DocumentationComptes rendus

Bowker, Lynne et Buitrago Ciro, Jairo (2019) : Machine Translation and Global Research : Towards Improved Machine Translation Literacy in the Scholarly Community. Bingley : Emerald Publishing, 111 p.[Record]

  • Rudy Loock

…more information

  • Rudy Loock
    Université de Lille, Lille, France

La traduction automatique, on en parle depuis longtemps. Qu’elle s’apprête à remplacer les traducteurs professionnels (le masculin est utilisé comme neutre), c’est aussi depuis longtemps qu’on le dit. Les développements récents, avec l’arrivée de la traduction automatique neuronale, bouleversent le marché, avec une modification des méthodes de travail et du modèle économique, et les discours affirmant l’inutilité de la traduction professionnelle se font de nouveau entendre chez les non-spécialistes. Et pourtant, le marché ne s’est jamais aussi bien porté, comme le montrent différentes études : ainsi, le secteur des services linguistiques continue de se développer sur le plan international, avec en 2019 une croissance de 6,62 % par rapport à 2018. L’une des explications de ce paradoxe est que les outils de traduction automatique, accessibles en ligne facilement et gratuitement, ont aujourd’hui trouvé leur place au sein des activités quotidiennes du grand public, en particulier lors de déplacements dans des pays étrangers, par le biais de sites internet ou d’applications pour téléphone. La facilité d’utilisation de certains de ces outils laisse entendre que, ça y est, la machine est désormais capable de fournir l’équivalent dans une langue donnée d’un texte rédigé dans une autre langue, et que l’intervention humaine n’est plus nécessaire. Une telle vision des choses sous-entend que les utilisateurs peuvent faire confiance aux résultats affichés par les outils de traduction automatique de la même manière qu’ils peuvent faire confiance aux résultats affichés par une calculatrice, sans remise en question. Les spécialistes du sujet savent qu’il n’en est rien, tout en reconnaissant que la traduction automatique offre aujourd’hui des perspectives nouvelles et qu’il s’agit là d’un outil qu’il convient de s’approprier comme outil d’aide à la traduction. C’est avec cet objectif qu’a été rédigé par Lynne Bowker et Jairo Buitrago Ciro le très intéressant ouvrage Machine Translation and Global Research : Towards Improved Machine Translation Literacy in the Scholarly Community, publié en 2019 chez Emerald Publishing. Rédigée dans un anglais clair et parfaitement accessible, cette monographie ne s’adresse pas aux professionnels de la traduction, mais à la communauté scientifique au sens large du terme et propose une réflexion sur une utilisation raisonnée des outils de traduction automatique dans le cadre de la recherche scientifique. Elle s’adresse également aux bibliothécaires, qui sont perçus comme étant les professionnels les plus à même de former à cette utilisation raisonnée. L’ouvrage est organisé de façon on ne peut plus claire et efficace, avec une division en cinq chapitres parfaitement équilibrés, systématiquement accompagnés d’un résumé des points essentiels en fin de chapitre, et de recommandations de lecture organisées pour qui souhaiterait aller plus loin. La qualité de la rédaction, jamais jargonnante sans être simpliste, en fait par ailleurs un ouvrage très agréable à lire. Le premier chapitre est consacré à la communication scientifique, avec pour point de départ le constat indiscutable que la diffusion de la connaissance est aujourd’hui devenue un véritable enjeu pour les non-anglophones puisque la langue anglaise sert aujourd’hui de lingua franca. Chiffres à l’appui (par exemple p. 20, un article rédigé en anglais sera cité trois fois plus qu’un article rédigé en allemand ou en français), les auteurs expliquent cet état de fait actuel par la montée en puissance des États-Unis sur la scène internationale depuis la Seconde Guerre mondiale, mais aussi par la mise en place du processus de Bologne en Europe et la présence de plus en plus forte d’enseignements donnés en anglais dans les établissements non anglophones, façon habile de rappeler que l’hégémonie de la langue anglaise comme langue scientifique internationale est aussi le résultat de choix politiques. La communauté scientifique a certes exploré un …

Appendices