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Journal des traducteurs
Translators’ Journal
Volume 61, Special Issue, 2016 Sciences en traduction Sciences in Translation Guest-edited by Sylvie Vandaele and Pier-Pascale Boulanger
Table of contents (16 articles)
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Présentation
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Science, Translation and the Mangle: A Performative Conceptualization of Scientific Translation
Maeve Olohan
pp. 5–21
AbstractEN:
Against a backdrop of growing interest in historical and sociological approaches to the translation of science, this paper explores the conceptual potential of Andrew Pickering’s ‘mangle of practice’ (Pickering 1992; 1993; 1995; Pickering and Guzik 2008) as a sociological framework for research into the translation of science. Pickering’s approach is situated within a performative idiom of science and seeks to account for the interplay of material and human agency in scientific practice. It sees scientific and technological advances as emerging temporally from a dialectic of resistance and accommodation, metaphorically the mangle of practice. This paper introduces the main tenets of Pickering’s argument, contextualizing it within the field of science and technology studies. It then explores some of the implications of construing translation in these terms. Firstly, this conceptual approach helps to recognize the role of translation in the performance of science and to seek ways of studying translation practices as an integral component of scientific practices. Secondly, Pickering’s posthumanist or decentred perspective focuses on both material and human agency and the interplay between them; a similar approach to the study of translation would foreground the interaction between translator agency and material performativity in studies of translation practices. I conclude with proposals for adopting this ontological shift in translation studies, where it may have the potential to enhance our understanding of translation practices, in particular in relation to tools, technologies and sociotechnical developments in translation.
FR:
Dans un contexte où les approches historiques et sociologiques suscitent de plus en plus d’intérêt pour l’étude de la traduction scientifique, le présent article explore le potentiel heuristique du concept avancé par Andrew Pickering, selon lequel la pratique agit comme une tordeuse (mangle of practice ; Pickering 1992 ; 1993 ; 1995 ; Pickering et Guzik 2008). Selon Pickering, la science est performative, de sorte qu’il faut rendre compte de l’interaction entre les agents humains et matériels engagés dans la pratique scientifique. Il est d’avis que les avancées scientifiques et technologiques émergent, au fil du temps, d’une dialectique entre résistance et accommodation, d’où la métaphore de la tordeuse. L’article présente les principaux arguments de Pickering, situe ceux-ci dans le contexte des études des sciences et technologies et explore ce qu’ils apportent à la traductologie, notamment aux études sur la pratique de la traduction. D’une part, ils permettent de mettre en évidence le rôle de la traduction dans l’exercice de la science et ouvrent la voie à l’étude de la traduction comme faisant partie intégrante des pratiques scientifiques. D’autre part, la perspective posthumaniste, ou décentrée, de Pickering permet de montrer l’interaction entre l’agent traducteur et la performativité matérielle parce qu’elle se concentre non seulement sur l’agent humain et l’agent matériel, mais aussi sur leur interaction. En conclusion, il est proposé que la traductologie prenne ce virage ontologique, lequel aiderait à mieux comprendre le rapport du traducteur aux outils, aux technologies et aux développements sociotechniques en traduction.
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The Need for Speed! Experimenting with “Speed Training” in the Scientific/Technical Translation Classroom
Lynne Bowker
pp. 22–36
AbstractEN:
Most translator training courses focus on encouraging students to reflect fully, to analyze deeply, and to weigh options carefully. However, as they near the end of a translation program, they must also begin preparing for the workplace, where they will need to translate on tight deadlines. Therefore, the addition of authentic and situated learning that tests and improves students’ translation skills under time pressure makes sense. This article describes a pilot project in speed training that took place in a scientific/technical translation course taught during the final semester of a translation program at the University of Ottawa. As part of the experiment, 29 students participated in nine speed training exercises on texts dealing with various scientific/technical subjects. Gamification was introduced as a pedagogical strategy to engage the students during the speed training. The resulting translations were analyzed, the students’ progress was charted over the course of the semester, and they were surveyed about their experience. Though not scientifically valid, the results nonetheless suggest that students can benefit from speed training. Participants reported feeling more confident in their abilities and judgment and less likely to rely blindly on information resources.
FR:
Dans la plupart des cours de traduction, on encourage les étudiants à prendre le temps de réfléchir, à analyser en profondeur et à soupeser leurs décisions. Cependant, à mesure qu’approche la fin de leur formation, ils doivent commencer à se préparer aux impératifs du marché, où ils devront travailler sous pression. Dans cette perspective, il serait judicieux d’envisager l’apprentissage situé, fondé sur des situations authentiques qui soumettent les compétences des apprentis traducteurs à des exercices en temps limité. Le présent article décrit un projet pilote de formation sous pression qui s’est tenu dans un cours de traduction scientifique et technique offert aux étudiants en fin de programme de traduction à l’Université d’Ottawa : 29 étudiants ont participé à 9 exercices de traduction éclair de textes portant sur divers thèmes scientifiques et techniques. La ludification a été introduite à titre de stratégie pédagogique afin d’optimiser la participation au projet. Les textes produits ont été analysés afin que soit noté le progrès des étudiants tout au long du cours, et ces derniers ont dû évaluer leur expérience. Bien que les résultats du projet ne prétendent pas à la validité scientifique, ils suggèrent que les exercices de traduction éclair contribuent à la formation des traducteurs en leur donnant confiance en eux. En effet, les participants ont affirmé se fier davantage à leurs capacités et à leur jugement plutôt que de s’en remettre aveuglément aux ouvrages de référence.
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The Jiangnan Arsenal: A Microcosm of Translation and Ideological Transformation in 19th-century China
Rachel Lung
pp. 37–52
AbstractEN:
The Jiangnan Arsenal (1865-1912), a publicly-funded bureau dedicated to the production of military equipment in late Qing China (1664-1911), was established in response to China’s painful defeat in the two Opium Wars (1839-1842 and 1856-1860). The Arsenal’s translation department, staffed by a total of fifty Chinese scholars and nine Westerners at different times, was set up in 1868 to translate and publish translations of Western books and treatises on science and technology. It was the first official unit charged with this task. Its stated pragmatic function was to assist the arsenal technicians in their production of weapons, although the translations were also marketed to outsiders. Viewed organically, the Arsenal’s translation department was in many ways a reflection of the ideological and social transformations experienced by China, the Chinese scribes, and the Western oral translators in the late 19th century. A study of this translation institution is therefore relevant to translation studies in three regards. First, the Arsenal’s four decades of existence and its emphasis on the function of translation suggest the importance of translation to imperial China’s pursuit of modernization. Second, the voluminous translated texts published by the Arsenal reflect the collaborative efforts of Western missionaries and Chinese literati, typical in the second half of the 19th century. Third, the Arsenal’s combined role, encompassing both translation and publication, inspired the emergence of journals that published translated articles on Western science, technology, social sciences, and literature at the turn of the 20th century. China’s modernization agenda was significantly advanced by the resulting broader exposure to Western ideas, even though the direct role played by the Arsenal remained rather limited.
FR:
L’Arsenal Jiangnan (1865-1912), financé par les fonds publics et spécialisé dans la production d’équipements militaires à la fin de la dynastie des Qing (1664-1911), a été créé en réponse à la douloureuse défaite de la Chine dans les deux guerres de l’opium (1839-1842 et 1856-1860). Le service de traduction de l’Arsenal, fondé en 1868 et doté à certains moments de cinquante intellectuels chinois et de neuf occidentaux, avait pour mission de traduire en chinois des livres occidentaux et des traités de science et de technologie. Il s’agissait de la première entité officielle chargée de remplir cette tâche. En principe, la fonction des ouvrages traduits était d’aider les techniciens de l’arsenal dans leur production d’armes. Cependant, ces ouvrages ont également été commercialisés auprès du public. Le service de traduction de l’Arsenal était à bien des égards le reflet des transformations idéologiques et sociales vécues par la Chine, les scribes chinois et les traducteurs oraux occidentaux à la fin du 19e siècle. L’étude de cette institution vouée à la traduction est donc pertinente en traductologie, et ce, à trois égards. Premièrement, les quatre décennies d’existence de l’Arsenal et son accent sur sa fonction spécifique montrent l’importance de la traduction pour la Chine impériale dans sa poursuite de la modernisation. Deuxièmement, les nombreuses et volumineuses traductions publiées par l’Arsenal révèlent les efforts de collaboration, caractéristiques de la deuxième moitié du 19e siècle, entre les missionnaires occidentaux et les lettrés chinois. Troisièmement, le rôle mixte de l’Arsenal, englobant à la fois traduction et publication, a favorisé l’émergence de revues publiant des articles traduits relatifs à la science, la technologie, les sciences sociales et la littérature de l’Ouest au tournant du 20e siècle. Même si le rôle direct joué par l’Arsenal est resté plutôt limité, il n’en reste pas moins que le programme de modernisation de la Chine a bénéficié de façon considérable de la diffusion accrue des idées occidentales.
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Création néologique en Asie du Sud-Est au contact de l’Occident aux XIXe et XXe siècles
Guillaume Jeanmaire
pp. 53–69
AbstractFR:
Cet article se propose, à travers une étude diachronique réalisée à partir de dictionnaires et d’une base importante de textes anciens japonais et coréens, de montrer comment les concepts issus de la civilisation occidentale et importés ont été nommés en Asie du Sud-Est. Cette étude s’inscrit dans le cadre d’un projet de recherche portant sur la néologie en Corée, au Japon et en Chine. La terminologie au centre de notre étude est indissociable du contexte sociopolitique. La néologie se fait d’abord à l’initiative de missionnaires au XVIIe siècle, puis au XIXe siècle, conduisant à la création de termes religieux, mais aussi scientifiques. Cependant, par un souci de modernisation, c’est le Japon qui contribue le plus à la néologie scientifique, d’abord au contact des Hollandais, et plus encore au moment de l’Ouverture à l’Occident à la fin du XIXe siècle. Par-delà le Japon, les autres pays suivent une évolution parallèle dans la création de néologismes en recourant à des procédés similaires de création lexicale, certes en moindre proportion. Néanmoins, les Chinois, les Coréens et les Vietnamiens empruntent massivement les néologismes créés par les Japonais, par la (re)traduction vers leurs langues respectives d’ouvrages occidentaux traduits en japonais. L’abandon des mots chinois pour les néologismes japonais non seulement par les Coréens, mais aussi par les Chinois eux-mêmes, ainsi que la prédilection des Japonais pour les emprunts phonétiques s’explique par la défaite de la Chine dans la guerre sino-japonaise (1895), mais aussi par le caractère novateur et attrayant des néologismes japonais. Enfin, c’est par souci d’identité linguistique que les Chinois, et surtout les Vietnamiens, créeront leurs propres néologismes après 1919.
EN:
This paper aims to show, through a diachronical study, how concepts imported from Western civilization were named in South-East Asia, through the help of dictionaries and a huge database of ancient Japanese and Korean texts. This study is part of a research project specializing on Korean, Japanese and Chinese neology. The terminology used in this study is indissociable from the sociopolitical context. Neology, first introduced by the missionaries in the 17th century and continued in the 19th century, led to the creation of religious as well as scientific terms. However, for the sake of modernization, it is Japan who contributed the most to scientific neology, first through its contact with the Dutch, and more thoroughly at the period of “the Opening” to the West at the end of the 19th Century. In addition to Japan, other countries followed a parallel evolution in the creation of neologisms using the same processes of lexical creation, but to lesser extents, especially for religious terms and words related to everyday life. However, for scientific terms, the Chinese, Koreans and Vietnamese borrowed heavily from the Japanese, via translation or retranslation of Western works translated into Japanese.The abandonment of Chinese words in favor of Japanese neologisms not only by the Koreans but also by the Chinese themselves, and the preference of the Japanese for phonetic loans can be attributed to the defeat of China in the Sino-Japanese War (1895) as well as by the innovative and attractive nature of Japanese neologisms. Ultimately, for the sake of linguistic identity, the Chinese, and especially the Vietnamese after 1919, conceived their own neologisms.
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“Mysteries divulged”: Philemon Holland’s Paratexts and the Translation of Pliny’s Natural History in Early Modern England
Marie-Alice Belle
pp. 70–86
AbstractEN:
This paper seeks to situate Philemon Holland’s 1601 translation of Pliny’s Natural History in the context of the development of early modern English science. While Holland’s Pliny has traditionally been studied in terms of the early modern reception of the Classics, the establishment of an English rhetoric of translation and the development of English prose, this paper focuses on the discursive and paratextual strategies at work in Holland’s rendering of the botanical and medical books of Pliny’s Natural History. Drawing on and broadening Genette’s definition of paratexts as liminary spaces of authorial—or translatorial—control and self-fashioning, the paper explores the complexities of Holland’s self-defined translation project as the “divulging” of Pliny’s medical and botanical knowledge to a broadened readership. Whereas the prefaces to both volumes of the Natural History rely on the rhetoric of utilitas, or usefulness, to span the spectrum of potential readers, from schoolchildren and “inferior readers” to Humanist scholars and physicians, a closer analysis of the marginal annotations in books XIX to XXVII of the Natural History shows Holland integrating the Continental tradition of learned commentary denouncing the factual, interpretive, and methodological errors in Pliny’s treatise. It is argued that the resulting tension between text and paratext, and between Holland’s prefaces and other kinds of liminary material, ultimately reflects changing attitudes towards ancient science, and the very nature of scientific knowledge in early modern England.
FR:
Le présent article vise à replacer la traduction de l’Histoire Naturelle de Pline l’Ancien par Philemon Holland (1601) dans le contexte de l’histoire des sciences en Angleterre. Alors que la critique a traditionnellement abordé la traduction de Holland sous l’angle de la réception des grands classiques antiques, du développement d’une rhétorique de la traduction en Angleterre, ou encore de la « défense et illustration » de la prose vernaculaire anglaise, on se penche ici sur les stratégies discursives et paratextuelles déployées par Holland dans sa traduction des livres de l’Histoire Naturelle traitant de botanique et de médecine. En reprenant et élargissant la définition des paratextes offerte par Genette comme des espaces liminaires où l’auteur – ou en l’occurrence le traducteur – cherche à se mettre en scène et à contrôler les modalités de lecture de l’oeuvre, on explore ici les différents aspects du projet de traduction de Holland visant à « divulguer les mystères » de la botanique médicinale de Pline à un lectorat élargi. Alors que les préfaces aux deux volumes de la traduction rassemblent sous un même discours de l’utilitas le lectorat hétéroclite ostensiblement visé par Holland (écoliers, lecteurs profanes, mais aussi érudits et médecins), une lecture plus fine des notes marginales dans les livres XIX à XXVII de la traduction montre aussi le souci du traducteur d’intégrer la tradition européenne de commentaire érudit dénonçant les erreurs factuelles, herméneutiques et méthodologiques entachant le projet encyclopédique de Pline. On suggère ici que la tension ainsi créée entre texte et paratexte, et entre les préfaces et les autres formes d’inscription paratextuelle à l’oeuvre dans la traduction de Holland, reflète les mutations profondes que connaissent les milieux humanistes et scientifiques anglais dans leur rapport à la science antique et leur conception même de la nature du savoir scientifique à l’aube du XVIIe siècle.
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Le traitement de la modalité épistémique dans les traductions françaises de On the Origin of Species de Charles Darwin
Eve-Marie Gendron-Pontbriand
pp. 87–112
AbstractFR:
Éminent naturaliste du XIXe siècle, Charles Darwin publie en 1859 ce qui s’avérera être un des textes les plus fondamentaux des sciences de la vie : On the origin of species by means of natural selection, or the preservation of favoured races in the struggle for life (ou OS). Cet ouvrage pose les assises conceptuelles de sa théorie de l’évolution (TE). Or, malgré la grande portée de l’oeuvre, ses traductions en français restent largement inexplorées, en traductologie comme en histoire des sciences. Les quelques travaux antérieurs sur le sujet se sont concentrés sur les traductions de Clémence Royer, à qui l’on reproche d’avoir radicalisé la TE darwinienne en transformant la prudence de Darwin en certitude. Présentement, c’est pourtant la traduction d’Edmond Barbier (1876), et non celles de Royer, qui fait autorité ; trois autres traducteurs, deux contemporains de Darwin et un moderne, se sont également attaqués à l’OS. Nous nous proposons donc de comparer ces différentes traductions, avec leur texte original, mais également entre elles, sur la base de marqueurs de modalité épistémique précis qui atténuent le degré de certitude d’un énoncé et qui sont très caractéristiques du style particulièrement précautionneux de Darwin. Nous voulons ainsi déterminer comment ces autres traducteurs ont rendu la modalité du texte anglais et montrons que la version la plus moderne est la plus proche de l’original. Enfin, de manière inattendue, la traduction de Royer, depuis longtemps décriée par la critique, se rapproche plus des traductions de Moulinié et de Barbier qu’on ne l’anticipait.
EN:
In 1859, prominent British naturalist Charles Darwin publishes On the origin of species by means of natural selection, or the preservation of favoured races in the struggle for life (or OS). In this book, Darwin introduces his theory of evolution (TE), which has been shrouded in controversy since its inception. Yet, despite the book’s profound impact on the world at large, its French translations have rarely been studied. The few existing studies have focussed on translations by Clémence Royer, a controversial translator infamous for having coopted Darwin’s writings to serve a more radical agenda. But the fact remains that the canonical French translation of the OS is the one by Edmond Barbier, not Royer; three translators, two contemporary to Darwin and one modern, have also translated the book. Therefore, we aim to compare and contrast these various French translations with their original text and amongst each other on the basis of hedges, epistemic modality markers that attenuate the degree of certainty associated with a statement. We wish to determine how each translator has expressed epistemic modality in his/her text and show that the modern translation is closest to the original. Unexpectedly, Royer’s translation, long decried by critics, is closer to Moulinié’s and Barbier’s translations than previously anticipated.
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Un traducteur médical au XIXe siècle : Gustave Borginon et l’antisepsie
Delphine Olivier-Bonfils
pp. 113–130
AbstractFR:
Certains auteurs ont affirmé que le traducteur du XIXe siècle portait entièrement le projet de traduction, du choix de l’auteur et de son texte à celui de l’éditeur. Dans certains cas, son intervention a donné lieu à des protestations de la part des auteurs eux-mêmes, Darwin, reniant les traductions de sa théorie sur l’évolution par Clémence Royer par exemple. On peut faire cependant l’hypothèse que, dans un domaine pratique comme celui de la chirurgie où l’on transmet plutôt des techniques à appliquer que des théories bouleversant la vision du monde, le texte traduit se présente essentiellement comme un transfert de données factuelles du texte source dans la langue cible. L’analyse détaillée de la traduction (1882) par Gustave Borginon des écrits de Joseph Lister exposant le principe de l’antisepsie met en évidence une attitude plus nuancée, soit une fidélité que l’on pourrait qualifier de « fonctionnelle », parce qu’elle préserve tous les détails pratiques de la méthode antiseptique. Cependant, les références à la filiation existant entre le principe antiseptique et la théorie des germes de Pasteur sont fortement atténuées. De la même manière, les certitudes affichées par Lister sont clairement modérées. Un certain nombre d’indices incitent cependant à penser que l’auteur n’était pas étranger à des modifications qui semblent destinées à favoriser l’acceptation, par des chirurgiens français encore réticents, d’une pratique innovante et salvatrice.
EN:
According to many authors, 19th century translators were responsible for the entire translation project, from choosing the author and source text to finding a publisher. In some cases, authors accused translators of highjacking their work, as when Darwin refused the translation of his theory of evolution by Clémence Royer. An hypothesis could be that, in a practical field such as surgery, where texts circulate techniques rather than revolutionary theories, the translated text consists essentially in the transfer of factual data from the source to the target text. A detailed analysis of Lister’s writings about the antiseptic principle, translated by Brussel-born Gustave Borginon (1882), is more nuanced and reveals a “functional” fidelity that preserves the entire methodology of the antiseptic method. However, references to the intellectual filiation between the antiseptic principle and germ theory are strongly attenuated. Also, Lister’s convictions are noticeably downplayed in the translated text. Nevertheless, a number of clues suggest that Lister knew about these modifications, which would foster the acceptance by reluctant French surgeons of an innovative and efficient method.
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La traduction des connaissances scientifiques en arabe : état des lieux, défis et perspectives
Akram Odeh
pp. 131–143
AbstractFR:
Comme ce fut le cas dans le passé, la traduction est, pour le monde arabe, la voie royale pour accéder aux connaissances modernes. Aussi l’état de la traduction de et vers l’arabe est-il d’actualité depuis deux décennies. Cette contribution confronte diachroniquement les différents états des lieux de ce transfert. Elle cherche à mettre au jour les obstacles qui entravent son épanouissement tout en plaçant sa problématique dans un contexte socioéconomique et politique. L’héritage culturel arabe de jadis étant inadéquat pour le XXIe siècle, cette étude souligne l’importance /de s’inspirer des expériences réussies des autres nations modernes pour traduire les savoirs actuels.
EN:
As was the case in the past, translation is for the Arab World the high road to modern knowledge. Thus, the status of translation from and into Arabic has been a topic of discussion for two decades. This paper compares diachronically the different status of this transfer. It seeks to bring to light barriers to its development while putting its problems in a socioeconomic context inherent to the Arab world. Arabic cultural heritage of the past is inadequate for the 21st century. This study highlights the importance to learn from successful experiences of other modern nations to reflect current science.
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Quand les médias traduisent la crise : les métaphores utilisées par la presse généraliste pendant la crise des subprimes
Pier-Pascale Boulanger
pp. 144–162
AbstractFR:
Dans la couverture médiatique de la crise des prêts hypothécaires à risque (dits subprimes) qui a éclaté en août 2007, la traduction s’est trouvée mobilisée du fait que les déclencheurs de cette crise étaient d’origine américaine et ont dû être expliqués par les journalistes canadiens aux lectorats anglophones et francophones. Pour présenter avec une économie de moyens des concepts compliqués et souligner la gravité de la situation, les journalistes ont recouru aux métaphores de l’accident, du cataclysme, de la catastrophe et de l’épidémie. Après analyse des métaphores conceptuelles trouvées dans La Presse, Le Devoir, The Toronto Star et The Globe and Mail, l’article démontre que, loin d’être banales, elles confortent une idéologie néolibérale de l’économie.
EN:
In the media coverage of the subprime crisis of August 2007, it is through translation that journalists worked to explain its causes, which were of American origin, to the Canadian French and English readerships. In order to efficiently convey complicated concepts and the gravity of the situation, journalists resorted to metaphors of the accident, the cataclysm, the catastrophe and the epidemy. The article analyzes the conceptual metaphors found in La Presse, Le Devoir, The Toronto Star and The Globe and Mail and argues that far from being harmless commonplaces they propagate a neoliberal ideology of economics.
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Translation and Popularization: Medical Research in the Communicative Continuum
Mariana Raffo
pp. 163–175
AbstractEN:
Far from being restricted to exchanges between experts, specialised knowledge is mediated to audiences with different levels of specialization, from scientific reviews to newspaper articles. This diversity constitutes an often-overlooked challenge for translators. As a matter of fact, while documentation and terminology are always crucial, translation decisions are based on communicative parameters as well as cognitive and linguistic criteria. Although it is self-evident that linguistic choices are determined by the proficiency level of the readership, few authors have attempted to specify what those choices are and how the correlation operates, most notably in popularization discourse, and none of them has considered potential differences between languages and cultural settings. The focus of the paper is a bilingual (French and Spanish) corpus study carried out on newspaper articles dealing with stem cell research and cloning published in four different geographic regions (France, Quebec, Spain, Argentina). An original methodology was implemented for data collection and analysis. The number and nature of expressions used to convey each concept were then analyzed. Discursive strategies widely assumed to be a hallmark of popularization, like definitions and explanations, were also taken into account. Indices of metaphorical conceptualization and the underlying modes of conceptualization were identified. This study provides concrete data to a debate that remains largely theoretical, and supports the conception of specialized communication as a continuum. The results go against well-established ideas about popularized texts, specially regarding the trademark status of “didactic features.” It seems imperative to acknowledge the heterogeneity of popularization and to consider the role of textual genre constraints in the way specialized knowledge is introduced. Furthermore, the data obtained seems to substantiate the recent questioning of the canonical view of popularization as a mere translation.
FR:
Loin d’être cantonné parmi les experts, le savoir est diffusé pour différents publics à différents niveaux de spécialisation, des articles de synthèse aux textes journalistiques. Une telle diversité constitue pour les traducteurs un défi rarement mentionné. En effet, bien que la documentation et les recherches terminologiques s’avèrent cruciales, les décisions de traduction se fondent autant sur des critères communicatifs que cognitifs et linguistiques. Or, s’il est évident que les choix sont déterminés par les connaissances des lecteurs, peu de chercheurs précisent quels sont ces choix et comment opère cette corrélation, notamment en ce qui concerne la vulgarisation. De plus, les études linguistiques ne se sont pas penchées sur les différences entre les langues et les cultures. Cet article présente une étude bilingue (français et espagnol) d’un corpus d’articles journalistiques à propos de la recherche sur les cellules souches et sur le clonage publiés dans quatre régions (France, Québec, Espagne, Argentine). Une méthodologie originale a été mise sur pied pour la collecte et l’analyse des données. Le nombre et la nature des expressions employées pour faire référence à chaque notion spécialisée ont été pris en compte, ainsi que certains mécanismes discursifs considérés typiques du discours de vulgarisation, comme les définitions et les explications. Enfin, les indices de conceptualisation et les modes de conceptualisation métaphorique ont été identifiés. Cette étude fournit des données empiriques qui viennent enrichir un débat qui demeure largement théorique, et étaye la conception de la communication spécialisée en tant que continuum. Les résultats contredisent certaines idées ancrées à propos des textes de vulgarisation, particulièrement quant à l’importance des « procédés pédagogiques ». Il semble essentiel de mettre en évidence l’hétérogénéité du discours de vulgarisation et de tenir compte des contraintes posées par le genre textuel dans la façon d’exprimer les connaissances spécialisées. Enfin, les données obtenues sont compatibles avec la récente remise en question de la vision canonique de la vulgarisation comme traduction.
Documentation
Comptes rendus
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Angelelli, Claudia V. and Brian James Baer, eds. (2016): Researching Translation and Interpreting. London/New York: Routledge, 291 p.
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Pennycook, Alastair and Otsuji, Emi (2015): Metrolingualism. Language in the City. Routledge: London/New York, 205 pages
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Pasewalk, Silke, Neidlinger, Dieter et Loogus, Terje, dir. (2014) : Interkulturalität und (literarisches) Übersetzen. Tübingen : Stauffenburg, 334 p.
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Blakesley, Jacob S. D. (2014) : Modern Italian Poets. Translators of the Impossible. Toronto : University of Toronto Press, 392 p.
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Rovira-Esteva, Sara y Casas-Tost, Helena, eds. (2015): Guía de estilo para el uso de palabras de origen chino. Barcelona: Adeli, 135 p.