalité près de deux siècles d’histoire de la traduction au Liban puisqu’il s’amorce avec Nâṣif Al-Yâzigî (1800-1871) et répertorie également des traducteurs contemporains comme Ounsi Al-Ḥage (1937-2014). De plus, l’ouvrage s’articule autour de deux grandes parties, dont l’une est consacrée à l’histoire de la traduction au Liban et l’autre à la traduction libanaise du roman. Ce faisant, l’auteure a voulu allier la théorie à la pratique en donnant des exemples précis de traductions personnelles illustrant ses réflexions historiques, ce qui est une première pour un ouvrage dédié à la traduction libanaise. Dans la première partie, intitulée « Les agents de la traduction libanaise », le lecteur découvre avec plaisir les plus grands noms qui ont marqué l’histoire de la traduction au Liban et même au-delà, puisque certains traducteurs ont été des acteurs centraux de la Renaissance arabe (Nahda) et d’autres, des auteurs incontournables de la littérature de l’exil (Mahjar). Pour les présenter, l’auteure adopte une approche chronologique qui permet d’apprécier l’évolution historique de la traduction depuis les précurseurs du XIXe siècle, tels Nâṣif Al-Yâzigî (1800-1871) et Buṭrus Al-Bustânî (1819-1883), jusqu’aux auteurs-traducteurs bien connus de l’époque contemporaine, comme Suheil Idrîs (1925-2008) et Adonis (1930), en passant par les fameux « écrivains de l’exil », Gibrân Khalîl Gibrân (1883-1931) et Mikhâîl Nu’ayma (1889-1988). Ces grands auteurs et traducteurs n’auraient pas connu le succès et le rayonnement qu’on leur connaît aujourd’hui sans le travail tout aussi précurseur et acharné des éditeurs libanais, auxquels est consacré un chapitre aussi synthétique que complet. On y apprend notamment l’évolution historique de l’édition, l’implantation des imprimeries au Liban et le développement des associations. Ce panorama des « agents de la traduction », expression sous laquelle l’auteure regroupe tous ces acteurs, est complété par un aperçu tout aussi instructif des écoles de traduction au Liban, à commencer par la plus ancienne d’entre elles : l’École de traducteurs et d’interprètes de Beyrouth (ÉTIB). Mais les autres centres d’enseignement de la traduction ne sont pas oubliés pour autant, que ce soit à l’Université Libanaise, à l’USEK ou encore à Balamand, entre autres institutions très actives aujourd’hui encore dans la formation en traduction. Dans la deuxième partie de l’ouvrage, intitulée « La traduction libanaise du roman », le lecteur découvre les principales étapes qu’a suivies la traduction littéraire au XXe siècle. Dans un souci constant de proposer une chronologie qui tient compte des grandes phases de l’histoire libanaise contemporaine, l’auteure aborde successivement le roman libanais sous « le mandat français » (1900-1942), puis sous « l’indépendance » (1943-1975), « la guerre civile » (1975-1990) et enfin, pendant les années de « la reconstruction » (1990-2000). En lisant ce chapitre, on comprend mieux pourquoi cet ouvrage est publié dans …
Tawfik, Selwa (2022) : Cent ans de traduction libanaise (1900-2000). Paris : Éditions L’Harmattan, 271 p.
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Chirine Chamsine
Université du Québec à Montréal, Montréal, Canada
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